Gâchis et débâcle en Centrafrique

Quel gâchis pour un pays immense (623 000 km2 pour 3 500 000 âmes), riche naturellement, qui passe son temps à régler des querelles, à se disputer, à festoyer jusqu'à ce que la bourrasque surprenne.
Le centrafricain crie famine. Il manque cruellement d'argent, de médicaments.
Les enfants pleurent, ils ne vont plus à l'école. Faire deux repas par jour est une prouesse, raconte un haut cadre. Malgré quelques souvenirs funestes nombre de personnes viennent à regretter des dictateurs... Quel paradoxe.

Dans son édition datée du 14 au 20 septembre 2001, L'Autre Afrique consacre un dossier spécial à deux personnalités africaines, Lansana Conté et Ange-Félix Patassé, dont on peut lire un extrait.


Controverse autour de la Commission d'enquête sur le putsch du 28 mai (AFP, Bangui, 17 nov 01 - 11h17)

La Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur le putsch avorté du 28 mai dernier à Bangui suscite des critiques croissantes dans la capitale centrafricaine, ses détracteurs lui reprochant d'avoir envenimé la situation en procédant à des "arrestations arbitraires".

"La Commission s'est lancée tête baissé dans l'exploitation de piles de fiches de dénonciations anonymes", a assuré à l'AFP un élu centrafricain ayant requis l'anonymat. "Il lui a fallu du temps pour comprendre que si elle devait y apporter systématiquement du crédit, c'est presque tout le pays qu'il faudrait arrêter".

La presse privée s'est d'abord faite l'écho de ces critiques, avant que l'opposition, presque muette depuis le 28 mai, ne réclame cette semaine la dissolution de la Commission mixte d'enquête judiciaire, qu'elle juge illégale.

"C'est bien elle qui a compliqué la gestion de l'après-coup d'Etat (...) et qui a exacerbé les tensions politiques et tribales actuelles", a-t-elle estimé vendredi dans une "mise au point" écrite.

Instaurée le 8 juin dernier par arrêté du ministre de la Justice pour une durée initiale de trois mois, et prorogée pour trois mois supplémentaires le 13 septembre, la Commission d'enquête a procédé à des dizaines d'arrestations depuis le putsch manqué attribué par Bangui à l'ancien président André Kolingba.

Son président, le procureur général Joseph Bindoumi, a remis le 9 octobre un premier rapport d'enquête préliminaire indiquant que 70 personnes toujours détenues seraient présentées à la justice et 628 autres jugées par contumace.

Selon l'opposition, la Commission n'est pas une juridiction mais une simple commission administrative dont le rôle devrait se borner à recueillir des éléments pour les remettre à la disposition de la justice.

La grogne, d'abord limitée à l'opposition, a gagné plus discrètement certains cercles du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC, au pouvoir), après les arrestations, la semaine dernière, de deux de ses députés, Jean-Serge Wafio et Barthélémy Boua, sans levée préalable de leur immunité parlementaire.

Premier vice-président de l'Assemblée nationale, M. Wafio est soupçonné par la Commission d'avoir distribué des armes aux partisans de l'ancien chef d'état-major des armées, le général François Bozizé, lorsque celui-ci a refusé par les armes d'obtempérer à un mandat d'amener.

"L'immunité, gadget politique ou véritable protection juridique des élus de la Nation?,", titrait récemment le quotidien privé Le Citoyen. "Au rythme où vont les choses, on se demande : +A qui le tour?+", s'alarmait un élu d'opposition.

En réponse, une cinquantaine de députés, toutes tendances confondues, se sont prononcés le 13 novembre pour une interpellation du gouvernement, afin de savoir si les deux élus ont été arrêtés en flagrant délit, seul cas permettant d'appréhender un parlementaire sans levée préalable de son immunité, selon la loi centrafricaine.

Vendredi, le Procureur de Bangui a tenté de calmer le jeu en indiquant que l'affaire Bozizé était entre les mains de la police judiciaire, sous la tutelle du parquet, et non de la Commission d'enquête.

