Sénégal : Délégations spéciales pour gérer les conseils régionaux, municipaux et ruraux jusqu'au 12 mai 2002 (Dakar, 13 déc. 2001)


Délégations spéciales : Les juges politiques confirment l'amendement Moussa Sy
Le Soleil (www.lesoleil.sn), jeudi 13 déc. 01 - Jusqu'au 12 mai 2002, il appartiendra aux délégations spéciales de gérer les conseils régionaux, municipaux et ruraux, en lieu et place des élus locaux. Un arrêt du Conseil constitutionnel, en date du 11 novembre, vient de déclarer conforme à la constitution l'amendement Moussa Sy. Le 21 novembre, l'Assemblée nationale examinait pour examinait le projet de loi prorogeant le mandat des élus locaux qui s'expirait dans les trois prochains jours. Au moment où, ils s'y attendaient le moins, un jeune député de la majorité parlementaire, du nom de Moussa Sy, décide de bouleverser le cours de l'histoire des collectivités décentralisées. En proposant un amendement du projet de loi, il prend de cours l'opposition, sortie vainqueur des locales de 1996. Ses camarades le soutiennent et légifèrent. Désormais, les conseillers locaux laissent le champ local aux délégations spéciales.

Après des gorges chaudes, Me Abdoulaye Babou, Ousmane Tanor Dieng, Djibo Kâ, Amath Dansokho, Talla Sylla, et 20 autres députés de l'opposition continuent le débat devant les juges politiques. Le 23 novembre, le Conseil constitutionnel est saisi aux fins de déclarer inconstitutionnelle, la loi n°9/2001 instituant, à titre transitoire, des délégations spéciales pour la gestion des conseils régionaux, municipaux et ruraux jusqu'aux prochaines élections locales du 12 mai 2002.

L'opposition fait valoir ses arguments juridiques : le groupe amené par Me Babou prétend que l'amendement n'est pas conforme à la Constitution puisqu'étant " en réalité une proposition de loi ". Et, une proposition d'origine parlementaire doit respecter " la procédure normale de présentation, de discussion et d'adoption ". Celui de Ousmane Tanor Dieng croient dur comme fer que l'amendement n'est pas assorti de proposition de recettes compensatrices " alors qu'[il] crée une incidence financière certaine sur les finances publiques... ". Enfin, les réquerants soutiennent que l'amendement du député de Pikine viole la charte fondamentale en ses articles 67, 82, 102 et les dispositions du règlement intérieur de l'Assemblée nationale relative à la procédure législative.

Le problème juridique est de savoir si la mise en place des délégations spéciales en lieu et place des élus locaux doit être assortie de proposition de recettes compensatrices. Se prononçant sur les moyens juridiques des réquérants, les quatre sages (le cinquième étant absent) écartent d'emblée la thoérie des recettes compensatrices ; la disposition constitutionnelle invoquée n'est pas applicable en l'espèce puisque " les collectivités locales prévoient dans leurs budgets autonomes, les charges inhérentes à la mise en place des délégations pséciales ". Les juges politiques considérent que le droit d'amendement est un corollaire du droit d'initiative, il peut donc " s'exercer, sans limite dans le domaine législatif et dans le respect des restrictions imposées par les articles 77, 82, et 83 de la loi fondamentale.

Enfin, le juge de la constitutionnalité des lois considèrent que sa compétence d'attribution exclut " le domaine du règlement inétrieur de l'Assemblée nationale ". En conséquence, l'amendement du président de la commission Sports loisirs et éducation de l'Assemblée nationale est recevable et son adoption conforme à la Constitution. Pour longtemps encore, Moussa Sy le bien connu, fera jurisprudence...

CHEIKH DIALLO


Amendement Moussa Sy : La fin du suspense
Le Soleil, jeudi 13 déc. 01 - En confirmant hier la constitutionnalité de l'amendement Moussa Sy attaqué par les députés de l'opposition devant la juridiction suprême , le Conseil Constitutionnel vient de ruiner les derniers espoirs des élus locaux de conserver leur mandat jusqu'en mai 2002.

Les maires et élus locaux qui espéraient que l'arrêt serait cassé ont donc perdu la bataille juridique qu'ils ont enclenché au lendemain du coup de tonnerre suscité par cet amendement inattendu que la majorité a sorti comme une botte secrete pour renverser la situation alors que le chef de l'Etat et son gouvernement avait déposé un projet de loi allant dans le sens de la prorogation de leurs mandats. Au cours de la session chargée d'entériner le projet présidentiel, la coalition Sopi majoritaire à l'Assemblée en décida autrement à travers cet amendement Moussa Sy présenté en pleine séance et voté exactement dans le sens contraire du projet présidentiel. L'opposition eut beau crié à la manœuvre politique voire politicienne, la majorité n'en fut point ébranlée. Après des débats houleux où elle laissa l'opposition déverser toute sa bile contre l'amendement avant de le voter sans état d'âme, mettant fin aux mandats des élus locaux et instituant du même coup des délégations spéciales chargées de gérer les collectivités locales jusqu'aux locales prévues dans six mois.

