Laurent GBAGBO, reconnu Président de la Côte d'Ivoirepar ses pairs et la CEDEAO

La Côte d'Ivoire cherche à panser ses plaies, tandis que la communauté internationale souhaite une normalisation rapide de la situation. En attendant, malgré la confusion et le désordre qui ont régné dans le pays, Laurent GBAGBO est désormais maître à bord du navire ivoirien qui devra accoster au bon port.

Lecture de quelques dépêches sur la question avec l'AFP ( 3-5 novembre 2000) :

Laurent Gbagbo en passe de gagner le pari de la légitimité internationale
Dix jours après son investiture à l'issue d'une élection controversée, le nouveau président ivoirien Laurent Gbagbo est en passe de gagner le pari d'une reconnaissance internationale de sa légitimité, au nom de de la "realpolitik" et de la préservation de la stabilité du pays.
Son accession au pouvoir le 26 octobre avait suscité des réactions mitigées à l'étranger, la France - du moins le gouvernement dirigé par les socialistes - étant la seule à reconnaître immédiatement au nouveau chef d'Etat une légitimité pleine.
Mais fort de son appel victorieux au soulèvement populaire contre un chef de junte militaire qui tentait de s'accrocher au pouvoir contre le résultat des urnes, Laurent Gbagbo a su en 10 jours à peine imposer son élection à l'extérieur, tout en sachant que son exercice du pouvoir restera sous observation vigilante.
Face à cette légitimité du "civil contre le putschiste", les critiques sur une élection dont ont été écartés l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara (à la tête du troisième parti politique du pays) et l'ex-parti au pouvoir, ont été mises en sourdine.
La crainte de voir ce "havre de stabilité", qui abrite plus de trois millions de ressortissants des pays limitrophes, sombrer dans la violence après les récents affrontements politiques et ethno-religieux (qui ont fait 171 morts, selon un bilan officiel) y a été pour beaucoup.
D'autant que les promesses du nouveau pouvoir de mener une enquête impartiale et "sans impunité" sur ces violences ont joué en sa faveur, même si tous les partenaires étrangers ont souligné que ses engagements seraient jugés sur pièces.
Le temps fort de cette reconnaissance aura été la visite samedi à Korhogo (nord de la Côte d'Ivoire) du président malien Alpha Oumar Konaré, également, et en la circonstance surtout, président en exercice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).
M. Konaré a officiellement félicité le nouveau président ivoirien et souhaité que "le changement intervenu le 26 octobre (date de l'investiture de M. Gbagbo) soit le signe d'une Côte d'Ivoire démocratique et plurielle".
Cette légitimation, venant d'un chef d'Etat qui n'a pas ménagé ses critiques envers le processus de transition depuis le coup d'Etat du 24 décembre 1999, représente pour M. Gbagbo sinon un véritable adoubement, du moins un encouragement, sous surveillance attentive, à instaurer une vraie démocratie.
Après une réticence initiale, les signes de "réalisme" n'ont d'ailleurs pas manqué depuis l'arrivée au pouvoir du leader socialiste.
Le Nigeria et l'Afrique du Sud, initialement en pointe dans la contestation du scrutin présidentiel du 22 octobre, ont cessé leurs déclarations publiques.
Le "Conseil de l'entente", qui regroupe la Côte d'Ivoire, le Bénin, le Togo, le Burkina Faso -réputé soutenir M. Ouattara- et le Mali, a félicité le nouveau président.
Et le chef de l'Etat togolais, Gnassingbé Eyadéma, président en exercice de l'Organisation de l'unité africaine, après avoir appelé à un nouveau scrutin, s'est ravisé en estimant que si le pouvoir de M. Gbagbo "convient aux Ivoiriens", il fallait "les accompagner".
Même les Etats-Unis, pourtant suspectés à Abidjan "d'alassanisme" invétéré, se sont dits prêts, après avoir tout d'abord qualifié l'élection "d'illégitime", à "travailler avec les autorités qui ont été investies", tout en renouvelant leur souhait d'un nouveau scrutin.
Mais Laurent Gbagbo a totalement exclu cette hypothèse, et tous les regards se tournent maintenant vers les législatives du 10 décembre, qui font figure de test.
Les partisans de M. Ouattara ont dores et déjà commencé à mettre la pression, et leurs journaux accusaient samedi le nouveau pouvoir de se préparer un découpage électoral sur mesure à l'occasion de l'augmentation du nombre de députés de 175 à 225.
(AFP, Abidjan, 5 novembre 2000 - 12h48)

