L'AMBASSADE CENTRAFRICAINE DE PARIS SERAIT-ELLE MALADE DE SES DIPLOMATES ?

Par MM. Alphonse Oscar OUANGO(a) et Henri GROTHE(b)

 

Depuis une douteuse opération immobilière, digne du régime Kolingba, la représentation diplomatique centrafricaine a troqué le faste apparent du "16, Bd de Montmorency " contre la maison de ville du "30, rue des Perchamps ". Bien que nous soyons toujours domiciliés dans le 16ème arrondissement parisien, nous ne sommes plus dans le quartier des ambassades !

Si certains n’y voient là que le signe de la dilapidation des biens publics, ce marché occulte sonnait le glas de la Diplomatie centrafricaine. Ainsi, elle devenait à son tour un lieu d’enrichissement occulte. Les régimes y nomment que ceux qui pourraient leur rendre services ; l’intérêt général et le sens de l’État ne souffrant ici d’aucune conviction.

Quel Centrafricain, notamment celui de la Diaspora, ne se souvient pas de la curieuse promotion, plutôt propulsion, de M. Jean Poloko, enseignant retraité, dans la carrière diplomatique ?

Bénéficiant de largesses familiales, il s’était vu, une première fois, nommé ambassadeur de la République centrafricaine au Cameroun, puis promu à l’ambassade centrafricaine de Paris, en tant que Ambassadeur, Haut représentant de la république centrafricaine ; en remplacement de M. Jean-Paul Ngoupandé, devenu Premier ministre de Patassé suite aux Mutineries.

M. Jean Poloko est un diplomate sur le tas !

Certains ont pourtant espéré, un moment, que l’expérience acquise au cours de sa longue carrière enseignante l’aurait aider à mieux assumer ses nouvelles responsabilités. Hélas ! Ses limites ne cessent de défrayer la chronique et les salons centrafricains de l’Hexagone ; pour ne citer que la communauté centrafricaine.

Par contre, s’il existe un domaine où il excelle "positivement ", c’est à ne point douter l’affirmation insolente et assourdissante de ses attaches tribale et politique dont il ne cesse de les opposer aux Centrafricains ; M. Jean Poloko, militant du Mlpc,  est de "culture kaba " !

Rehaussée par sa personnalité, son incompétence avérée le fragilise face au personnel de la représentation diplomatique. Aucune initiative sérieuse n’y a été prise depuis sa nomination.

Alors que les enjeux de la Crise centrafricaine le commandent, l’importance de Paris, une des places fortes des Relations internationales, est loin d’être perçue par ce Chef de Mission diplomatique centrafricaine. A cela s’ajoute notre absence très remarquée à l’Unesco…

Et pendant ce temps ? L’ambassade va à vau-l’eau ! Une guerre, déclarée et connue de tous, oppose le chef de Mission au Premier conseiller. Ils sont devenus des ennemis irréductibles. En compensation, les Centrafricains sont régulièrement gratifiés des querelles intestines minant ce qui aurait pu être des activités diplomatiques au "30, rue des Perchamps " à Paris.

C’est dans une telle atmosphère, qu’ils ont appris, qu’en plus de sa prise de contact délicate avec le le Quai d’Orsay, (c) M. Jean Poloko n’aurait jamais présenté ses Lettres de créances à l’Élysée. La Présidence de la République Française n’aurait jamais accepté sa nomination à Paris !

Ce précédent a-t’il obligé notre ambassadeur à filer en douce à Madrid ?

Ils viennent encore d’apprendre, qu’avant de "faire un tour à Bangui ", M. Jean Poloko est allé enfin présenter ses Lettres de créances à Madrid. La délégation qu’il dirigea était constituée de M. Alfred Poloko, son fils, Conseiller à la Présidence centrafricaine, et du Conseiller culturel M. Gilbert Nandiguim. Une fois de plus, sans le Premier conseiller Loth Kitodjim !

Au-delà du personnel, les Centrafricains alertés s’interrogent encore sur la régularité diplomatique de la cérémonie madrilène. Des questions demeureront sans réponses d’autant qu’aucune communication n’a été faite à ce sujet.

