ESCLAVAGE OU TRAITE NEGRIERE, UN CRIME CONTRE L'HUMANITE

 

L'anéantissement des Indiens par la colonisation espagnole des Iles de l'Amérique imposa la recherche de la main-d'oeuvre indispensable à l'exploitation des nouveaux territoires : la guerre et l'esclavage africain apportent la solution.
L'esclavage de chrétien à chrétien ayant cessé en Europe au XIIIe siècle, le servage se substituait à lui depuis le Xe siècle. L'Espagne, en guerre et en contacts constants avec les Maures (le Maroc), pratique encore le commerce des esclaves ruraux ou domestiques, ainsi que celui des hérétiques.
C'est Barthélémy de Las Casas l'évêque sévillan de Chiapa au Mexique qui lance la première idée de déportation de nègres vers les Indes Occidentales. Apôtre de la charité, il s'érige contre le théologien Sépulveda, l'historiographe de Charles-Quint, le Tite-Live espagnol, qui soutien que l'on doit exterminer quiconque refuse d'embrasser la religion chrétienne. Après ses consultations avec le pape Léon X, Las Casas prône l'introduction en Amérique de nègres esclaves, puisqu'ils ne sont pas chrétiens.
1444 - Pour la première fois, le 8 août, un navire du port de Lagos (Portugal) débarque 235 esclaves noirs et les vend dans son pays.
1498 - La bulle du pape Martin V décrète que << la terre appartient au Christ et le Vicaire a le droit de disposer de tout ce qui n'est pas occupé par les chrétiens. Les infidèles ne sauraient être possesseurs d'aucune partie de la terre. >>
(voir suite dans Histoire et société : "Abolition de l'esclavage")

Il s'ouvre un grand marché en France. Très vite se met en place le Marché dit triangulaire : France- Afrique-Antilles- France. Des pacotilles (perles, alcools, poudres à canon) seront chargées en France pour être troquées en Afrique : en contrepartie de gré ou de force seront embarquées des pièces d'Inde (autre désignation d'esclaves noirs) pour être transplantées en Amérique dans des plantations; en retour, les récoltes (sucre, rhum, épices, fruits et autres produits tropicaux) prendront la direction de la France, et la boucle se referme.
Une autre saignée mal connue pourrait être soulignée. Aussi humiliante et aussi meurtrière, elle s'était ouverte sur le front oriental.
Au total, on peut parler de centaines de millions d'hommes et de femmes disparus du continent africain sur plus de six siècles. Certains déportés disparurent en mer pour cause de maladies, de révoltes, de mauvais traitements subis au cours du voyage. Deux centres de transit célèbres ont comme noms : Île de Gorée (avant de prendre la mer) et Cap Vert (dernier tri selon la destination finale).
Des voix se sont élevées contre la traite négrière. Mais la cause n'a pas été toujours entendue. Aujourd'hui l'heure est à la réparation. Le pape Jean-Paul II demande pardon à chaque fois qu'il se rend en Afrique. La diaspora africaine et certains hommes politiques demandent des dédommagements financiers, matériels. Des groupes de réflexion, des associations érigent des monuments, créent des centres culturels, des musées en mémoire des génocides perpétrés durant des siècles.
Les deux chambres parlementaires françaises reconnaissent à leur tour enfin en ce mois de mai 2001 que "l'esclavage est un crime contre l'humanité".
Il faudra encore du temps pour effacer les stigmates et les blessures dans l'âme, les séquelles économiques et sociales qui constituent un clivage Nord-Sud et une entrave au développement.

Victor BISSENGUE


Le Parlement français déclare l'esclavage comme crime contre l'humanité
(Reuters, PARIS, jeudi 10 mai 2001, 14h55)

- Le Parlement français a adopté un texte faisant de la traite négrière et de l'esclavage un crime contre l'humanité.

"La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'Océan indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVème siècle aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'Océan indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes, constituent un crime contre l'humanité", dispose l'article premier de ce texte.

Le Sénat a adopté dans les mêmes termes que l'Assemblée cette proposition de loi de la députée socialiste de Guyane Christiane Taubira-Delannon, votée à l'unanimité par chacune des deux chambres.

Ce texte prévoit également que l'esclavage soit traité dans les manuels d'histoire et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines.

