Ange-Félix Patassé cherche 10 millions de dollars pour éviter la révolution

 

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<< IL LUI RESTE jusquŽà samedi. Si, dŽici à la fin de la semaine, le président centrafricain Ange-Félix Patassé ne débourse pas la " contribution personnelle " de 10 millions de dollars quŽil a promise aux 17 000 fonctionnaires de son pays, en grève parce quŽils cumulent jusquŽà vingt-neuf mois dŽarriérés de salaires, la crise sociale dans lŽex-empire pourrait emporter celui qui, avant dŽêtre " démocratiquement élu ", fut longtemps premier ministre de feu Bokassa Ier , notamment en 1977, lŽan du sacre de lŽempereur. Soit le chef de lŽEtat a fait une promesse inconsidérée. Soit lŽhomme qui, avant son élection en 1993, logeait à Paris dans un deux-pièces du 11e arrondissement, prêté par des amis, a constitué en sept ans au pouvoir une cassette personnelle lui permettant de régler les dettes de lŽEtat envers la fonction publique.

La menace pour le président est réelle, dŽautant que sa réélection en septembre dernier est contestée par lŽopposition. Après une " grève dŽavertissement " en octobre, qui lŽavait dŽailleurs poussé à promettre cette forte somme, les fonctionnaires centrafricains ont à nouveau paralysé le pays du 2 au 13 novembre et, bien que leur grève ait été officiellement " suspendue " ce lundi, rien ne fonctionne à Bangui, pas même la justice ou les hôpitaux. En effet, fustigeant " lŽincapacité, le mensonge, le sadisme et le silence coupable du gouvernement ", les syndicats ont annoncé que, faute du versement de douze mois de salaires, ils déclencheraient samedi une opération " Centrafrique pays mort ". Ce qui défie lŽimagination dans un pays qui tourne déjà dŽordinaire au ralenti, qui ne trouve pas les fonds pour reconstruire son unique prison, dont le Parlement a récemment annulé une séance dŽinterpellation du gouvernement à cause dŽune " panne de climatisation " et dont la radio nationale nŽa pas pu diffuser lŽappel des autorités à la reprise du travail en raison de lŽ" obsolescence " de ses installations.

Depuis un an, les bourses nŽont pas été versées aux étudiants. Aussi, le 4 novembre, des étudiants centrafricains à Bamako ont-ils séquestré dans sa chambre dŽhôtel le conseiller juridique de leur président, en mission dans la capitale malienne. Chantage inopérant. Comment Ange-Félix Patassé pourrait-il " envoyer lŽargent ", alors que les enseignants au pays sont impayés depuis plus de deux ans, que lŽéducation nationale - dŽ" année blanche " en " année blanche " , cŽest-à-dire sans cours - est devenue une fiction, et que même les militaires enregistrent onze mois de retard de solde, à lŽexception notable de la garde présidentielle. Après trois mutineries de lŽarmée, en 1996 et en 1997, qui ont failli emporter le régime, cŽest donc la garde présidentielle qui, mardi, a dégagé les barricades dressées par le Flambeau centrafricain (FLAC), une organisation de " jeunesse en colère " jusque-là inconnue. Les gaz lacrymogènes nŽayant pas suffi, des tirs dŽarmes automatiques ont retenti...

Cependant, lŽespoir renaît à la présidence à Bangui. Aux dernières nouvelles, Ange-Félix Patassé trouverait lŽargent, non pas dans des comptes à lŽétranger, mais auprès dŽune société allemande qui, comme " bonus " pour une concession minière, mettrait 10 millions de dollars à sa disposition pour stopper la descente aux enfers de ses fonctionnaires >>

Le Monde daté du vendredi 17 novembre 2000
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Mis à jour le jeudi 16 novembre 2000)


Actualité Centrafrique - Dossier 3