 

Rencontre Gbagbo-Konaré à Korhogo
Les présidents ivoirien Laurent Gbagbo et malien Alpha Oumar Konaré se sont rencontrés samedi à Korhogo (nord de la Côte-d'Ivoire) pour des discussions qui devaient notamment porter sur la situation politique ivoirienne, a constaté un journaliste de l'AFP sur place.
Le président Konaré, qui est également président en exercice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), est arrivé à l'aéroport de Korhogo peu après 10H15 (locales et GMT).
Il a été accueilli à sa descente d'avion par son homologue ivoirien, lui même arrivé d'Abidjan peu avant.
Les deux hommes, qui n'ont fait aucune déclaration, se sont ensuite rendus à la préfecture, où ils devaient déjeuner avant le début formel de leurs entretiens. Ils ne devaient rester que quelques heures à Korhogo, "capitale" du nord de la Côte d'Ivoire.
Une source proche de la présidence malienne avait indiqué vendredi que M. Konaré devait transmettre un message de la CEDEAO concernant le débat sur "l'ivoirité", ainsi que sur la nécessité de dépasser les clivages ethniques par le dialogue national pour un retour définitif au calme en Côte-d'Ivoire.
Sa visite devrait en tout cas ouvrir la voie à une reconnaissance par la CEDEAO de la légitimité de M. Gbagbo, élu le 22 octobre.
Plusieurs pays étrangers avaient initialement demandé qu'un nouveau scrutin présidentiel soit organisé, arguant que des candidats importants avaient été exclus de la course.
Dans l'avion qui l'amenait d'Abidjan, M. Gbagbo a exprimé l'espoir que M. Konaré serait "suffisamment intelligent pour ne pas parler de nouvelles élections".
"S'il tient un discours dur je serai moi-même dur", a-t-il dit.
La semaine suivant l'élection présidentielle ivoirienne a été marquée par de nombreuses violences.
La junte militaire au pouvoir depuis le coup d'Etat du 24 décembre 1999 a été chassée par un soulèvement populaire après que son chef, le général Robert Gueï, a refusé de reconnaître sa défaite et s'est proclamé président. La garde présidentielle a violemment réprimé les manifestations, mais le reste de l'armée n'a pas suivi.
Les partisans de l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara (dont la candidature à la présidentielle avait été invalidée) qui réclamaient un nouveau scrutin se sont ensuite affrontés aux forces de l'ordre et aux partisans de M. Gbagbo.
Ces derniers affrontements ont dégénéré en violences à caractère ethnique et religieux, les partisans de M. Ouattara accusant les forces de l'ordre et ceux du nouveau président de se livrer à une "chasse aux nordistes et aux musulmans".
Au total, ces violences ont fait 171 morts, selon un bilan officiel.
(AFP, Korhogo (Côte d'Ivoire), 4 novembre 2000 - 13h21)

 

Accords de défense révisés: ce ne serait pas la première fois (Josselin)
La volonté du pouvoir ivoirien de demander "une réactualisation des accords" de défense avec la France n'a rien "qui nous inquiète particulièrement", a déclaré vendredi le ministre français de la Coopération Charles Josselin, rappelant que certains accords ont déjà été réactualisés.
"Ce n'est pas la première fois qu'on les réactualiserait", a indiqué à l'AFP M. Josselin, présent à Bamako pour un symposium international consacré au "Bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone".
"Il n'y a rien là qui nous inquiète particulièrement, plusieurs de ces accords de défense ont déjà été réactualisés, et nous en reparlerons le moment venu avec les responsables ivoiriens", a précisé M. Josselin.
Le ministre français a néanmoins tenu à faire une différence entre "la présence militaire française et la coopération militaire".
"La coopération militaire, c'est aider les pays partenaires à avoir une armée à la fois efficace, respectueuse de la démocratie, des libertés, une armée qui sache transcender le clivage ethnique ou religieux, toutes questions qui ne sont pas encore résolues en Côte d'Ivoire", a également déclaré M. Josselin.
A propos des déclarations du ministre ivoirien de la Défense Moïse Lida Kouassi, selon lesquelles la présence d'une base militaire française "aliène la souveraineté" nationale ivoirienne, le ministre français a déclaré: "c'est un point de vue, je peux entendre cette préoccupation, mais je le répète, c'est pour engager la conversation que cette expression a été utilisée".
A la question de savoir si la France allait fermer sa base militaire en Côte d'Ivoire, M. Josselin a répondu: "on n'en est pas là. Ils ont dit réactualisation, j'entends dire actualisation. Il y en a eu. Il y en aura avec la Côte d'Ivoire".
Les accords de défense entre la France et la Côte-d'Ivoire datent de 1962.
La France dispose à Abidjan d'une base militaire qui abrite le 43e bataillon d'infanterie de Marine (BIMA), fort de 580 hommes, qui a principalement pour mission d'intervenir à la demande de la Côte d'Ivoire en cas d'agression extérieure
(AFP, Bamako, 3 novembre 2000 - 19h43)