Point n’est besoin de préciser que la venue du fils, Alfred, posa le problème de la gestion patrimoniale de l’ambassade. M. Alfred Poloko, venu expressément de Bangui, devait-il accompagner son père à Madrid alors qu’il n’est pas du tout diplomate et en poste à Paris ? Sinon y était-il en mission ?

Qu’à cela ne tienne ! Le fonctionnement de la représentation centrafricaine de Paris, qui devrait être la vitrine de notre diplomatie, est à l’image de la non-gestion étatique Mlpc. C’est une affaire familiale engluée dans des déchirements égoïstes à la limite de la tragi-comédie. Les plus hauts responsables se disent tous "très chers parents du Président", en privée, mais ne parviennent pas à dépasser leurs humeurs pour mieux collaborer dans l’intérêt national. C’est vraiment dramatique !

Bien qu’elle s’y soit depuis établie, la corruption y prend des allures jamais égalées ! La culture néfaste de l’impunité, encouragée par l’État-Mlpc accentue le phénomène.

Des détournements de bourses aux mains basses sur les maigres recettes consulaires, générées par la délivrance de visas, de carte consulaire, d’attestation et de certificat divers, la rentrée d’argent frais constitue un sérieux prétexte d’achoppement entre nos deux premiers diplomates. C’est à celui qui en mettrait le plus dans sa poche.

On ne cesse de s’interroger sur le sort du parc diplomatique ! Alors que certaines sources prétendent que les voitures auraient été enlevées par la Police urbaine parisienne, pour défaut de stationnement, ce qui est d’ailleurs très curieux pour des voitures diplomatiques stationnant sur des aires réservées ; d’autres se plaisent à démontrer que la rivalité dans la course à l’enrichissement illicite serait passé par-là. Nos diplomates auraient-ils tout simplement fait main basse sur des voitures déclarées enlevées ou "cannibalisées " ?

Alors que l’ambassade reste démunie de tout moyen autonome de communication, le Comité d’Ambassade de Paris avait amèrement constaté que M. l’Ambassadeur avait soustrait l’unique fax depuis fort longtemps ! Un bien de l’État connaît un usage privé. Le fax est installé à son domicile. Pendant ce temps, le personnel utilise les cabines publiques ou des moyens privés pour besoin de services.

 

A l’heure du développement sans pareil des nouvelles technologies de l’information, constatons tout simplement que le fax demeure (encore !) un signe extérieur de richesse pour les administrations centrafricaines. Si à Bangui, le fax ministériel trône souvent dans le bureau du ministre, ici à Paris, il agrémente le domicile de Monsieur l’ambassadeur au frais de l’État !

Que dire alors des "fausses ambitions " du Premier ministre centrafricain qui déclarait très solennellement, lors de la récente déclaration de sa Politique générale, que son gouvernement comptait initier une diplomatie agissante ? S’il a toutefois pris la mesure de l’incompétence décriée des diplomates centrafricains en poste à Paris, pendant sa dernière visite, il a du comprendre qu’une diplomatie agissante nécessite des moyens efficaces et des personnalités compétentes au-dessus de tout soupçon. Les quelques Centrafricains participant à la rencontre parisienne de Montparnasse en avaient d’ailleurs largement fait écho  (d)!

Il serait très regrettable qu’il n’agisse pas dans cette direction. Saura t-il respecter, au moins, son engagement à défendre la destinée nationale ?

La Renaissance impose que cette diplomatie agissante se fasse avec des hommes compétents capables de représenter dignement et de défendre les intérêts de la Centrafrique, à travers le concert des nations.

 

(a) M. Alphonse Oscar OUANGO est actuellement Secrétaire général du Collectif des Centrafricains en France -CCF.

(b) Ancien membre du Comité d’ambassade de Paris, M. Henri GROTHE assura le Secrétariat de la Coordination pour les Élections Présidentielles 99 en France.

(c) L’absence du Premier conseiller y était remarqué. Celui-ci "préféra s’éclipser pour affaires urgentes " à Bangui.

(d) Répondant à l’interpellation de compatriotes sur les agissements et l’incompétence des diplomates centrafricains en poste à Paris, M. Anicet Dologuélé reconnu publiquement qu’il ne saurait y répondre dans l’urgence et qu’il en prenait acte. Nous l’y attendons toujours…


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