Côte d'Ivoire: bâton et carotte ou accord et combats


Duékoué: l'état-major ivoirien nie tout lien avec les combattants libériens

ABIDJAN, 8 mars 2003 (AFP) - 14h39 - Le porte-parole de l'état-major ivoirien, le lieutenant-colonel Jules Yao Yao, a nié samedi dans un communiqué parvenu à l'AFP, tout lien avec les combattants interceptés et désarmés vendredi soir par les militaires français à Duékoué (ouest).

"L'Etat major des armées indique qu'aucun +supplétif libérien+ ne combat dans ses rangs", affirme le texte ajoutant que "les combattants libériens arrêtés par les forces françaises dans la région de Duékoué n'ont aucun lien avec les forces régulières de Côte d'Ivoire".

Le porte-parole de l'opération militaire française Licorne, le lieutenant colonel Philippe Perret avait annoncé plus tôt samedi que "110 combattants ont été interceptés par les militaires français stationnés à Duékoué vendredi soir entre 21h30 et 23h00 (locale et GMT)" et précisé que ces "combattants appartiennent aux +forces Lima+".

Les "forces Lima" sont des supplétifs libériens combattant pour le compte du gouvernement d'Abidjan dans l'extrême ouest de la Côte d'Ivoire, près de la frontière du Liberia. D'autres Libériens combattent aux côtés des deux mouvements rebelles qui contrôlent une partie de la région.

"Les Libériens présents dans le grand ouest de la Côte d'Ivoire ont été instrumentalisés de part et d'autre. Tout le monde a joué avec le feu", a déclaré Philippe Perret.

Dans son communiqué, le lieutenant-colonel Yao Yao s'inquiète de "la situation dans l'ouest du pays où des risques de déflagration intercommunautaire se dessinent chaque jour".

Selon lui "outre les forces régulières", plusieurs groupes agissent dans cette zone: "les combattants du MPIGO (Mouvement populaire ivoirien du grand ouest) et du MJP (Mouvement pour la justice et la paix (NDLR: deux mouvements rebelles), les mercenaires libériens agissant pour le compte du MJP et du MPIGO, les pillards libériens opérant pour leur propre compte".

S'ajoutent à ces factions, selon l'état-major, "le Mouvement de libération du grand ouest et plusieurs comités d'autodéfense villageois, luttant contre les pillards et les rebelles", précise le texte qui cite aussi d'autres petits groupes de Libériens.

Evoquant "le risque de guerre tribale", il conclut en disant qu'il "est urgent que la communauté internationale aide la Côte d'Ivoire à mettre fin au grand désordre dans l'ouest car il faut absolument arrêter ce qui commence à ressembler à une transposition sur le territoire ivoirien du conflit libérien".


Les ministères du futur gouvernement ivoirien répartis à Accra (Tévoedjrè)

ACCRA, 8 mars 2003 (AFP) - 13h26 - Les différents portefeuilles du gouvernement de réconciliation ivoirien que doit diriger le nouveau Premier ministre Seydou Diarra, ont été répartis entre les rebelles et les grandes forces politiques, a indiqué samedi le président du comité de suivi des accords de Marcoussis.

A l'issue d'une réunion de deux jours à Accra qui a abouti à un accord, Albert Tévoedjrè, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies Kofi Annan et président du comité de suivi des accords de Marcoussis, a annoncé que le Front populaire ivoirien (FPI, au pouvoir) "aura 10 ministères dans le nouveau gouvernement".

Selon lui, les trois mouvements rebelles obtiennent au total neuf portefeuilles tandis que le principal parti d'opposition, le Rassemblement des Républicains (RDR) d'Alassane Ouattara, et le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, ancien parti unique) auront chacun sept départements.

Dans le communiqué final d'Accra, les parties signataires demandent "le respect des choix faits par les partis politiques de leurs représentants au gouvernement".

"Concernant la formation du gouvernement de réconciliation nationale et en vue de sortir de l'impasse actuelle, la Table ronde recommande: la création d'urgence d'un conseil de sécurité de quinze membres (...) pour concourir à la bonne gestion des ministères de la Défense et de la Sécurité intérieure", indique le communiqué parvenu à l'AFP samedi matin.

Ce conseil de sécurité doit comprendre "le président de la République, le Premier ministre, un représentant de chacune des forces politiques signataires de l'accord de Marcoussis, un représentant des FANCI (Forces armées nationales de Côte d'Ivoire), un représentant de la gendarmerie nationale et un représentant de la police nationale".

"Sur proposition de ce conseil, le Premier ministre soumettra dans les plus brefs délais au président de la République, en vue de leur nomination aux postes de Ministre de la Défense et de Ministre de la Sécurité, des personnalités choisies sur une base consensuelle", précise l'article 7-a.


