Le camp Gore met Clinton à contribution pour mobiliser l'électorat noir

Le camp démocrate du vice-président Al Gore met le président Bill Clinton à contribution pour tenter de mobiliser le vote de la communauté noire sans lequel il ne peut espérer remporter une course à la Maison Blanche particulièrement serrée.
Le président Clinton a lancé ces trois dernièrs jours une véritable opération de charme en direction de cette communauté.
Il devait assister mardi soir à une réunion électorale dans le quartier noir de Harlem, à New York.
A l'instar du vice-président, qui s'est montré vendredi à Charleston (Virginie occidentale, est) avec le célèbre acteur comique noir Bill Cosby, et les jours précédents avec les artistes noir Queen Latifah et Stevie Wonder, Clinton vient aussi de s'afficher avec des acteurs et des chanteurs noirs.
Durant le week-end, le président a invité à la Maison Blanche 250 prêtres noirs et s'est entretenu avec plusieurs centaines d'autres par téléphone, afin qu'ils mobilisent leurs ouailles, notamment durant leurs sermons du dimanche précédent le scrutin du 7 novembre.
Il a en outre accordé de nombreuses interviews à des médias destinés à la communauté noire américaine.
Le soutien au vice-président de cette frange importante de la population américaine (12,8 %), n'est en effet pas aussi massif qu'en 1992 et en 1996, lors des élections de Bill Clinton.
Une étude du Centre d'Etudes Politiques et Economiques de Washington, a récemment montré que 74% de l'électorat noir soutient Gore, contre 9% en faveur du gouverneur du Texas.
Clinton, élu en 1992 avec 43% des suffrages, avait cependant bénéficié de 82% des suffrages noirs. Il est jusqu'à aujourd'hui considéré comme l'un des présidents les plus populaires parmi les noirs.
"Il est clair que cette fois, il n'y a pas le même enthousiasme pour Gore parmi les électeurs noirs. Le risque est qu'ils peuvent tout simplement décider que cette campagne ne les intéresse pas", explique à l'AFP Linda Fowler, politilogue à l'université de Dartmouth, New Hampshire.
L'électorat noir se caractérise par un fort taux d'abstention. En 1996, leur taux de participation avait été de 50,6%, contre 56% pour les blancs.
Selon le professeur Fowler, dans certains Etats clefs, un tel manque de participation de cette frange de l'électorat américain, pourrait compromettre une victoire démocrate.
"Les Etats qui vont décider du résultat de l'élection sont ceux où vivent les noirs. C'est ce qui rend leur vote important", souligne David Bositis, du centre d'études politiques et économiques de Washington.
La majorité du vote noir se trouvent en effet concentré dans des Etats cruciaux comme la Floride, l'Illinois, le Michigan, l'Ohio, la Pennsylvanie. Dans ces Etats, les noirs constituent plus de 10% de la population en âge de voter.
Pour les sensibiliser, les activistes noirs ont été sollicités, parmi eux le pasteur Jesse Jackson, orateur fougueux, qui a brandi au cours des dernières semaines le risque de voir s'écrouler quatre décennies d'acquis pour sa communauté, en cas de victoire républicaine.
Les stratèges républicains ont pour leur part compris les inquiétudes du camp Gore sur ce terrain. Selon les experts, leur objectif est de réussir à dépasser de quelques points les scores enregistrés traditionnellement par les candidats républicains.
Depuis la guerre de sécession jusqu'aux années 30, le parti républicain d'Abraham Lincoln, qui abolit l'esclavage, fut le parti des noirs américains. Jusqu'en 1924, les démocrates interdisaient leur participation à leurs conventions.
C'est le président Franklin Roosevelt qui inverse la tendance en 1936. Elle se confirmera avec Lyndon Johnson en 1964. Depuis, tous les candidats démocrates bénéficient de plus de 80% des suffrages noirs, tandis que les républicains n'ont plus jamais dépassé les 15%.
(AFP, Washington, 31 octobre 2000 - 18h16)

 