 

Les jeunes militants de deux partis ivoiriens se prononcent pour l'apaisement
Les jeunes militants de partis en Côte d'Ivoire qui se sont affrontés au lendemain de la présidentielle du 22 octobre, ont appelé vendredi à la réconciliation, mais la solidité de cet engagement devra être démontré sur le terrain.
Les responsables des mouvements de jeunesse du Front populaire ivoirien (FPI) du président Laurent Gbagbo et du Rassemblement des républicains (RJR) de l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara ont signé une déclaration commune dans ce sens après six heures de négociations jeudi.
Vendredi, ils ont réaffirmé leur volonté d'apaisement au cours d'une conférence de presse commune qui a toutefois été marquée par des échanges vifs entre le président du RJR Tiacore Odje, et le secrétaire national de la JFPI, Pickas Damana.
Les deux formations "ont convenu de l'arrêt total de tous les affrontements entre leurs militants sur tout le territoire" et "appellent les uns et les autres à la réconciliation totale".
"Nous ne voulons pas d'une réconciliation de façade", a assuré M. Odje alors que M. Damana estimait: "Quand il y a élection, il y a toujours de petits tiraillements".
Les violences qui ont suivi le scrutin du 22 octobre ont fait des dizaines de morts -155 selon le RDR- et une enquête judiciaire a été ouverte après la découverte d'un charnier de 57 corps à Abidjan.
Le calme est depuis revenu mais le pouvoir et les partis politique souhaitent prévenir tout nouveau dérapage lors des législatives du 10 décembre.
Les deux responsables ont souhaité que la vérité soit faite sur ces violences: "Il faut d'abord savoir qui a fait quoi puis appeler au pardon", explique M. Damana. Pour M. Odje, "il s'agit pour nous que l'impunité prenne fin, que la vérité soit bâtie sur une impartialité totale".
Les partisans de M. Ouattara ont mis en cause les forces de l'ordre, qui ont, selon eux, apporté leur soutien au FPI et mené une véritable chasse aux militants du RDR ou présumés tels.
La question de la légitimité de M. Gbagbo, contestée par M. Ouattara, évincé du scrutin, a été évoquée.
M. Odje a d'abord hésité à réaffirmer la reconnaissance par son parti de la validité de l'élection de M. Gbagbo: "Nous prenons acte de la situation dans un souci de paix, mais nous appelons à ce que celui qui est élu ait une légitimité normale".
Mais devant la réaction du chef de la JFPI qui a menacé de quitter la conférence de presse commune, il a assuré : "La direction du RDR a reconnu Gbagbo comme président. Que les choses soient claires, nous ne continuons pas d'appeler à de nouvelles élections".
(AFP, Abidjan, 3 novembre 2000 - 18h31)

 

