Impasse, "ras-le-bol" du banguissois et l'intransigeance du pouvoir

Les grèves, les mutineries, les rébellions, les tentatives de coups d'état à répétitions font désormais partie du paysage politique et social de la République Centrafricaine. Qui s'en soucie ? Qui recherche encore une solution de paix ? Ce qui semble sûr, la République tend vers un non-pays, un non-état où l'intérêt supérieur et le bien-être du citoyen comptent peu. D'erreur en erreur depuis vingt ans au moins, malgré quelques renouvellements de classes dirigeantes et d'hommes ressources, c'est l'enlisement total sous-tendu par une pratique de clientélisme, de clanisme et de l'intolérance.

Que veulent le centrafricain et la centrafricaine ? C'est à eux de choisir leur destin. Les erreurs d'appréciation sans cesse répétées ont conduit au gouffre et personne ne se sent responsable. Le bras de fer tente à résoudre la contradiction, voire, réduire le vis-à-vis.

La "bonne gouvernance de La Baule" a atteint ses limites. Une nouvelle forme de gestion des affaires de l'Etat est à trouver ou à inventer, sinon, la République Centrafricaine sera bloquée : sa croissance définitivement arrêtée et c'est le "nanisme". Il faudra la reléguer au rang des pays honnis ou la ranger dans le tiroir des reliques. En attendant, elle se trouve de fait gérée, assistée et sécurisée par les Nations Unies, ainsi que par les communautés africaines.


Le ras-le-bol des Banguissois: "On veut la paix et la bouffe!" (AFP, Bangui, 16 nov 2001 - 15h47)

"On en a marre! On veut la paix et la bouffe! Pourquoi c'est toujours notre pays la poubelle?": voué à une misère totale et à la peur, le petit peuple de Bangui s'exaspère de l'instabilité chronique dans la capitale centrafricaine.

Au sud de la ville, face au fleuve Oubangui, des murs blancs éventrés, couverts de grafitis, s'élèvent à ciel ouvert: vestiges d'une villa de l'ancien président centrafricain André Kolinbga, en fuite depuis le putsch manqué du 28 mai dernier.

Faute de travail, quelques jeunes s'activent dans la ruine depuis six mois. Ils récupèrent des briquettes et du sable, qu'ils creusent désormais à cinq ou six mètres sous le niveau du sol, pour les revendre, à même la route défoncée, pour quelques poignées de francs CFA.

Les meubles, les vitres et le toit ont disparu depuis longtemps, emportés par les militaires, les rebelles congolais venus prêter main forte au régime ou les habitants du quartier.

Contre une cigarette, un de ces récupérateurs, accepte de parler, insensible à la carte postale qui s'offre à ses yeux: le cours étincelant du fleuve sous le soleil et ses pirogues de pêcheurs.

"Au lieu de vouloir reprendre le pouvoir, Kolingba, avec tout son argent, il pouvait créer des entreprises et nous employer. Maintenant c'est bien fait, on casse sa maison", dit Jean-Paul, jadis employé à l'entretien de la piscine d'une garnison française. "Nous, tout ce qu'on veut, c'est 1.000 ou 2.000 francs CFA (10 ou 20 FF) par jour. Avec ça, on se débrouille pour manger du 1er au 31 du mois".

Les avenues de Bangui offrent partout le même spectacle: bâtiments et villas à l'abandon, mendiants à tous les coins de rue, impacts de balles et d'obus dont nul ne sait plus s'ils remontent aux trois mutineries de 1996-97, au coup d'Etat manqué du 28 mai ou au récent bras de fer armé entre les autorités et l'ancien chef d'état-major François Bozizé.

Depuis le putsch manqué, Flavien, un chauffeur de taxi marié à deux épouses et père de 4 enfants, a vu ses maigres revenus divisés par deux. Il n'arrive plus à honorer la recette quotidienne du propriétaire de son véhicule. "Le patron sait que c'est dur, c'est la conjoncture", se console-t-il.

Sous couvre-feu depuis bientôt six mois, la ville dort mal la nuit et tente d'oublier le jour. Dans les bars dancings ouverts l'après-midi, la bière coule à flots sur fond de musique zaïroise à plein régime. Des myriades de jeunes filles maquillées attendent un "bienfaiteur".

"Moi j'ai voté deux fois Patassé, mais c'est fini; celui qui donnera de l'argent, je le vote", jure, au comptoir, Francis, un "opérateur économique" dont le commerce de chaussures d'occasion ne rapporte plus. Objection du voisin de bar: "Patassé, il n'a eu que des problèmes. On ne sait pas ce qu'il vaut pour le juger".

Un groupe de militaires, attablés devant un amas de bouteilles, kalachnikov en bandoulière et grenades à la poitrine, commence à montrer des signes de nervosité. Le bar se vide...

