Evacuation de Bouaké vers Yamoussoukro, renforts nigérians, tentative de trêve et de médiation, offensive de l'armée loyaliste


Le gouvernement ivoirien prépare l'offensive contre les mutins
par Alistair Thomson

BOUAKE (Reuters), 26 sept 02 20h39 - Les autorités ivoiriennes ont qualifié jeudi de "zones de guerre" les régions du Centre et du Nord occupées depuis une semaine par les mutins de l'armée et annoncé qu'elles en reprendraient le contrôle dans les heures qui viennent.

Les soldats français ont pu pénétrer dans la journée dans le centre de Bouaké, la deuxième ville du pays tenue par les insurgés, ces derniers ayant accepté un cessez-le-feu de 48 heures pour permettre l'évacuation de centaines de ressortissants étrangers qui y sont bloqués.

Un envoyé spécial de Reuters a aperçu un grand nombre de corps éparpillés près de l'école militaire de Bouaké. En une semaine, les affrontements ont fait bien plus de 300 morts.

"C'était affreux. Il y a eu deux ou trois fortes attaques juste devant la maison", a raconté Olivier Belhomme, un Français qui a emménagé il y a deux mois à Bouaké avec sa femme et son enfant. "Mais le pire est à venir pour les Ivoiriens qui doivent rester", a-t-il averti, alors qu'il se réfugiait à Abidjan.

"Nous déclarons les régions de Bouaké et de Korhogo zones de guerre. Quiconque se trouvera dans ces zones dans les heures qui viennent en dehors des forces amies, avec des armes, ou en situation de belligérance, sera considéré comme ennemi de notre pays et de notre peuple", a prévenu le ministre de la Défense, Moïse Lida Kouassi.

"Dans quelques heures, nos forces de l'ordre vont accomplir leur devoir", a-t-il annoncé, laissant présager une offensive des forces loyalistes contre les mutins, une fois l'évacuation des ressortissants étrangers achevée.

LA CEDEAO AVANCE SON SOMMET

La situation en Côte d'Ivoire a été jugée suffisamment grave par Washington et Londres pour qu'ils envoient quelques dizaines de militaires assurer la sécurité de leurs ressortissants.

Le Nigeria et le Ghana ont annoncé également l'envoi de forces pour soutenir le gouvernement élu ivoirien à la demande du chef d'Etat sénégalais Abdoulaye Wade, président en exercice de la Cedeao, et avec l'accord du président Laurent Gbagbo.

Leur intervention se place dans le cadre de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, qui regroupe 15 Etats. Celle-ci n'a toutefois toujours pas officiellement donné son feu vert à une intervention en Côte d'Ivoire de son bras armé, l'Ecomog.

L'organisation a cependant annoncé qu'elle avait avancé au 29 septembre le sommet extraordinaire convoqué initialement le 5 octobre à Dakar ou à Accra.

Le vice-ministre nigérian des Affaires étrangères, Dubem Onya, a déclaré à Reuters qu'aucun soldat de l'Ecomog n'était encore parti pour la Côte d'Ivoire. "Le gouvernement du président Gbagbo affirme pouvoir maîtriser la situation. Les troupes de l'Ecomog ne sont, pour le moment, qu'en alerte", a-t-il souligné.

Les autorités ivoiriennes ont une nouvelle fois accusé des puissances étrangères de soutenir les mutins, sans citer expressément le Burkina Faso.

"Il ne peut s'agir que d'une aggression extérieure. En effet, c'est une véritable guerre d'occupation de notre territoire (...) par des bandes de terroristes puissament armés par des mains invisibles", a observé Kouassi.

A Ouagadougou, le gouvernement burkinabé s'est dit préoccupé par des événements "que l'on sait internes à la Côte d'Ivoire" et appelé "les acteurs en place" à la retenue, au sens de la responsabilité et au dialogue. Plusieurs manifestants, mercredi, s'en sont pris aux intérêts burkinabés en Côte d'Ivoire.