Taylor appelle l'Afrique de l'Ouest à reconnaître le président Gbagbo
Le président libérien Charles Taylor a appelé vendredi les pays d'Afrique de l'Ouest à reconnaître le nouveau pouvoir ivoirien, lors d'une rencontre à Abidjan avec le président Laurent Gbagbo.
"Il est temps pour le Liberia et la sous-région ouest-africaine d'étreindre cette administration (ivoirienne) et de se mettre à travailler ensemble pour la paix", a déclaré le président Taylor à l'aéroport d'Abidjan, où le président Gbagbo était venu l'accueillir.
Le président Taylor a indiqué ne pas savoir où se trouve l'ex-chef de la junte, le général Robert Gueï, en fuite depuis le soulèvement populaire qui a renversé son régime le 25 octobre.
"Je ne sais pas où il est à l'heure actuelle, je sais qu'il y a eu une rumeur sur sa présence au Liberia, mais ce n'est pas vrai", a déclaré M. Taylor.
Le général Gueï est originaire d'une région frontalière du Liberia dans l'ouest de la Côte d'Ivoire et ses liens avec Charles Taylor sont connus pour remonter au début de la guerre civile libérienne (1989-1997).
M. Taylor a estimé que la meilleure solution pour le général Gueï serait sans doute de rester en Côte d'Ivoire, "pour aider à la reconstruction".
Il a souligné que les deux pays "partagent une longue frontière, ont une relation familiale et des liens traditionnels".
Le président Gbagbo n'a de son côté fait aucune déclaration devant la presse.
Plusieurs pays africains ont remis en cause la légitimité de son élection à la présidence, de nombreux candidats déclarés ayant été éliminés de la course par la Cour suprême.
MM. Gbagbo et Taylor devaient avoir un déjeuner à la présidence à Abidjan et M. Taylor repartir ensuite pour Monrovia.
Le président libérien effectuait une brève escale sur le chemin du retour du Nigeria où il avait eu plus tôt vendredi des entretiens avec le président Olusegun Obasanjo.
M. Taylor, qui avait selon les autorités nigérianes "lancé un SOS", s'est refusé à toute déclaration sur ses entretiens à Abuja.
(AFP, Abidjan, 3 novembre 2000 - 17h50)

 

La Côte d'Ivoire veut une révision des accords de défense avec la France
Le nouveau pouvoir en Côte d'Ivoire demandera "une réactualisation des accords" de défense avec la France, car la présence d'une base militaire française "aliène la souveraineté" nationale a annoncé son ministre de la Défense, Moïse Lida Kouassi.
La France dispose à Abidjan d'une base militaire qui abrite le 43e bataillon d'infanterie de Marine (BIMA), fort de 580 hommes, qui a principalement pour mission d'intervenir à la demande de la Côte d'Ivoire en cas d'agression extérieure.
"Le moment venu, le Front populaire ivoirien (FPI, au pouvoir) demandera une réactualisation des accords liant notre pays à la France, accords dont résulte la présence de cette base militaire, mais nous n'en sommes pas encore là", a déclaré le ministre de la Défense, dans une interview à la radio nationale, retranscrite vendredi dans le quotidien du FPI, "Notre voie".
"La présence de ces bases militaires aliène notre souveraineté. Ce sont des structures de dépenses militaro-industrielle qu'il faut supprimer", a ajouté le ministre, qui était chargé des questions de défense et de sécurité au sein du FPI avant d'être nommé ministre le 27 octobre.
"Les métroples ont su développer des techniques d'innovation qui leur permettent d'opérer la projection de leur puissance très loin de leur territoire. La France peut aujourd'hui intervenir en un temps record à l'autre bout du monde", a-t-il ajouté.
Pour lui, "cette base devient par elle-même inutile compte tenu des avancées".
Les accords de défense entre la France et la Côte d'Ivoire datent de 1962.
(AFP, Abidjan, 3 novembre 2000 - 11h50)

 

Message de félicitations du président Dos Santos à Laurent Gbagbo
Le président angolais José Eduardo dos Santos a adressé un message de félicitations au nouveau président ivoirien Laurent Gbagbo, a annoncé vendredi l'ambassade d'Angola à Libreville.
"J'ai l'honneur de féliciter votre excellence pour votre élection au poste de président de la République de Côte d'Ivoire", écrit le président dos Santos dans un courrier adressé jeudi à M. Gbagbo et dont copie a été remise à l'AFP à Libreville.
"La République d'Angola a toujours été en faveur de la tenue d'élections dans votre pays et se réjouit de votre victoire, convaincue que le peuple ivoirien a fait un pas important sur le chemin de la paix et de la stabilité politique et sociale", indique ce courrier.
Le président dos Santos exprime également sa "conviction" que le nouveau président ivoirien "profitera du moment présent pour promouvoir la réconciliation nationale et la démocratie" et souhaite "qu'une nouvelle ère s'ouvre dans l'histoire des relations entre nos deux pays".
(AFP, Libreville, 3 novembre 2000 - 10h14)


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