Les équipes africaines peuvent-elles aller loin dans les rencontres internationale et à quel prix? Cas du Sénégal

Des points de vue qui se dégagent :
Mondial-2002 - Sénégal-Turquie: l'ordre mondial bousculé
Le Sénégal serein avant d'affronter la Turquie
Mondial: toute l'Afrique du football soutient le Sénégal


Mondial-2002 - Sénégal-Turquie: l'ordre mondial bousculé
Par Samir TOUNSI

AFP, OSAKA (Japon), 20 juin 2002, 14h47 - Avec le Sénégal ou la Turquie, avec El Hadji Diouf ou Hakan Sukur, une nouvelle puissance du football va bousculer l'ordre du Mondial-2002 et s'inviter en demi-finale contre le Brésil ou l'Angleterre à l'issue du quart entre le dernier représentant de l'Afrique et les Turcs samedi à Osaka.

Dans ce duel d'outsiders, les Sénégalais, qui disputent leur première Coupe du monde, tiennent plus que jamais à leur rôle de "petits", tout en croyant à leur chance d'être les premiers Africains à atteindre une demi-finale de Coupe du monde.

"C'est du 50/50", selon le milieu de terrain Salif Diao, qui revient de suspension, et le gardien de but Tony Sylva. "Non! C'est du 80 pour eux et du 20 pour nous", corrige le capitaine Aliou Cissé, qui pourra tenir sa place en milieu de terrain selon toute vraisemblance après avoir récupéré de son problème au mollet gauche.

Tous sont d'accord sur une chose: "Nous respectons les Turcs mais nous n'avons pas peur d'eux".

"La Turquie est très forte. Ils sont bien en place. C'est techniquement une très bonne équipe avec des joueurs offensifs de qualité", selon le sélectionneur Bruno Metsu, qui souligne aussi le "vécu européen" des Turcs et la victoire de Galatasaray en Coupe de l'UEFA en 2000.

Le Sénégal affiche des effectifs au complet avec le retour possible en milieu du stratège Khalilou Fadiga, qui a purgé son match de suspension en 8e de finale contre la Suède (victoire 1 à 0). Le gaucher d'Auxerre (D1 française) joue un rôle déterminant sur les coups de pied arrêtés et dans l'approche du but.

Orgueil des Lions

Prochain joueur de Liverpool comme El Hadji Diouf, Salif Diao (ex-Sedan/D1 française) peut également retrouver son poste en milieu de terrain.

Le Sénégal aborde sa rencontre face à la Turquie dans de meilleures conditions que face à la Suède dimanche dernier. Les défenseurs Ferdinand Coly (genou droit), Omar Daf, Malick Diop (entorse à la cheville) et le capitaine Aliou Cissé (mollet gauche) ont eu le temps de se refaire une santé en six jours de repos, deux de plus que la Turquie qui n'a battu que mardi le Japon (1-0).

A la lecture de la presse, Metsu a pu conclure que le sélectionneur adverse Senol Gunes "dénigrait" son équipe en pensant déjà à la demi-finale contre le vainqueur d'Angleterre-Brésil. "C'est bien, il fait 50% de mon travail", ironise Metsu, qui sait qu'il en faut moins pour fouetter l'orgueil de ses Lions.

Un peu fatigués mercredi, les Sénégalais ont "retrouvé le sourire" jeudi lors d'une journée sans entraînement mais avec séance de musculation et visionnage d'une cassette des Turcs.

Les joueurs de Metsu, qui ont l'habitude de ne pas s'entraîner 48 heures avant la rencontre, vont découvrir vendredi comme leurs adversaires le stade d'Osaka, théâtre de leur affrontement inédit samedi.


Le Sénégal serein avant d'affronter la Turquie

Le Soleil ( www.lesoleil.sn ) . Edition du Jeudi 20 Juin 2002, Dakar Sénégal
Loin d'être enivré par ses succès, le Sénégal reste modeste avant d'affronter la Turquie samedi en quart de finale de la Coupe du monde de football. Les hommes de Bruno Metsu ont pratiquement fait relâche mercredi en raison d'un petit coup de fatigue, mais ils se préparent sans tapage à devenir la première équipe africaine demi-finaliste d'un Mondial.

