DEBATS SUR LE COLLECTIF BUDGETAIRE DE SEPTEMBRE 2001

Intervention de Monsieur Jean-Paul NGOUPANDE

Député de DEKOA, Président du Groupe PUN-FC-INDEP.

Bangui, le 21 septembre 2001

 

Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,

Monsieur le ministre d'Etat,

Chers collègues,

 

L'exercice traditionnel de réexamen des prévisions budgétaires en République Centrafricaine à mi-parcours, rappelle, ces dernières années, le mythe de Sisyphe. Beaucoup d'entre nous connaissent sans doute l'histoire de ce roi légendaire de Corinthe condamné à rouler un rocher sur la pente d'une montagne. A chaque fois, ce rocher retombe avant de parvenir au sommet, et il doit recommencer. L'an dernier, c'était la crise des carburants. Aujourd'hui, c'est le coup d'Etat manqué du 28 mai 2001.

Il ne serait évidemment pas juste de contester le bien-fondé de la demande adressée par le gouvernement à la représentation nationale d'accepter des corrections de la loi de finance 2001 rendues inévitables par les graves conséquences de ces événements. Naturellement, ces corrections concernent aussi bien les prévisions de recettes que la programmation des dépenses. Dans l'ensemble, ce sont des mesures de simple bon sens qui sont proposées. A deux ou trois détails près, elles ne posent pas de problème pour le groupe PUN-FC-Indépendants, qui les votera.

En réalité, ce n'est pas de ce coté qu'il y a débat. S'égosiller là dessus voudrait dire que l'on prend les effets pour la cause. Le débat, le vrai débat, ne peut que porter sur cet éternel recommencement que j'évoquais tout à l'heure en parlant du mythe de Sisyphe. Je suis désormais convaincu, et intimement, que nous, Centrafricains, devons avoir le courage de regarder froidement notre pays, ce bateau ivre qui peine depuis des décennies à trouver le bon cap. C'est à une autocritique collective qu'il nous faut nous livrer sans délai. Nous ne pouvons pas différer indéfiniment le débat sur notre responsabilité à tous dans les dérives de notre pays. Et la seule question qui importe aujourd'hui est celle de savoir si nous aimons vraiment notre pays, si nous voulons son bien, si nous sommes déterminés à le préparer comme il convient pour qu'il soit à même d'affronter les redoutables défis du siècle qui commence, autrement dit, les défis de la mondialisation. Plus simplement, la question qui se pose aujourd'hui à nous tous est de savoir quelle Centrafrique nous comptons léguer aux générations futures, c'est-à-dire à nos enfants, nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants.

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre d'Etat, chers collègues

A dire vrai, j'ai, ces jours-ci, un peu mal à ma Centrafrique. Je suis de ceux qui croient toujours que nous pouvons nous en sortir. Mais je dois avouer que quelquefois, je suis traversé par le doute, à nous voir si acharnés à nous diviser, à nous autodétruire, alors que la première condition du sursaut réside là. Qu'on ne compte pas sur moi pour distribuer les bons et les mauvais points. La situation est trop grave pour que nous nous amusions à ce jeu.

En ce qui concerne le coup d'Etat manqué du 28 mai, mon parti, les partis alliés du Groupe des Six et même avons fait connaître notre position, qui ne souffre d'aucune ambiguïté. Au-delà de la condamnation ferme, qui s'impose à tous les démocrates, au-delà de l'application normale et équitable de la loi par rapport à ceux qui ont porté atteinte à la constitution de la République, notre souci majeur est que de ce drame puissent naître les conditions d'un nouveau départ. Pour notre part, nous plaidons plus que jamais pour la paix, la sécurité, le rétablissement de l'autorité de l'Etat partout et en tous lieux, la réconciliation et l'entente entre Centrafricains, le dialogue entre toutes les forces vives du pays, la gestion transparente pour retrouver le chemin de la croissance et du développement.

Au risque de lasser, je voudrais répéter encore et toujours que le sort de ce pays est entre les mains de ses filles et fils. Personne ne viendra le reconstruire à notre place. Les amis de l'extérieur ne peuvent que nous accompagner. Ils n'ont pas vocation à se substituer à nous pour les efforts et les sacrifices qui sont de notre ressort propre. Pour tout dire, je m'inquiète de l'espèce de lassitude qui gagne nos partenaires au développement. Il y a des signes qui ne trompent pas, pour quiconque veut bien décrypter les divers messages qui nous sont adressés, directement ou indirectement. Syndrome de Sisyphe, je vous dis !

Rien n'est irrémédiablement perdu pour les peuples qui ne veulent pas se laisser mourir. Il y a, je le crois encore, un énorme potentiel de renouveau et de remobilisation dans cette jeunesse centrafricaine qui constitue, ne l'oublions pas, plus de 70% de la population du pays. C'est à nous, les décideurs, les responsables, les leaders d'opinion, les adultes en un mot, de montrer la voie, une voie qui s'écarte de la haine tribale et de la mauvaise gestion. Nous nous sauverons ensemble ou nous nous autodétruirons.

L'Afrique et le monde attendent de la République Centrafricaine un sursaut. Regardons, chers compatriotes, l'admirable exemple d'amour de leur pays qu'offrent nos amis américains, après le drame qu'ils viennent de vivre le 11 septembre dernier. Je vous avoue, chers collègues, que j'ai été vivement impressionné par ces millions d'anonymes arborant la bannière étoilée et se précipitant pour assister les secouristes et les forces de l'ordre, se souder comme un seul homme pour relever le défi de la reconstruction.

Notre pays à nous, nous ne pouvons le reconstruire que dans un esprit de mobilisation solidaire, de dialogue, de tolérance et de justice. Comme je l'ai dit sur RFI le 3 juin dernier, au lendemain du coup d'Etat manqué du 28 mai, nous sommes condamnés à vivre ensemble sur cette terre de Centrafrique qui est notre bien commun le plus précieux. Nous nous sauverons ensemble et nous nous autodétruirons ensemble.

Quant à vous, Monsieur le Ministre d'Etat, je formule le vœu, au nom du groupe PUN-FC-Indépendants que vous mobilisez l'administration de votre département, notamment cette des régies financières, de la manière la plus ferme et la plus déterminée pour la lutte résolue contre les fraudes fiscales et douanières, les détournements en tous genres et la corruption de manière générale. Vous êtes mieux placé que quiconque, de là où vous vous trouvez, pour savoir qu'à court terme, le défi majeur de la croissance en Centrafrique est l'assainissement des finances publiques. Vous connaissez le chiffre qui parle le mieux : le taux de recouvrement des taxes par rapport au PIB, taux anormalement bas de 9%, taux qui est un record quasi mondial. Toutes les mesures et toutes les actions qui iront dans ce sens seront les bienvenues. Je n'ai jamais été partisan de la politique du pire. Pour avoir dirigé pendant une courte période le gouvernement de ce pays, je connais bien les difficultés de la tache. L'essentiel, c'est la ferme volonté d'aller de l'avant. Encore une fois, je dis que je ne suis pas adepte de la politique du tout ou rien. Ce qui compte, c'est la lisibilité de la volonté politique. Si elle existe, elle trouvera toujours en moi, en mon parti et au groupe parlementaire au nom duquel je m'exprime, une attitude positive.

C'est à vous de nous convaincre par les actes.

Je vous remercie.


Actualité Centrafrique - Dossier 7