L'économie centrafricaine reléguée à la 166ème place sur 174 pays, selon le Rapport du PNUD : M. Sorongopé-Zamandji lance appel et avertissement


Appel du ministre des Finances à la communauté internationale
Par Jules S. Guèye, envoyé spécial de la PANA (Bangui, Centrafrique - 14 novembre 2001)

"Si la maison Centrafrique brûle, c'est la maison Afrique centrale qui brûlera dans sa totalité", a averti le ministre d'Etat centrafricain des Finances et du budget, Eric Sorongopé-Zamandji.

"Ce ne serait pas dans l'intérêt de la communauté internationale qui viendrait en pompier injecter des milliards de francs pour éteindre le feu, c'est maintenant qu'il faut agir", a-t-il souligné mardi à Bangui, dans un entretien avec la Pana.

Sorongopé-Zamandji a appelé "les pays amis" de la RCA à l'aider à surmonter ses difficultés. "Il ne faut pas que la communauté internationale laisse ce pays mourir ou persister dans un marasme socio-politique", a-t-il ajouté.

Pour M. Eric Sorongopé, la raison fondamentale de la morosité sociale, à l'origine des troubles quasi permanents en RCA, est liée aux arriérés de salaires accumulés depuis l'ère André Kolingba et qui s'élèvent, selon lui, à 43 milliards de francs CFA.

Le règlement du problème des arriérés de salaires passe d'abord par des efforts internes, selon le ministre.

"La première chose est d'augmenter les recettes fiscales en redoublant d'efforts et en assainissant les finances publiques grâce à plus de rigueur dans la gestion", a indiqué M. Sorongopé.

Ces efforts ont, selon lui, commencé à porter leurs fruits, les prévisions de recettes du mois d'octobre ayant été largement dépassées.

"Si nous maintenons le cap, sur deux mois de salaires normaux, nous pouvons payer un mois d'arriérés de salaires", a-t-il estimé.

Comme solution alternative, il a indiqué que la RCA pourrait également contracter des dettes pour payer les arriérés de salaires, rappelant que "le Burkina Faso et le Mali ont été aidés fortement pour résorber leurs arriérés de salaires, ce qui leur a permis d'avoir les mains libres pour continuer à gérer l'Etat".

Les récents troubles consécutifs à l'affaire Bozizé ont eu pour principal effet sinon de compromettre, tout au moins, de retarder l'examen par le Conseil d'administration de la Banque Mondiale, d'un dossier portant sur le décaissement de 17 milliards de francs CFA, destinés à la lutte contre le SIDA et entre sept et dix milliards d'appui budgétaire, selon le ministre des Finances.

L'accord pourrait cependant être signé avant la fin de ce mois à Yaoundé (Cameroun), espère M. Sorongopé, qui ne cache pas son dépit. "C'est à croire que nous avons été maudits par les Dieux", souligne-t-il, assimilant la tâche des dirigeants centrafricains au travail de Sysiphe.

"C'est au moment où le programme intérimaire de six mois élaboré avec nos partenaires commençait à porter ses fruits qu'est survenu la dernière crise", fait remarquer le ministre des Finances, qui refuse cependant de céder au découragement.

"Le sol et le sous-sol centrafricains sont riches et nous disposons de forêts et d'autres ressources. Il n'y a donc pas de raison que le pays ne puisse se développer", relève-t-il.

Mais, voilà, depuis 1996, la RCA a dû faire face à deux mutineries et à cinq tentatives de coup d'Etat qui ont eu pour conséquence de détruire le tissu économique du pays, relégué à la 166ème place sur 174 pays, selon le Rapport du PNUD sur le développement humain avec plus de 600 milliards de francs de dettes et un taux de prévalence du SIDA de 14 pour cent.


Le premier ministre centrafricain, M. Ziguélé, réclame "six mois de paix pour l'économie"

AFP, Bangui, 15 nov 01 - 16h02 - Il faudrait "six mois de paix en RCA pour faire rebondir l'économie", a indiqué jeudi le Premier ministre centrafricain, Martin Ziguélé, en insistant sur les échéances auxquelles est confrontée la Centrafrique vis à vis des institutions financières internationales, lors d'un entretien à l'AFP.

"Nos partenaires nous disent: +restez tranquilles pendant six mois pour qu'on vous aide à vous en sortir+. Mais la condition, c'est la paix, parce que ces gens sont exaspérés" par l'instabilité chronique dans la capitale centrafricaine, a déclaré M. Ziguélé.

Selon le Premier ministre centrafricain, la paralysie de Bangui la semaine dernière, lors du bras de fer entre les autorités et le général François Bozizé qui résistait par les armes à son arrestation, "pourrait entraîner une baisse de 40% des recettes fiscales du pays en novembre, alors qu'octobre avait été excellent".

Le coup d'Etat avorté du 28 mai avait déjà contraint les autorités à adopter un collectif budgétaire révisant à la baisse de 31% le budget 2001 de l'Etat, a-t-il rappelé, soulignant que le 16 octobre, la RCA a signé un programme intérimaire de six mois avec le Fonds monétaire internationale.

"Si on peut finir le programme intérimaire fin mars 2002 (...) nous pourrons obtenir des concours du FMI et accéder en décembre 2002 à l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE)", a insisté M. Ziguélé. "Alors, nous pourrons attaquer de front le problème des arriérés de salaires", a-t-il promis.

Lorsque "l'affaire Bozizé" a éclaté à Bangui, le Premier ministre centrafricain revenait d'une tournée à Bruxelles et à Madrid pour "mobiliser les bonnes volontés" dans la perspective d'une réunion des bailleurs de fonds de la RCA, prévue entre le le 17 et le 21 décembre à Paris.

"Nous avions beaucoup travaillé, et lorsque je rentre au pays, c'est comme un asile de fous. Les gens n'attendent qu'une occasion pour se rentrer dedans", se désole M. Ziguélé, dont la résidence à Bangui a été prise pour cible par des assaillants armés.

Pour le Premier ministre, en place depuis le 1er avril dernier, c'est que "100% des problèmes centrafricains sont dûs à la situation financière du pays".

"Il y a une précarité telle que les gens croient facilement à toute aventure, explique-t-il. Les gens se disent que, si tel ou tel tente un coup et qu'il réussit, ça va aller mieux. Alors il y a des jeunes qui s'offrent en pâture au premier aventurier venu".

Même s'"il est humain pour les gens qui ont faim et n'arrivent pas à résoudre leurs problèmes de penser que le responsable est l'homme qui occupe le pouvoir, nous autres, les dirigeants, avons la responsabilité de garder la tête froide et de chercher un consensus fort pour obtenir la paix sociale", a-t-il estimé.

Car, a souligné le Premier ministre centrafricain, la RCA "n'a malheureusement pas d'autres ressources que ses recettes fiscales", ce qui rend ses finances publiques "dépendantes de la perception des investisseurs à l'égard du pays".

Selon M. Ziguélé, les espoirs ne manquent pourtant pas. Le programme de privatisations des dix principales sociétés publiques de RCA, notamment pétrolière et de télécommunication, "avance très bien" et devrait être bouclé "d'ici décembre 2002", a-t-il assuré. De nombreux chantiers de réhabilitation routière et de construction d'édifices, financés par l'Union européenne, le Japon ou la France, sont également prévus en 2002.

"Je prie pour qu'on arrive à se calmer, confie Martin Ziguélé; malheureusement, nous ne sommes pas des enfants sages".


Actualité Centrafrique - Dossier 7