Côte d'Ivoire : bilan des trois premiers jour de combats, progression des insurgés, renfort français

Après trois jours de mutinerie : un premier bilan officiel fait état de 270 morts et de 300 blessés. Parmi ces victimes figurent notamment le général Guéi, ancien président de la République, le ministre de l'Intérieur, Emile Boga Doudou tués dès les premières heures.


L'agitation semble gagner le Nord, alors que Paris envoie des renforts --par Clar Ni Chonghaile
ABIDJAN (AP), 22 septembre 2002 12:27 - Trois jours après le coup d'Etat manqué en Côte d'Ivoire, une manifestation populaire de soutien aux rebelles et contre le régime du président Laurent Gbagbo semble avoir eu lieu dimanche à Bouaké, la deuxième ville du pays à forte majorité musulmane.

Des témoins rapportent que des milliers de personnes ont convergé vers le centre-ville, criant des slogans tels que «Gbagbo voleur!» et saluant les rebelles passant à distance.

«Depuis que Gbagbo est au pouvoir, il tue nos familles», a hurlé un jeune homme joint au téléphone depuis Abidjan. «On en a marre de lui», a-t-il ajouté sans vouloir dire son nom. On entendait derrière lui une foule chanter et siffler.

La veille, des soldats loyalistes ont été vus en train de se diriger vers le Nord du pays où les mutins contrôlent toujours Bouaké (350km au nord d'Abidjan) et Korhogo, bastion de l'opposition dans le Nord musulman et fief d'Alassane Dramane Ouattara, principal opposant réfugié à l'ambassade de France de peur d'être considéré comme l'instigateur du coup d'Etat.

Un responsable de son parti, le Rassemblement des républicains (RDR), a affirmé que la maison de M. Ouattara avait été incendiée tôt dimanche, après que l'armée l'eut pillé la veille et tué l'un de ses collaborateurs, selon lui.

A Korhogo, autre ville musulmane du Nord, où le calme régnait dimanche, les mutins ont affirmé aux habitants que le gouvernement avait fait appel à des soldats angolais pour «tuer les nordistes» et exhorté les jeunes à prendre les armes avec eux. Un homme disant s'appeler Ouattara a déclaré dimanche par téléphone à l'Associated Press que les mutins contrôlaient tout le Nord. «Nous avons commencé par le Nord parce qu'on voulait protéger nos familles», a-t-il dit.

Un responsable burkinabé de la sécurité a d'ailleurs affirmé sous couvert d'anonymat que les rebelles avaient pris des petites localités dans le Nord, dont Katiola, Ferkessedougou et Ouangolodougou, près de la frontière avec le Burkina Faso. Selon lui, ces prises ont été faites pour éviter que les forces gouvernementales n'utilisent les aérodromes locaux pour y envoyer des renforts. Cette affirmation n'a pu être confirmée de source indépendante.

Devant l'instabilité de la situation, la France a en tout cas décidé de renforcer sa présence militaire, estimée actuellement à 600 hommes, pour protéger les quelque 20.000 ressortissants français dans le pays. Officiellement, ces renforts doivent «assurer la sécurité des ressortissants français et de la communauté internationale en Côte d'Ivoire», a précisé dimanche matin dans un communiqué l'état-major des armées.

Les affrontements entre les forces gouvernementales et les mutins ont fait environ 270 morts et quelque 300 blessées depuis jeudi, selon un bilan provisoire rapporté samedi par la télévision d'Etat ivoirienne.


La France envoie des renforts en Côte d'Ivoire

PARIS/ABIDJAN (Reuters), dimanche 22 septembre 2002, 11h00 - Paris a envoyé dimanche des renforts pour protéger les ressortissants français et occidentaux en Côte d'ivoire, en proie à la crise politique la plus grave depuis son indépendance en 1960.

La France a envoyé des soldats pour renforcer le 43e BIMA, a déclaré à l'ambassade de France en Côte d'Ivoire le colonel Philippe Bonnel, faisant référence à la division militaire forte de 560 hommes stationnée à Abidjan.

"Il ne s'agit pas d'intervenir dans un conflit interne, mais d'assurer la sécurité des Français et des autres citoyens occidentaux en Côte d'Ivoire", a-t-il déclaré.

"Les premiers renforts sont arrivés ce matin au lever du jour", par rotation d'avions tactiques Transall depuis les bases dont dispose la France en Afrique, a confirmé à Paris le colonel Christian Baptiste, de l'état-major des Armées.

"Des moyens hélicos sont en train d'arriver à Abidjan en ce moment" et le dispositif initial devrait être en place avant la mi-journée, a-t-il précisé à Reuters, qualifiant l'opération de "mesures de précaution".

L'armée française dispose, outre la Côte d'Ivoire, de bases au Gabon, au Tchad, à Djibouti et au Sénégal.

"Il s'agit, si nécessaire, de protéger les ressortissants français et les membres de la communauté internationale, de créer des îlots de sécurité pour éviter qu'ils ne soient pris entre deux feux", a précisé le colonel Baptiste.

"Il faut pouvoir agir très vite pour agir auprès des gens qui ne sont pas dans la capitale", a-t-il ajouté en insistant sur la dispersion des ressortissants français à travers le pays, y compris en brousse.

 

"MIEUX VAUT PREVENIR QUE GUERIR"

Environ 20.000 Français résident en Côte d'Ivoire, dont 8.000 à 10.000 bi-nationaux. L'état major des armées estime que 1.000 ressortissants étrangers, dont 600 Français, sont installés à Bouaké, la deuxième ville du pays où les rebelles ont promis de résister aux forces loyalistes.

Au Quai d'Orsay, où une cellule de crise a été mise en place pour les familles, on précise qu'"aucun Français n'a été menacé pour l'instant". "Dans ces cas là, il vaut mieux prévenir que guérir", a déclaré une porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

"Il s'agit d'un conflit interne et il semble qu'il n'y ait pas de volonté de nuire à la communauté internationale", a dit pour sa part le colonel Baptiste.

Le gouvernement ivoirien a repris le contrôle d'Abidjan après la mutinerie de jeudi et l'armée se préparait dimanche à lancer une offensive pour reprendre aux rebelles les deux villes qu'ils contrôlent dans le nord du pays.

Jeudi dernier, le président ivoirien, Laurent Gbagbo, avait fait savoir qu'il n'excluait pas de demander l'intervention de l'armée française en vertu d'un accord de coopération entre Paris et Abidjan.

Mais la ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie, avait souligné qu'une telle éventualité n'était envisageable qu'en cas "d'attaque d'un pays étranger".

"S'il y a une attaque d'un pays étranger à l'encontre de l'un des pays, tels que la Côte d'Ivoire, avec lesquels nous avons un accord de coopération, alors la France peut être amenée à intervenir mais seulement dans ce cas", avait-elle expliqué.

"Pour l'instant, il s'agit d'une affaire purement intérieure à la Côte d'Ivoire".


Mutinerie de militaires en côte d'Ivoire ou remake du coup d'Etat de 1999 ?