Mwai Kibaki, vainqueur de l'élection présidentielle au Kénya et la chute cuisante de Daniel arap Moi


Mwai Kibaki:          63%
Uhuru Kenyatta:           30%
Simeon Nyachae:          7%
Exprimés:                     5,4 millions
Electeurs enregistrés:  10,5 millions

(Source: Institute for Education and Democracy)


Mwai Kibaki, nouveau président kényan
par David Mageria et Manoah Espiritu

NAIROBI (Reuters), 30 décembre 2002  09:25 - Des dizaines de milliers de Kenyans enthousiastes se sont rassemblés pour fêter dans la journée l'investiture à la présidence de Mwai Kibaki, qui a remporté l'élection de vendredi et dont la victoire consacre la défaite de la Kanu, le parti du président sortant Daniel arap Moi.

La commission électorale n'a pas encore annoncé officiellement les résultats définitifs des cinq candidats en lice, même si elle a proclamé Kibaki vainqueur. D'après des estimations établies par l'institut IED, Kibaki aurait recueilli 63% des suffrages exprimés, contre 30% à Uhuru Kenyatta, son principal adversaire.

Des habitants des bidonvilles, des fonctionnaires aussi bien que des cadres ou des employés de bureau se sont massés dans un parc de la capitale Nairobi pour assister à la prestation de serment de celui qui va devenir le troisième président du Kenya depuis son indépendance en 1963.

"C'est tellement bien, ça ressemble à l'indépendance, une seconde indépendance pour le Kenya", a déclaré Jared Othiambo, un ouvrier aidant à organiser la cérémonie sous un ciel parfaitement ensoleillé.

Au même moment, la foule réunie scandait "Kibaki! Il a battu Moi!" face à la tribune d'où le nouvel élu devait être investi dans la journée, lors d'une cérémonie en présence du président ougandais, Yoweri Museveni, et du président tanzanien, Benjamin Mkapa.

"Plus de pots-de-vin!", scandait aussi la foule à l'adresse des policiers, incarnation à ses yeux de la corruption et symbole du pouvoir autocratique de Daniel arap Moi.

Une rampe spéciale a été mise en place dans le parc pour le président élu, qui se déplace actuellement dans un fauteuil roulant en raison d'un accident de voiture survenu en décembre, qui lui a valu un bras cassé et une blessure à la nuque.

La cérémonie d'investiture, qui doit débuter aux environs de 08h00 GMT, marquera le terme d'une époque au Kenya, avec le départ d'un des derniers hommes forts de l'Afrique issu de la période de l'indépendance ou des années qui suivirent.

"La commission électorale proclame Mwai Kibaki président du Kenya", avait déclaré dimanche Samuel Kivuitu, le président de la commission. "Les résultats provisoires indiquent que Mwai Kibaki devance très largement le candidat suivant Uhuru Kenyatta. Cet écart ne peut plus être comblé", avait-il ajouté.

Ancien vice-président et ministre des Finances de Moi, Kibaki, 71 ans, a largement battu Kenyatta, fils du premier président du pays, Jomo Kenyatta, et candidat de la Kanu désigné par Moi.

VICTOIRE DE LA NARC AUX LEGISLATIVES

Lors de sa première conférence de presse après la proclamation de sa victoire, Kibaki s'est engagé "d'abord et avant tout" à "combattre la corruption". "Le président laissera ses ministres faire leur travail", a-t-il ajouté dans une critique à peine voilée envers la gestion de Moi.

"C'est l'aube d'une nouvelle ère", s'est réjoui Raila Odinga, de la Narc, ancien opposant de gauche pressenti pour occuper le poste de Premier ministre.

Les formations d'opposition réunies au sein de la Coalition nationale de l'arc-en-ciel (Narc) ont, d'après les résultats disponibles, remporté les élections législatives et locales, organisées simultanément vendredi, mettant fin au règne de l'Union nationale africaine kényane (Kanu), qui dirige l'ancienne colonie britannique depuis son indépendance.

D'après des résultats partiels collectés par l'institut IED, la Narc s'est également largement imposée aux élections législatives. La coalition d'opposition a remporté 121 sièges au parlement contre 56 à la Kanu. Les autres partis se répartissent les derniers des 210 sièges concernés par le scrutin. Douze des 222 parlementaires seront ensuite désignés par les partis. Dix membres du gouvernement sortant ont été battus.