Comme c'est déjà le cas dans les DOM-TOM depuis 1983, le gouvernement, précise la proposition de loi, devra fixer, après une large consultation, une date pour la commémoration annuelle en métropole de l'abolition de l'esclavage.

Enfin, le texte prévoit la création d'un "comité de personnes qualifiées, parmi lesquelles des représentants d'association défendant la mémoire des esclaves, chargées de proposer, sur l'ensemble du territoire national, des lieux et des actions de mémoire qui garantiront la pérennité de la mémoire de ce crime à travers les générations".

L'esclavage dans les "colonies françaises" fut aboli par un décret du 27 avril 1848. C'est Victor Schoelcher, sous-secrétaire d'Etat dans le gouvernement provisoire après la révolution de février 1848, qui contribua à faire adopter le fameux décret sur l'abolition de l'esclavage dans les colonies.


L'esclavage reconnu comme crime contre l'humanité par le Parlement
(AFP, PARIS, jeudi 10 mai 2001, 13h02)

- Le Parlement a reconnu l'esclavage et la traite négrière comme crime contre l'humanité avec l'adoption, jeudi en seconde lecture au Sénat, d'une proposition de loi en ce sens votée par les sénateurs dans les mêmes termes que les députés.

Les sénateurs ont voté à l'unanimité le texte qui tend pour l'essentiel "à reconnaître en tant que crime contre l'humanité d'une part, la traite négrière transatlantique, celle dans l'océan indien, d'autre part, l'esclavage, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes dans l'océan indien et en Europe contre les populations africaines, améridiennes, malgaches et indiennes".

Le texte vise "à inscrire dans le droit français une condamnation morale de la traite et de l'esclavage", a souligné le Secrétaire d'Etat Christian Paul en ajoutant "qu'il importe que la traite et l'esclavage, dans les départements d'outre-mer comme en métropole, ne soit plus, pour les uns et les autres, ni cette origine honteuse ni cette faute que la mauvaise conscience nous pousse à cacher", a déclaré le Secrétaire d'Etat.

"Il s'agit d'une loi contre l'oubli et qui fait entrer par la grande porte tous ceux qui ont lutté contre l'esclavage" a-t-il affirmé en indiquant que "ces événements sont notre histoire, une histoire pénible et douloureuse, dont nous entendons tirer les leçons".

"Un comité de personnalités"

M. Paul a souligné que "la grandeur d'un peuple se mesure à sa capacité d'assumer son histoire" en indiquant que "la nation toute entière s'est récemment penchée sur Vichy et la collaboration, la guerre d'Algérie et la torture".

Le texte prévoit que "les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l'esclavage la place conséquente qu'ils méritent". "Ils devront rendre compte de cinq siècles d'esclavage ainsi que des révoltes qui sont survenues", a dit M. Paul. La coopération, permettant de mettre en articulation les archives écrites disponibles en Europe avec les sources orales et les connaissances archéologiques accumulées notamment dans les Amériques, en Afrique et aux Caraïbes, sera "encouragée et favorisée".

La proposition de loi préconise également la fixation par décret du gouvernement d'une date en métropole pour la commémoration de l'abolition de l'esclavage. Elle prévoit aussi la création d'un "comité de personnalités" pour "garantir la pérennité de la mémoire". "Ce Comité sera constitué dans les prochaines semaines", a affirmé le Secrétaire d'Etat. Il comprendra "des personnes qualifiées parmi lesquelles des représentants d'associations défendant la mémoire des esclaves. Sa composition et ses missions seront fixées par décret en Conseil d'Etat.

Enfin, le texte adopté accorde "la possibilité pour les associations défendant la mémoire des esclaves d'exercer les droits reconnus à la partie civile".


