Revue de presse africaine, lundi 12 février 2001

"S'il faut mourir, on préfère mourir chez nous". Cette phrase, l'envoyée spéciale de Libération l'a entendue à tout bout de chant au cours de son enquête dans les camps de réfugiés sierra léonais et libériens installés dans le sud de la Guinée. Cette envie de rentrer chez eux, alors que certains ont quitté leur pays il y a dix ans pour fuir l'enrôlement de force dans la rébellion, mais aussi les pillages et les meurtres. Cette envie de rentrer, explique Libé, "c'est parce que l'horreur les a rattrapés depuis septembre dernier, depuis que les rebelles sierra léonais unis aux milices libériennes ont franchi la frontière et sèment la terreur". Le journal cite le représentant de Médecins du monde sur place pour qui "la situation sanitaire n'est pas encore catastrophique parce que la terre est riche et permet aux réfugiés de se nourrir". Mais d'autres s'inquiètent déjà comme cette religieuse irlandaise qui affrète des bus gratuits pour Conakry. Elle estime que "tout va beaucoup trop lentement et que les moyens envisagés par le Haut commissariat aux réfugiés vont prendre trop de temps alors que les gens n'en peuvent plus".

Tous ces réfugiés qui veulent repartir chez eux, combien sont-ils? Et bien, justement on ne sait pas et selon L'Humanité, cette imprécision souligne en elle-même le caractère démentiel d'une situation qui est en train de se généraliser dans cette zone du continent. D'ailleurs, pour le quotidien communiste, la Guinée, productrice de pierres précieuses comme la Sierra Leone et le Liberia, pourrait bien être le prochain pays à s'embraser.

 

Terreur en Algérie

"Le retour de la terreur". Nous sommes cette fois en Algérie. C'est le titre du Parisien après les massacres de ces derniers jours à proximité de la capitale. Massacres, qui, selon le journal, apportent un démenti cinglant à tous ceux qui affirment que la situation se normalise. Pourquoi cette brusque dégradation en matière de sécurité? Le Parisien a posé la question au directeur de la rédaction d'El Watan, Omar Belhouchet. Pour lui, l'explication est simple: "les groupes armés ont en fait refusé la politique de concorde civile et veulent plus du président Bouteflika. Lequel Bouteflika, dit-il, après avoir brisé certains tabous et parlé (chose extrêmement rare pour un président algérien), donne maintenant l'impression de ne pas savoir ce qu'il fait". A son avis, "il voudrait être un nouveau Boumediene, alors qu'il n'en a pas l'étoffe et que le pays a changé". Quant à la visite demain à Alger du ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, Omar Belhouchet s'en félicite car cela montre, dit-il, que "les autorités françaises ont décidé de maintenir le dialogue avec l'Algérie. Quelles que soient les difficultés. Et il y a beaucoup à faire".

Omar Belhouchet qui donne également son avis sur le livre La sale guerre, paru la semaine dernière en France, signé d'un ancien officier de l'armée algérienne et qui accuse l'armée de s'être livrée à des massacres de civils. "Il ne faut pas se tromper d'ennemis, affirme-t-il, même s'il y a eu infiltration des maquis, arrestations arbitraires, exécutions sommaires et dérapages de la part des militaires, en Algérie, ce sont les islamistes qui massacrent, éventrent, violent les femmes et égorgent les bébés".

El Watan dans Le Parisien, Libération de son côté cite d'autres titres de la presse algérienne qui s'est sentie, selon le journal, dans l'impossibilité de passer l'affaire sous silence. Il y a ceux comme L'Expression qui dénigrent le jeune militaire en l'accusant d'être islamiste ou avancent la thèse du complot, trouvant bizarre la publication du livre à la veille de la visite d'Hubert Védrine, avec en toile de fond, la pétition d'intellectuels français demandant à la France de revoir sa politique à l'égard de l'Algérie. A côté de cela, il y a Le Quotidien d'Oran qui estime que les échéances électorales à venir en France ne remettront pas en cause le consensus Chirac-Jospin fondé sur la prudence et l'attente des clarifications des enjeux en Algérie.

Et puis cette révélation de Libération: la petite vidéothèque tenue par le frère de l'auteur de l'ouvrage a été entièrement pillée et saccagée dans la nuit de vendredi à samedi.

 

Une église "à l'écart du pouvoir politique"

Dans La Croix, toute une page sur l'église du Rwanda "qui veut aller de l'avant", dit le journal, alors qu'elle vient de fêter ses cent ans. L'envoyé spécial du journal assistait la semaine dernière à la grand messe dans le stade national Amahoro de Kigali. Il y a ressenti une ambiance de joie discrète, favorable à une prière paisible et il a entendu le cardinal Etchegarray, envoyé spécial du pape reconnaître qu'il y a des choses qu'on ne peut voir comme il faut qu'avec des yeux qui ont pleuré. De son côté, le père Pedro Sala, nommé à sa demande au début de cette année supérieur provincial du Rwanda, parle d'un autre travail de guérison encore à faire. Il souhaite en tout cas "une église qui sache se tenir à l'écart des pouvoirs politiques mais qui invite les chrétiens à s'engager toujours plus dans la société".