Kenyatta, 41 ans, a reconnu sa défaite avant la proclamation officielle du succès de Kibaki.

"J'accepte votre choix", écrit-il dans un message adressé dimanche à ses concitoyens. "Je reconnais maintenant que Mwai Kibaki sera le troisième président de la République du Kenya. La Kanu et moi le respecterons, lui et sa position, en vertu de la Constitution."

La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont pour leur part félicité Kibaki.

Environ 5,5 millions d'électeurs auraient participé au scrutin pour environ 10,5 millions d'inscrits.

Moi, qui n'a accepté qu'à contrecoeur l'instauration du pluralisme démocratique en 1991, était apparu résigné samedi à la perspective d'une défaite de Kenyatta.

"Eh bien, c'est la loi de la démocratie", a déclaré le président sortant, âgé de 78 ans. "J'avais dit (auparavant) que je remettrais le pouvoir au vainqueur, quel qu'il soit."

Selon la constitution kényane, Moi ne pouvait briguer un troisième quinquennat.

Ces élections kényanes se sont déroulées de manière pacifique dans l'ensemble, ont constaté des observateurs régionaux, du Commonwealth, de l'Union européenne et des Etats-Unis.


Kenya set for landmark change

Mwai Kibaki will be Kenya's third president

Huge crowds have been gathering in the Kenyan capital Nairobi for the inauguration of president-elect Mwai Kibaki following the landslide victory of his National Rainbow Coalition (Narc) in Friday's election.

The presidents of Uganda and Tanzania are expected to attend the ceremony in Uhuru Park.

 

Mr Kibaki roundly defeated Uhuru Kenyatta, the candidate of the Kanu party - which has run the country since independence in 1963.

The president-elect, who will become the country's third head of state, has announced sweeping changes to the way Kenya is run, promising to battle corruption.

A special ramp has been erected for the 71-year-old Mr Kibaki's swearing-in. He is still using a wheelchair after being injured in a car accident during the campaign.

On Sunday the Institute for Education in Democracy - an organisation helping the electoral commission - said Mr Kibaki had won 63% of the vote.

BBC News, Monday, 30 December, 2002, 08:17 GMT 


Le Kenya connaît sa première alternance en 39 ans

NAIROBI (AFP), dimanche 29 décembre 2002, 17h29 - L'opposition kényane a remporté dimanche une victoire historique aux élections générales au Kenya, avec la proclamation officielle de Mwai Kibaki, qui devient le troisième président du pays, et le rejet du parti au pouvoir depuis l'indépendance, en 1963.

"La commission électorale déclare Mwai Kibaki président du Kenya", a annoncé dimanche le président de la commission, Samuel Kivuitu, sans toutefois donner les résultats du scrutin, dans l'attente de la communication des derniers procès-verbaux. Cette victoire sans appel de l'opposition ouvre une nouvelle page dans l'histoire du Kenya, en mettant un terme à 24 ans de présidence sans partage de Daniel arap Moi, 78 ans, à qui la Constitution interdisait de se représenter.

Le président sortant avait promis de laisser le pouvoir au vainqueur du scutin de vendredi, quel qu'il soit. La passation de pouvoir devrait avoir lieu dès lundi, pour la première alternance politique de l'histoire du Kenya moderne. Un peu plus tôt dans l'après-midi, le candidat de l'Union nationale africaine du Kenya (Kanu), Uhuru Kenyatta, avait reconnu sa défaite à la présidentielle et celle de son parti aux élections législatives et locales.

"J'accepte la volonté du peuple", a-t-il indiqué lors d'une conférence de presse. "J'accepte votre choix. En particulier, je reconnais que Mwai Kibaki sera le troisième président de la République du Kenya", a-t-il poursuivi, assurant qu'il dirigerait désormais l'opposition. M. Kibaki, 71 ans, est un vétéran de la politique kényane, candidat malheureux à deux reprises à la présidence, en 1992 et 1997. Il a servi le pouvoir pendant 25 ans avant de passer dans l'opposition en 1991, lors de l'entrée en vigueur du multipartisme.

Dimanche après-midi, il a promis de former un gouvernement "d'unité nationale" mais réduit en effectif, et de "juguler" au plus tôt la corruption qui gangrène le pays. "Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère, ce qui se passe dans ce pays aura des répercussions bien au-delà de nos frontières", avait déclaré un peu plus tôt, plus lyrique, Raila Odinga, un des poids-lourds de la Coalition nationale Arc-en-ciel (Narc), qui regroupe la majeure partie de l'opposition.

