L'interposition africaine décidée à Dakar, dimanche 29 septembre 2002


Wade: envoi d'une force ouest-africaine de paix en Côte d'Ivoire

ACCRA (AFP), dimanche 29 septembre 2002, 23h02 - Les dirigeants ouest-africains, réunis dimanche en sommet extraordinaire à Accra, ont décidé d'envoyer une force de paix en Côte d'Ivoire, pour s'interposer entre les troupes gouvernementales et les militaires rebelles qui contrôlent une partie du pays, a indiqué le président sénégalais, Abdoulaye Wade.

"Nos soldats vont se rendre à Abidjan immédiatement, aujourd'hui même, pour prendre contact avec les rebelles", a déclaré M. Wade, en tant que président en exercice de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), à la sortie d'une session à huis-clos ayant réuni la majeure partie des dirigeants de la sous-région.

Les pays qui soutiennent les 15 pays membres de la CEDEAO, dont la Côte d'Ivoire fait partie, vont fournir une aide logistique, dont de l'équipement et des moyens de transport, a ajouté M. Wade.

Le sommet extraordinaire de la CEDEAO consacré à la crise en Côte d'Ivoire - qui avait débutée le 19 septembre avec une insurrection militaire à Abidjan, Bouaké (centre) et Korhogo (nord) - a également décidé de créer un groupe de contact pour assurer une médiation entre les rebelles et le gouvernement du président ivoirien, Laurent Gbagbo.

Ce groupe de contact sera composé de responsables du Ghana, de la Guinée Bissau, du Niger, du Nigeria et du Togo, ainsi que d'un représentant de l'Union africaine (UA).

Le soulèvement militaire du 19 septembre a ravivé les tensions ethniques et religieuses déjà présentes dans le pays depuis le putsch de décembre 1999, qui avait entraîné la destitution du président Henri Konan Bédié. Les chefs d'Etat de la CEDEAO veulent éviter l'enlisement dans une guerre civile, comme celles qui ont ravagé le Liberia voisin et la Sierra Leone.

La CEDEAO est déjà intervenue militairement dans la sous-région par le biais de l'ECOMOG (ECOWAS ceasefire monitoring group - Groupe de la CEDEAO chargé du contrôle et de la mise en oeuvre du cessez-le-feu).

Créée en 1990, cette force de maintien de la paix a connu des succès divers au Liberia, en Sierra-Leone et en Guinée-Bissau.

Les 15 pays membres de la CEDEAO sont: Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Côte d'Ivoire, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra-Leone et Togo.


Côte d'Ivoire: la CEDEAO s'engage à mener une mission de médiation

YAMOUSSOUKRO (AP) , dimanche 29 septembre 2002, 22h54 - Les soldats français et américains ont procédé dimanche à une nouvelle évacuation aéroportée de 400 ressortissants étrangers dans le nord du pays aux mains des putschistes. De leur côté, les dirigeants de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), réunis au Ghana, se sont engagés à mener une mission de médiation en Côte d'Ivoire, tout en mettant les forces militaires ouest-africaines en alerte.

Soulignant qu'ils prenaient cette crise très au sérieux, les dirigeants de la CEDEAO ont désigné six d'entre eux, chargés d'ouvrir des pourparlers avec les rebelles pour un cessez-le-feu immédiat et des négociations: il s'agira des présidents du Ghana, de Guinée-Bissau, du Mali, du Niger, du Nigeria et du Togo.

Dans le même temps, ils ont ordonné à la commission de la défense de l'ECOMOG de tenir une force ouest-africaine prête à intervenir en cas d'échec de cette médiation.

Sur le terrain, l'opération d'évacuation de Korhogo devait s'achever dimanche soir avec le départ des derniers éléments aériens, selon le colonel Christian Baptiste, porte-parole de l'état-major des armées françaises à Paris.

"Quatre cents membres de la communauté internationale de Korhogo et Ferkessédougou ont été évacués vers Yamoussoukro", la capitale, a précisé à l'Associated Press le colonel Baptiste. "Les soldats français ont également dû monter une opération héliportée pour aller chercher une vingtaine de personnels américains d'une école baptiste" située à 50km de la ville.

Les opérations d'évacuation ont associé "les forces aériennes et terrestres des Etats-Unis aux côtés des Français", a précisé le colonel Charles de Kersabiec, porte-parole des troupes françaises en Côte d'Ivoire.

"Il y a des coups de feu sans arrêt", témoignait Cécile, employée d'un orphelinat de Korhogo alors que des enfants apeurés tournaient autour d'elle après leur évacuation. "La nuit nous ne pouvions pas dormir à cause des tirs. Les enfants avaient peur".

L'aéroport de Yamoussoukro, où l'armée française regroupe les ressortissants "est sous contrôle des Français" et "ne connaît pas de problèmes particuliers", a assuré le porte-parole de l'état-major des armées françaises. Il a cependant noté qu'"entre Bouaké et Yamoussoukro, il y a "à chaque soirée et matinée des escarmouches parfois violentes entre forces gouvernementales et mutins qui viennent sonder le dispositif" du gouvernement.

Les forces françaises "se tiennent prêtes si nécessaire à intervenir dans d'autres zones" mais elles "rétablissent leur centre de gravité à Yamoussoukro et sa région". "Nous sommes prêts à intervenir sur tout endroit de la Côté d'Ivoire où des informations ou événements laissent entendre que des ressortissants étrangers" ont besoin d'être évacués, a-t-il ajouté.

