MANIFESTE POUR LA REFONDATION DE L'UNITÉ
ET DE LA DEMOCRATIE EN CENTRAFRIQUE

Par "Le Groupe de Brazzaville" - Décembre 2001


INTRODUCTION

1- Depuis le 28 mai 2001, la République centrafricaine est secouée par une nouvelle crise politique consécutive au coup d'Etat manqué de la même date. Elle a conduit à l'exécution du plan génocidaire et d'épuration ethnique du président PATASSE et de son clan, conçu depuis plusieurs années. L'une des conséquences de la mise en œuvre de ce plan est l'exode massif des cadres civils et militaires, des étudiants, des hommes, des femmes et des enfants.

Cette nouvelle crise survient parce que les causes profondes des trois mutineries de 1996-1997, n'ont pas été éradiquées du fait de l'incapacité manifeste du Président Ange-Félix PATASSE à diriger la RCA, en dépit des efforts convergents tant au niveau national qu'au niveau international.

2- En outre, le président PATASSE a détourné d'une manière scandaleuse, la majorité parlementaire obtenue par l'opposition à l'issue des élections législatives de 1998, grâce aux moyens de l'État. De même, il a organisé un hold-up électoral en 1999, lors de l'élection présidentielle. Tous ces éléments n'ont pu ramener le calme et la sérénité escomptés pour une reprise confiante du processus démocratique en panne depuis la fin de l'année 1994.

Les résultats de la lutte du peuple centrafricain pour plus de démocratie, se sont trouvés confisqués par une poignée d'hommes au pouvoir. Bref, PATASSE et son clan ont confisqué le pouvoir de l'État et instauré en Centrafrique, un régime de dictature et d’oppression sous un vernis démocratique.

3- jamais le pays n'a été aussi divisé. Jamais il n'a été aussi mal géré. Jamais le désespoir n'a gagné autant de foyers, par suite d'une mauvaise gouvernance. Jamais de larges couches de la population n'ont vécu dans une misère aussi noire. Jamais l'état de droit n'a été aussi bafoué. Jamais les exécutions sommaires n'ont été aussi nombreuses, pour être banalisées. Et, jamais la corruption et la concussion n'ont atteint les sommets d'aujourd'hui en Centrafrique.

Le peuple centrafricain agonise depuis plus de sept ans, sous le regard compatissant d'une communauté internationale impuissante, puisque prise au piège "dû tâtonnement normal du processus démocratique " et de l'apparence démocratique.

4- Cette nouvelle crise aux conséquences encore insoupçonnées, a connu de nouveaux développements, avec l'arrestation et l'inculpation, début septembre 2001, d'un des piliers du régime, le ministre de la Défense, et d'un certain nombre de ses proches, accusés d'une autre tentative de coup d'État; puis, de l'entrée en rébellion en octobre 2001 de l'ancien chef d'Etat-major des forces armées accusé d'une troisième tentative de coup d'Etat. Ces événements traduisent de manière éclatante, le rejet du régime de M. PATASSE par les différentes composantes de la nation.

Ange-Félix PATASSE est aujourd'hui le problème essentiel de la République centrafricaine, parce que le système qu'il a mis en place est la cause de tous les maux du peuple centrafricain, qui aspire comme tant d'autres, à la paix, à la sécurité et au progrès social, en bannissant la dictature et la tyrannie.

5- Aujourd'hui, le peuple centrafricain est décidé d'user de tous (les) moyens, pour mettre un terme à la dictature galopante de M. PATASSE et pour "briser sa tyrannie", dans le cadre d'une lutte multiforme. Ce nouveau combat est celui d'une démocratie vivante, effective et qui vise le bien-être du centrafricain. Il en découle la nécessité de tracer à grands traits, les lignes de force à partir desquelles s'organise cette lutte et se fonderait le nouveau régime à mettre en place, au regard de notre vécu de ces dernières années.

