Le président déchu Konan Bédié quitte la Côte d'Ivoire pour Lomé dans l'indifférence des ivoiriens - le calme semble régner à nouveau dans le pays

Les principaux acteurs de la crise ivoirienne et du coup de force militaire
Le président ivoirien déchu Henri Konan Bédié a quitté dimanche la Côte d'Ivoire pour Lomé, la capitale du Togo
Les marchés ont ouvert et les voitures circulaient normalement dimanche à Abidjan, où un calme apparent régnait après le coup d'Etat du général Robert Gueï.
La maison Bédié s'est écroulée sans aucune résistance dans le pays
Calme à Abidjan où le général Gueï est en passe de réussir son pari.

(revue de presse du 26 décembre 1999)


Les principaux acteurs de la crise ivoirienne et du coup de force militaire

Les auteurs du coup de force militaire en Côte d'Ivoire ont institué un Comité national de salut public en remplacement du gouvernement du président Henri Konan Bédié.
Le président déchu, réfugié dans la base militaire française de Port-Boët, près de l'aéroport, à l'est d'Abidjan, s'est envolé dimanche pour le Togo. C'est à 13H02 (GMT et locales) que le président renversé s'est envolé "à sa demande", avec femme et enfants, en direction de Lomé à bord d'un hélicoptère français.
ROBERT GUEÏ, général âgé de cinquante-huit ans, dirige le Comité national de salut public. Militaire de carrière respecté, cet ancien Saint-Syrien et diplômé de l'Ecole de guerre de Paris commandait les forces armées ivoiriennes lors du scrutin présidentiel de 1995.
Le scrutin avait été boycotté par l'opposition et la campagne marquée par des troubles politiques. Mais le général Gueï avait refusé de réquisitionner l'armée pour rétablir l'ordre public.
Limogé par Henri Konan Bédié, il avait été rayé des cadres de l'armée après avoir été accusé de tentative de coup d'Etat. Il se tenait depuis à l'écart de la scène ivoirienne.
HENRI KONAN BEDIE, âgé de soixante-cinq ans, a succédé à Félix Houphouët-Boigny à la mort du père de l'indépendance ivoirienne, en 1993. Elu en 1995 au terme d'une campagne mouvementée, il se préparait à briguer un nouveau mandat lors du scrutin prévu l'année prochaine lorsque la mutinerie de soldats réclamant une revalorisation de leur solde a éclaté à l'avant-veille de Noël.
Le mouvement d'humeur s'est progressivement transformé en un coup de force et le président Konan Bédié a été destitué par le général Robert Gueï.
Placé sous protection des forces françaises, il a quitté dimanche le territoire ivoirien pour gagner le Togo.
ALASSANE OUATTARA, âgé de cinquante-sept ans, est l'ancien Premier ministre de Félix Houphouët-Boigny. En juillet dernier, il a démissionné de son poste de directeur général adjoint du Fonds monétaire international pour se préparer à affronter Konan Bédié à l'élection présidentielle qui était prévue pour octobre 2000.
Mais le président déchu lui déniait la nationalité ivoirienne en raison de ses origines burkinabées, s'élevant de fait contre sa candidature.
Les soldats insurgés ont libéré onze membres de son Rassemblement des républicains (RDR), détenus pour atteinte à l'ordre public à la suite de manifestations en sa faveur.
LASSANA PALENFO, général d'armée, est un membre-clef du Comité national de salut public. Il fut ministre de la Sécurité dans le gouvernement Ouattara (1990-93).
ABDOULAYE COULIBALY, général d'aviation, est un autre membre important de la junte. Cet ancien pilote personnel d'Houphouët-Boigny a fondé la compagnie aérienne nationale Air Ivoire. Il était chef d'état-major de l'armée de l'air sous Ouattara.
ORIA ATIN, médecin de formation et général âgé de cinquante-six ans, avait été nommé ministre de la Santé en août dernier par Konan Bédié. Il s'est rallié à la junte.
EMILE CONSTANT BOMBET, cinquante-huit ans, était ministre de l'Intérieur du gouvernement Bédié. Il a été détenu par les soldats insurgés - pour sa propre sécurité, selon le général Gueï. Bombet est intervenu depuis à la télévision nationale pour déclarer que les auteurs du coup de force agissaient dans l'intérêt de la nation.
LAURENT DONA-FOLOGA, soixante ans, est secrétaire général du Parti démocratique (PDCI), qui domine la scène politique ivoirienne depuis l'indépendance, en 1960. Ministre de la Solidarité nationale, il a dit espérer "le succès de cette entreprise dans l'intérêt du pays" au cours d'une intervention télévisée où il est apparu peu à son aise.
GUY ALAIN GAUZE, quarante-sept ans, est lui aussi détenu par les soldats. Ministre pour le Développement du commerce extérieur, il est un intervenant régulier des discussions internationales consacrées au cacao.
DANIEL KABLAN DUNCAN, cinquante-six ans, était le Premier ministre du gouvernement Bédié. Il fut également ministre des Finances dans le cabinet Ouattara.
LE 43E BATAILLON D'INFANTERIE DE MARINE (BIMA), qui regroupe un demi-millier d'hommes, assure une présence militaire française permanente au camp militaire de Port-Boët, près de l'aéroport international, à l'est d'Abidjan. Il n'est pas intervenu mais a reçu le renfort d'une quarantaine d'hommes venus du Gabon pour garantir une éventuelle évacuation des quelque 30.000 ressortissants français vivant en Côte d'Ivoire.
RADIO NOSTALGIE, station de radio privée, a été utilisée par les soldats pour diffuser leurs premières déclarations. Son directeur, Hamed Bakayoko, est un proche de Ouattara. Il possède également Le Patriote, quotidien proche du RDR.
ALPHA BLONDY, chanteur de reggae originaire du nord musulman du pays, est le plus connu des musiciens ivoiriens. La radio nationale, contrôlée par les insurgés, diffusent en boucle ses chansons qui appellent entre autres au retrait des forces françaises et à la fin des pratiques d'exclusion ethnique.

