Meeting des forces vives au stade Bonga-Bonga à Bangui, le 19 décembre 2000 : Charges des forces publiques, "Le texte introductif"

Les personnalités politiques et syndicales, les députés, très tôt avaient pris place à la tribune. Les gradins étaient remplis. La foule affluaient. L'hymne national à peine entamé, les forces présidentielles surgirent, intimant l'ordre de quitter les lieux. N'ayant pas obtempéré, ces forces spéciales chargèrent avec des grenades lacrymogènes et des balles réelles tirées en l'air. Il s'en suivirent des mouvements violents de foules ce qui provoqua des blessures plus ou moins graves. Des députés molestés ont été arrêtés (Marguerith Balenguélé, Gbéti, Papéniah , Gamba, Langandji, Ngakouzou);
Au cours de l'opération menée par les forces présidentielles, le député NGoupandé fut blessé. M. Mbango président de Mesan-Boganda, a été touché à la main par une balle tirée par ces mêmes forces. Un gendarme a été grièvement blessé. De nombreuses autres personnes anonymes ont été blessées par balles réelles; mais il faudra du temps pour faire le bilan exact.
Deux cents personnes environ ont été arrêtées et conduites aux postes - (il n'existe pas de maison d'arrêt à Bangui : toute personne arrêtée peut se retrouver dans un commissariat ordinaire ou spécial, à la gendarmerie ou dans uns brigade spéciale)
Le commissaire Sabanglé veut étendre la liste des personnalités à mettre sous les verrous. Douze policiers, dès 6h ce jour 20 décembre 2000 se sont présentés pour arrêter l'ancien bâtonnier Maître Zarambaud à son domicile (mais sans succès)
L'ambassadeur de France arrivé aussitôt mardi 19 dans un commissariat de police pour s'en quérir de la situation d'un ressortissant français fut éconduit sans ménagement.

Nous livrons en EXCLUSIVITE ci-après le texte introductif du meeting qui aurait pu être lu aussitôt après l'hymne national :
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Nous sommes particulièrement heureux d'accueillir en ce lieu les représentants des centrales syndicales, des organisations de jeunesse, de femmes, ainsi que d'autres associations de la société civile. Nous nous félicitons tout particulièrement de la mobilisation exceptionnelle des militants et sympathisants de nos quinze partis, des syndicalistes , des jeunes et de milliers de centrafricaines et de centrafricains de toutes conditions sociales.

Que dire d'autre, si ce n'est que c'est la preuve supplémentaire, après la marche du 24 novembre et la journée CENTRAFRIQUE PAYS MORT du 11 décembre, que les centrafricains en ont assez de Monsieur PATASSE, et veulent le voir partir le plus vite possible ?

La vérité, chers compatriotes, c'est que ce meeting n'est pas seulement le meeting des 15 partis politiques qui en ont pris l'initiative. C'est en fait le meeting chargé de réaliser la jonction de tous les fronts de lutte, avec un objectif clair : LE DEPART IMMEDIAT DU PRESIDENT PATASSE.

Il n'est sans doute pas nécessaire de revenir en long et en large sur les raisons pour lesquelles les centrafricains exigent le départ immédiat du Président Patassé. Posons la question à n'importe quel citoyen, y compris le plus humble, y compris le plus jeune. Il répondra tout simplement : Patassé nous affame. Il pourra ajouter : avec Patassé, il n'y a plus d'hôpitaux, de dispensaires et de médicaments, c'est pourquoi les centrafricains meurent comme des mouches. Avec Patassé, il n'y a plus d'écoles, de lycées, de collèges, et même d'Université ; les jeunes centrafricains ne peuvent plus étudier parce que les instituteurs et les professeurs ne sont plus payés, qu'il n'y a plus de tables-bancs, de livres et autres matériels didactiques, et que seuls les parents et militants du parti de Patassé ont droit à la bourse et au succès aux examens.

Avec Patassé, il n'y a plus de sécurité ; en ville, les braqueurs, y compris les karakos et les codos déguisés en braqueurs, sévissent ; en province, les zaraguinas sèment la terreur.

Avec Patassé, les paysans sont appauvris : leur coton, leur café, leur tabac, ne leur rapportent plus grand chose. Avec Patassé, il n'y a plus de route, Bangui est une capitale qui fait honte aux centrafricains.

Avec Patassé, il n'y a plus de droit, il n'y a plus de justice; c'est le règne absolu de l'arbitraire. Les libertés démocratiques chèrement conquises sont quotidiennement piétinées par M. Patassé. L'opposition n'a pas le droit de tenir des meetings, d'organiser des marches pacifiques, de parler à la radio et à la télévision nationales. Les leaders politiques etsyndicaux sont menacés , traqués, et vivent dans une insécurité permanente. La Constitution est régulièrement violée. Avec M. Patassé, c'est le règne du tribalisme, du régionalisme et de l'exclusion.