Jusqu'en 1991, la Kanu était le parti unique de l'ancienne colonie britannique, celui du premier président et fondateur du Kenya moderne, Jomo Kenyatta, au pouvoir de 1963 jusqu'à sa mort en 1978, et père de Uhuru. Dans un symbole du rejet des années Moi, marquées par une corruption généralisée et une paupérisation croissante, le vice-président Musalia Mudavadi et dix ministres ont perdu leurs sièges à l'Assemblée nationale, huit seulement étant réélus.

La Narc détient déjà la majorité des sièges au Parlement, selon les derniers résultats partiels des législatives. Le président Moi avait imposé l'été dernier à la Kanu la candidature présidentielle d'Uhuru Kenyatta, 42 ans et politicien débutant. Ce choix avait provoqué l'implosion du parti. Nombre de ses barons l'avaient quitté pour rallier l'opposition et participer à la création de la Narc.

Contrairement à ce qui s'était produit lors des élections de 1992 et 1997, peu d'incidents violents ont entaché ces élections. Dimanche matin, les 140 observateurs de l'Union européenne (UE) ont salué dans un rapport préliminaire des "élections libres et transparentes". "Les Kényans ont pu voter en toute liberté pour les candidats de leur choix", a dit Anders Wijkman, le chef de la mission spéciale de l'UE. "Ces élections marquent un important pas en avant dans le processus du développement de la démocratie au Kenya", a-t-il conclu.

Une première conférence de presse de la commission électorale dimanche en milieu d'après-midi avait été bruyamment chahutée par des députés de l'opposition, venus reprocher au président de la commission de ne pas proclamer l'élection de M. Kibaki "dès lors que M. Kenyatta avait reconnu sa défaite". "La commission ne peut se prononcer sur des rumeurs", leur a répondu le président Samuel Kivuitu, expliquant que la décision de M. Kenyatta ne lui était pas parvenue en des termes officiels. M. Kivuitu avait toutefois déclaré à la presse que M. Kibaki serait "vraisemblablement" le prochain président du Kenya, avant de revenir le proclamer officiellement, trois heures plus tard.


Kibaki, président du changement, ancien du régime
Par Fiona O'Brien

NAIROBI (Reuters), dimanche 29 décembre 2002, 18h42 - Mwai Kibaki, proclamé dimanche troisième président du Kenya, a promis le changement après 24 ans de règne de Daniel arap Moi, dont il fut vice-président, et 39 années de pouvoir sans partage d'un parti dans lequel il a pourtant fait ses classes politiques.

A 71 ans, Kibaki était le candidat d'une alliance hétéroclite de partis d'opposition, la Coalition nationale de l'arc-en-ciel (Narc). Pendant la campagne, cette alliance a mis en avant l'expérience du pouvoir de son candidat.

Car contrairement à son principal adversaire, Uhuru Kenyatta, 41 ans, fils du premier président kényan Jomo Kenyatta mais novice en politique, la carrière politique de Kibaki a débuté il y a près de 40 ans.

Elle a même commencé dans les rangs de la Kanu, le parti de Moi et Kenyatta, au pouvoir dans l'ancienne colonie britannique depuis l'indépendance en 1963.

Cette année-là, Kibaki est élu au parlement sous l'étiquette Kanu. Il gravit progressivement les échelons au sein du parti unique. Il est nommé ministre à plusieurs reprises, notamment du Commerce et des Finances, et occupe même le poste de vice-président de 1978 à 1988.

Mais Kibaki se retrouve progressivement isolé au sein de la Kanu, qu'il quitte le jour de Noël 1991, peu après l'avènement du multipartisme au Kenya.

REVEURS DEMOCRATES

Il fonde alors le Parti démocratique juste à temps pour participer aux premières élections pluralistes au Kenya en 1992. Il est battu par Moi et le sera de nouveau en 1997 mais la constitution interdit au président sortant de concourir pour un troisième quinquennat.

Ses adversaires ne manquent pas de souligner cette conversion tardive à la démocratie.

Dans les années 80, Kibaki, amateur de formules imagées, avait ainsi comparé les partisans du multipartisme à des rêveurs essayant d'abattre un arbre à l'aide d'une lame de rasoir.

Ancien élève de la London School of Economics, Kibaki est décrit comme un homme politique intelligent, adepte des bons mots, mais aussi indécis.

