Intervention de M. Jean-Paul NGOUPANDE, président du PUN :
position actuelle et hommage au professeur Jean-Luc Mandaba

 

Ce jour 22 octobre 2000 a eu lieu une Assemblée Générale du Comité d'Arrondissement du IVe, de 15 h a 18 h 00. Devant le refus du pouvoir MLPC d'autoriser les meetings cette Assemblée Générale, tenue en un espace prive, a donné l'occasion aux six partis (ASD, CNP, FC, MDI/PS, PUN et UPR) de donner leur point de vue sur la situation présente du pays. Au moins 3000 personnes se sont entassées dans la vaste cour du Bar Restaurant "Le Mambo" au quartier Fouh, en plein centre de ce qui était il y a encore quelques mois un grand fief MLPC.


ASSEMBLEE GENERALE DU COMITE D'ARRONDISSEMENT

DU IVème DU 22/10/2000

INTERVENTION DE M. JEAN-PAUL NGOUPANDE,PRESIDENT DU PUN

Chers compatriotes, chers amis, militants et sympathisants des partis ASD, CNP, FC, MDI/PS, PUN et UPR,

Je vous invite tout d'abord à observer une minute de silence à la mémoire

du regretté Jean-Luc MANDABA, ancien Premier Ministre, décédé ce jour vers

2h du matin.

Le Professeur Jean-Luc MANDABA était un homme d'ouverture.

Son appartenance au parti au pouvoir, dont il fut l'un des principaux dirigeants,

ne l'empêchait pas d'entretenir des relations cordiales avec ses compatriotes de

l'Opposition.

L'intransigeance et le sectarisme qui caractérisent malheureusement beaucoup de ténors du MLPC et qui ont conduit à la politique d'exclusion aux conséquences désastreuses que nous connaissons, voilà ce que Jean-Luc combattait courageusement au sein de son parti. Je puis en témoigner.

 

Chers compatriotes, chers amis,

Je voudrais tôt d'abord remercier le Comité d'arrondissement du IVème de

son initiative. Cette assemblée générale est la bienvenue car elle nous donne l'occasion de préciser notre position sur la situation actuelle du pays. Elle est d'autant plus la bienvenue que le régime en place s'évertue à empêcher systématiquement l'organisation de meetings et manifestations pacifiques, en violation flagrante des articles 8 et 13 de la Constitution. Nous sommes en droit de nous demander quelle est cette démocratie d'où sont exclus le droit de réunions et de manifestations ainsi que l'accès égal aux médias d'Etat. Si la Cour constitutionnelle était réellement une juridiction indépendante, il y a longtemps qu'elle aurait mis bon ordre à tout cela. Mais nous savons tous ici qu'elle est aux ordres...

Comme vous le savez, depuis la mi-juin 2000, nos six partis ont entrepris

un travail de sensibilisation de nos militants et sympathisants, à Bangui

notamment. L'objectif était de les remobiliser et de nous réorganiser après le

long silence qui a suivi l'élection présidentielle de 1999.

Le véritable point de départ de cette remobilisation a été le grand

rassemblement organisé par le PUN le 16 juin 2000 à GOBONGO, et auquel les

cinq autres partis ont été invités. Cette assemblée générale a été suivie par des

réunions de prises de contact direct avec la population dans les IVème, Vème et

VIIIème arrondissements de Bangui.. Le point culminant de ce travail de

remobilisation devait être la Journée Nationale de Concertation (JNC) organisée

dans la salle de conférences du ministère des Affaires Etrangères le samedi O8

juillet 2000. C'est au cours de cette Journée que nos six partis ont analysé en

profondeur la situation du pays et tiré la conclusion que la démission du

Président PATASSE est la seule issue pour que la RCA sorte pacifiquement de

l'impasse dans laquelle le régime nous a entraînés.

Par la suite, il est apparu que ce mot d'ordre de démission correspondait

aux aspirations de l'immense majorité de la population. Il ne pouvait pas en être

autrement. La dégradation des conditions de vie des Centrafricains est telle que

le rejet du régime se ressent y compris jusque parmi ceux qui avaient voté pour la

reconduction du Président PATASSE il y a à peine un an. J'ai effectué un

déplacement dans la KEMO voici quatre semaines, dans ma circonscription

électorale de DEKOA, mais aussi à SIBUT où j'ai passé 24 heures sur le chemin

du retour à Bangui. Je puis vous assurer que la désillusion est au moins aussi

grande que dans la capitale. Il s'agit pourtant d'une région qui était

particulièrement favorable au pouvoir en place.

Les Centrafricains ne supportent plus de voir le pays s'enfoncer chaque

jour davantage. Nous sommes un pays sinistré : 29 mois d'arriérés de salaires

dont 16 mois pour le régime MLPC ; non paiement des pensions depuis janvier

1999 ; de 9 à 18 mois d'arriérés de bourses pour nos étudiants à l'intérieur et à

l'extérieur du pays ; des hôpitaux et des dispensaires devenus des mouroirs, des

cimetières qui ne désemplissent pas ; l'école dans un coma profond ; l'insécurité

généralisée, à Bangui et en province ; et, pire que tout, un pays profondément

divisé, où la haine tribale attisée par des politiciens irresponsables continue de

faire peser une grave menace sur la paix civile et la concorde nationale, d'autant

plus que la dissémination d'armes de tous calibres, que je ne cesse de dénoncer

depuis 1996, c'est-à-dire depuis l'époque où je dirigeais le GUN(Gouvernement

d'Union Nationale), cette dissémination, dis-je, n'a jamais cessé.

