Le général Gueï affiche sa fermeté et met en garde les étrangers

Le chef de la junte ivoirienne, le général Robert Gueï, a délivré jeudi un message très ferme sur la situation politique intérieure du pays, mettant en garde les diplomates ou étrangers qui voudraient peser sur le processus électoral en cours.
Le général Gueï, lui-même candidat à la présidentielle du 22 octobre, a délivré ce message devant les membres de la junte, du gouvernement, le corps diplomatique et les politiques lors d'une "réunion de concertation", où il a été le seul à prendre la parole.
Ce discours intervient alors que, selon ses propres termes, "la Côte d'Ivoire traverse une crise extrêmement grave".
La tension perceptible à Abidjan en cette période pré-électorale, s'est accrue depuis l'attaque dans la nuit du 17 au 18 septembre du domicile du général Gueï, qui visait selon lui à l'assassiner.
Le général a critiqué "la minorité d'à peine 14%", chiffre correspondant au score du "non" au référendum constitutionnel de juillet, qui "s'évertue à contester" les textes adoptés.
La nouvelle Constitution comprend des conditions d'éligibilité à la présidence plus restrictives que par le passé et qui, selon ses adversaires, pourraient justifier l'invalidation de la candidature de l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara.
Le chef de la junte s'en est pris à certaines chancelleries, sans les nommer, dont selon lui les "contestataires" affirment avoir le soutien.
"Forts de ce soutien, ils vont jusqu'à proférer des menaces dont l'exécution pourrait affecter gravement l'Etat ivoirien", a-t-il ajouté, prévenant que la Constitution serait pleinement appliquée.
"Je ne voudrais pas que vous, diplomates accrédités en Côte d'Ivoire, puissiez penser un seul instant qu'une loi peut-être modifiée pour plaire à un seul individu", a dit le général, faisant ainsi allusion au cas de M. Ouattara. Il a assuré que personne ne serait éliminé de la course "sans raison".
Cette mise en garde intervient alors que plusieurs chancelleries ont fait part de leurs inquiétudes concernant le processus électoral et des conséquences de la possible élimination de plusieurs candidats importants.
Les chefs d'Etat africains sont particulièrement inquiets de la crise que traverse la Côte d'Ivoire.
L'Organisation de l'unité africaine (OUA) a ainsi décidé de la tenue une réunion dimanche à Lomé de dix chefs d'Etat en présence du général Gueï et des principaux leaders politiques ivoiriens.
Cette réunion est considérée par le camp Ouattara comme la réunion "de la dernière chance".
Cependant, selon une source gouvernementale, le général Gueï ne devrait pas se rendre à cette rencontre et il n'est pas certain que les leaders politiques, qui sont soumis à un contrôle de leurs déplacements, soient autorisés à quitter le pays.
Dans son intervention, le général Gueï n'a pas caché son agacement devant les "ingérences étrangères".
Il a ainsi mis en garde les étrangers vivant en Côte d'Ivoire, qui représentent plus de 35% de la population, dont trois millions au moins de Burkinabè.
La Côte d'Ivoire est "en ce moment le théâtre de conflit extrêmement grave", a dit le chef de la junte estimant que les autochtones avaient un sentiment de "spoliation" de leur patrimoine.
Si à ce sentiment s'ajoute "la crainte de l'ingérence politique étrangère, les ingrédients seront réunis pour une explosion de colère des Ivoiriens"
Le général faisait référence à des conflits fonciers dans le sud ouest du pays, qui ont fait fin août début septembre au moins 13 morts et contraint plus de 1000 Burkinabè à quitter leur campement.
Un diplomate ouest-africain, interrogé à l'issue de ce discours, a jugé les propos du général "très durs".
Quant à M. Ouattara, il n'a pas souhaité s'exprimer à la sortie de cette réunion.

(AFP, Abidjan, 21 sept 2000 - 18h51)


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