Dénonciation des accords de Marcoussis par le ministre de l'intérieur et par l'armée de la côte d'Ivoire


Un ministre ivoirien dénonce les accords de Marcoussis

LOME (Reuters), mercredi 29 janvier 2003, 8h23 - Un émissaire du président ivoirien Laurent Gbagbo a dénoncé à Lomé les accords de Marcoussis signés le week-end dernier à Paris, qu'il a qualifiés de "coup d'Etat constitutionnel" et il a demandé au président togolais Gnassingbé Eyadéma "d'intercéder auprès de Paris pour trouver des solutions idoines à la crise ivoirienne".

"Ces accords de Marcoussis sont rejetés, les leaders politiques ont signé avec des mouvements rebelles", a déclaré à la télévision togolaise Paul Yao N'Dré, ministre ivoirien de l'Intérieur et de la Décentralisation, à l'issue d'un entretien avec le chef d'Etat togolais.

"C'est un accord qui est même en-dessous de celui qui était souhaité à Lomé, parce qu'à Lomé on avait à faire avec une délégation gouvernementale qui devait signer avec les rebelles", a ajouté l'émissaire du président Laurent Gbagbo.

"COUP D'ETAT CONSTITUTIONNEL"

Paul Yao N'Dri a ajouté qu'il était venu demander au président Eyadéma des solutions allant "dans le sens de l'apaisement".

Il a déclaré que l'introduction de factions rebelles au sein du gouvernement, aux termes de l'accord, relevaient du "coup d'Etat constitutionnel".

"Il s'agit là ni plus ni moins d'un coup d'Etat constitutionnel et on fait une prime à la rébellion, ce que n'admet pas d'une part le peuple de Côte d'Ivoire et d'autre part ce que n'acceptent pas les force armées nationales de Côte d'Ivoire", a affirmé Paul Yao N'Dré.

"L'armée a averti qu'elle ne peut pas accepter qu'elle soit humiliée, mais plus encore elle ne peut pas accepter que le président de la République et à travers lui l'Etat de la Côte d'Ivoire soit humilié", a-t-il insisté.

"C'est pour cela que nous sommes venus ici au nom du président de la République pour demander à son Excellence d'intercéder non seulement auprès de la Côte d'Ivoire mais également auprès de Paris pour trouver les solutions idoines", a-t-il dit.

L'émissaire ivoirien a en particulier fait état de difficultés d'application des dispositions de l'accord relatives au partage du pouvoir entre un président "démocratiquement élu" et un Premier ministre "dénommé ou désigné outre-mer".

L'armée ivoirienne a fait savoir mardi qu'elle refusait la présence de rebelles au sein du futur gouvernement de réconciliation nationale.

Dans une lettre au président Gbagbo, dont une copie a été transmise à Reuters par une source proche de la présidence ivoirienne, les forces de défense et de sécurité écrivent notamment que "l'accord de Linas-Marcoussis, plutôt que de concourir à la recherche de la paix, porte en lui les germes d'une implosion nationale".

Les forces de défense, ajoute cette lettre, "refusent avec énergie la présence de rebelles au sein du futur gouvernement, le regroupement, le cantonnement, le désarmement et la démobilisation des forces nationales de défense et de sécurité".


Côte d'Ivoire: l'accord de Paris rejeté par le ministre de l'Intérieur

ABIDJAN (AFP), mercredi 29 janvier 2003, 8h09 - Le ministre ivoirien de l'Intérieur et de la décentralisation Paul Yao N'dré a estimé mardi soir que l'accord de Paris censé mettre fin à quatre mois de conflit politico-militaire en Côte d'Ivoire est "nul et non avenu", alors que des milliers de jeunes sont descendus à nouveau mardi dans la rue à Abidjan pour conspuer la France.

Le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, a évoqué mardi la possibilité d'envoyer des observateurs civils et militaires en Côte d'Ivoire où il va nommer un représentant spécial.

Signe de la tension persistante, la France a annoncé prévoir un renforcement des mesures de sécurité pour ses ressortissants et le président Jacques Chirac a demandé à son homologue ivoirien Laurent Gbagbo de faire en sorte "que son engagement soit respecté" sur le règlement de la crise, en référence à l'accord obtenu à Marcoussis et approuvé le 26 janvier par un sommet africain à Paris.