Rebelles et partis politiques lèvent le blocage sur la Défense et l'Intérieur

ACCRA (AFP), samedi 8 mars 2003, 13h15 - Rebelles et partis politiques ivoiriens sont finalement tombés d'accord samedi sur la composition du gouvernement de réconciliation que doit diriger le Premier ministre Seydou Diarra, en mettant en place un Conseil de sécurité pour gérer les portefeuilles clés de la Défense et de l'Intérieur.

Les représentants de sept partis politiques ivoiriens et de trois mouvements rebelles ont signé samedi matin un communiqué final à Accra après avoir abouti à un accord sur la formation du gouvernement de réconciliation prévu par les accords de paix de Marcoussis (France), signés le 24 janvier. Selon ce texte, deux ministères d'Etat, la Communication et l'Administration du Territoire, sont attribués au Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI, principal et plus ancien groupe rebelle).

Les participants des discussions d'Accra, qui ont duré 48 heures, ont notamment décidé la mise en place d'un conseil de sécurité de quinze membres auquel seraient confiées les questions de défense et de sécurité. Seydou Diarra peinait depuis le 10 février à former son gouvernement, dont la composition butait notamment sur l'attribution des portefeuilles de la Défense et de l'Intérieur, que le MPCI affirmait avoir obtenu au cours de négociations en marge d'un sommet des chefs d'Etat africains organisé à Paris (rue Kléber) les 25 et 26 janvier.

Les partisans les plus extrêmes du président Laurent Gbagbo, s'y opposaient catégoriquement. Le compromis a été rendu possible grâce à la mise en place "d'un conseil de sécurité de quinze membres (...) pour concourir à la bonne gestion des ministères de la Défense et de la Sécurité intérieure" comprenant "le président de la République, le Premier ministre, un représentant de chacune des forces politiques signataires de l'accord de Marcoussis, un représentant des FANCI (Forces armées nationales de Côte d'Ivoire), de la gendarmerie nationale et de la police nationale".

"Sur proposition de ce conseil, le Premier ministre soumettra dans les plus brefs délais au président de la République, en vue de leur nomination aux postes de Ministre de la Défense et de Ministre de la Sécurité, des personnalités choisies sur une base consensuelle", précise le communiqué final. Se réjouissant de l'accord trouvé à Accra, qui marque selon lui "le commencement de la fin de la guerre", le président du comité de suivi des accords de Marcoussis, Albert Tévoedjrè, a précisé que le Front populaire ivoirien (FPI, au pouvoir) obtiendrait dix ministères dans le nouveau gouvernement. Les rebelles y obtiennent au total neuf portefeuilles tandis que le principal parti d'opposition, le Rassemblement des Républicains (RDR) d'Alassane Ouattara, et le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, ancien parti unique) auront chacun sept départements.

Les parties signataires demandent également "le respect des choix faits par les partis politiques de leurs représentants au gouvernement" et ont "salué la volonté du chef de l'Etat d'appliquer l'accord de Marcoussis avant le 14 mars 2003". Pour Sidiki Konaté, porte-parole du MPCI, cet accord "est bon pour la Côte d'Ivoire, bon pour l'Afrique. Nous allons tous faire de notre mieux pour concrétiser ce que nous avons signé aujourd'hui".

Roger Banchi, représentant du Mouvement populaire ivoirien du Grand ouest (MPIGO), a quant à lui exprimé sa satisfaction reconnaissant "nous avons dû faire un compromis difficile. Nous avons donné, mais n'avons rien reçu. Je suis content pour la paix, mais je ne suis pas heureux de ces sacrifices".

Demandant "la libération immédiate de tous les prisonniers politiques et prisonniers de guerre", la table ronde d'Accra a également invité "le gouvernement ivoirien, de concert avec les troupes françaises et celles de la CEDEAO, à prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection et la sécurité des participants à la table ronde de Marcoussis", tout en rappellent "la nécessité pour toutes les forces en présence de faire cesser immédiatement les massacres et tueries". Cet accord intervient alors que de nouveaux combats ont été signalés dans l'ouest ivoirien, où plus d'une centaine de combattants libériens pro-gouvernementaux ont été interceptés et désarmés vendredi soir par les forces françaises à Duékoué.


Côte d'Ivoire: accord à Accra, nouveaux combats dans l'Ouest
par Matthew Bigg

ACCRA (Reuters), 08 mars 2003 11:48 - Les rebelles et les partis politiques de Côte d'Ivoire ont conclu samedi matin un accord sur la formation d'un conseil de sécurité dans le cadre des efforts pour mettre un terme à cinq mois et demi de guerre civile.

