Chirac à Paris plaide pour le plan de relance, le NEPAD, et Blair en tournee africaine


Chirac avocat du NEPAD

 Le président français et treize chefs d’Etat africains se sont retrouvés à Paris pour évoquer le Nouveau partenariat pour le développement en Afrique (NEPAD). Jacques Chirac s’est proposé d’être l’avocat de ce plan de relance concocté par les Africains, lors du prochain sommet du G8.


Les présidents égyptien Moubarak, algérien Bouteflika, nigérien Olusegun Obasango et zambien Mwanawasa entourent le président Chirac.
©AFP

Jacques Chirac recevait treize chefs d’Etats africains ce vendredi au palais de l’Elysée pour discuter du Nouveau partenariat pour le développement en Afrique (NEPAD). Né de la fusion des plans Omega, concocté par le président sénégalais Abdoulaye Wade, et du Programme de renaissance de l’Afrique pour le millénaire, conçu par le président sud-africain Thabo Mbeki avec l’Algérien Bouteflika et le Nigérian Obasanjo, le NEPAD vise à relancer la croissance et les investissements dans cette partie du monde. Endossé par l’Organisation de l’unité africaine (OUA), en juillet 2001, sous le nom de Nouvelle initiative africaine (NIA), et présenté lors du sommet du G8 de Gênes, il a ensuite été adopté, en octobre 2001, par une quinzaine de chefs d’Etats du continent comme stratégie de développement pour le continent africain.

Depuis, ce nouveau plan est régulièrement présenté comme une manière pour les Africains de reprendre l’initiative, à l’heure où l’aide publique au développement est en chute libre. AprèsTony Blair, qui avait reçu une demi-douzaine de dirigeants à Londres en septembre dernier, le président français souhaitait à son tour s’informer sur la question auprès de ses pairs du continent africain. Les membres du comité de pilotage du NEPAD, à savoir Abdoulaye Wade, Abdelaziz Bouteflika, le vice-président sud-africain Jacob Zuma (qui représentait Thabo Mbeki), Olusegun Obasanjo, et le président Egyptien Hosni Moubarak ont ainsi été conviés dans la capitale française. Mais Jacques Chirac a tenu à leur associer d’autres chefs d’Etat et de gouvernement pour parvenir à préciser le projet qui doit être présenté au prochain sommet du G8, prévu en juin 2002, à Kananaskis, au Canada. L’actuel président en exercice de l’OUA, le président zambien Mwanawasa, et les dirigeants mozambicains, gabonais, camerounais, burkinabé, kenyan, éthiopien et mauricien ont donc également pris part aux discussions.


"D’importantes difficultés restent à surmonter"

Au terme d’une matinée d’échanges, le président français a réitéré son soutien à un plan "conçu et assumé par les Africains et faisant l’objet d’un partenariat avec les pays susceptibles d’apporter des financements". Aucune décision formelle n’est toutefois sortie de la réunion. Selon le chef de l’Etat français, elle a surtout été l’occasion de dresser un "rapport d’étape pour s’assurer" qu’Européens et Africains travaillent "main dans la main". Au cours d’une conférence de presse commune, Jacques Chirac a néanmoins appelé les dirigeants africains présents à "donner une impulsion forte à ce processus pour permettre le décollage de l’avion NEPAD", lors du prochain sommet du G8.

Car la manière dont ce nouveau concept va entrer en application reste à définir. L’Union européenne, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, principaux interlocuteurs des Etats Africains, ne s’y sont pas trompés. Tout en l'accueillant favorablement, ils n’ont pas pour l’instant repris le NEPAD à leur compte. Alors que ses principes de base privilégient des programmes de dimension régionale (routes, infrastuctures), quelle place restera-t-il pour les projets et accords bilatéraux ? Quelle sera la part d’initiative individuelle? Des questions de souveraineté nationale se poseront, par ailleurs, inévitablement. Dans le domaine de l’enseignement et de la formation, le NEPAD prévoit, par exemple, la mise en commun des ressources pour l’implantation d’un établissement universitaire ou professionnel répondant à un besoin collectif. Une convergence des politiques nationales sera donc nécessaire, pour son application effective.

D’ici le mois de juin, plusieurs réunions sont cependant prévues, notamment à Dakar au mois d’avril, qui devraient permettre d’en préciser les contours. Chaque pays membre du club des pays riches a désigné son "sherpa", pour travailler avec les pays africains. Pour la France c’est l’ancien patron du Fonds monétaire international (FMI), Michel Camdessus, qui a été désigné par Jacques Chirac. De son côté, le Premier ministre britannique Tony Blair, qui se trouve en tournée en Afrique de l’Ouest, a choisi son secrétaire d’Etat à l’Afrique, la baronne Valerie Amos, qui participait d’ailleurs au sommet de vendredi.

Il reste que les défenseurs du Nouveau partenariat pour le développement en Afrique vont devoir convaincre, qu’il ne s’agit pas d’une grande idée de plus, à l’image du "plan de Lagos", à la fin des années 70, qui avait aussi d’importantes ambitions économiques, mais n’a jamais vraiment été suivi d’effet. Comme le NEPAD, il avait été validé par l’Organisation de l’unité africaine (OUA), en passe de se transformer en Union africaine. A un "détail" près, tout de même, car il ne bénéficiait pas du soutien des Occidentaux.