LA FRANCE NE SE MELE PAS AU CONFLIT

L'opération d'évacuation de Bouaké par les soldats français s'est poursuivie jeudi. Elle concerne non seulement les Français mais aussi les non-Ivoiriens désireux de quitter Bouaké, qui "sont plus de 700", a annoncé à Paris la ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie, en parlant de "crise sérieuse" et de "risques d'affrontements".

Elle a précisé que la France était soucieuse de ne pas se mêler de ce conflit mais avait des contacts avec les autorités comme avec les mutins.

Le général Jean-Pierre Kelche, chef d'état-major des forces armées françaises, a précisé sur LCI que ses troupes resteraient à Bouaké "le temps qu'il faudra jusqu'à ce qu'on soit sûr que tous les volontaires pour partir aient bien franchi la zone de sécurité".

A Paris, Jacques Chirac a exprimé sa "préoccupation persistante" devant l'évolution de la situation en Côte d'Ivoire et souhaité que cette crise soit gérée "dans un esprit de modération et de négociation".

Jeudi le calme semblait régner à Bouaké où un millier de personnes ont défilé pour soutenir les rébelles en scandant "Gbagbo dehors! Gbagbo nous avons faim!".

A Abdijan, au contraire, des centaines de jeunes gens ont défilé en chantant l'hymne national en signe de "soutien au gouvernement et aux forces loyalistes".


Côte d'Ivoire: les étrangers évacués de Bouaké

YAMASSOUKRO (AP), 26 septembre 2002, 18h41 - La tension continue de monter en Côte d'Ivoire. Les autorités ont déclaré "zone de guerre" jeudi deux villes du pays tenues par les rebelles et ont annoncé un assaut imminent alors que l'armée française évacue plusieurs centaines d'Occidentaux du centre de la Côte d'Ivoire.

"Dans quelques heures, les forces nationales de Côte d'Ivoire seront appelées à faire leur devoir", a annoncé le ministre ivoirien de la Défense, Lida Moïse Kouassi, dans un communiqué lu à la télévision nationale. Il a décrété "zones de guerre" les deux villes prises par les rebelles depuis le 19 septembre dernier, Bouaké située au centre du pays et Korogho, un des bastions de l'opposition ivoirienne dans le nord. Lida Moïse Kouassi a prévenu que toute personne armée à Bouaké serait considérée comme un ennemi de l'Etat et a exhorté les belligérants à déposer les armes.

Arrivés mercredi à Bouaké, les soldats français ont négocié un cessez-le-feu avec les rebelles afin d'évacuer les Occidentaux présents dans la ville. Des diplomates occidentaux ont confirmé jeudi après-midi que l'évacuation des étrangers était en cours, et que des files de voitures se formaient en attendant d'être escortées par les militaires français.

La ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie, a annoncé que l'armée allait "procéder à l'évacuation de tous les ressortissants qui souhaiteraient quitter la ville" de Bouaké.

"Tout le monde a peur. On aimerait être aidés nous aussi", confiait une Ivoirienne de Bouaké jointe par téléphone. L'eau et l'électricité on été coupées et les habitants de la ville sont cloîtrés chez eux.

Jean-Pierre Kelche, chef d'état-major des armées françaises a évalué entre 700 et 800 le nombre de candidats au départ. "Mais l'expérience montre qu'en fait, une fois qu'on sera dans la ville, tous ceux qui veulent partir, nous les prendrons bien évidemment".

Le président Jacques Chirac a fait part de sa "préoccupation persistante" devant l'évolution de la situation. Le chef de l'Etat, qui s'exprimait à l'issue d'un entretien avec le président kenyan Daniel Arap Moi, a de nouveau souhaité que cette crise soit gérée "dans un esprit de modération et de négociation".

Près de 650 Français vivent à Bouaké ainsi qu'un nombre indéterminé de ressortissants d'autres pays européens et nord-américains.