I - LA CRISE CENTRAFRICAINE ET SES CAUSES

1- Ange-Félix PATASSE est arrivé à la magistrature suprême de l'État en Centrafrique en 1993, à l'issue d'élections aux résultats d'ailleurs contestés, et suite à un transfert sans heurt de pouvoir. Dès cette date, il a rompu avec la tradition observée depuis l'avènement de la République centrafricaine par ses prédécesseurs, consistant en la recherche permanente de la paix, du consensus entre Centrafricains, et en des efforts constants en vue de la construction d'une nation unie et solidaire.

Ange-Félix PATASSE a, au contraire, fait le choix pour l'exercice en Centrafrique d'un pouvoir personnel et autocratique reposant, en flagrante contradiction avec les principes de démocratie et de bonne gouvernance, d'une part sur son ethnie et son parti le MLPC, et d'autre part sur la force brutale et la terreur.

2- En dépit du discours officiel mielleux, où il ne cesse de se présenter comme un grand patriote préoccupé au plus haut point, de l'amélioration du bien-être de tous les Centrafricains et du développement du pays, discours mystificateur, discours de propagande pour tromper la communauté internationale et abuser ses compatriotes peu avertis, M. PATASSE n'a en souci que ses intérêts personnels et ceux de son clan. Avec lui, les élections démocratiques ont perdu tout leur sens. Celles-ci ne sont plus qu'un moyen, pour son clan, de confisquer tous les pouvoirs d'État et de se constituer en une caste de seigneurs : les vainqueurs, face aux vaincus, assimilés à la plèbe.

En huit (8) années, c'est véritablement à un désastre au plan politique, économique et social, que le régime du MLPC et la gouvernance de PATASSE ont conduit la République centrafricaine.

A- Aspects Politiques de la Crise

3- C'est dans l'équivoque que M. Ange-Félix PATASSE et son parti, le MLPC, sont arrivés ou pouvoir en 1993. Beaucoup de Centrafricains, en effet, ont été alors abusés par des promesses électoralistes, qui ne furent par la suite jamais tenues.

La victoire du MLPC et de son candidat, bien que contestée en raison de multiples irrégularités, fut néanmoins acceptée, dans un souci d'apaisement.

4- Dès son investiture le 22 octobre 1993, M. Ange-Félix PATASSE manifesta son intention d'exercer un pouvoir personnel et absolu, en dépit de la disponibilité de toute la classe politique à participer à la gestion du processus démocratique. C'est ainsi que la mouvance présidentielle, constituée dans cet esprit, se disloqua dès 1994, en raison des manœuvres de M. PATASSE et de son clan.

Dès lors, les règlements de comptes et la chasse aux sorcières contre les militants et cadres des partis politiques d'opposition, principalement ceux du RDC et les anciens collaborateurs civils et militaires de son prédécesseur André KOLINGBA, par lesquels il a inaugure son régime, devinrent implacables : tracasseries administratives et policières, arrestations et détentions arbitraires pendant de longs mois ou pendant plusieurs années.

5- En outre, il mit en œuvre une politique d'exclusion, contraire à la Constitution et aux instruments internationaux en matière des droits de l'homme, garantissant l'égal accès des citoyens aux emplois publics, sur la base du mérite, et interdisant les discriminations fondées sur l'appartenance politique, ethnique, sociale et religieuse. Tous les postes de responsabilité dans la fonction publique, le secteur parapublic et dans l'armée, furent confiés à des militants du MLPC ou des partis satellites, ainsi qu'à des personnes de l'ethnie ou de la région du chef de l'État, et non en raison de leur mérite, de leur compétence, qualification ou expérience.

Le régime MLPC et PATASSE ont ainsi édifié un système d'accès aux emplois publics inacceptable au XXIème siècle, aménageant des discriminations intolérables et une inégalité devant la foi, entre Centrafricains. La conséquence immédiate est une perte du niveau de performance et d'efficacité des services publics, ainsi qu'un dysfonctionnement de toute l'administration publique centrafricaine.