"Ces accords disent que le Premier ministre partage le pouvoir avec le président de la République. Ce qui est inadmissible", a commenté dans la soirée le ministre ivoirien de l'Intérieur. "Nous sommes dans un régime présidentiel et du point de vue constitutionnel, ce régime ne fait pas de partage de pouvoir entre le président démocratiquement élu et un premier ministre dénommé ou désigné outre-mer", a poursuivi le ministre qui s'exprimait depuis la capitale togolaise, Lomé.

Selon lui, "on fait une prime à la rebellion, ce que n'admet pas d'une part le peuple de Côte d'ivoire et d'autre part ce que n'acceptent pas les forces armées nationales. Il suffit de tirer des coups de feu et de se voir introduire dans un gouvernement et destabiliser l'ensemble de la sous-région".

Le 24 janvier, les représentants de la rébellion et des partis politiques ivoiriens ont signé un accord à Marcoussis, au sud de Paris, qui prévoit notamment l'entrée des rebelles au gouvernement. Des sources concordantes ont indiqué que les rebelles devaient occuper les portefeuilles de la Défense et de l'Intérieur, ce que refuse l'armée ivoirienne.

Le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, a pressé M. Gbagbo de mieux expliquer les accords de Marcoussis. "Il appartient au président Gbagbo d'expliquer à ses militants et aux extrémistes de son camp que ces accords sont bien dans l'intérêt de chacun et dans l'intérêt de la Côte d'Ivoire", a indiqué M. de Villepin.

Interrogé sur les dernières déclarations du président Gbagbo, estimant que les accords de Marcoussis "sont des propositions", l'un des conseillers du chef de l'Etat, Toussaint Alain, a assuré qu'il n'y avait "ni recul ni reniement".

La Côte d'Ivoire, comme la communauté internationale, attend que le président Gbagbo s'adresse à la Nation, comme il l'a promis. Cette déclaration pourrait intervenir mercredi soir. Le principal mouvement rebelle, le Mouvement patriotique ivoirien (MPCI) a dénoncé le "double jeu" et le "double langage" du président ivoirien.

A Abidjan, environ 8.000 "jeunes patriotes" ont, pour la quatrième journée consécutive, envahi les rues. A l'appel des principales organisations de jeunesse proches du président Gbagbo, ils se sont rassemblés devant l'ambassade américaine pour demander le soutien des Etats-Unis après la "trahison de la France née des accords de Marcoussis".

Contrairement aux manifestations du week-end lors desquelles les symboles de la présence française à Abidjan avaient été saccagés et pillés, aucun débordement n'a été constaté.

A Agboville (80 km au nord d'Abidjan), une dizaine de personnes ont été tuées depuis lundi dans des affrontements entre Abbey, ethnie majoritaire dans la région, et Dioulas (originaires du nord du pays). Mardi après-midi, le calme était revenu dans la ville.

Ces violences inter-ethniques ont éclaté quand des "jeunes du FPI (Front populaire ivoirien, au pouvoir) ont organisé un meeting pour protester contre les accords de Marcoussis", a expliqué le maire PDCI d'Agboville, Claude Chiedou Tetchi.


Un chef rebelle ivoirien appelle le président au "courage politique"

PARIS (AP), mercredi 29 janvier 2003, 3h23  - Le chef rebelle ivoirien Guillaume Soro a reproché mardi au président Laurent Gbagbo d'avoir échoué à freiner les émeutes qui ont éclaté depuis dimanche en Côte d'Ivoire, après la signature d'un accord entre le président et les rebelles la semaine dernière à Linas-Marcoussis.

M. Soro, chef du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) a demandé que M. Gbagbo fasse preuve de "courage politique" et accepte l'accord signé vendredi sous le parrainage de la communauté internationale.

Le soutien apporté par les chefs africains, la France et les Nations unies aux accords constituent une "garantie internationale" de leur application, a affirmé le chef rebelle au cours d'une conférence de presse à Paris.

Les loyalistes du gouvernement affirment que l'accord donne trop de pouvoir aux rebelles dans le nouveau gouvernement de coalition, dont le contrôle du ministère de la Défense.

"Le peuple à Abidjan ne peut pas accepter que des rebelles qui ont saisi le pouvoir par la force et qui ont tué de nombreuses personnes occupent les ministères de l'Intérieur et de la Défense", a affirmé le porte-parole de Laurent Gbagbo Ano Nianzou.


La France demande au président ivoirien de tenir ses engagements

Par Silvia Aloisi

ABIDJAN (Reuters), mardi 28 janvier 2003, 19h01 - Revenu en hâte la veille de Paris, où il a conclu un accord politique avec les opposants et rebelles ivoiriens pour mettre un terme à plus de quatre mois de crise, le président Laurent Gbagbo a été rappelé sèchement mardi par la France à ses engagements, alors que ses partisans continuent à se rebiffer contre le compromis qu'il a accepté.