(Abidjan, Reuters, dimanche 26 décembre 1999, 15h02 26)

Le président ivoirien déchu Henri Konan Bédié a quitté dimanche la Côte d'Ivoire pour Lomé, la capitale du Togo

Le président ivoirien déchu Henri Konan Bédié a quitté dimanche la Côte d'Ivoire pour Lomé, la capitale du Togo tandis qu'à Abidjan, le général Robert Gueï, nouvel homme fort de la Côte d'Ivoire, semblait en mesure de réussir son pari d'une "reprise des activités normales" dès lundi.
Alors que le pays risquait encore samedi matin d'être précipité dans un chaos tragique par la mutinerie de ses soldats, le général Gueï, chef du Comité national de salut (CNSP) au pouvoir, a réussi à redresser la situation.
Cette "performance" après des journées où la ville a été en proie aux mutins pillards tirant en l'air, qui n'ont toutefois pas fait couler le sang, est saluée par tout le monde. Le général Gueï "fait notre admiration", a déclaré dimanche matin un diplomate occidental", ajoutant: "Il a fait preuve d'un sens politique exceptionnel".
A Paris, le Quai d'Orsay a annoncé dimanche que "le président Bédié, à sa demande", avait quitté "le territoire de la Côte d'Ivoire à destination de Lomé, par des aériens mis à sa disposition par la France". Il abandonne ainsi le pouvoir aux auteurs du coup d'Etat de vendredi.

Abidjan, AFP, Dimanche 26 Décembre 1999 - 15h01 heure de Paris

 

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Les marchés ont ouvert et les voitures circulaient normalement dimanche à Abidjan, où un calme apparent régnait après le coup d'Etat du général Robert Gueï.