6- Cette mauvaise gouvernance du régime de M. PATASSE a entraîné dès la fin de l'année 1995, un mécontentement social généralisé, des mouvements de grève dans le secteur public et trois (3) mutineries des forces armées centrafricaines, d'avril 1996 à juillet 1997. Pour mettre fin à la crise politico-militaire et mues par une volonté de revenir à la paix, les forces vives de la nation et les représentants du régime, ont recherché ensemble avec l'appui de la communauté internationale, les solutions les plus adéquates.

L'implication de la communauté internationale s'est traduite d'abord, à l'issue de la Conférence France-Afrique de OUAGADOUGOU en décembre 1996, par la constitution d'un comité de médiation composé par leurs Excellences El Hadj Omar BONGO Président de la République gabonaise, Blaise COMPAORE Président du Burkina-Faso, Idriss DÉBY Président de la République du Tchad et Alpha Omar KONARE Président de la République du Mali, puis par l'action des Nations-Unies.

Cette forte implication de la communauté internationale a eu comme objectif constant d'aider les Centrafricains à trouver à la crise, une solution par le dialogue, pacifiquement, consensuellement et dans le respect des institutions de la République.

7- Dans cet esprit, la France, les États africains francophones puis les Nations-Unies, se sont investis et ont encouragé la tenue des réunions de concertation nationales successives suivantes, regroupant les représentants du pouvoir et ceux des partis politiques, de la société civile et de l'armée :

Réunion de juin 1996, ayant permis l'adoption d'un Protocole d'Accord Politique (PAP) et la mise en place d'un Gouvernement d'Union Nationale (GUN) ;

États généraux de la Défense Nationale en août 1996 ;

Réunion pour l'élaboration du Programme Minimum Commun (PMC) en septembre 1996 ;

Comité de Concertation et de Dialogue en janvier 1997, à l'issue des travaux desquels furent conclus les Accords de Bangui ;

Conférence de Réconciliation Nationale sanctionnée solennellement par un Pacte de Réconciliation Nationale (PRN) et dont la clôture, placée sous le haut patronage de Son Excellence El Hadj Omar BONGO, Président du Comité de Médiation des Chefs d'États africains, se déroula en présence des Chefs d'États africains, les Présidents Omar El BÉCHIR du Soudan, Idriss DÉBY du Tchad, Laurent Désiré KABILA de la République Démocratique du Congo.

Ces efforts de la communauté nationale et internationale sont restés vains, parce que M. PATASSE a systématiquement fait échec à la mise en œuvre des mesures arrêtées de commun accord entre les représentants du pouvoir et ceux des forces vives de la nation, se refusant à remettre en cause le mode de gouvernance de son régime.

8 - Non content de refuser d'appliquer les résolutions et recommandations pertinentes issues des assises de concertation nationale, M. PATASSE a aggravé la crise politico-militaire, dont il est le seul responsable, par de nouvelles actions qu'il a développées de façon systématique :

distribution d'armes de guerre aux militants du MLPC à Bangui et en province accentuant le problème de l'insécurité endémique, et constitution et entretien des milices de triste renom (KARAKO, BALAWA etc. ... ) qui alimentent la terreur, violent et exécutent. Ces milices commettent impunément de pires exactions depuis 1996 ;