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AU FIL DU WEB
Les candidats battent la campagne en ligne
La bagarre fait rage sur le Net entre partisans de Al Gore et de George W. Bush
Par PATRICK SABATIER POUR LIBERATION.COM

(Reportage : mardi 31 octobre 2000)

La dernière bataille de la campagne présidentielle américaine a commencé. Al Gore et George W.Bush sont au coude à coude, et la bagarre fait rage sur tous les fronts. Sur le terrain, sur les écrans de télévision à grand coups de publicités électorales, et bien sûr, sur l'Internet. Il ne s'y mène encore que des opérations de guérilla, mais vu l'âpreté et l'indécision des affrontements, aucun candidat ne peut plus se désintéresser de ce nouveau média.

Pas de lien entre les sites de Gore et Bush. Le site Netelection.org a calculé que 71% des candidats républicains (au Sénat, à la Chambre des Représentants ou à des postes locaux) et 63% des démocrates sont une présence sur le Web. Ceux des deux postulants à la Maison Blanche sont de véritables portails politiques. On y trouve non seulement du texte, mais aussi du son, de la vidéo et de l'interactivité, sous forme de chats en direct avec des personnalités. Le site de Bush offre un moteur de recherche permettant de découvrir qui sont les généreux donateurs de la campagne. Celui de Gore permet de télécharger des logiciels pour suivre, comme à la télé, la campagne du vice-président. Aucun des deux sites ne renvoie à celui de l'autre.

N'importe quoi.com. Démocrates et républicains multiplient par ailleurs des sites "ciblés" dont l'unique objectif est de développer des argumentaires chiffrés et raisonnés à l'appui des slogans lancés par les candidats, ou au contraire afin de démolir les mensonges ou erreurs supposées de l'autre camp. Le comité national républicain met en ligne "GoreWillSayAnything.com" (Gore raconte n'importe quoi.com). Son rival démocrate démonte les affirmations de Bush sur "1800the facts.com". "Les deux campagnes prouvent que leurs sites Web peuvent apporter aux électeurs une information non filtrée, tel le texte intégral des discours, ou les détails des propositions" se félicite Tony Perkins, éditorialiste du très branché magazine Red Herring pour qui "l'Internet (...) offre une chance d'améliorer notre système de capitalisme démocratique, et de renforcer la tradition politique libérale...".

Bombardement de bandeaux publicitaires. Une vision rose et bien optimiste du rôle du Net dans la vie politique, car la campagne s'y mène aussi, et peut-être surtout, à coup de bandeaux publicitaires, comme à la télé. Une étude de Jupiter Media Metrix diffusée sur le site newsfactor.com montre que, de juin à octobre, les Républicains ont lancé une campagne de marketing politique bien plus intense et coûteuse que celle des démocrates, plaçant plus de 20 bandeaux différents sur 35 sites à fort trafic, comme AOL, Yahoo etc..., vus par plus de 9.3 millions d'internautes.

Prolifération des ragots en ligne. Le Net sert aussi à mener des offensives à coups d'e-mails envoyés instantanément aux journalistes pour démentir ou contrecarrer les déclarations de l'adversaire, et tenter d'influencer la couverture de la campagne par les grands medias, procédés que détaillait dans une enquête récente le Wall Street Journal. Et le Net sert enfin à disséminer rumeurs et désinformations à travers une pléthore de sites pseudo-journalistiques qui accumulent ragots et informations de quatrième main ou invérifiées présentées comme autant d'"informations" à l'internaute crédule. On en trouve des exemples édifiants sur des sites anti-Bush, comme "georgebush2000.com", ou la "Bush Watch". On peut y lire des témoignages anonymes selon lesquels le candidat républicain "a vendu de la cocaïne à l'université de Yale dans les années 70", et a contraint une de ses maîtresses à avorter. Ou des "articles" qui accusent le candidat radical, Ralph Nader, d'avoir des liens financiers avec le colistier de Bush, l'ex-secrétaire à la Défense Dick Cheney. Une manière de démolir une candidature qui menace de plus en plus sérieusement Al Gore...


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