A Bangui, sifflets et casseroles pour se protéger des braquages

AFP, Bangui, 15 mars 2002 - 9h14 - Sifflets, mais aussi assiettes, casseroles, couvercles, gobelets... les Banguissois ont adopté une stratégie consistant à faire le plus de bruit possible pour alerter le voisinage lors de braquages qui se sont multipliés dans la capitale centrafricaine.

Depuis près d'un an, Bangui est frappée par une vague d'agressions perpétrées par des groupes d'une dizaine d'individus, qui, pénétrant au domicile de leurs victimes à la recherche d'argent, de bijoux ou de tout autre bien de valeur, n'hésitent pas à tuer.

Une fois la nuit tombée, plus aucun Banguissois ne se sent en sécurité chez lui. Au point que même le chef de l'Office central de répression du banditisme (OCRB), le commissaire divisionnaire Louis Mazangué, que ses exécutions sommaires de braqueurs présumés ont rendu célèbre dans la capitale, avouait récemment: "Je porte une arme, mais j'ai peur!".

"Vous qui n'êtes pas armés, comment dormez-vous?", demandait-il même sur les ondes de la radio nationale.

"Aujourd'hui, avant de dormir, il faut placer des assiettes, des seaux, des couvercles, derrière les portes et les fenêtres, pour être alertés à la moindre tentative d'attaque des bandits", répond à cette question un habitant du quartier Ouango, où trois personnes ont été abattues par des braqueurs depuis 2001.

Face à la menace, les habitants, perpétuellement en train de se demander "à qui le tour?", se sont organisés en créant des comités "d'autodéfense", qui patrouillent pour donner l'alerte.

"J'ai constitué un comité d'autodéfense composé de jeunes du quartier, moyennant quelques engagements matériels et financiers", explique à l'AFP un habitant, récemment braqué, du quartier Sica II, pourtant situé à proximité de la résidence présidentielle. "Maintenant tout le quartier contribue, chacun à la mesure de ses possibilités".

"Dès que les membres du comité tombent sur des braqueurs, tout le quartier est alerté par des cris, des coups de sifflets, et un vacarme d'assiettes, de couvercles dans toutes les maisons; puis les malfrats sont encerclés et +neutralisés+", explique une habitante du quartier Bruxelles, dans le sud de Bangui.

"Les rondes qu'effectuent ces jeunes sont salutaires", confie-t-elle. "Ils ont déjà aidé l'OCRB à capturer six braqueurs. Nous leur venons en aide avec des paquets de sucre, du café, du thé, un peu d'argent", ajoute-t-elle.

Lampes torches, sifflets et ustensiles de cuisine, le matériel utilisé par les Banguissois pour se protéger est pourtant bien maigre face aux Kalachnikov des malfaiteurs qui sévissent dans la capitale centrafricaine.

De nombreuses armes de guerre, dérobées au cours des trois mutineries militaires de 1996-1997 et de la tentative de coup d'Etat du 28 mai 2001 sont en effet toujours en circulation à Bangui.

"Après les événements qui se sont produits chez nous, les armes sont partout. Même les civils ont des +kalach'+ et ils font ce qu'ils veulent la nuit", a reconnu le commissaire Mazangué.

Les agresseurs sont parfois des militaires ou des policiers. En mars, un militaire centrafricain a été arrêté à la suite d'un braquage. L'un des deux assassins présumés de l'ambassadeur de Libye en Centrafrique, Awad Abdallah El Senoussi, victime d'un braquage ayant mal tourné en août 2000, était à l'époque sergent-chef de l'armée centrafricaine.


Les nouvelles brèves de Centrafrique (suite 2)