• le régime de M. PATASSE s'est illustré par de violations multiples et flagrantes des droits humains. Imitant les milices constituées par le pouvoir, plusieurs services d'État pratiquent la torture, procèdent à de multiples exécutions extrajudlaaires, assassinent avec la bénédiction du pouvoir. Dans ce cadre, une série de crimes de sang organisés, sont restés impunis à ce jour : le Lieutenant BIDA- Parfait, le Colonel Christophe GRELOMBE, ancien Ministre de l'Intérieur sous le Président KOLINGBA et son fils Martin GRELOMBE, les trois ex mutins abattus dans les locaux de la Gendarmerie Nationale, le Colonel REHOTE ancien Secrétaire d'Etat à la Défense Nationale sous le Général KOLINGBA, Préfet de l'Ouham-Pendé, son fils et tous les occupants de son véhicule, Monsieur VERDUN de nationalité française et dirigeant d'entreprise, le Lieutenant BODO, le Maréchal de Logis chef HONDET Commandant-Adjoint de la Brigade de Gendarmerie de Kembé, Monsieur GRENVETE Pasteur d'Eglise le président de la Jeunesse de RDC de Kembé, un tenancier d'auberge, tous abattus à Kembé, ville natale du Général KOLINGBA. Tous ces assassinats ont été perpétrés par des éléments de la Garde Présidentielle et de la Police politique du régime. Leurs auteurs, bien qu’identifiés n'ont jamais été poursuivis. A ces personnes, doivent être ajoutée ; celles liquidées dans le camp du MLPC et des partis alliés, le plus souvent par le poison. C'est le cas notamment du Professeur de médecine Jean-Luc MANDABA, un des cadres les plus anciens du MLPC, ancien Premier ministre de Monsieur PATASSE, et de son fils ;

confiscation des libertés fondamentales se traduisant notamment par des mesures de suspension du droit d'aller et de venir à l'encontre des responsables politiques et syndicaux, mais aussi par des privations arbitraires de liberté malgré les décisions de justice. C'est le cas du maintien en détention depuis 1993 du Général Guillaume DJENGBOT, ancien Ministre, et de Hilaire SEBALLE, Député de l'opposition de la circonscription de Bambari II depuis 1998 ;

interdiction d'accès des partis politiques d'opposition aux médias d'État réservés au seul MLPC et à ses partis satellites, en violation des textes en vigueur ;

interdiction aux partis politiques de l'opposition d'organiser des réunions publiques, meetings, marches pacifiques, pendant que le MLPC et ses partis satellites peuvent organiser les leurs, à leur guise. C'est ainsi que le meeting organisé légalement par les partis politiques de l'opposition le 19 décembre 2000 a été sauvagement réprimé et s'est soldé par l'arrestation de 73 personnes dont 4 Députés, qui ont été condamnés en justice, en dépit de leur immunité parlementaire ;

violations répétées de la Constitution : pour exemples, l'article 22 de la Loi fondamentale dispose que les fonctions du Président de la République sont incompatibles avec l'exercice de toute autre fonction politique, de tout autre mandat électif, de tout emploi salarié. Or, en plein dans l'affairisme, M. PATASSE émarge comme personnel de direction de plusieurs sociétés : OMAC, CATADIAM, CENTRAFONDOR, COLOMBE-BOIS, COLOMBE-MINES, etc... et il en perçoit les salaires. Par ailleurs, il s'est fait élire Président du MLPC, alors qu'il devrait être celui de tous les Centrafricains.

Il a choisi de ne réserver aucune suite aux démarches des partis politiques d'opposition en sa direction, lui conseillant de se conformer aux dispositions de la Constitution.

Par ailleurs, des institutions prévues par cette dernière pour être mises en place dans un délai d'un an, ne le sont pas encore à ce jour, six ans après, tels le Conseil Économique et Social et les Conseils Municipaux.

9 - C'est dans ce contexte que la population centrafricaine est allée aux élections législatives en 1998. Lors de ces élections, le peuple centrafricain a sanctionné la politique antinationale du président PATASSE, en donnant la majorité aux partis politiques d'opposition.

