L'aide humanitaire se met lentement en place à Bangui


(AFP, Bangui, 16 juin 2001 - 13h46)

L'aide humanitaire se met lentement en place à Bangui où sont rentrés en masse des dizaines de milliers d'habitants ayant fui les combats consécutifs au coup d'Etat manqué du 28 mai dernier en Centrafrique.

Plus de 88.000 personnes avaient quitté les quartiers sud de la capitale, pilonnés par l'armée qui tentait de débusquer les putschistes, et les quartiers est, riverains du fleuve Oubangui, livrés au pillage des rebelles congolais de Jean-Pierre Bemba venus prêter main forte aux forces loyalistes.

Environ 50.000 personnes, en majorité des femmes et des enfants, sont revenus depuis l'arrêt des combats le 6 juin, le plus souvent sans argent, a indiqué samedi à l'AFP le représentant en Centrafrique de l'ONG italienne Coopi, la plus active sur le terrain.

Selon Claudio Tarchi, "entre 20 et 25.000 personnes sont toujours réfugiées en brousse jusqu'à 60 km au sud-ouest de Bangui, et 12.OOO disséminées à l'est, le long de l'Oubangui, dont 3 à 4.000 à Zongo", une localité de la République démocratique du Congo (RDC) voisine.

Vendredi, Coopi a entamé des distributions de rations alimentaires aux enfants jusqu'à 10 ans et aux femmes enceintes ou allaitantes sur huit sites identifiés comme les plus vulnérables de la capitale, avec le soutien du Programme alimentaire mondial (PAM).

Quelque 7.500 enfants ont été servis et le seront chaque jour, sauf les dimanches, avec l'aide de l'église catholique.

A la paroisse Saint-Paul, la plus ancienne de Centrafrique, fondée en 1894 le long du fleuve au quartier Ouango (est), des religieuses préparent dans des marmites en fer une bouillie de soja mélangé à du lait, de l'huile et du sucre pour une centaine d'enfants.

Cette distribution tombe à point nommé, explique une mère de famille du quartier, volontaire de Coopi: "Pendant 15 jours, le curé donnait à manger chaque matin un peu aux enfants. Les autres se débrouillaient en mangeant les feuilles de manioc qui poussent dans les herbes. Mais maintenant, le congélateur du curé est vide. On vit de la providence".

Par crainte de représailles, de nombreux habitants, en particulier les jeunes hommes, hésitent encore à rentrer dans ce quartier, fief de l'ancien président André Kolingba, instigateur présumé du putsch avorté du 28 mai, souligne-t-elle.

Quelques centaines de mètres plus loin, au dispensaire de Ouango, une mission de Médecins sans frontières (MSF) Espagne apporte une "assistance temporaire" au personnel local.

"On a amené des médicaments car le centre a été pillé. Les cas de malnutrition, de diarrhées et de paludisme sont nombreux", témoigne une femme médecin espagnole qui participe aux consultations.

La situation est préoccupante à Bangui dont les marchés sont encore très peu approvisionnés. En cette saison des pluies, elle l'est encore plus pour ceux restés en brousse, qui dorment parfois sur le bitume ou dans les herbes, faute d'hébergement.

Là-bas, Coopi n'envisage pas d'assistance "avant la fin de la semaine prochaine".

Deux avions de l'Unicef chargés de matériel sanitaire, de bâches et de couvertures ont par ailleurs atterri cette semaine à Bangui.

L'ambassade de France et la représentation de l'Union européenne préparent des aides similaires, en liaison avec des ONG. A l'hôpital communautaire de Bangui, qui a soigné environ 80 blessés, "on sera bientôt en rupture de stocks de médicaments", s'inquiète le directeur, le colonel Michel Poukara.

Un autre phénomène alerte les personnels humanitaires : le mouvement de retour des déplacés a presque cessé vendredi.

"Il y a même des gens qui quittent à nouveau la ville en raison des règlements de comptes et exactions qui s'y déroulent ou de rumeurs prêtant aux putschistes l'intention de contre-attaquer", explique un volontaire.

 


Paris accorde trois millions de francs d'aide humanitaire
(AFP, PARIS, 15 Juin 2001 - 17h40)

La France a décidé d'accorder une aide humanitaire d'urgence de trois millions de francs (450.000 euros) pour aider 50.000 déplacés en République centrafricaine (RCA) à rentrer chez eux, a annoncé vendredi le ministère français des Affaires étrangères.