Mercredi, les troupes françaises avaient évacué 191 Occidentaux, dont des professeurs et enfants américains ainsi que 70 écoliers anglophones de l'Académie chrétienne internationale.

Autre poids lourd désormais présent en Côte d'Ivoire, le Nigeria qui a envoyé trois avions de combat en soutien au gouvernement ivoirien déstabilisé par la situation insurrectionnelle actuelle. Première puissance militaire d'Afrique de l'Ouest, le Nigeria a dépêché trois Alpha jets, a précisé le porte-parole de l'armée de l'air nigériane, le capitaine Ibrahim Kure. Il a refusé de préciser l'utilisation de ces avions. "Je ne peux pas dire non plus combien de temps ils resteront sur place parce que tout dépendra de la situation dans ce pays", a ajouté le capitaine Kure.

Un porte-parole de l'armée nigériane a démenti la présence de soldats nigérians sur le sol ivoirien mais n'a pas voulu dire si cette éventualité était envisagée ou non.

Au moins 270 personnes ont été tuées depuis la tentative de coup d'Etat du 19 septembre, semble-t-il menée par un millier des soldats mécontents d'avoir été renvoyés de l'armée ivoirienne.


Accord pour un cessez-le-feu de 48h à Bouaké

BOUAKE, (Reuters), jeudi 26 septembre 2002, 15h01 - Les rebelles ivoiriens acceptent d'observer un cessez-le-feu de 48 heures pour permettre aux forces françaises d'évacuer les ressortissants étrangers de Bouaké, la deuxième ville du pays.

"Ce cessez-le-feu, c'est juste pour permettre l'évacuation. Nous nous sommes mis d'accord sur cela avec les Français, pas avec l'ennemi", a déclaré un porte-parole des rebelles.


Des renforts nigérians arrivent en Côte d'Ivoire

BOUAKE (AFP), 26 septembre 2002, 13h48 - Le Nigeria a dépêché à Abidjan trois avions de combat et des militaires, tandis qu'à Bouaké, la deuxième ville de Côte d'Ivoire sous contrôle de mutins depuis le 19 septembre, l'armée française se préparent à évacuer plusieurs centaines d'étrangers, en majorité français.

"Nous avons décidé de procéder à Bouaké à l'évacuation des ressortissants qui en feraient le demande", a indiqué à Paris la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie. Il s'agit "d'assurer la sécurité de nos ressortissants, mais également des autres ressortissants", a-t-elle ajouté.

Selon le général Jean-Pierre Kelche, chef d'état-major des armées françaises, 700 à 800 étrangers devraient quitter dans l'après-midi Bouaké, où l'approvisionnement en eau devient très difficile et où les habitants redoutent de nouveaux combats entre soldats mutins et gouvernementaux.

Le général Kelche a d'ailleurs déclaré que "la France avait informé le président ivoirien de cette opération", en souhaitant que "l'armée ivoirienne ne s'en mêle pas, car nous sommes en contact avec les mutins". "Nous avons tracé avec eux les lignes à ne pas franchir sur place", a-t-il expliqué.

Mercredi après-midi, 194 élèves et enseignants de l'école internationale de Bouaké, en majorité américains, bloqués par les combats entre soldats mutins et gouvernementaux, avaient déjà été évacués.

Alors que la crise ivoirienne suscite de plus en plus d'inquiétudes au sein de la communauté internationale, tant occidentale qu'africaine, on apprenait jeudi matin à Abidjan l'arrivée de trois avions de combat nigérians. Un porte-parole de l'armée, le capitaine Ibrahim Kure, a confirmé jeudi à Lagos ces informations. D'après des témoignages concordants, les trois appareils, de type Alphajet, se sont posés mercredi après-midi.