Au lieu de respecter le verdict M. PATASSE a modifié ces résultats en sa faveur, par la corruption, en "achetant " des Députés élus sous la bannière de l'opposition, pour se constituer une majorité factice à l'Assemblée Nationale. En faisant recours à des moyens illégaux et immoraux, il a ainsi détourné les suffrages des électeurs. Dans le même élan, il a rejeté la politique de cogestion suggérée par la communauté internationale représentée par ADENEDJI OLOYEMI, pour "corriger " les conséquences de la confiscation par M. PATASSE de la démocratie.

En 1999, M. PATASSE a récidivé aux élections présidentielles. Il s’est fait proclamer élu dès le premier tour, grâce à une Cour constitutionnelle dont la majorité des juges se trouvent être, selon le jeu de l’exclusion en pratique, des personnalités de son clan et de son parti, alors que malgré les fraudes et manipulations auxquelles le régime est alors livré, le candidat PATASSE n'avait pas dépassé les 40% des suffrages exprimés et qu’un second tour, devant l’opposer au candidat André KOLINGBA, était attendu. Les résultats furent contestés. Les recours introduits auprès de la Cour constitutionnelle qui devaient être examinés dans un délai de deux mois, conformément aux dispositions du Code électoral, ne le sont pas encore à ce jour, soit près de 24 !

10 - Pour assurer son maintien au pouvoir par la force, contre la volonté populaire, le régime de PATASSE s'est lancé dans une diplomatie, non pas de développement mais d'accords d'assistance et de coopération militaires tous azimuts. Le but visé est clair : s'assurer du concours militaire extérieur pour réprimer toute velléité de contestation de son pouvoir vacillant et impopulaire, contrairement aux engagements qu'il a pris devant ses pairs et la communauté internationale de régler par la voie du dialogue et du consensus, les conflits et crises internes. C'est en ce sens que peut s'analyser la multitude d'accords jamais ratifiés de ce type, passés avec les pays africains notamment. M. PATASSE use aussi des services de forces non-conventionnelles d'origine étrangère à qui il offre bases arrières et/ou autres facilités. C'est notamment le cas des rebelles opérant au sud du TCHAD dénommés CODOS, et les hommes de Jean Pierre BEMBA depuis mai 2001.

En conséquence, non seulement M. PATASSE soumet les populations, dont il a l'obligation d'assurer la défense et la protection, aux exactions de toute nature de ces forces non-conventionnelles, ce qui a pour nom la trahison, mais encore il crée et alimente un terreau favorable au renforcement des groupes armés, éléments de déstabilisation des pays de la sous-région de l'Afrique Centrale.

11 - La crise a pris un tournant particulièrement dramatique depuis le coup d'état marqué du 28 mai 2001. Le régime de M. PATASSE a rendu responsable de cette action toute une ethnie et les militants d'un parti politique. Il a pris ce prétexte pour organiser un véritable génocide pour les groupes YAKOMA et apparentés ainsi que sur les militants et cadres du Rassemblement Démocratique Centrafricain (RDC), parti du Général KOLINGBA. Des milliers de personnes de ces groupes ont été arrêtées, torturées, violées. De centaines d'autres ont été massacrées, parmi lesquelles : Théophile TOUBA, Député de Bangui (1ère circonscription du 5ème Arrondissement); Léon BANGAZONI, cadre retraité du Ministère des Finances et ses deux enfants; KANDORO, Docteur vétérinaire; YAWILI, technicien supérieur de santé, anesthésiste; Alphonse KONZI-MONGO, Colonel de gendarmerie, ancien chef d'État Major de la Gendarmerie, Chargé de Mission au ministère de la Défense Nationale; le Chef de Bataillon Fabien BANGA, Commandant du 2ème Groupement de Gendarmerie de BOUAR; NGBOTENE, Capitaine de Gendarmerie, Commandant de l’Ecole de Gendarmerie; Jean Laurent TAKELEPOU, Commissaire de Police, Adjoint au Commissaire Central de BANGUI; de dizaines de militaires, gendarmes, gradés et agents de Police restés "loyalistes" comme Mlle Virginie YEMBIMON, Gendarme de 1ère classe en service à I'Ecole de Gendarmerie...