"Nous n'avons aucune expérience à ce niveau", a rappelé Metsu, dont la longue crinière brune est digne de l'appellation "Lions de la Teranga", le surnom de la formation sénégalaise. Mercredi, le sélectionneur français a allégé un entraînement annoncé dur, en raison de la fatigue des joueurs. "C'est la première fois que je vois ça. Ils ont même eu du mal à se lever". Trois joueurs ont été particulièrement préservés: Ferdinand Coly touché au genou droit, le capitaine Aliou Cissé victime d'une douleur à une cuisse, et Pape Malick Diop, dont la cheville s'est tordue.

"C'est du 80 pour 100 en leur faveur, du 20 pour 100 pour nous", a déclaré Cissé à propos d'une formation turque qu'il juge redoutable, notamment dans sa capacité à gagner les duels. Mais "nous avons les mêmes capacités, au niveau athlétique et dans l'habilité à dribbler les défenseurs adverses", juge-t-il.

Malgré la présence d'El Hadji Diouf, "meilleur joueur africain de l'année" et le fait d'avoir battu la France puis éliminé la Suède au "but en or" en huitièmes de finale, les Lions ne veulent pas vendre la peau de l'ours. "Ce sera dur. Ce sont tous (les Turcs) d'excellents joueurs qui évoluent dans de grands clubs européens", souligne Metsu, qui rappelle qu'en l'an 2000 Galatasaray est devenu le premier club turc vainqueur de la Coupe de l'UEFA. "Prenez leurs joueurs individuellement, ils sont tous célèbres!"

Le sélectionneur français a su se fondre dans la mentalité africaine pour mener sur la voie du succès sa sélection, finaliste de la Coupe d'Afrique des Nations en janvier dernier. Il laisse ses joueurs se coucher au petit matin, les accompagnant parfois dans leurs virées nocturnes. Il les laisse aussi trouver leur position préférée sur le terrain, comme Diouf face aux Suédois, qui s'est montré à son meilleur niveau en revenant sur le côté gauche en fin de rencontre après avoir erré de longues minutes sur la droite. "Mes attaquants décident par eux-mêmes. Cela fait partie de leur inspiration", explique-t-il.

"Bruno a créé un groupe. Ils savent comment jouer ensemble, il le leur a appris", souligne El Hadji Malick Sy, le président de la fédération sénégalaise. Metsu a aussi rejeté les rites africains, style arrosage des buts ou sacrifice d'un animal. "Si ça marchait, nous serions déjà champions d'Afrique et du monde", sourit-il... Les 11 "Sénéfs" peuvent entrer samedi dans la légende de la Coupe du monde. En faisant mieux que le Cameroun qui, en 1990, avait atteint les quarts de finale du Mondiale italien.


Mondial: toute l'Afrique du football soutient le Sénégal
par William MacLean

Reuters, NAIROBI, 20 juin 2002 13:46 - L'Afrique va exploser de joie si d'aventure le Sénégal entre dans l'histoire samedi en devenant la première équipe du continent à se qualifier pour les demi-finales de la Coupe du monde.

Partout en Afrique, les supporters se délectent depuis trois semaines des progrès spectaculaires effectués par l'équipe du Sénégal en Corée du Sud et au Japon.

Le style de jeu très direct de l'équipe sénégalaise a été salué à travers tout le continent, généralement habitué à partager de plus sombres nouvelles. Les Africains ont particulièrement goûté la victoire du Sénégal en match d'ouverture contre l'ancienne force coloniale française.

Mais une place en demi-finale, qui ouvrirait le chemin vers un titre mondial à peine envisageable, poserait définitivement la griffe de l'Afrique sur le sport le plus populaire de la planète.

"L'Afrique est fière du Sénégal et nous ne faisons qu'un pour le soutenir, pour qu'il puisse atteindre les plus hautes sphères de la Coupe du monde", a déclaré Nkosazana Dlamini-Zuma, ministre sud-africain des Affaires étrangères.

"Ce serait une fête gigantesque pour toute l'Afrique s'ils arrivaient jusqu'en finale", confirme Hilaire Kulenguluka, vendeur de journaux dans les rues de Kinshasa (RDC).

Après avoir battu les champions du monde en titre 1-0 en match d'ouverture, fait match nul 1-1 contre le Danemark, 3-3 contre l'Uruguay, et sorti la Suède 2-1 en huitième de finale, les Sénégalais s'apprêtent à retrouver samedi la Turquie à Osaka, confiants dans leur possibilité de gagner et de rencontrer ensuite en demi-finale soit l'Angleterre, soit le Brésil.