Bangui, ce sont aussi des administrations régulièrement paralysées par le fracas des détonations, des fonctionnaires mal payés quand ils le sont, qui "se débrouillent" grâce à un lopin de terre.

L'un des grand hôtel, rendez-vous des hommes d'affaires, s'est presque vidé. La moitié du personnel est au chômage technique, sans solde. "Dans mon quartier, c'est sinistre, il y a plein de maisons vides des gens qui ont fui la ville. Personne n'est tranquille", confie une femme de chambre qui vient de reprendre son service après trois mois d'inactivité.

Dans la capitale centrafricaine, on prie beaucoup Dieu. Certains s'en prennent même à regretter feu l'Empereur Bokassa 1er.


L'opposition en RCA : "Nous ne sommes ni putschistes ni terroristes" (AFP, Bangui, 16 nov 2001 - 17h50)

L'opposition centrafricaine a réagi vendredi à Bangui aux attaques de la présidence de RCA, en indiquant dans une "mise au point" que ses chefs de partis "ne sont pas des putschistes et des terroristes".

La présidence centrafricaine avait vivement contesté mercredi une demande de 14 partis d'opposition réclamant le retrait immédiat des troupes libyennes "d'occupation" stationnées en Centrafrique et une amnistie pour l'ancien chef d'état-major des armées, le général François Bozizé, réfugié au Tchad depuis son récent bras de fer armé avec les autorités.

"La présidence de la République s'étonne des prises de position des partis politiques de l'opposition qui se sont rendus complices des putschistes, terroristes, en leur apportant un soutien inespéré à travers les exigences qu'ils formulent", avait déclaré à la radio nationale son porte-parole, Prosper N'Douba.

L'opposition a répondu vendredi "qu'il conviendrait de rendre justice aux leaders des partis politiques de l'opposition, car ils sont des patriotes (...) et non des putschistes et des terroristes".

"Les menaces, d'où qu'elle viennent, ne peuvent pas les décourager", ajoute ce texte signé du porte-parole des partis d'opposition Paul Bellet.

Selon l'opposition, "le président Ange-Félix Patassé continue éperdument sa fuite en avant et n'a pas l'air de réaliser que l'autorité qu'il incarne apparaît chaque jour de plus en plus ridicule à l'intérieur comme à l'extérieur du pays".

Rappelant qu'ils ont condamné "sans ambiguité" le coup d'Etat manqué du 28 mai, les opposants estiment que l'appartenance de la RCA à la Communauté des états sahélo-sahariens (COMESSA), en vertu d'un traité "à caractère purement économique", "ne saurait justifier la présence de troupes étrangères (NDLR: libyennes) sur notre sol". D'autant, ajoutent-ils que "l'Assemblée nationale n'a jamais été consultée".

L'opposition persiste par ailleurs à réclamer l'amnistie pour le général Bozizé, estimant que l'accusation de préparation d'un coup d'Etat le visant "n'est étayée par aucune preuve convaincante" et qu'une mesure de clémence "permettrait de réunir l'armée nationale déchirée et de réconcilier les populations du nord de Bangui divisées".


L'affaire Bozizé entre les mains de la police judiciaire (procureur) (BANGUI, 16 nov (AFP) - 20h25)

Le procureur de Bangui a déclaré vendredi soir que "l'affaire Bozizé", qui a fait au moins deux morts, est entre les mains du service de recherches et d'investigations (SRI), une unité de police judiciaire.

S'adressant à la presse, le procureur Dominique Said Paguindji a repris le fil des évènements à Bangui ayant conduit la semaine dernière à la fuite de l'ancien chef d'Etat-major des forces armées centrafricaines, le général François Bozizé, réfugié désormais au Tchad.

L'affaire, a-t-il dit, "n'est pas entre les mains de la Commission mixte d'enquête judiciaire", chargée de faire la lumière sur la tentative de coup d'Etat du 28 mai dernier, mais du SRI (service de recherches et d'investigation), une unité de police judiciaire.

Durant ces événements, le général Bozizé et ses partisans ont notamment commis "des crimes d'assassinat, de complicité d'assassinat (...) destruction de biens publics et privés" ainsi que "vol à main armée", a affirmé le procureur.

Une enquête judiciaire est actuellement en cours au niveau du parquet de Bangui et "elle se poursuivra jusqu'à la manifestation de la vérité", a conclu le procureur.

Le magistrat a par ailleurs indiqué qu'un caporal avait été tué "froidement" par Bozizé et ses hommes. Une femme a également été tuée dans le quartier de Boy-Rabé lors de ces évènements, avait indiqué à l'AFP une source gouvernementale.


Actualité Centrafrique - Dossier 8