C'est ainsi qu'au lendemain de l'adoption de cet amendement l'opposition à travers ses députés décida d'attaquer cette décision avec son armada d'avocats devant le Conseil Constitutionnel. Avant même l'arrêt de la juridiction suprême rendu dans la matinée d'hier, la polémique, les controverses entre universitaires, juristes , constitutionnalistes ou avocats n'ont pas quitté le champ politique et public de la cité.

Aujourd'hui le suspense qui durait depuis pratiquement deux semaines est terminé et les élus locaux avec l'arrêt rendu savent en quoi s'en tenir sur leur avenir immédiat .Et il n'y a plus de recours et la bataille juridique définitivement perdue pour l'opposition qui s'accrochait comme ultime bouée de sauvetage à la décision du Conseil Constitutionnel en espérant un retournement de situation en sa faveur.

Du reste même si le Conseil avait jugé non conforme à la Constitution cet amendement, puisque le chef de l'Etat avait décidé de s'incliner devant la décision prise et votée par la majorité de ne pas proroger le mandat des élus locaux, il lui était toujours loisible de reprendre terme pour terme le contenu de l'amendement et le transformer en projet de loi soumis à nouveau à l 'Assemblée. Il est certain que les députés de la coalition Sopi se feraient un malin plaisir de le voter à une très large majorité. Et le nouveau projet de loi serait passé comme une lettre à la poste. Dans tous les cas de figure l'opposition n'avait aucune chance d'échapper au couperet de la non prorogation des mandats des élus locaux.

Cette page est donc tournée sans prolongation d'un nouveau projet de loi dont on ferait l'économie pour aboutir aux mêmes résultats. Quant aux élus locaux il ne leur reste plus qu'amener une autre bataille, cette fois-ci sur le terrain politique pour reconquérir siéges et fauteuils occupés auparavant. Mais ça c'est une autre histoire....

BADARA DIOUF


Réactions après la décision du Conseil constitutionnel
Le Soleil, jeudi 13 déc. 01 - La décision rendue par les sages du Conseil Constitutionnel a suscité, dans la classe politique en général, une réaction de républicain. Les différents leaders contactés ont pris acte et ont déclaré qu'ils respectent la décision de la haute juridiction

LANDING SAVANE : "C'EST UNE BONNE NOUVELLE"
"J'ai appris ce matin que l'amendement avait été accepté par le Conseil Constitutionnel et je ne peux que me réjouir de cette bonne nouvelle. Je crois que ceux qui ont été élus ont, pendant 5 ans, prospéré dans leurs collectivités locales. Je crois que le moment est venu pour eux de se recycler et d'attendre que les prochaines élections se passent. Ce qui est important, c'est qu'elles se passent dans la transparence, au contraire de celles de 1996. Le gouvernement est confronté à un chantier important qui est la mise en place des délégations spéciales très rapidement."

MOUSSA SY: "LE SIGNE D'UNE RUPTURE"
Moussa Sy, l'auteur de l'amendement, naturellement, s'est " réjoui " de la décision des cinq sages du Conseil Constitutionnel. " C'est le signe d'une rupture par rapport au passé et la consolidation de l'Etat de Droit, avec une séparation des pouvoirs " a déclaré, le " père " du premier amendement post-alternance.

BABACAR GAYE DE LA COALITION SOPI : "UN AMENDEMENT ENTRE DANS L'HISTOIRE"
De son côté, Babacar Gaye, président du groupe parlementaire " Libérale Démocratique " a " accueilli de manière très positive à la décision du Conseil Constitutionnel de rejeter les recours formulés par l'opposition ". Selon lui : " l'amendement Moussa Sy est rentré dans l'histoire " qu'il analyse " en toute humilité comme étant l'aboutissement d'un combat politique que le groupe " Libérale Démocratique " a mené au niveau de l'Hémicycle ".

L'autre leçon pour Babacar Gaye : " c'est l'affirmation de notre démocratie, le renforcement d'un Etat de Droit, où la séparation des pouvoirs s'affirme davantage ". Le président du groupe libéral retient aussi que : " la loi, qui sera promulguée, tient compte de la volonté des populations de ne plus être administré par les anciens élus locaux. C'est en cela que la décision des Sages est conforme à la volonté populaire, incarnée par l'Assemblée nationale ".

ALE LO : "S'INCLINER ET FACILITER LA PASSATION"
Alé Lô, député libéral et président de l'Association des Présidents de Conseil Rural (APCR), a pris acte de la confirmation de l'amendement Moussa Sy, parce : " nous sommes dans un Etat de Droit ". Alé Lô a " saisi l'occasion pour demander à tous les élus locaux de prendre les dispositions pour faciliter la passation de service et accompagner et aider les délégués dans leurs tâches.