Le nouveau président s'est engagé à combattre la corruption, dont sont soupçonnés Moi et ses alliés de la Kanu.

Mais Kibaki devra convaincre les nombreux sceptiques qu'il est capable de mener ce combat alors que nombre d'anciens dirigeants de la Kanu ont rejoint la Narc ces derniers mois.

Marié et père de quatre enfants, Kibaki est l'un des hommes politiques les plus riches du Kenya où il a investi dans l'hôtellerie, l'assurance et l'agriculture.


Tout est prêt pour des élections historiques au Kenya

 NAIROBI (AFP), jeudi 26 décembre 2002, 16h54 - Les Kenyans doivent élire vendredi leur premier nouveau président après les 24 années passées par Daniel arap Moi à la tête de l'Etat, mais aussi les membres d'un parlement dominé par son parti depuis l'indépendance en 1963, ainsi que leurs conseillers locaux.

Quelque 10 millions d'électeurs pourront se rendre aux urnes de 06H00 (03H00 GMT) à 18H00 (15H00 GMT).

L'opposition est donnée favorite aussi bien pour la présidentielle que pour les deux autres scrutins, mais elle ne cesse de prévenir qu'en cas de fraude, elle rejettera les résultats officiels.

De même, les observateurs internationaux dépêchés sur place pour surveiller le scrutin ont averti de certains risques de dérapages violents dans un pays où chaque élection déclenche traditionnellement des heurts sanglants.

Mais jusqu'à maintenant, contrairement à tous les scrutins depuis l'indépendance, la campagne s'est déroulée dans un calme relatif si l'on excepte quelques incidents isolés.

Un militant de l'opposition a cependant été tué par balles mercredi après qu'un groupe de supporters a été pris en chasse par la police.

Les observateurs étrangers et kenyans, unanimes, considèrent le scrutin de vendredi comme le plus important depuis l'indépendance ravie au Royaume-Uni en 1963.

Mwai Kibaki, 71 ans, le candidat à la présidence de la principale alliance de l'opposition, la Coalition nationale Arc-en-Ciel (NARC), est crédité de 68% des suffrages par l'unique sondage effectué dans le pays, tandis que la NARC ravirait 66% des 210 sièges soumis au vote à l'Assemblée nationale (12 députés seront nommés par les partis arrivés en tête), selon ce même sondage, commandé par une ONG américaine.

Face à lui, le jeune Uhuru Kenyatta, 42 ans, candidat du parti au pouvoir depuis l'indépendance, l'Union nationale africaine du Kenya (KANU), a été choisi comme dauphin par le vieux président Moi. Ou plutôt imposé, puisque son choix par M. Moi pour représenter la KANU n'a souffert aucune contradiction.

Si bien que ce "diktat" a littéralement fait exploser la KANU dont la majorité des poids-lourds a rejoint la NARC, hypothéquant de fait les chances de la KANU et de M. Kenyatta, qui est par ailleurs le fils du père-fondateur du Kenya indépendant, Jomo Kenyatta.

Il y a peu, "Uhuru" ("Indépendance" en kiswahili) était un inconnu en politique. Il avait échoué aux dernières législatives de 1997 contre un candidat encore moins connu que lui, mais avait été "nommé" récemment député sur le quota réservé du président Moi, avant d'être propulsé ministre par son tuteur en politique.

M. Moi, qui a succédé en 1978 au défunt Jomo Kenyatta dont il était le vice-président, ne pouvait se représenter vendredi, en vertu de la constitution.

En plus de MM. Kibaki, ancien ministre et vice-président, et Kenyatta, trois autres candidats briguent la présidence, sans grande chance de briller: Simeon Nyachae, James Orengo et David Ng'ethe.

Cependant nombre de Kenyans considèrent que ces derniers seraient les seuls à même de renouveler la classe politique kenyane, M. Kibaki étant soutenu par les anciens barons de la KANU et M. Kenyatta étant largement considéré comme l'homme-lige de M. Moi.

Pour ces mêmes Kenyans, le passé est synonyme d'une formidable corruption à toutes les strates de l'Etat, de mauvaise gouvernance, de régression et d'appauvrissement, même si le Kenya a été épargné par les conflits sanglants qui affligent ou ont affligé tous ses voisins à l'exception de la Tanzanie.

Les résultats officiels devraient être annoncés dimanche.


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