L'Europe s'attaque aux nouvelles formes d'esclavage

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Selon les Nations Unies, neuf millions d'humains dans le monde vivent actuellement en état d'esclavage : vendus en dehors de leur pays d'origine, par des trafiquants internationaux aux fins d'exploitation économique ou sexuelle.
Particulièrement touchée par le phénomène, l'Europe prend aujourd'hui des mesures pour lutter contre ce trafic d'êtres humains à des fins souvent lucratives : "L'espace Schengen est une passoire. La première solution serait d'améliorer les conditions de vie des personnes dans leurs pays d'origine pour les empêcher de partir. La seconde est d'intensifier les contrôles aux frontières " note Max-Henri Boulois, membre du directoire de la Fondation Internationale pour "La mémoire de l'esclavage". Trente députés de droite et de gauche vont également enquêter jusqu'à l'automne prochain sur les nouvelles formes d'esclavage. Cette "mission d'information commune sur les diverses formes de l'esclavage moderne" s'intéressera autant aux aspects domestiques, économiques que sexuels de cette traite des êtres humains.
L'esclavage moderne est pratiqué par des proxénètes, des passeurs et des professionnels qui recherchent de la main d'oeuvre bon marché ou gratuite, ou tout simplement par des gens aux apparences respectables à la recherche de personnel domestique. Il se présente sous différents aspects. Les nouveaux "boat people" sont organisés par des passeurs sans scrupules qui prennent leurs maigres ressources aux candidats à l'exil et les entassent dans un bateau à destination d'un pays européen. Ce trafic de migrants devrait s'amplifier en Europe" selon Max-Henri Boulois. Deuxième forme, l'esclavage domestique. Selon un rapport du Conseil de l'Europe, "plus de quatre millions de femmes sont vendues chaque année". Les victimes de l'esclavage domestique se voient confisquer systématiquement leur passeport dès leur arrivée dans le pays, les rendant ainsi vulnérable et dépendante de l'employeur. Leur travail entre quinze et dix-huit heures par jour, n'est pas rémunéré ou de manière dérisoire. Et ces personnes sont souvent l'objet de violences physiques et psychologiques. Rares sont celles qui portent plaintes par peur des représailles. Les enfants et les femmes en sont également victimes. "Le plus souvent, les femmes savent qu'elles vont se prostituer mais ignorent dans quelles conditions" indique Max-Henri Boulois. Autre forme d'esclavage moderne, des travailleurs exploités dans les ateliers clandestins par des professionnels qui recherchent de la main-d'oeuvre gratuite. Des pratiques d'un autre âge malheureusement courantes en France aussi, pays des droits de l'homme, comme en témoignent de récents procès édifiants.
L'esclavage a été officiellement abolit depuis le 27 avril 1848 en France. Il n'existe donc aujourd'hui aucun texte spécifique à l'esclavage moderne ou à la traite des êtres humains dans notre constitution. Une lacune que les députés s'apprêtent à combler en réfléchissant à un texte de loi adapté.

Valérie Moro - digipresse 2001 (30 avril 14h22)


La traite des Noirs, un crime contre l'humanité
(RFI Actualité : Esclavage - 11 mai 2001)
En France, le parlement adopte une loi qui reconnaît l'esclavage et la traite négrière comme crimes contre l'humanité. Cette loi a bien sûr une portée symbolique, celle d'une condamnation morale. Elle a aussi pour ambition de sortir la traite négrière de l'oubli, notamment dans les livres scolaires.

Il aura donc fallu plus de 150 ans, après l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises, pour que la France franchisse un nouveau pas et reconnaisse officiellement l'esclavage et la traite négrière comme crimes contre l'humanité. Une reconnaissance symbolique, mais aussi indispensable, lorsque l'on sait que les manuels d'histoire font quasiment l'impasse sur plusieurs siècles de traite négrière.

La nouvelle loi prévoit que les livres scolaires accordent à l'esclavage et à la traite négrière la place qui leur revient. "C'est une loi contre l'oubli", estime le secrétaire d'Etat français à l'Outre-mer, Christian Paul.

Le texte prévoit qu'un comité de personnalités sera chargé de garantir la pérennité de la mémoire. Il stipule également qu'il y aura lieu de fixer une date pour commémorer, chaque année, l'abolition de l'esclavage.

Reste la question de la réparation. La députée guyanaise Christiane Taubira Delannon, à l'origine de cette loi, souhaite que les anciens pays colonisateurs fassent oeuvre de réparation, en pratiquant à l'égard des pays d'Afrique-Caraïbes et Pacifique, une politique économique qui soit dit-elle, "moins inégalitaire qu'aujourd'hui".

CATHERINE POTET
11/05/2001


Histoire et société