Mais derrière les critiques dirigées contre la Commission et son président, réputé très écouté du chef de l'Etat Ange-Félix Patassé, c'est bien la gestion de la crise par le sommet de l'Etat qui est visée.

"En 1966, j'ai participé au coup d'Etat qui a installé Bokassa au pouvoir. Nous n'étions pas plus de dix officiers au courant", se souvient le général Timothée Malendoma, aujourd'hui député d'opposition. "Je pense que si on s'était concentré sur les 20 principaux responsables (du coup d'Etat) et qu'on avait offert au général Bozizé un poste d'ambassadeur, on aurait pu éviter ce gâchis".


Position du PUN et l'affaire BOZIZE

PARTI DE L'UNITE NATIONALE
Unité - Discipline - Progrès

COMMUNIQUE DE PRESSE

Le Comité Exécutif du Parti de l'Unité Nationale s'est réuni le samedi 10 novembre 2001 et a procédé à l'analyse approfondie de la crise politico-militaire que traverse le pays depuis la tentative d'arrestation du Général BOZIZE.

Le PUN constate une fois de plus que la fréquence des crises socio-politiques et militaire se justifie par le refus systématique du dialogue par le pouvoir et sa persistance dans la voie de la division, option qui ne peut que renforcer la déliquescence des institutions de la République et hypothéquer l'Etat de droit.

Il exprime sa vive préoccupation quant à la nécessité de la création des conditions d'un nouveau départ en vue de la réconciliation sincère. La nécessité d'un choix politique courageux pour l'instauration du dialogue entre toutes les forces vives de la nation et le consensus autour des vrais problèmes du pays sont les conditions sine qua non de la restauration de la confiance et de la stabilité durable.

Tout en saluant l'appui de la communauté internationale à la restauration de la paix et la sécurité dans notre pays, le PUN rappelle que la reconstruction de la RCA dépend d'abord de la volonté et des efforts de ses filles et fils.

Fait à Bangui, le 12 Novembre 2001

Pour le Comité Exécutif
la Secrétaire Générale

Léa KOYASSOUM-DOUMTA

 


DECLARATION DES PARTIS POLITIQUES D'OPPOSITION
Relative à l'affaire BOZIZE

La République Centrafricaine vient ces derniers jours, de vivre à nouveau des soubresauts de crise suscités par les déclarations et agissements contradictoires de la Présidence de la République relatifs au limogeage du Chef d'Etat Major Général des Armées, le Général Francois BOZIZE.

Après avoir tenté de justifier ce limogeage par une participation au coup d'Etat manqué du 28 mai 2001, elle annoncait, pour accabler BOZIZE, tantot la découverte de caches d'armes, tantot des préparatifs d'un nouveau coup d'Etat.

On sait aujourd'hui les conséquences dramatiques qui ont abouti au pilonnage à l'arme lourde des quartiers Nord de Bangui, principalement par les forces lybiennes, causant par là-meme des fuites éperdues de populations, des blessés et sans aucun doute, de nombreux morts.

Une fois de plus, la gestion chaotique de l'après coup d'Etat manqué du 28 mai 2001 a ms à nu l'incapacité du Président PATASSE à favoriser la réconciliation, la paix et l'unité nationale.

A l'origine de cette nouvelle crise se trouve encore, une fois, la fameuse Commission Mixte d'Enquete Judiciaire, dont l'existence et les méthodes d'action ont déjà, à plusieurs reprises, été dénoncées par les partis politiques d'Opposition.

Au lieu de servir à faire la lumière sur les événements du 28 mai 2001, cette commission, agissant comme une juridiction, ce qu'elle n'est pas, est devenue un facteur d'aggravation des tensions politiques et ethniques, donc de division.

Plus grave encore, cette nouvelle crise a fini d'achever l'éclatement de l'Armée Nationale, au profit de milices partisanes essentiellement composées de mercenaires " codos " et de forces armées lybiennes d'occupation.

A ce propos, il convient de préciser non seulement que la présence des forces lybiennes ne repose sur aucune base légale, mais encore qu'elles participent aux opérations de police et aux actions militaires aux conséquences des plus graves pour les populations.

