Vers la paix en Côte d'Ivoire : premier accord de cessez-le-feu signé sous la direction de Cheikh Tidiane Gadio  de la CEDEAO

Le cessez-le-feu devra entrer en vigueur à partir de minuit, ce jeudi 17 octobre 2002.
 "C'est un accord très capital", déclare Tuo Fozié, l'un des chefs du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), en signant le texte au nom des rebelles.


"Il faut bombarder Daloa", estiment des mutins victimes d'une embuscade

PRES DE DALOA (Côte d'Ivoire), 17 oct (AFP) - 23h01 - "Maintenant il ne faut plus faire de sentiments, il faut bombarder". Colère et détermination dominaient jeudi après-midi chez les mutins partis à la reconquête de Daloa et victimes d'une embuscade, tendue selon eux par soldats angolais à une vingtaine de kilomètres de la ville.

Partis dans la matinée pour reprendre la capitale du cacao de l'ouest ivoirien, les véhicules des troupes en lutte contre le président ivoirien, Laurent Gbagbo, ont été arrêtés par les tirs d'un char, avant d'essuyer les rafales de tireurs embusqués.

Cibles de leur colère, "les Angolais", que les mutins accusent de combattre aux côtés des troupes loyales au gouvernement ivoirien, et les armes lourdes qu'ils utilisent. Ils n'en démordent pas, les auteurs de l'embuscade et les tireurs sont angolais, alors que l'Angola dément de son côté toute implication.

"Les gendarmes de Daloa ont fui et le président nous envoie des Angolais pour nous combattre", proteste l'un d'entre eux, approuvés par ses camarades. "Ils utilisent des chars contre des kalachnikov. Alors qui sont les criminels, qui sont les rebelles?", poursuit-il à l'adresse du journaliste de l'AFP.

Les traits marqués, tous les visages accusent le coup. La sérénité et l'engouement qui s'y lisaient le matin ont disparu.

"On va les tuer!", affirmaient crânement certains, avant de s'entasser à l'arrière des camions et des pick-up, qui portent encore pour la plupart le nom des entreprises ou administrations auxquelles ils ont été "réquisitionnés".

Ces mêmes pick-up, tachés de sang, transportent maintenant la dizaine de blessés, dont certains sérieusement touchés, allongés tant bien que mal au milieu des armes et des caisses de munitions.

La surprise passée, les mutins, repliés dans un village à quelques kilomètres du lieu de l'embuscade, tentent de se réorganiser. Le chef des mutins de Vavoua, le sergent Zacharias Koné, explique la situation par téléphone satellitaire à un mystérieux interlocuteur, qui lui transmet à son tour des instructions.

Pendant ce temps, les soldats palabrent. Chacun donne son avis sur la stratégie à suivre. Certains ont fait savoir à leurs chefs que la "voie était empoisonnée".

"Il ne faut plus suivre la route", affirme un des mutins. "Même si on doit faire 40 kilomètres à pied, on prendra Daloa".

"On a trop fait de sentiment, il faut bombarder la ville au mortier", estime un autre, le front ceint, comme nombre de ses camarades, d'un gri-gri destiné à le protéger des balles ennemies.

Son camarade, kalachnikov en bandoulière, est encore plus radical: "Moi, je te dis: maintenant on mitraille tout ce qui bouge". "Tout ce qui bouge", cela signifie, ne plus faire attention aux populations civiles de la région, en majorité d'ethnie bété -à laquelle appartient le président Gbagbo- qui selon certains mutins, aident l'ennemi.

Un chef s'interpose: "Interdiction formelle de toucher aux populations civiles".

Amer, Zacharias Koné affirme, lui, n'avoir utilisé que des armes légères dans son combat, afin de protéger les civils, majoritairement favorables selon lui -même dans la région de Daloa- au mouvement lancé le 19 septembre.

Mais il avertit: "On est attaqué par des Angolais qui nous pilonne avec des mortiers de 60mm. Si ça continue, je vais être obligé de changer de méthodes". Dans le village où ils se sont retranchés après l'attaque, les mutins montent un mortier. Au loin, la population assiste aux préparatifs, plutôt inquiète.


Le cessez-le-feu ranime les espoirs de paix en Côte d'Ivoire

Par Silvia Aloisi

BOUAKE, Côte d'Ivoire (Reuters), jeudi 17 octobre 2002, 20h00 - Les rebelles ivoiriens ont signé un cessez-le-feu auquel le gouvernement a donné son accord de principe, afin de mettre un terme à une rébellion armée entamée le 19 septembre et qui menace l'équilibre politique de l'ensemble de la région.