(Danièle LEFEVRE , RFI)


"Entendez notre cri: nous voulons rentrer chez nous"

[AFP, Katkama (Guinée), lundi 12 février 2001 - 10h30]

La route était presque déserte, puis les premiers enfants sont apparus, alignés de part et d'autre et portant des pancartes de fortune: "Hear our cry. We want to go home" (Entendez notre cri: nous voulons rentrer chez nous).

La supplique est bientôt reprise par des milliers de réfugiés sierra-léonais. "We-Wan-Go-Home", scandent-ils à l'unisson. La clameur enfle à mesure que progresse le cortège de véhicules blancs qui amène le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés Ruud Lubbers dans le camp de Katkama, dans le sud-est de la Guinée.

Quinze à 20.000 personnes sont rassemblées le long du chemin poussiéreux qui traverse le camp, accablées par la chaleur et la brume sèche de l'harmattan. Des personnes âgées gisent épuisées sur des baluchons, de pauvres bagages, parmi lesquels quelques volailles dans des cages.

Ces réfugiés sont arrivés samedi dans ce camp qui fut déserté en décembre après avoir été attaqué par des rebelles et pillé. Ils sont venus à pied du camp de Nyaedou, distant de 25 km, effrayés par des rumeurs sur l'avancée des rebelles qui ont conduit jeudi une nouvelle attaque contre Guéckédou, une ville toute proche de Nyaedou.

"La rumeur a couru que les rebelles avaient franchi le pont de Gueckedou. La panique s'est installée dans tout le camp de Nyaedou et ils ont fui vers Katkama", raconte Ewald Stals, coordinateur belge de Médecins sans frontières (MSF).

Le HCR, qui avait entamé le 6 février le transfert par camions des réfugiés de Nyaedou vers Albadaria, à 180 km plus au nord, avait dû suspendre cette opération en raison de la reprise des combats.

Les oubliés de Katkama entourent le nouveau patron du HCR Ruud Lubbers dès qu'il descend de son véhicule. "Nous avons tout perdu. Nous vous attendions. Nous fuyons les balles et s'il le faut, nous partirons à pied", s'écrie James Agosti, depuis trois ans en Guinée.

Rien n'est prévu pour eux dans ce camp. Des tentes jadis installées par le HCR, il ne reste que des armatures en bois. Certains n'ont pas attendu la visite du Haut Commissaire et se sont entassés avec leurs effets dans des camionnettes sans âge qui jalonnent la route entre Katkama et Kissidougou, à 80 km plus au nord. L'une d'elle a fini sa course dans le fossé.

Le prix du trajet, habituellement de 2.000 francs guinéens, a doublé, voire quintuplé, explique Camara, un chauffeur local qui, lui, a loué ses services et son camion au HCR.

De chaque côté de la route, il désigne de nombreux espaces calcinés, signes des combats qui se sont rapprochés de Kissidougou en janvier. Par endroits, des buissons brûlent encore. Ces foyers ont été déclenchés par l'armée pour laisser les abords de la route à découvert.

La plupart des villages sont déserts. De nombreuses maisons de torchis ont été incendiées. Les étals des marchés sont vides, les rares stations d'essence fermées.

Originaire de Guéckédou, Camara affirme que les combats y ont fait beaucoup de victimes parmi lesquelles son frère et sa belle-soeur, parents de six enfants qu'il va désormais élever en plus des trois siens.

Dans cette partie de la Guinée forestière, les déplacés se comptent par milliers, mais ils bénéficient en général de l'hospitalité de leurs proches.

A Katkama, en revanche, les premiers signes de malnutrition ont fait leur apparition, selon MSF. Certains réfugiés ont également fait état de violences, de viols à leur encontre. Toutefois, affirme le coordinateur de MSF, il n'y a pas eu jusqu'ici de preuves physiques de ces exactions.

"Le HCR doit agir vite", ajoute-t-il en déplorant le manque de moyens de l'agence de l'ONU. Quelque trente camions blancs ont entamé samedi le lent transfert de Katkama vers Albadaria. Au départ, des militaires guinéens fouillent les réfugiés pour vérifier qu'ils ne transportent pas d'armes.

Les autorités guinéennes ont à plusieurs reprises accusé les réfugiés de soutenir les rebelles venus, selon Conakry, de Sierra Leone et du Libéria


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