"Cette aide sera mise en oeuvre directement par notre ambassade (en RCA) en étroite coordination avec les autorités centrafricaines et les autres donateurs", a indiqué le porte-parole adjoint du ministère, Bernard Valéro

Cette aide humanitaire d'urgence fait suite aux déplacements de populations provoqués par les violences qui ont suivi la récente tentative de coup d'Etat en Centrafrique.

"Paris se réjouit du retour à la normale que l'on peut constater actuellement avec notamment la réouverture de l'aéroport", a indiqué le porte-parole.

La France "note toutefois avec inquiétude que des exactions se poursuivent et invite les autorités du pays à rétablir l'ordre, à s'engager dans un dialogue politique, particulièrement à l'Assemblée nationale en y associant la société civile", a ajouté M. Valéro.

La présence sur place de l'envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies, le général Amadou Toumani Touré "doit être l'occasion de rétablir les conditions d'une mise en oeuvre effective du pacte de réconciliation nationale de 1998", a-t-il estimé.

"Cette action est fermement soutenue par la France", a précisé M. Valéro.

Le porte-parole a ajouté que le Conseil de sécurité devrait pouvoir entendre prochainement l'envoyé spécial.

"La France ne manquera pas de manifester à cette occasion son appui aux propositions qui recommanderaient une action du Conseil, à travers notamment le renforcement du bureau des Nations Unies en RCA (BONUCA), la désignation d'un représentant spécial du Secrétaire général et la désignation par Kofi Annan d'une commission d'enquête internationale si le président (de RCA) Ange-Félix Patassé le demande", a précisé M. Valéro.

Paris interviendra également "auprès des institutions de Bretton Woodset Banque mondiale) afin qu'elles renforcement leur soutien dans le cadre des recommandations qui avaient été formulées lors de la mise en place du BONUCA".

Enfin, la France "entend mobiliser la commission et ses partenaires européens en vue de formuler une assistance adaptée à la situation. Dans ce contexte, la priorité devrait être accordée à l'aide à la reconstruction", a-t-il indiqué.


Des dizaines de milliers de déplacés, quelques milliers de réfugiés
(AFP, GENEVE, 15 juin 2001 - 13h51)

Des dizaines de milliers de Centrafricains ont fui leurs maisons à la suite du putch avorté du 28 mai à Bangui et des exactions qui l'ont suivi, quelques milliers ayant trouvé refuge dans les pays voisins, a-t-on appris vendredi à Genève auprès des agences de l'ONU.

Le nombre des déplacés intérieurs a été évalué à environ 80.000, selon des estimations concordantes de plusieurs agences humanitaires sur le terrain, mais il reste très difficile d'avancer des chiffres précis.

Selon le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF), qui devait acheminer ce vendredi 40 tonnes de secours vers Bangui, une partie de ces déplacés rentrent à Bangui, "mais beaucoup d'autres sont trop terrorisés pour le faire".

"En plein milieu de la saison des pluies, ces personnes ont besoin d'aide et sont difficiles à atteindre. En grande majorité, elles se cachent dans les forêts durant la journée et reviennent de nuit dans des camps de fortune, notamment à Bimo à 30 km de Bangui, et à Pissa, à 60 km", a déclaré la porte-parole de l'UNICEF, Wivina Belmonte.

"Ces gens n'ont pas d'eau potable, pas de tentes, pas de soins, ils vivent souvent à la périphérie des village, s'abritant avec des branches. Les femmes accouchent sans aucune aide", a-t-elle dit.

Selon des informations du HCR, après le coup d'état manqué, quelque 4.000 personnes ont traversé le fleuve Oubangi pour rejoindre la ville toute proche de Zongo dans la province de l'Equateur (République democratique du Congo), et ne sont pas revenues depuis lors à Bangui. D'autres Centraficains ont fui plus au sud vers Betou au Congo-Brazzaville. Leur nombre n'est pas connu.

Des exactions quotidiennes se poursuivent dans la capitale centrafricaine, semant la terreur au sein de l'ethnie Yakoma de l'ancien président André Kolingba, instigateur présumé du putsch avorté du 28 mai.


Actualité Centrafrique - Dossier 5