Quelques heures après l'annonce de cet accord, l'armée française a fait état samedi de nouveaux combats, survenus dans la nuit, dans l'ouest de la Côte d'Ivoire.

Des bandes armées venues du nord ont attaqué les troupes françaises et des villages, près du point de passage de la rivière Sassandra. Deux soldats français ont été légèrement blessés, a déclaré un porte-parole de l'armée française.

Des tirs d'armes automatiques et des explosions occasionnelles ont été entendues. Ces bandes d'hommes armés, dont on ignore pour l'heure à quel mouvement ils se rattachent ou s'ils viennent de l'étranger, ont attaqué plusieurs villages et des centaines d'habitants ont fui en emportant leurs effets personnels.

Après une nuit entière de négociations avec les médiateurs ouest-africains au Ghana, les dix parties en présence (sept formations politiques et les trois mouvements rebelles ivoiriens) se sont engagées à former d'ici le 14 mars ce conseil de 15 membres auquel seraient confiées les questions de défense.

Ce Conseil de sécurité désignera des candidats aux postes de ministres de la Défense et de la Sécurité, mais le chef de l'Etat Laurent Gbagbo aura toutefois le dernier mot en la matière. L'accord d'Accra équivaut ainsi à une concession des rebelles sur leur demande clé consistant à obtenir les portefeuilles de la Défense et de la Sécurité.

Ce conseil sera composé d'un représentant pour chacune des dix factions signataires de l'accord, plus un représentant pour l'armée, un pour la gendarmerie, un pour la police, un pour Gbagbo et enfin un autre pour le Premier ministre Seydou Diarra.

L'accord conclu samedi matin à la table ronde d'Accra prévoit aussi que Laurent Gbagbo, confirmé en tant que chef d'Etat, commandant en chef des armées et garant de la Constitution, délègue une partie de ses pouvoirs à un nouveau gouvernement de coalition, également d'ici vendredi 14. Le chef de l'Etat transférera de ce fait certains de ses pouvoirs à Seydou Diarra, qui dirigera un gouvernement de transition jusqu'à la tenue d'élections prévues en 2005.

L'accord, qui lève ainsi certains obstacles s'opposant jusque-là à l'application des accords de Marcoussis (conclus fin janvier), laisse toutefois certaines questions clés en suspens, notamment sur le calendrier du désarmement des rebelles qui tiennent le nord et l'ouest du pays.

Les médiateurs pensent malgré tout que les mesures adoptées vont recréer un climat de confiance après cinq mois et demi de guerre, consécutifs à une tentative de putsch contre Laurent Gbagbo en septembre dernier.

COMBATS A BANGOLO

"Nous espérons qu'une bonne fois pour toutes tout le monde pourra respecter ses engagements. C'est là la clé d'une paix véritable", a déclaré à Reuters Guillaume Soro, chef du mouvement rebelle du MPCI (Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire).

"Ecoutons davantage désormais ce qui peut nous rapprocher, plutôt que ce qui est susceptible de nous diviser", a déclaré le ministre ghanéen des Affaires étrangères, Hackman Owusu-Agyemang, au centre de conférences d'Accra, la capitale du Ghana.

"Nous sommes heureux qu'en fin de compte Seydou Diarra, qui était un Premier ministre de consensus, puisse mettre en place son gouvernement pour sortir la Côte d'Ivoire de la crise actuelle et rétablir paix et stabilité", a déclaré Mohamed ibn Chambas, secrétaire exécutif de la Cedeao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest).

Les négociations se sont ainsi terminées sur des scènes de joie à Accra, qui contrastaient avec les informations parvenues la veille de Côte d'Ivoire.

De violents combats ont éclaté vendredi entre rebelles et armée loyaliste dans la ville de Bangolo, située à 600 km au nord-ouest d'Abidjan. Selon les rebelles, de nombreux civils ont été tués dans cette attaque lancée, disent-ils, par l'armée gouvernementale.

Plusieurs milliers de personnes ont trouvé la mort depuis le déclenchement du conflit en septembre. Selon les Nations unies, près de 400.000 Ivoiriens ont gagné des pays voisins et environ 800.000 autres ont été déplacés à l'intérieur de la Côte d'Ivoire.

La Cedeao compte augmenter le nombre de ses soldats de maintien de la paix en Côte d'Ivoire, faisant passer leurs effectifs à 3.400, soit sensiblement le même nombre que les militaires français déployés dans ce pays.

L'accord d'Accra préconise par ailleurs la libération immédiate des prisonniers politiques et des prisonniers de guerre.


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