Le Transgabonais, le projet pharaonique devenu entreprise privée

AFP, Franceville (Gabon), 9 fév 2002 - 9h25 - Huit cents kilomètres de rails à travers la jungle: projet pharaonique du président Omar Bongo, qui l'opposa aux bailleurs de fonds, le Transgabonais est devenu indispensable à l'économie du Gabon. Privatisé, il veut devenir enfin rentable.

L'unique chemin de fer gabonais, qui relie Libreville à Franceville, 650 km plus au sud-est, permet d'acheminer vers la capitale l'essentiel du bois et du manganèse - les deux plus importantes sources de revenus du Gabon après le pétrole - exploités à l'intérieur du pays.

Construit à partir de 1973 et achevé en 1986, le Transgabonais s'est rendu peu à peu indispensable à l'économie de ce pays privé de réseau routier fiable, malgré des difficultés économiques liées au coût élevé de l'entretien des voies et à sa masse salariale.

Le rêve du président Bongo suscita pourtant au départ de fortes réticences des bailleurs de fonds, au point qu'en 1973, le jeune chef d'Etat se déclara déterminé, si nécessaire, à "pactiser avec le diable" pour le voir naître.

Cet axe stratégique, propriété de l'Etat via l'Office du chemin de fer du Transgabonais (OCTRA) jusqu'à sa privatisation en 1999, constitue le seul moyen de transport du manganèse, extrait des mines à ciel ouvert de la région de Franceville, vers le port minéralier d'Owendo (banlieue de Libreville).

Plus de 1,7 million de tonnes de manganèse, et plus de 972.000 tonnes de grumes de bois ont ainsi été transportées en 2001 sur un total d'environ 3 millions de tonnes de marchandises.

Mais le Transgabonais, exploité depuis 1999 par un consortium du même nom, sous la forme d'une concession de 20 ans, reste déficitaire.

Ce, malgré une amélioration constante du chiffre d'affaires, passé de 25 milliards de francs CFA en 1997 (environ 38 M d'euros) à 32,4 mds FCFAen 2001, pour un déficit de 92 M FCFA (140.000 EUR) cette même année.

"Nous sommes encore dans une phase transitoire de gros investissements", a expliqué son directeur général, Fabien Ovono-Ngoua, dont l'entreprise s'est engagée à investir près de 30 mds FCFA sur cinq ans.

En reprenant l'exploitation du Transgabonais, ce consortium, détenu majoritairement par la Société nationale des Bois du Gabon (SNBG) et des exploitants forestiers, a hérité d'une situation quasi-catastrophique.

Le parc de motrices et de wagons, fortement dégradé au point que des trains restaient bloqués des heures en pleine brousse avant d'être dépannés, a dû être rénové. La direction a taillé de manière drastique dans les effectifs, passés de quelque 2.000 agents en 1999 à 1.285 aujourd'hui.

La société envisage désormais un avenir plus serein, même si l'entretien des 814 km de voies principale et de de service, et de la vingtaine d'ouvrages d'art, représentent encore un tiers de son chiffre d'affaires.

Grâce à l'amélioration du service, le Transgabonais a permis d'accueillir près de 280.000 passagers en 2001 sur sa ligne qui dessert 23 gares, pour un trajet maximum de plus de dix heures.

Vital pour l'économie nationale, l'accès à l'arrière-pays est également devenu indispensable pour l'approvisionnement des populations rurales.

"Des villageois se sont rapprochés des gares pour vendre leurs produits maraîchers, comme le manioc", explique un "ancien" de la compagnie qui a vu "pousser" des villages le long de la voie.

Le Transgabonais envisage un éventuel rôle sous-régional en Afrique centrale, son terminus, Franceville, se trouvant à seulement une centaine de kilomètres de la frontière avec le Congo-Brazzaville.

"Nous pourrions par exemple sortir du bois coupé au Congo", explique son directeur général qui rêve d'un prolongement de la ligne jusqu'à Brazzaville, située aux portes de l'immense République démocratique du Congo (RDC).


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