Les Européens sur le point de consacrer le retour de Kadhafi

 

Les Européens semblent prêts à donner acte au dirigeant libyen Mouammar Kadhafi de son retour sur la scène internationale, à la faveur du dénouement attendu de la crise des otages de Jolo.

Le chef de la diplomatie finlandaise Erkki Tuomioja a fait savoir qu'il se rendrait à Tripoli pour accueillir les deux otages finlandais, si leur libération était confirmée.

Et à Paris, nul ne niait mercredi que le ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine envisage un tel déplacement, en compagnie de d'Erkki Tuomija et de son homologue allemand Joschka Fischer.

La Finlande, la France et l'Allemagne sont les trois seuls pays européens, dont des ressortissants sont détenus depuis le 23 avril sur l'île philippine de Jolo par les rebelles musulmans du groupe Abu Sayyaf.

Une présence à Tripoli des trois ministres européens, forcément très médiatisée, représenterait une victoire indiscutable pour le colonel Kadhafi, et une étape déterminante dans sa quête d'une réhabilitation internationale.

Celle-ci avait été entreprise en avril 1999, lorsque l'ONU avait suspendu les sanctions qui frappaient la Libye pour son soutien présumé au terrorisme et pour son rôle dans les attentats contre un avion de la Pan Am au-dessus de Lockerbie en 1988 et contre un DC-10 la compagnie française UTA en 1989.

Un scénario de libération des otages, tel qu'il semble se dessiner, appellerait cependant de nombreuses questions sur le prix politique payé en échange de l'intervention libyenne et sur l'éventuel versement d'argent aux rebelles.

Le quai d'Orsay refusait mercredi de faire le moindre commentaire sur les informations de l'hebdomadaire Le Canard enchaîné, selon lesquelles Mouammar Kadhafi a négocié avec Paris les "contreparties politiques" de sa médiation.

Selon le journal, qui ne cite pas ses sources, "tout prouve que la France a demandé aux Libyens de payer une rançon à sa place". "En échange de quoi", poursuit le journal, Paris "s'est engagé à aider la Libye de Kadhafi à se réintroduire dans le jeu diplomatique".

Les relations franco-libyennes s'améliorent lentement depuis un peu plus d'un an. Le secrétaire d'Etat à l'Industrie Christian Pierret s'était rendu à Tripoli en avril pour un salon d'entreprises. Il s'agissait de la première visite d'un ministre français depuis l'imposition des sanctions en 1992.

Au niveau européen, la Libye bénéficie de la bienveillance du président de la Commission européenne, l'Italien Romano Prodi, favorable à une normalisation des relations avec Tripoli.

La France a également apprécié les efforts de médiation entrepris par les Libyens dans plusieurs conflits africains, en particulier la guerre en République démocratique du Congo (RDC), indiquait mercredi un responsable français.

Les rapports franco-libyens restent cependant marqués par l'attentat contre le DC-10 d'UTA, qui avait fait 170 morts en 1989 au Niger.

Six Libyens avaient été condamnés par contumace pour cet acte terroriste. Mais le juge Jean-Louis Bruguières a décidé, en fin d'année dernière, d'instruire une plainte visant pour la première fois nommément le colonel Kadhafi.

En cas de libération par l'entremise de la Libye, les Européens ne pourront également éviter les questions sur les conditions financières de l'opération et sur les rumeurs de versement aux rebelles de 25 millions de dollars par une fondation dirigée par l'un des fils du colonel Kadhafi.

Depuis le début de la prise d'otages, la France répète qu'il n'est pas question de payer une rançon.

(AFP, AFP, mer 16 août 00 - 14h13)


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