"C'est un accord très capital", a déclaré Tuo Fozié, l'un des chefs du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), en signant le texte au nom des rebelles dans leur bastion de Bouaké, la deuxième ville du pays, à 360 km au nord d'Abidjan.

"Le président Gbagbo avait donné une semaine aux rebelles pour en sortir par la paix ou la par la guerre, je me réjouis qu'ils aient choisi la première option", a déclaré à Reuters Toussaint Alain, conseiller du chef de l'Etat ivoirien.

A Paris, les autorités françaises ont salué la signature de cet accord de cessez-le-feu et ont assuré le président Gbagbo de leur appui pour mettre fin à la crise.

"Nous saluons le président Gbagbo qui a privilégié la solution politique plutôt que l'option militaire et l'assurons de notre entier soutien pour poursuivre dans cette voie et la mener à bien", a déclaré François Rivasseau, porte-parole du Quai d'Orsay.

En quatre semaines, des centaines de personnes sont mortes et des centaines de milliers d'autres ont été jetées sur les routes. L'affrontement n'a fait qu'accroître le ressentiment interethnique dans un pays divisé entre le Nord à majorité musulmane et le Sud principalement chrétien et animiste.

Les rebelles, dont l'origine, les motivations et les dirigeants demeurent imprécis, tiennent le nord du pays. Ils ont demandé la démission du président Gbagbo et l'organisation d'élections.

L'artisan de ce cessez-le-feu a été le ministre sénégalais des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio, mandaté par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (Cedeao). Ce dernier n'en a pas communiqué les détails mais a expliqué qu'il devait entrer en vigueur à 00h00 GMT et qu'il serait contrôlé par une "force de surveillance" ouest-africaine.

 

LE COURS DU CACAO RETOMBE A LONDRES

Le chef de la diplomatie sénégalaise a expliqué aux journalistes que "le dialogue avec les autorités ivoiriennes commencera dès que possible". Gadio a ajouté qu'il s'attendait à ce que le gouvernement fasse une déclaration jeudi soir.

Proche de Laurent Gbagbo, Toussaint Alain a estimé que cet accord constituait "un progrès appréciable vers l'ouverture d'un dialogue entre la rébellion armée et les autorités" de Côte d'Ivoire.

"Le président Gbagbo a lui-même déjà indiqué à plusieurs reprises sa disponibilité à explorer les voies susceptibles de conduire à la paix et au retour de l'ordre constitutionnel en Côte d'Ivoire", a-t-il dit.

Toussaint Alain a salué "l'action combinée" des médiateurs de la Cedeao et de la diplomatie occidentale "même si ces derniers jours nous pensions que certains partenaires nous soutenaient comme la corde soutient le pendu, au point d'en oublier où se trouvent la légalité et l'état de droit".

"Maintenant nous attendons de voir si les rebelles respecteront les termes du plan", a-t-il ajouté.

Il a précisé que l'accord prévoyait notamment l'encasernement des rebelles et "le rétablissement des services publics ainsi que la libre circulation des biens et des personnes à l'intérieur du pays".

Avec l'annonce de cet accord, le cours du cacao, qui flambait à des plus hauts historiques depuis plusieurs semaines, a baissé sur le marché à terme de Londres.

Reste à savoir s'il sera effectivement respecté. Suite à une promesse d'accord, les rebelles ont quitté lundi dernier la table de négociations, accusant le gouvernement de profiter de la trêve pour recevoir l'aide de soldats angolais. Ce que Gbagbo et Luanda démentent. Mais les rebelles ont annoncé qu'ils pouvaient prouver leurs affirmations en montrant des Angolais faits prisonniers.

Plusieurs pays limitrophes de la Côte d'Ivoire craignaient que cette crise n'entraîne un exode de réfugiés ivoiriens et fragilise leurs économies.

Jeudi, des habitants de Daloa ont continué à fuir en masse la ville de Daloa, au centre du pays, en plein coeur de la "Boucle du cacao". Tombée dimanche aux mains des rebelles, le gouvernement a dit l'avoir reprise lundi, mais des fusillades ont continué à y être entendues les jours suivants.

Daloa, théâtre d'affrontements ethniques ces dernières années, est à l'image du pays, divisée entre des quartiers peuplés de Bete, ethnie du président et d'autres de Dioulas, originaires du nord.