"Une menace contre la Côte d'Ivoire est une menace contre nous tous", a lancé à Accra le président nigérian Olusegun Obasanjo, qui a déjà envoyé des avions de combats à Abidjan, et dont la puissante armée a constitué par le passé le gros des troupes ouest-africaines lors de leurs déploiements au Libéria ou en Sierra Leone.

Le président sud-africain Thabo Mbeki, non-membre de la CEDEAO mais chef de la grande puissance africaine, était présent au sommet, par solidarité. Avec son homologue sénégalais Abdoulaye Wade et le Nigérian Obasanjo, tous trois cherchent à montrer que l'Afrique est en voie de stabilisation et de développement.

"Nous devons envoyer un signal clair (...) il doit y avoir la tolérance zéro pour les coups d'Etat en Afrique de l'Ouest, a déclaré Mohamed ibn Chambas, secrétaire général de la CEDEAO.

Le gouvernement ivoirien annonce depuis plusieurs jours une attaque imminente en vue de reprendre les villes de Bouaké et Korhogo aux mains des rebelles depuis la tentative de coup d'Etat du 19 septembre dernier. Près de 270 personnes ont été tuées lors des premiers jours du soulèvement.

Dans un entretien à paraître lundi dans "La Croix", le porte-parole des rebelles, le "lieutenant" Tuo Fozié, prévient de leur intention "de prendre Abidjan mardi". "Nous y demanderons le départ du régime actuel et nous restaurerons la démocratie en rehaussant l'image de l'armée", affirme-t-il.

Tuo Fozié justifie l'insurrection des soldats par le fait qu'ils ne voulaient pas "être démobilisés". "Nous sommes des soldats qui ne veulent être que des soldats. Mais les politiciens du régime veulent faire de nous des rebelles", explique-t-il.

Interrogé sur une aide fournie par des pays voisins, le porte-parole des mutins a écarté la question en expliquant qu'il n'a "pas le temps de répondre aux 'petits mensonges' du pouvoir". Les autorités ivoiriennes ont accusé implicitement des pays voisins comme le Burkina Faso d'aider les rebelles.


Les Etats ouest-africains tentent une médiation en Côte d'Ivoire


Les dirigeants ouest-africains réunis dimanche à Accra, au Ghana
© AFP Pius Utomi

ABIDJAN (AFP) - undi 30 septembre 2002 - 13h33 heure de Paris - Un groupe de contact composé de chefs d'Etat ouest-africains doit se rendre en Côte d'Ivoire pour tenter une médiation entre le gouvernement et des militaires rebelles, qui tenaient toujours lundi Bouaké, deuxième ville du pays et une partie du nord.

La création de ce groupe de contact a été décidée dimanche lors d'un sommet extraordinaire de la CEDEAO à Accra. Il sera composé des présidents du Ghana, de la Guinée Bissau, du Niger, du Nigeria et du Togo. En tant que président en exercice de l'Union africaine (UA), le président sud-africain Thabo Mbeki y sera également associé.

Des délégations du Nigeria et du Ghana étaient attendues lundi à Lomé pour une réunion préparatoire, comprenant les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de chaque pays, a indiqué le président togolais Gnassingbé Eyadéma, joint par téléphone depuis Abidjan.


Le président ivoirien Laurent Gbagbo à Accra
© AFP Pius Utomi

M. Gbagbo s'était félicité dimanche soir de la "condamnation unanime" par les pays de la CEDEAO de l'"agression" contre la Côte d'Ivoire.

Dimanche, les dirigeants réunis au sommet de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ont également décidé d'envoyer une force de paix en Côte d'Ivoire pour s'interposer entre les deux parties. "Nos soldats vont se rendre à Abidjan immédiatement (...) pour prendre contact avec les rebelles", avait déclaré le président sénégalais Abdoulaye Wade, en tant que président en exercice de la CEDEAO.

Les pays qui soutiennent les 15 Etats membres de la CEDEAO, dont la Côte d'Ivoire fait partie, vont fournir une aide logistique, dont de l'équipement et des moyens de transport, a ajouté M. Wade.

M. Wade et son homologue ghanéen, John Kufuor, ont souligné que cette force de paix ne soutiendrait pas les troupes nationales ivoiriennes dans leurs offensives contre les rebelles. Les troupes ouest-africaines auront pour mandat de stopper les combats, afin de créer des conditions propices aux négociations.


Soldats rebelles dimanche à Bouaké
© AFP

Un responsable français a affirmé dimanche sous couvert d'anonymat la détermination de la France à agir pour préserver la stabilité et l'unité de la Côte d'Ivoire. Selon lui, Paris souhaite le déploiement rapide sur le terrain d'une force africaine propre à geler la situation et éviter que les unités françaises mobilisées en Côte d'Ivoire pour des missions d'évacuation ne se retrouvent, de fait, dans un rôle d'arbitre.

L'armée française a d'ailleurs achevé dimanche une troisième opération d'évacuation de ressortissants étrangers, avec le concours de forces américaines, à Korhogo, ville du nord contrôlée par les mutins.

Bouaké, deuxième ville du pays située à 400 km au nord d'Abidjan, est toujours sous le contrôle de militaires rebelles opposés au régime du président Laurent Gbagbo, tout comme celle de Korhogo (nord). Après plus de 10 jours d'incertitude, le million d'habitants de Bouaké reprenaient doucement dimanche une vie normale.

La ligne de front était toujours placée lundi à Tiébissou, ville située à une quarantaine de kilomètres au nord de Yamoussoukro, où mutins et Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI) sont engagées dans un face à face depuis le 27 septembre au soir.

© 2002 AFP.


Côte d'Ivoire : l'instabilité, la poudrière, la France et la force d'interposition africaine (revue de presse)