Le journal kenyan Daily Nation a d'ailleurs fait ce commentaire: "L'espace d'un instant, nous pouvons oublier la famine, les guerres, les présidents qui s'accrochent au pouvoir, tous ces problèmes qui font de l'Afrique le client préféré des médias du monde entier quand il s'agit de parler de mauvaises nouvelles."

Dans le sillage du Sénégal devenu la deuxième équipe africaine à atteindre les quarts de finale d'une Coupe du monde - après le Cameroun en 1990 -, d'autres nations africaines rêvent désormais de faire la même chose, notamment en Afrique de l'Est, parent pauvre du football africain.

"Il y a 12 ans à peine, le Kenya et le Sénégal avaient fait match nul 0-0 lors des qualifications pour la Coupe d'Afrique des Nations en Algérie et, comme le Kenya, le Sénégal avait été éliminé à ce stade de la compétition", se souvient Nicholas Musonye, secrétaire général du Conseil des Fédérations de football d'Afrique centrale et de l'Est.

"Aujourd'hui, le Sénégal est au faîte du football mondial. Quel meilleur exemple pour les nations africaines, spécialement celles de ma région?"

UN DON ET DU SAVOIR-FAIRE

Les commentateurs reconnaissent que la force des Sénégalais consiste à mélanger le don naturel des Africains et le savoir-faire européen, sans oublier la discipline apprise dans le championnat français.

Mamane Sadou, domestique et supporter de football nigérien, pense lui aussi que les équipes africaines devraient s'aligner sur les standards européens.

"Nous devons rendre nos joueurs plus professionnels, et leur apporter des conditions financières identiques à celles garanties sur les autres continents", a estimé Sadou.

Mark Ssali, journaliste sportif au quotidien ougandais Monitor, abonde dans le même sens: "Le succès de l'Afrique dans cette Coupe du monde, on le doit au fait que nos joueurs se sont expatriés en Europe. Nos talents bruts se sont professionnalisés. Ils ont appris la technique et la discipline tactique nécessaires pour réussir au niveau mondial."

Mais de retour à la maison, le beau jeu est de nouveau en berne.

Parmi les 14 membres de la Communauté pour le développement de l'Afrique australe, seule l'Afrique du Sud possède deux stades aux normes internationales, et les clubs sud-africains sont les seuls à bénéficier de leur propre terrain d'entraînement. Et dans la plupart des cas, les stades de football sont à peine entretenus.

Le sponsoring en est encore à ses balbutiements et les droits de télévision n'existent pas car, dans la plupart des pays, la seule chaîne de télévision étatique retransmet le plus souvent les matches en direct sans payer de droits.

"La situation financière est vraiment mauvaise, et cela explique en grande partie le faible niveau de nos championnats", estime Evaristo Kasunga, président de la fédération zambienne.

"L'Afrique doit malheureusement compter sur l'Europe pour faire éclore ses talents."

L'ARGENT DE LA FIFA

La Fifa donne désormais de l'argent aux fédérations africaines pour développer leurs équipes de jeunes, mais ceux qui émergent de ces formations partent ensuite généralement vers l'Europe, dans des clubs de troisième division qui les paient mieux que les plus grands clubs du continent noir.

Dans les pires cas, les fédérations utilisent l'argent à des fins plus ou moins douteuses, disent certains commentateurs sportifs.

"Les joueurs africains, réputés pour leur endurance, pourraient être aussi bon techniquement et tactiquement que leurs collègues européens ou asiatiques s'ils avaient accès aux mêmes infrastructures, et s'ils avaient le soutien de leur fédération", explique Ousmane Moussa, étudiant à l'Université de Niamey (Niger).

Le succès du Sénégal pourrait néanmoins faire rentrer de l'argent frais dans le football africain.

Pour preuve, la première division sud-africaine vient de se voir proposer, il y a deux semaines, un nouveau partenariat de 14 millions de dollars sur les cinq prochaines années par un fabricant de bière local (South African Breweries). Il s'agit d'un nouveau record pour le football professionnel du continent africain.


Actualité internationale et africaine 4 | Champion, Sport