A quelques jours d’intervalle, Tony Blair et Jacques Chirac ont insisté sur l’urgence d’agir en faveur du continent africain. "Il faut que l’opinion publique et les gouvernements des pays développés soient conscients qu’on ne peut plus attendre pour engager un processus de développement de l’Afrique", a martelé le président français. Pré-campagne électorale oblige, ce dernier en a profité pour lancer une pique au gouvernement de Lionel Jospin, qui n’était d’ailleurs représenté que par le ministre délégué à la Coopération, Charles Josselin. Alors que l’aide publique française à fortement baissé depuis 1996, le chef de l’Etat a jugé "moralement et politiquement indispensable" d’augmenter le soutien financier aux pays africains, sous entendant que cet effort n’a pas été fourni par le gouvernement.

DIDIER SAMSON ET CHRISTOPHE CHAMPIN
08/02/2002


Tony Blair en Afrique

Le Premier ministre britannique a entamé mercredi sa première tournée sur le continent africain, qui doit le mener au Nigeria, au Ghana, en Sierra Leone, mais aussi Sénégal. Cette visite, à visée essentiellement économique, est l’occasion pour Tony Blair de promouvoir sa politique africaine.

Tony Blair l’a maintes fois répété, ces derniers mois, il entend faire de l’Afrique une priorité de son deuxième mandat. Et pour faire bonne mesure, il entame, ce mercredi, une tournée en Afrique de l’Ouest. En quatre jour, il se rend au Nigeria, au Ghana, en Sierra Leone mais aussi dans un pays francophone, le Sénégal. Le Premier ministre britannique tient manifestement à donner autant d’importance que possible à ce voyage. Accompagné de son secrétaire de l’Etat à l’Afrique, la baronne Valerie Amos, et de son ministre du développement international, Clare Short, le leader travailliste y voit l’occasion de promouvoir sa vision des relations entre la Grande Bretagne et le continent africain.

A ses yeux, celle-ci doit largement s’articuler autour du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), le fameux plan qui fusionne plusieurs initiatives africaines. Depuis le sommet du G8, à Gênes en juillet 2001, Tony Blair en est même devenu l’avocat le plus fervent en Europe. Le NEPAD sera donc au cœur des discussions avec ses homologues africains, même si Tony Blair entend également évoquer des questions telles que la prévention des conflits et la lutte contre la pauvreté.

Ces thèmes sont particulièrement d’actualité au Nigeria, première étape de son périple. Ancienne colonie britannique, ce géant de 120 millions d’habitants traverse une crise sans précédent. Après des décennies de régime militaire, le pays est revenu à un régime civil, en 1999. Mais la fédération nigériane semble au bord de l’éclatement, alors que 10 000 personnes ont trouvé la mort dans divers affrontements politico-ethniques, ces trois dernières années. Le voyage de Tony Blair intervient au moment où Lagos, la capitale économique, a connu, en à peine dix jours, l’explosion d’une armurerie, qui a fait plus de 1 000 morts, et de très violents affrontements se soldant par au moins 100 morts et 400 blessés. Tony Blair, qui fait escale dans la capitale politique, Abuja, ne s’y rend pas. Mais s’il voulait une illustration de ses propos récents sur l’urgence et le "devoir d’agir" en faveur de l’Afrique, elle est toute trouvée.

L’aide britannique en hausse constante

Aussi inquiétante que soit la situation du Nigeria, le Premier ministre en a fait l’un des partenaires clés de sa nouvelle politique africaine. Bien qu’affaibli sur le plan intérieur, le président Olusegun Obasanjo est l’un des piliers du NEPAD. Il est aussi le principal médiateur entre Londres et les dirigeants du Zimbabwe, dont les relations sont exécrables depuis que Robert Mugabe a durci son régime pour remporter la présidentielle de mars prochain.

La tournée de Tony Blair n’en reste pas moins à visée essentiellement économique. Après un passage au Ghana, où il doit rencontrer le président John Kufuor, une courte étape est certes prévue en Sierra Leone, où quelques 350 soldats britanniques sont toujours stationnés, depuis l’intervention britannique qui a sauvé l’intervention onusienne dans ce pays, en mai 2000. Mais il accorde visiblement plus d’importance à la dernière escale de son périple, à Dakar, les 9 et 10 février. Il doit s’y entretenir avec le président Wade, qu’il avait invité à Londres le 18 septembre dernier, et qu’il considère comme le meilleur défenseur du NEPAD. Du reste, sa visite s'inscrit dans le cadre d'une réunion largement consacrée à ce plan de relance, dans la capitale sénégalaise, à laquelle sont conviés plusieurs leaders africains et de hauts responsables, dont le président de la Banque africaine de développement (BAD) et celui de la commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

Avec ce premier déplacement au sud du Sahara, le premier ministre britannique confirme donc sa ferme volonté de donner à son pays une politique africaine. D’autant qu’au-delà des actes symboliques, l’aide britannique à cette région de la planète est en hausse constante. Plus de 770 millions d’euros lui ont été consacrés en 1999-2000, contre 693 millions l’année précédente, et la Grande Bretagne s’est engagée à porter son effort à 0,33% du PNB en 2003, soit plus que la France aujourd’hui. Tony Blair, qui réfute toute velléité de concurrence avec Paris, assure néanmoins agir en parfaite coordination avec ses partenaires européens. La secrétaire d’Etat à l’Afrique, qui fait partie de la délégation britannique, s’éclipsera même brièvement pour participer le 8 février, à Paris, à une réunion de onze chefs d’Etats africains autour de Jacques Chirac pour discuter d’un NEPAD décidément très en vogue, avant de rejoindre le Premier ministre à Dakar.


CHRISTOPHE CHAMPIN
06/02/2002


Dossier sangonet Economie et relation Nord-Sud