Ce tableau que je viens d'esquisser peut paraître exagéré aux yeux

de certains. L'immense majorité des Centrafricains sait, elle, que c'est, hélas, la

terrible réalité. Pour ceux qui auraient encore des doutes, je leur conseille de se

rendre tous les jours devant le Trésor pour écouter ce que disent les retraités, ou

encore d'aller suivre à la Bourse du travail les témoignages de ces travailleurs

qui n'en peuvent plus. Que les sceptiques acceptent de passer une journée

dans les hôpitaux de Bangui ou, mieux encore, au cimetière de NDRESS pour

assister à l'interminable défilé de cercueils qui trouvent de moins en moins de

place.

Chers compatriotes, chers amis,

C'est parce que les Centrafricains n'acceptent plus cette situation qu'ils affichent leur détermination à lutter pour leurs droits. Nous en avons une illustration éclatante avec la grande mobilisation des travailleurs du secteur public qui exigent le paiement immédiat de 12 mois sur les 29 que l'Etat leur doit. A vrai dire, nous les six partis, nous n'avions jamais douté de la capacité de lutte du peuple centrafricain. Que l'on me permette de rappeler ce que je disais à ce sujet dans mon intervention lors de la Journée Nationale de Concertation le O8 Juillet dernier : " Il est vrai que le pouvoir mise sur ce qui apparaît comme une passivité congénitale du peuple centrafricain. Or cette passivité congénitale n'existe pas et n'a jamais existé. Le peuple centrafricain a l'habitude des réveils brusques, comme les volcans que l'on croit endormis " (fin de citation).

Le front social s'est donc réveillé. Dès le départ, nos six formations ont apporté leur soutien sans réserve à la lutte des travailleurs, parce que leurs revendications sont légitimes. Nous continuons de le faire de manière multiforme, tout en prenant soin de respecter scrupuleusement l'autonomie du mouvement syndical. Les six centrales syndicales du pays sont unies autour de revendications précises. Il est bon que notre soutien n'interfère pas intempestivement dans l'organisation de leur lutte. Sinon, nous pourrions les exposer à l'éclatement de leur front uni.

Cela n'empêche pas que nous continuions de développer nos actions propres en tant que partis politiques, notamment l'explication et la popularisation du mot d'ordre de démission du Président PATASSE que nous avons lancé il y a bientôt quatre mois. Depuis le O8 juillet, et plus encore depuis notre mémorable conclave de NGOUNZA le 19 Août , nous nous sommes suffisamment exprimés sur la question. Les Centrafricains, mais aussi le monde extérieur, connaissent et approuvent les raisons pour lesquelles nous considérons que la démission du Président PATASSE s'impose. C'est la seule façon d'éviter que notre pays n'évolue inexorablement vers le chaos. Nous sommes persuadés qu'une transition consensuelle, pacifique et démocratique est la seule option susceptible d'éviter à notre pays la division et la guerre civile.

Nous ne sommes évidemment pas naïfs au point de penser que la seule

demande de démission suffit pour que le Président PATASSE accepte spontanément de partir. C'est une forte pression populaire qui peut le pousser à partir. Nous, nous voulons que cette pression demeure entièrement pacifique. Nous voulons une mobilisation unitaire du peuple centrafricain parce que notre préoccupation majeure est la réconciliation nationale. Attention donc à tout ce qui peut ressembler à des velléités régionalistes ou revanchardes. Le mouvement populaire qui se développe a tout intérêt à rassurer tous ceux, et ils sont nombreux, qui ont suivi le Président PATASSE mais qui sont aujourd'hui déçus. Il faut absolument les associer à la mobilisation pour le départ du Président PATASSE. Tout autre comportement politique radicalisera la division du pays, renforcera la position des " durs " du régime, et compromettra sérieusement toute perspective de transition pacifique.

C'est l'une des raisons, et pas des moindres, pour lesquelles nous militons plus que jamais pour l'unité d'action de toutes les forces démocratiques du pays.

Je vous remercie.

NB : Se reporter à la déclaration commune des mouvements de l'opposition : Pour une vraie politique d'ajustement et de réforme


Dernière minute :

Décès de l'ancien PM: le gouvernement décrète un deuil national de 8 jours

Le gouvernement centrafricain a décrété un deuil national de 8 jours à l'occasion du décès dimanche à Bangui de l'ancien Premier ministre, le professeur Jean-Luc Mandaba, a-t-on appris de source officielle
Pendant la durée de ce deuil, qui a débuté lundi, les drapeaux seront mis en berne sur toute l'étendue du territoire national, a précisé le ministre des Affaires sociales, porte-parole intérimaire du gouvernement, Mme Rachel Déa, à l'issue d'un conseil extraordinaire de cabinet.
Jean-Luc Mandaba avait été nommé Premier ministre le 24 octobre 1993, deux jours après l'investiture du président Ange-Félix Patassé.
Considéré comme un proche de président Patassé, il avait été ensuite contraint à démissionner de ses fonctions en avril 1995, à l'issue d'une motion de censure votée par l'assemblée nationale.
Il est décédé dimanche à l'hôpital communautaire de Bangui à l'âge de 57 ans.

(AFP, Bangui, 23 octobre - 19h22)


Actualité Centrafrique - Dossier 3