Signature de la trêve avec les rebelles ivoiriens

ABIDJAN (AP), jeudi 17 octobre 2002, 18h14 - Presque un mois après le début des troubles, les rebelles qui contrôlent la moitié nord de la Côte d'Ivoire ont signé une trêve avec le gouvernement du président Laurent Gbagbo, selon les médiateurs de la délégation ouest-africaine qui se sont rendus jeudi à Bouaké où a eu lieu l'événement.

L'adjudant Tuo Fozie a signé ce cessez-le-feu au nom de la rébellion dans cette ville du centre du pays qui est tenue par elle depuis le 19 septembre.

"Les insurgés ont accepté de cesser les hostilités et accepté des pourparlers avec le gouvernement pour obtenir réparation", a déclaré le médiateur Mohammed Ibn Chambas, l'un des signataires.

Le gouvernement ivoirien n'avait dépêché personne pour cette signature mais selon le chef de la diplomatie sénégalaise, Cheikh Tidiane Gadio, l'un des médiateurs, le président Laurent Gbagbo devrait faire une déclaration acceptant l'accord.

Le nouveau plan élaboré sous les auspices de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) exige des rebelles la cessation des hostilités". Ceux-ci devraient conserver leurs positions durant les pourparlers de paix. Les négociations devraient avoir pour cadre une ville ivoirienne en présence de représentants ouest-africains et internationaux, selon le président sénégalais Abdoulaye Wade à l'origine des propositions.

"Si on suit (le plan) pas à pas, on doit arriver" à un accord, avait déclaré mercredi Abdoulaye Wade à l'Associated Press, lors d'un entretien à Paris. "Les rebelles vont pouvoir dire au Président de la République de Côte d'Ivoire les raisons pour lesquelles ils sont mécontents au point d'aller prendre les armes", a-t-il poursuivi. "Je trouve que c'est un gros progrès."

Une première tentative d'accord de cessez-le-feu, à l'initiative des médiateurs ouest-africains avait échoué à la dernière minute le 6 octobre car le gouvernement de Laurent Gbagbo insistait pour que les rebelles désarment d'abord.

Le président sénégalais a ajouté que les chefs rebelles souhaitaient que "tous les pays du G8 (Groupe des pays les plus industrialisés, ndlr) signent" un accord éventuel, et a souligné que les rebelles craignaient un assaut des troupes loyalistes en cas de trêve.

Le plan prévoit également le rétablissement des services administratifs et la libre circulation des biens à l'intérieur du pays, scindé en deux entre le sud loyaliste et le nord contrôlé par les rebelles.

Répondant par ailleurs à certaines accusation des rebelles, le président Gbagbo a nié la présence de soldats Angolais en Côte d'Ivoire, au cours d'un entretien publié jeudi dans "Le Figaro". "Nous avons acheté des armes et des munitions au début de cette crise. (...) Nous avons payé, et c'est maintenant que ces armes arrivent", concède le président ivoirien.

L'ambassade angolaise en Côte d'Ivoire a nié la présence de ses soldats. Mais un ministre des Affaires étrangères européen a affirmé sous couvert de l'anonymat que 500 militaires angolais se trouvaient en Côte d'Ivoire.

Sur le terrain, des échanges de tirs ont été entendus mercredi dans un quartier d'Abidjan. La police paramilitaire a déclaré que les autorités étaient à la recherche de rebelles dans une zone voisine d'une importante base militaire.

Par ailleurs l'association Reporters sans frontières a rapporté que les locaux de trois journaux d'opposition avaient été saccagés par une cinquantaine de personnes en civil mercredi.

La France et la Grande-Bretagne conseillent à leurs ressortissants d'éviter de se rendre en Côte d'Ivoire, Londres suggérant à ceux qui se trouvent sur place de quitter le pays. "Si la situation se détériore, il est possible que l'ambassade britannique ne puisse pas aider à les évacuer", a averti le ministère britannique des Affaires étrangères.

La Belgique, les Pays-Bas, le Portugal, l'Espagne et les Etats-Unis ont également demandé à leurs ressortissants de quitter la Côte d'Ivoire. AP


Signature Du Cessez-Le-Feu En Cote D'ivoire

 
jeudi 17 octobre 2002, 17h42

Le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio (à gauche), signe un accord de cessez-le-feu avec les dirigeants des rebelles ivoiriens, l'adjudant Tuo Fozie (à droite) et le sergent Sherif Ousmane (2e à droite), à Bouake. La trêve, qui a déjà été acceptée par le gouvernement, prévoit une cessation des hostilités à minuit heure locale, qui pourrait être suivie de l'ouverture de négociations. /Photo prise le 17 octobre 2002 /Eric Gaillard REUTERS


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