Les partis politiques d'Opposition, signataires de la présente déclaration s'insurgent contre l'ingérence intolérable de la Lybie dans les affaires intérieures de la RCA et exigent, en conséquence, le retrait immédiat du territoire national, des troupes lybiennes d'occupation.

Il faut reconnaître que du fait des crises à répétition et du refus délibéré du Président PATASSE, d'appliquer les solutions consensuellement adoptées avec l'appui de la Communauté Internationale, la RCA se trouve aujourd'hui totalement isolée, tant sur le plan régional qu'international.

Notons enfin qu'un nouvel aspect de l'aggavation de cette crise est l'existence de milliers de centrafricains réfugiés à l'Etranger alors que, jusqu'ici, notre pays était réputé pays d'accueil.

Face à cette situation calamiteuse qui préoccupe à juste titre aussi bien les centrafrcains eux-memes, les pays voisins que la Communauté Internationale, il est urgent qu'un diqlogue national s'instaure entre toutes les forces vives de la Nation, sous l'égide de l'OUA et de l'ONU.

Mais en attendant la tenue de ce dialogue national, et pour faire baisser les tensions soio-politiques, les partis politiques d'Opposition signataires de la présente déclaration demande :

1 - la dissolution de la Commission Mixte d'Enquete Judiciaire ;

2 - l'amnistie en faveur du Général Francois BOZIZE et ses hommes pour les faits liés à la dernière crise ;

3 - le retour des réfugiés civils et militaires non impliqués dans le coup d'Etat du 28 mai 2001 et la libération des personnes arbitrairement arretées par la Commission Mixte d'Enquete Judiciaire ;

4 - la saisine des Instances Judiciaires régulières pour instruire le dossier du coup d'Etat manqué du 28 mai 2001.

5 - le départ immédiat des troupes lybiennes d'occupation.

Fait à Bangui, le 11 novembre 2001 (Déclaration des partis politiques après débat au siège de l'ADP)

ONT SIGNE :

ADP ASD CNP FC
FND FODEM FPP MDD
MDI-PS MESAN-BOGANDA MNR
UNDD UPR PUN


Ange-Félix Patassé reçoit un émissaire du président Biya (AFP, Bangui, 17 nov 2001 - 12h25)

Le ministre d'Etat camerounais chargé des Relations extérieures, François Xavier Goubéyou, a été reçu vendredi à Bangui par le président Ange-Félix Patassé auquel il a remis un message personnel du chef de l'Etat Paul Biya, a annoncé samedi la radio nationale centrafricaine.

"Le Cameroun et la République centrafricaine (RCA) (...) sont appelés à se concerter ne serait-ce que pour dynamiser les institutions et les organisations communes qu'ils ont ont contribué à créer", a indiqué à sa sortie d'audience le ministre camerounais.

Cette visite de l'émissaire camerounais, porteur d'un "message d'amitié, de fraternité et de solidarité", intervient alors que la RCA traverse une grave crise politique et sociale provoquée par la rébellion et la fuite au Tchad de l'ancien chef d'état-major des armées, le général François Bozizé.

Avant d'arriver à Bangui, le ministre camerounais s'est d'ailleurs rendu dans la capitale tchadienne N'Djamena.

Le président Patassé, qui a durci le ton mercredi en "cassant" le général Bozizé au rang de simple soldat et en lançant un avertissement aux partis d'opposition, avait déjà reçu le 9 novembre deux ministres dépêchés par le président gabonais Omar Bongo.

Le Tchad avait dès le début de l'épreuve de force du général Bozizé demandé à son ambassadeur en RCA, Maïtine Djoumbé, de soutenir la médiation engagée entre le pouvoir et le l'ex-chef d'état-major, sous l'égide du représentant onusien Lamine Cissé.

Le Cameroun est donc le troisième pays d'Afrique centrale à approcher le président Patassé dans cette crise. Une attitude différente de celle tenue par les voisins de la RCA pendant la tentative de putsch manqué du 28 mai dernier.

Le mutisme de ses pairs africains avait irrité le président Patassé qui les avaient ensuite condamnés en août à N'Djamena, lors de l'investiture du président Idriss Deby.


Actualité Centrafrique - Dossier 8