Avec M. Patassé, l'économie nationale est gangrenée par l'affairisme mafieux, la corruption, la gabegie financière , bref une gestion patrimoniale et opaque. Avec M. Patassé enfin, la crédibilité internationale de notre pays est mise à mal, nous avons un Président qui est fréquemment l'objet de la risée internationale comme on vient de le voir avec l'affaire des 1O millions de dollars sortis de sa cagnotte personnelle ; avec lui, ce sont des relations conflictuelles sans fin avec nos voisins et nos principaux partenaires extérieurs.

IL DOIT DONC PARTIR, ET VITE ! ! !

Le mouvement populaire doit s'amplifier, à partir d'aujourd'hui, pour le contraindre à partir. La pression ne doit plus se relâcher à partir d'aujourd'hui. Les actions de masses doivent s'enchaîner et s'élargir pour le chasser. Il veut massacrer les centrafricains. Il s'y prépare activement. Il déploie sa garde prétorienne à tous les coins de rue. Il recrute et arme des miliciens, il recourt au service de mercenaires étrangères, surtout les CODOS tchadiens de feu Moise KETTE. Autrement dit, M. Patassé fait appel aux mercenaires étrangers pour tuer ses propres compatriotes.

Faisons-lui comprendre clairement, dès aujourd'hui, que nous n'avons pas peur de mourir pour notre pays. De toutes façons, il ne pourra pas tuer tous les 3,5 millions de centrafricains, ; un, dix, cent, peut-être mille, tomberont, mais d'autres se lèveront aussitôt.

L'armée nationale, la gendarmerie nationale, la police nationale, ont déjà montré qu'elles n'ont aucune envie de verser le sang des centrafricains pour sauver le fauteuil vacillant de M. Patassé. Elles ne se feront pas complices d'un génocide.

Les 15 partis politiques proposent la mise en place, à compter d'aujourd'hui, d'un Front Uni des Forces vives pour faire échec aux visées criminelles de M. Patassé et le contraindre à partir sans verser le sang des centrafricains. Ce Front Uni comprendra les partis politiques, les centrales syndicales, les mouvements de jeunesse. Il devra s'ouvrir aux représentants des associations de la société civile, des femmes, des boubanguérés, et tous autres groupements désireux de se joindre à la lutte. En son sein le Front Uni se mettra d'accord pour désigner un Bureau de cinq à sept membres par exemple, dont la mission prioritaire est de coordonner et diriger les actions de masse en vue d'obtenir le départ immédiat du Président Patassé. Ce Bureau mettra en place des commissions spécialisées chargées notamment de la mobilisation, de la communication, de l'intendance, de la sécurité, etc. Une de ces commissions devrait se charger tout particulièrement de réfléchir et de faire des propositions sur ce que devrait être la transition, que nous voulons consensuelle, pacifique et démocratique. Consensuelle, cela veut dire qu'elle devra associer toutes les forces vives de la Nation, toutes les composantes ethniques et régionales, ce qui veut dire qu'elle devrait s'ouvrir également à ceux de nos compatriotes qui ont suivi et soutenu M. Patassé depuis sept ans mais qui sont aujourd'hui déçus. Le MLPC, à condition qu'il se débarrasse de ses éléments extrémistes et tribalistes, a donc toute sa place dans le paysage politique de la Transition consensuelle.

Pacifique, cette Transition devra veiller tout particulièrement à éviter les dérapages suicidaires pouvant conduire à la guerre civile . Les principaux acteurs devront faire violence à leur égoïsme, à leurs petits calculs, à leurs intérêts partisans, , à leurs ambitions personnelles, pour privilégier le consensus, la tolérance, la concorde, bref, l'intérêt supérieur de la nation. Les forces armées centrafricaines , la gendarmerie et la police nationales, dont l'esprit républicain ne cesse de se confirmer, auront un rôle éminent à jouer pour garantir la sécurité des centrafricains et éviter les dérapages de nature à faire capoter l'esprit pacifique de la Transition.

Démocratique, la Transition devra tout faire pour sauvegarder les institutions, prendre les mesures pratiques justifiées par la nécessité d'adapter certaines clauses pour faire face à des problèmes concrets, sans toutefois remettre fondamentalement en cause les dites institutions.

Dans le monde tel qu'il est aujourd'hui, il n'est pas dans l'intérêt de notre pays de rompre avec certains principes au risque d'entraîner notre isolement sur la scène internationale. Nous devons demeurer un pays démocratique, un pays où la règle permanente est celle du droit.

Il appartiendra à la commission spéciale susmentionnée d'approfondir et finaliser ces propositions, qui seront débattues par toutes les forces vives, afin qu'elles deviennent la Charte de la Transition.

Soyons unis, soyons déterminés. En fin de compte, la victoire appartiendra au peuple centrafricain. C'est lui qui aura le dernier mot.
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Actualité Centrafrique - Dossier 3 [Sangonet, mardi 20 dec 2000]