L'histoire de la Centrafrique se lit dans les ruines de Bangui

BANGUI, 14 mai 2003 (AFP) - 10h17 - Un grand fauteuil rouillé aux ailes d'aigle traîne sous les gradins en béton de la salle omnisport abandonnée de Bangui: c'est sur ce trône, alors recouvert d'or et serti de diamants, que Jean-Bedel Bokassa avait été sacré empereur de Centrafrique en 1977.

Les ruines de Bangui racontent l'histoire des 25 dernières années de ce pays aujourd'hui exsangue, secoué par des crises à répétition marquées à chaque fois par de nouvelles destructions, généralement abandonnées en l'état, oeuvres des hommes en armes et de la population.

Immense carcasse décharnée, la salle omnisport, où s'était déroulé le sacre, est la première "ruine" qui attire l'oeil du visiteur à son arrivée à Bangui, car elle est située en bordure d'une avenue reliant l'aéroport au centre-ville.

Détruite lors du renversement de l'empereur en 1979, cette salle, remise en état, a fait ensuite l'objet de pillages réguliers jusqu'à devenir inutilisable il y a une dizaine d'années.

Souvent imposantes, les ruines datant de Bokassa sont les plus nombreuses. Peut-être, comme le disent les Centrafricains, parce qu'il est le chef d'Etat qui, en 14 années de pouvoir, a le plus construit dans la capitale centrafricaine.

Au bord du fleuve Oubangui, entre l'aéroport et le centre-ville, se dressent, dans ce qui fut un grand parc, les ruines de la villa Kolongo où il aimait dormir. Là aussi, l'aigle impérial orne le plafond du porche.

L'édifice a été détruit lors des mutineries qui se sont succédées entre 1996 et 1997 sous Ange-Félix Patassé, renversé le 15 mars dernier.

Les mutineries ont chacune laissé leur empreinte. En plein centre-ville, le restaurant Le Bacchus, l'un des meilleurs de Bangui, a gardé son enseigne mais dresse ses murs nus vers le ciel. A côté, un petit panneau: "interdit de jeter des ordures".

Les usines, souvent d'Etat, détruites et jamais reconstruites, sont particulièrement impressionnantes. Avec, à chaque fois, leur cortège d'emplois perdus pour une population extrêmement paupérisée.

Après le putsch manqué du 28 mai 2001, ce sont tous les biens appartenant de près ou de loin à son auteur, l'ancien président André Kolingba, et à ses partisans qui ont été détruits: immeubles, villas au bord du fleuve, siège de son parti, le Rassemblement démocratique centrafricain (RDC). Sur un mur blanc, seul le logo, deux mains sur fond vert qui se serrent en laissant échapper une colombe, permet encore de l'identifier.

Niché dans la verdure, le quartier résidentiel des 36 villas a été, comme d'autres, emporté, lui, par la tourmente, le 25 octobre 2002, de la première tentative de coup d'Etat manquée du général François Bozizé, nouveau président autoproclamé depuis le 15 mars. Les grilles, désormais béantes, aux portes et fenêtres de ces maisons de plein pied n'ont pas suffi à protéger des pillages ses habitants.

Le coup du 15 mars a battu des records: au-delà des maisons de dignitaires de l'ancien régime, de particuliers et de plusieurs ministères, les sièges d'organisations humanitaires ont fait l'objet de pillages. Ainsi, la clinique de jour de l'Association centrafricaine pour le bien-être familial (ACABEF), n'existe plus qu'à l'état de gravats.

Non loin de là se trouvent, en pleine nature, deux petites maisons proprettes, bien que portes et fenêtres aient disparu. On peut encore y lire "coordonnateur" et "coordonnateur adjoint". C'était le siège des organisateurs du Dialogue national, un forum de réconciliation réclamé de longue date par l'opposition et arraché fin novembre à l'ancien président Patassé.

Les bâtiments avaient été inaugurés cinq jours avant le 15 mars. Leur réfection avait coûté 10 millions de FCFA (15.000 EUR) et ils venaient d'être dotés en matériel informatique pour un montant de 20 millions.


Les nouvelles brèves de Centrafrique (suite 2)