Selon le président de l'APCR : " il n'y aura pas de problèmes dans la conduite des programmes avec l'installation des délégations spéciales. C'est juste une période de six mois et le plus important, c'est que tous les programmes puissent continuer sans rupture. Le ministre délégué chargé de la Décentralisation et le ministre des Finances nous avaient donné des assurances. Toutes les dispositions seront prises par rapport aux partenaires au développement, pour la poursuite des programmes au bénéfice des populations ", a développé le président de la communauté rurale de Taïba-Ndiaye, dans le département de Tivaouane.

JACQUES BAUDIN : "RESPECT DE LA DECISION RENDUE"
Me Jacques Baudin, membre du pool des avocats du groupe socialiste, a rappelé qu'il est " un républicain profondément attaché à l'indépendance de la Justice de son pays qu'il a servi par choix, en tant que magistrat et qu'il sert encore comme avocat, en participant à la distribution de la Justice. Tous ces éléments mis ensemble l'obligent " à prendre acte de la décision du Conseil Constitutionnel et à la respecter, parce qu'elle est exécutoire ". Néanmoins, en tant que juriste, Me Baudin reconnaît qu'il " pourrait faire un commentaire soit pour des étudiants, soit à la faveur d'une conférence ou d'un séminaire ; ce qui est du domaine de la participation à l'évolution de la Justice de notre pays ". En arborant son manteau de maire socialiste de Diourbel, Me Baudin " attend " la deuxième phase. " Si le texte est conforme à la Constitution, comme le disent les Sages, il reste que la nomination des délégués doit procéder par la prise d'actes réglementaires susceptibles de pourvois devant le Conseil d'Etat ", a-t-il prévenu. D'un autre côté, Jacques Baudin est à l'écoute de la décision des autorités de son parti.

MAMADOU DIOP : "SURPRISE ET DECEPTION"
Chez le maire de Dakar, Mamadou Diop, c'est une " surprise " mêlée de " déception " qui l'anime, parce leurs " arguments étaient juridiquement très solides ". C'est donc tout " étonné " qu'il a appris que le Conseil Constitutionnel ne les a pas suivis dans leur requête. Mais " Diop le maire " prend " acte de ce qui a été dit ; comme il s'agit d'une juridiction suprême ". Pour le moment, le problème du départ du siège de la mairie ne se pose pas. La concertation déjà entamée au sein de son parti se poursuivra dans le Cadre Permanent de Concertation de l'opposition (CPC) qui se doit réunir ce matin. Les membres du CPC vont définir une position commune.

Mamadou Diop avertit d'ores et déjà qu'ils ne vont " pas accepter qu'on mette des représentants du PDS " dans les délégations spéciales. Le maire de Dakar " compte continuer à se battre et promet de gagner " la capitale aux élections locales de mai 2002. Son " optimise se fonde sur la crainte du pouvoir PDS qui a senti sa défaite. C'est la seule " explication, pour Mamadou Diop, du report la date des élections ". Cette " peur a poussé le PDS à faire ce hold-up politique avec l'amendement Moussa Sy ", a déclaré le patron des socialistes de Dakar, qui a rappelé que la loi " imposait " la convocation du corps électoral avant le 24 novembre. " Le pouvoir ne l'a pas fait, c'est pourquoi, il n'a pas expliqué les raisons du report. Maintenant, il utilise ce moyen détourné pour arracher les collectivités locales. Mais le peuple va arbitrer ", a dit le maire de Dakar.

MBAYE SARR DIAKHATE


Amendement contesté sur les élus locaux: l'opposition déboutée (AFP, Dakar, 12 déc. 01 - 13h34)
Le Conseil constitutionnel a rejeté, mercredi à Dakar, un recours en annulation déposé par l'opposition sénégalaise contre un amendement ayant mis fin aux mandats des élus locaux, a annoncé la presse officielle.

Selon l'Agence de presse sénégalaise (APS), le Conseil a "déclaré recevable l'amendement Moussa Sy", du nom du député de la majorité libérale qui l'avait introduit.

Cet amendement, voté le 21 novembre par l'Assemblée nationale, avait mis fin aux mandats des élus locaux, dont la plupart sont socialistes, et décidé de placer les collectivités locales sous la gestion de fonctionnaires jusqu'à la tenue des élections locales, reportées de novembre 2001 à mai 2002.

Douze députés de l'opposition avaient ensuite déposé une requête devant le Conseil constitutionnel, estimant que cet amendement était non conforme à la Constitution.

Interrogé mercredi par la presse, leur porte-parole, Abdoulaye Babou, député de l'Alliance des forces du progrès (AFP), s'est dit "déçu", tout en se "soumettant à cette décision de justice".

L'adoption de l'amendement avait provoqué une vague de contestation parmi les élus visés et les partis d'opposition. Certains avaient qualifié cet amendement de "coup d'Etat constitutionnel" et d'atteinte à la démocratie.

Accusé par l'opposition d'avoir piloté toute l'affaire, le président Abdoulaye Wade avait quant à lui souligné que l'Assemblée nationale était souveraine et libre d'apporter des amendements aux textes qui lui étaient soumis.


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