Après une deuxième nuit de couvre-feu, beaucoup de magasins sont restés fermés mais les échoppes sur les trottoirs et les commerces ambulants fonctionnaient, les habitants ressortant massivement de chez eux pour la première fois depuis les scènes de pillage et de violence par les soldats, jeudi lors du coup d'Etat.
Dans les principaux points névralgiques de la ville, comme le siège de la radio et de la télévision, les soldats continuaient à monter la garde et à effectuer des contrôles d'identité, mais dans le reste de la ville se montraient globalement assez discrets.
A l'aéroport, on s'agitait pour la reprise des vols, annoncée dans la journée par la junte militaire, mais aucun vol n'avait eu lieu dans la matinée.
Pendant ce temps le président renversé, Henri Konan Bédié, était toujours dans un camp militaire français, dans l'attente de pouvoir quitter le pays. Il est, ``à sa demande'', sous la protection des soldats français dans le camp du 43e BIMA (Bataillon d'infanterie marine) de Port-Boué, selon le ministère français des Affaires étrangères.

Abidjan (CI), AP,dimanche 26 décembre 1999, 13h52

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La maison Bédié s'est écroulée sans aucune résistance dans le pays

Lâché peu à peu par tous les corps d'armée, Henri Konan Bédié, le président ivoirien déchu, n'a bénéficié d'aucun soutien pendant le coup d'Etat qui l'a chassé du pouvoir en moins de 72 heures.
La population, une fois passée la frayeur créée par les coups de feu en l'air des soldats, au premier jour de la mutinerie jeudi 23 décembre, a manifesté sa joie dans les rues des grandes villes du pays.
Accusé de népotisme et de dérive autoritaire, M. Bédié était de plus en plus impopulaire. L'annonce de sa déchéance n'a visiblement pas ému les Ivoiriens.
Aucune voix ne s'est élévée pour s'émouvoir de son sort. Ni parmi les civils, qui jubilaient, ni parmi les militaires.
A la suite des soldats du rang qui ont lancé le processus de destitution par un mouvement de revendications sur l'amélioration de leurs conditions de vie, les différents corps d'armée ont les uns après les autres rallié le camp des insurgés.
Lorsque le général Robert Gueï, ancien chef d'état major, brouillé depuis des années avec M. Bédié, a annoncé vendredi matin 24 décembre la destitution du président, seule la gendarmerie n'avait pas encore pris position.
C'est sur cette force, choyée par le pouvoir et réputée fidèle au chef de l'Etat, que comptait M. Bédié, lorsqu'il a appelé à la résistance vendredi sur les ondes de Radio France Internationale.
Ce dernier cri de ralliement, lancé alors qu'il s'était déja mis sous la protection des Français, n'a pas suffit à déclencher de contre-offensive. Loin de là.
Alors qu'il insultait sur les ondes le général Gueï, le traitant de "zozo" et qualifiant son coup d'Etat de "grotesque", les auditeurs intervenant sur l'antenne ouverte d'une station radio FM privée se raillaient de leur ancien président jugé "totalement ridicule".
Cet appel n'a pas non plus eu d'écho parmi les militaires indécis et n'a pas empêché la gendarmerie de se mettre à la disposition du général Gueï.
Et samedi soir, tous les gradés, militaires, gendarmes et policiers, passaient à la télévision pour demander à leurs hommes de se mettre à disposition du général Gueï.
Malgré ces signes clairs, le président Bédié a tenté une dernière fois de retourner la situation en sa faveur. Par le biais de son ambassadeur en France, Kakou Gervais, qu'il a joint grâce à son téléphone portable, il lançait un nouvel appel à ses concitoyens.
"Encore une fois et en tant que Président de la République démocratiquement élu, j'invite à nouveau toutes les forces vives institutionnelles et civiles, les forces traditionnelles et les unités militaires loyalistes à ne pas accepter ce coup d'Etat militaire déjà condamné par la communauté internationale", disait le président.
Il n'a trouvé personne pour répercuter ce message.
"C'est un homme seul, déboussolé", expliquait un militaire fançais qui avait eu des contacts avec lui.
Sa formation politique, le parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), au pouvoir depuis 40 ans, ne lui a pas non plus été d'un grand secours. Le secrétaire général du parti, Laurent Dona Fologo, a rapidement été interpellé par les hommes du général Gueï, et a dû à son tour signifier son allégeance au nouveau pouvoir.
Si M. Fologo, visage gonflé, n'a visiblement pas fait cette déclaration spontanément, d'autres membres du gouvernement et du parti, ne se sont pas fait prier pour entériner le changement politique. Ainsi, le ministre des Affaires étrangères, Amara Essy, qui s'exprimait à la télévision juste après M. Fologo, paraissait très décontracté, un sourire se dessinant au coin des lèvres.
D'autres membres des institutions du parti, interrogés par l'AFP, s'étaient dimanche matin totalement désintéressés du sort du président déchu, et échaffaudaient déjà les scénarios de l'après Bédié.