Lundi dernier, le Nigeria, le Ghana et le Togo avaient affirmé leur solidarité et leur soutien au gouvernement de Côte d'Ivoire à l'issue d'une réunion à Abidjan entre le président ivoirien Laurent Gbagbo et des émissaires envoyés par les gouvernements de ces trois pays.

A Paris, le président français Jacques Chirac a exprimé jeudi "sa préoccupation persistante devant l'évolution de la situation" en Côte d'Ivoire et a à nouveau souhaité "que cette crise soit gérée dans un esprit de modération et de négociation", a indiqué l'Elysée.

Un sommet extraordinaire de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) consacré à la crise en Côte d'Ivoire doit se tenir à Dakar le 5 octobre prochain.

La Côte d'Ivoire est depuis le 19 septembre en proie à des troubles militaires, qui ont fait plusieurs centaines de morts, dont le ministre de l'Intérieur Emile Boga Doudou et le général Robert Gueï, patron de la junte militaire au pouvoir de décembre 1999 à octobre 2000.

Deux avions de transport de troupes américains sont arrivés mercredi après-midi dans la capitale administrative ivoirienne située à une centaine de kilomètres au sud de Bouaké, avec à leur bord un nombre de soldats non précisé. Deux cents d'entre eux étaient arrivés à Accra, la capitale ghanéenne, dans la nuit de mardi à mercredi en provenance d'Allemagne.


Crise en Côte d'Ivoire : sommet extraordinaire de la CEDEAO à Dakar le 5 octobre

DAKAR, 25 sept (AFP) - 22h41 - Un sommet extraordinaire de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), consacré à la crise en Côte d'Ivoire, se tiendra à Dakar le 5 octobre prochain, a-t-on appris de source officielle mercredi soir dans la capitale sénégalaise.

Le chef de l'Etat sénégalais, Abdoulaye Wade, est le président en exercice de la CEDEAO, organisation régionale regroupant 15 pays, dont la Côte d'Ivoire et ses voisins.

"A la demande des autorités ivoiriennes", ce sommet "initialement prévu le 28 septembre 2002 à Dakar, est reporté au 5 octobre", indique un communiqué du ministère sénégalais des Affaires étrangères transmis mercredi soir à l'AFP.

La rencontre sera précédée d'une "réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères" de la Communauté, prévue le 4 octobre, précise le texte.

La tenue "imminente" d'un sommet de la CEDEAO avait été annoncée mardi soir par la présidence gabonaise depuis le Maroc, où un mini-sommet consacré à cette crise avait été envisagé pour le 26 septembre, à Marrakech (sud), puis "différé" au profit d'une réunion de la CEDEAO.

La présidence ivoirienne avait accueilli avec "réserve" mardi l'annonce de la tenue du mini-sommet de Marrakech qui, outre le président gabonais Omar Bongo et le roi du Maroc Mohammed VI, devait réunir Abdoulaye Wade, Gnassinbgé Eyadéma (Togo), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Denis Sassou Nguesso (Congo) et Amadou Toumani Touré (Mali).

"On s'interroge sur l'opportunité d'une telle rencontre", avait déclaré le conseiller en communication du président ivoirien Laurent Gbagbo.

Une délégation officielle sénégalaise, conduite par Idrissa Seck, directeur de cabinet d'Abdoulaye Wade, s'est rendue mardi à Abidjan, où elle a remis à M. Gbagbo un message du président sénégalais portant sur "une série d'initiatives" pour sortir la Côte d'Ivoire de la crise.

"Nous avons également souhaité obtenir des informations le plus précisément possible sur la situation afin de mieux (l')évaluer et de rendre plus efficaces les initiatives que le président Wade (...) entend prendre pour faciliter le retour à une situation normale", avait déclaré M. Seck à une radio sénégalaise.

Actuellement en séjour privé en France, M. Wade doit rentrer vendredi à Dakar, a indiqué son service de communication.

Les pays membres de la CEDEAO sont le Bénin, le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Côte d'Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Liberia, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo.


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