Pour la quatrième journée consécutive, des milliers de jeunes sont descendus dans les rues d'Abidjan, sans violences contre les intérêts ou ressortissants français, contrairement aux trois jours précédents. Un rassemblement a eu lieu devant l'ambassade des Etats-Unis sur le thème: "Amérique bienvenue en Côte d'Ivoire! Au revoir la France!".

La foule s'était dispersée en milieu d'après-midi.

En revanche, des violences inquiétantes à caractère sectaire ont éclaté entre chrétiens et musulmans lundi à Agboville, à 80 km d'Abidjan, où des églises et des mosquées ont été incendiées, des fusillades entendues et au moins quatre personnes tuées, selon des habitants contactés par Reuters.

Les troubles auraient éclaté lundi lorsque des étudiants dénonçant les concessions imposées selon eux par la France à Gbagbo ont tenté de traverser un quartier habité par de nombreux Dioulas originaires du Nord du pays, tenu par les rebelles du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) depuis leur coup d'Etat manqué du 19 septembre.

CHIRAC "NE DOUTE PAS" DE GBAGBO

L'accord conclu vendredi à Linas-Marcoussis, près de Paris, prévoit le maintien au pouvoir de Gbagbo, dont les rebelles réclamaient la démission, mais la formation d'un gouvernement d'union nationale auquel ceux-ci participeraient à la tête des ministères de la Défense et de l'Intérieur, ce que certains "sudistes" ont du mal à accepter.

"Ne vous inquiétez pas, ce qui s'est dit à Marcoussis, ce sont des propositions. Je ne suis pas prêt à vous trahir", a déclaré lundi soir Gbagbo à ses partisans, semant le doute sur le respect de ses engagements, d'autant que son conseiller Toussaint Alain a parlé de son côté d'"adapter" l'accord.

La démarche hésitante de Gbagbo et les violences dirigées contre la France et ses symboles ont suscité l'inquiétude à Paris, où Jacques Chirac a personnellement pressé mardi son homologue de "respecter son engagement" et annoncé que "toutes les mesures nécessaires" avaient été prises pour protéger les Français et autres étrangers, notamment à Abidjan.

"Je souhaite que la situation s'améliore dans le cadre de l'accord politique qui a été accepté et signé à Paris. Je demande naturellement au président Gbagbo de faire en sorte que son engagement soit respecté. Je n'en doute pas", a-t-il dit.

Le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, a estimé de son côté qu'il fallait "passer de la guerre à la paix" et à "la réconciliation". "C'est difficile, cela demande un fort investissement, une explication, en particulier vis-à-vis des extrémistes qui souhaitent évidemment remettre en cause ces accords", a-t-il ajouté.

LE MPCI MENACE DE RETABLIR L'ORDRE

Paris reconnaît "qu'un minimum de temps est nécessaire" pour les expliquer et les appliquer, mais souligne qu'ils ont été "voulus et négociés par les Ivoiriens eux-mêmes et entérinés par la communauté internationale lors de la conférence des chefs d'Etat africains qui s'est tenue à Paris le week-end dernier".

Les autorités françaises demandent que le Conseil de sécurité des Nations unies donne mardi son aval à cet accord et que l'Onu affirme le droit des troupes françaises de "prendre les mesures nécessaires pour leur propre sécurité et pour la protection des civils menacés à l'intérieur de leurs zones d'opération".

Gbagbo s'est donné jusqu'à mercredi pour consulter le parlement et l'armée, qui juge les accords de Linas-Marcoussis "humiliants" pour elle puisqu'elle passerait sous la tutelle des rebelles qu'elle combat. Il s'adressera ensuite à la nation pour expliquer le compromis conclu.

Le MPCI, qui fait valoir pour sa part que les rebelles ne désarmeraient pas s'ils n'avaient confiance dans les ministres chargés de la sécurité, a accusé le camp de Gbagbo d'attiser les violences actuelles et a menacé d'intervenir "pour rétablir l'ordre à travers le pays".

La France, qui a augmenté ses effectifs militaires en Côte d'Ivoire dès le début de la crise pour protéger ressortissants aujourd'hui cloîtré chez eux, a annoncé que ses 2.500 soldats ne se mêleraient pas de la mise en place du gouvernement d'union dirigé par le musulman du Nord consensuel Seydou Diarra.


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