Abidjan (CI),(AFP), dimanche 26 décembre 1999, 13h25

 

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Calme à Abidjan où le général Gueï est en passe de réussir son pari

Un calme, qualifié d'"extraordinaire" par la population, est revenu dimanche à Abidjan où le général Robert Gueï, nouvel homme fort de la Côte d'Ivoire, semblait en mesure de réussir son pari d'une "reprise des activités normales" dès lundi.
Alors que le pays risquait encore samedi matin d'être précipité dans un chaos tragique par la mutinerie de ses soldats, le général Gueï, chef du Comité national de salut public (CNSP) au pouvoir, a réussi à redresser la situation.
Cette "performance" après des journées où la ville a été en proie aux mutins pillards tirant en l'air, qui n'ont toutefois pas fait couler le sang, est saluée par tout le monde.
Le général Gueï "fait notre admiration", a déclaré dimanche matin un diplomate occidental", ajoutant: "Il a fait preuve d'un sens politique exceptionnel".
Un gros problème demeure toutefois: le sort du président renversé Henri Konan Bédié, réfugié dans un camp de l'armée française près de l'aéroport d'Abidjan.
La France et le CNSP ne semblaient toujours pas parvenus dimanche matin à un accord sur les modalités de son départ rapide du pays, une situation qui provoque l'incompréhension aussi bien des Ivoiriens que des expatriés.

"Que fait donc la France ?", est une question que posent de nombreux Abidjanais qui redoutent parfois que la tension entre le CNSP et Paris ne "remette tout en cause".
Durant la nuit de samedi à dimanche le couvre-feu a été strictement respecté, ce qui est largement dû au ralliement, essentiel pour la réussite du CNSP, de la gendarmerie, officiellement annoncé samedi après-midi.
Les hurlements des sirènes de ses véhicules qui n'ont cessé de sillonner la ville, ont succcédé aux salves des mutins qui la veille angoissaient la nuit d'Abidjan.
Très tôt, dimanche matin, les bus de la Société de transports abidjanais (SOTRA) dont l'activité avait été suspendue au début de la mutinerie ont recommencé à parcourir Abidjan.
Une circulation automobile normale, sans risque de se faire "réquisitionner" son véhicule par des soldats, a repris.
Elle devrait s'intensifier dans la journée puisque les stations essence commençaient en fin de matinée à reprendre du service.
A l'aéroport, qui n'avait toujours pas repris ses activités, tout était calme. On s'attend généralement à sa réouverture rapide mais l'"hypothèque Bédié" pèse encore sur la décision du CNSP.
En début de matinée, Radio Côte d'Ivoire, entre deux annonces du CNSP, passait deux fois la vedette reggae Alpha Blondy, chantant : "Armée française, allez vous en".
Sur le plus grand boulevard de la ville, "le VGE" (Valéry Giscard d'Estaing), qui porte les traces des pillage des derniers jours, une centaine d'expatriés étaient rassemblés devant un super-marché épargné qui devait ouvrir ses portes.
Depuis jeudi 23 décembre, ils n'étaient pas sortis de chez eux et beaucoup n'ont plus rien à manger.
Une Française se fâche contre son pays: "Pourquoi ils veulent envoyer des troupes, ça va tout gacher. On n'a pas de problème, on sera avec vous si vous devez les combattre", dit-elle en s'adressant à un soldat de garde devant le super-marché.
Le général Gueï avait annoncé samedi un "bain de sang" si la présence militaire française en Côte d'Ivoire devait être renforcée.
Dans la ville il n'y a plus de barrages ou seulement quelques chicanes abandonnées par leurs soldats. Le coup d'Etat qui n'en est pas un, selon le général Gueï, semble définitivement avoir réussi.

[Abidjan, (AFP) - dimanche 26 décembre 1999, 13h01]

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