Victoire historique de l'opposition au Kenya

par Manoah Espiritu et Helen Nyambura

NAIROBI (Reuters), 29 décembre 2002 11:05 - Le camp du chef de file de l'opposition kényane Mwai Kibaki a remporté les élections présidentielle et législatives, mettant un point final au long règne du président Daniel arap Moi, a annoncé dimanche par la Commission électorale.

"Il (Kibaki) a gagné, selon les résultats provisoires", a déclaré à Reuters Mani Lemayian, porte-parole de la Commission électorale kényane.

"Il a gagné de façon très convaincante et nous l'annoncerons officiellement dans la journée, quand ces résultats provisoires auront été acceptés et validés", a-t-il ajouté.

Lemayian a précisé que la Coalition nationale arc-en-ciel (Narc) de Kibaki avait également remporté les élections législatives, toujours selon des résultats provisoires.

Daniel arap Moi dirigeait le Kenya depuis 24 ans. Son parti, la Kanu, était quant à elle au pouvoir depuis l'indépendance du pays, acquise en 1963.

Les Kényans, gravement touchés par la crise économique, se sont massivement tournés vers la coalition de dix partis formée par Kibaki, qui a enfin réussi à faire front commun après des années de division.

La situation de l'économie s'est dégradée durant les dernières années de pouvoir de Moi. Le Kenya a même connu en 2000 sa première récession depuis 1963, et la croissance n'a pas dépassé 1,2% l'an dernier.

Kibaki, qui fut étudiant en économie à Londres et ministre des Finances, a promis de remettre sur pied l'économie kényane, où les secteurs théier et caféier souffrent de la corruption et d'une mauvaise gestion. Plus de 50% de la population kényane vit avec moins d'un dollar par jour.

PASSATION DE POUVOIR LUNDI

Pour la plupart des électeurs kényans toutefois, il était plus important de chasser la Kanu du pouvoir que d'y installer la Narc. De l'avis de l'analyste politique Edward Kisiang'ani, Moi a fait un mauvais calcul concernant sa succession.

"Il pensait avoir le pouvoir d'imposer aux Kényans celui qui devait lui succéder", a-t-il déclaré. "Les Kényans ont vu que les choses ne bougeaient pas (économiquement). Chaque maison a un jeune au chômage malgré ses diplômes, ce qui est frustrant."

L'Institut pour l'éducation en démocratie (IED) a fait savoir que Kibaki avait réunit 3.232.557 voix contre 1.530.713 pour son rival Uhuru Kenyatta, sur environ 10,5 millions d'électeurs inscrits. La participation est estimée à 56%.

Pour ce qui est des législatives, la Narc est en tête avec 114 sièges contre 42 pour la Kanu et 16 pour des partis mineurs, selon l'IED, institut de réflexion privé conseillant la Commission électorale, qui a publié des résultats préliminaires similaires.

Moi, qui n'a accepté qu'à contrecoeur l'instauration du pluralisme démocratique en 1991, est apparu résigné à la perspective d'une défaite de Kenyatta, fils aîné du premier président du Kenya, Jomo Kenyatta.

"Eh bien, c'est la loi de la démocratie", a déclaré le président sortant, samedi lors d'une parade d'adieu. "J'avais dit (auparavant) que je remettrais le pouvoir au vainqueur, quel qu'il soit."

Selon la constitution kényane, Moi ne pouvait briguer un troisième quinquennat. Les élections de jeudi marquent la fin d'une ère avec le départ de l'un des derniers "éléphants" africains.

Des responsables du palais présidentiel ont annoncé avoir fixé à lundi la cérémonie d'intronisation du nouveau président du Kenya.


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