L'existence de charniers dans certains quartiers de BANGUI a été signalée, information qui a entraîné l'arrestation d'un membre du clergé catholique. Les quartiers sud de BANGUI ont subi de terribles bombardements. Les biens et habitations de leurs populations particulièrement d'ethnie YAKOMA ou apparentées et des militants du RDC ont été pillés ou détruits. Quatre vingt mille (80.000) personnes appartenant aux groupes indiqués ont été ainsi contraintes à l'exil, et, pour échapper aux persécutions et violences, ont du chercher refuge dans les pays voisins : République démocratique du Congo, République du Congo, République du Cameroun.

Suite aux accusations portées contre M. DEMAFOUTH, ancien ministre de la Défense nationale sous le président PATASSE, plusieurs centaines de ses proches ont été arrêtées, torturées ou assassinées. M. DEMAFOUTH, lui-même, mis au secret, a subi de graves sévices.

Au mois de novembre 2001, c'était au tour des populations des quartiers nord de BANGUI et des personnes de l'ethnie GBAYA ou de celles proches du Général BOZIZÉ, de connaître les violences et actes de répressions du régime de M. PATASSE, dont elles avaient été, pourtant jusque là, les inconditionnels soutiens. Plusieurs personnalités et personnes d’ethnie Gbaya ont été arrêtées, frappées, torturées. C'est le cas notamment de MM. Serge WAFIO, premier vice-président de l'Assemblée Nationale et Marcel MBOAH, Député. D'autres ont été assassinés ou sont portés disparus. Les bombardements des quartiers Nord de Bangui ont fait plusieurs centaines de victimes parmi la population civile, et ont entraîné des destructions délibérées d'un nombre considérable de maisons d'habitation. Pour fuir les violences et persécutions, une nouvelle vague de centrafricains a pris le chemin de l'exil, cette fois en direction du Tchad et du Cameroun depuis le retrait dans le Nord du Général BOZIZÉ et des troupes qui l'ont suivi. Ces troupes s'ajoutent à celles plus nombreuses fidèles au Général KOLINGBA. L’Armée Nationale est ainsi vidée de sa substance.

La Commission Mixte Enquête Judiciaire est la signature de l'étouffement des libertés démocratiques et du dysfonctionnement organisé de l'appareil judiciaire. Cette Commission, mise en place en violation des textes et présidée par M. BINDOUMI, Magistrat dont on connaît la dévotion à M. PATASSE, se révèle être l'un des éléments de la machine de répression sauvage du régime au pouvoir à Bangui.

Dans le cadre de cette enquête, plus de quatre cents (400) personnes ont été arrêtées et sont gardées en détention dans des conditions difficiles dans les geôles de la police politique du régime. Pour avoir souligné le caractère illégal de cette Commission, Maître ZARAMBAUD ASSINGAMBI, Ancien Bâtonnier a été, lui aussi, arbitrairement arrêté.

B - Aspects Socio-économiques de la Crise

12 - Depuis son accession au pouvoir en 1993, le régime de M. PATASSE n'a jamais élaboré et mis en place un programme économique et social. Le pilotage à vue a conduit inexorablement à la gestion désastreuse des ressources nationales et extérieures. La mauvaise gestion, la politique d'exclusion, les nominations aux postes de responsabilité et les recrutements dans la fonction publique sur la base du clientélisme politique, du népotisme, du favoritisme, de la corruption affectent gravement, a-t-on souligné, l'efficacité et le rendement des services publics.

Le régime MLPC ne sut utiliser pour le renforcement des structures de l'économie nationale, les énormes ressources débloquées par les bailleurs de fonds extérieurs à son avènement en 1993 et au cours des années suivantes (STABEX, Fonds du PAS III, FASR, concours de l'Union Européenne, assistances française et japonaise, etc. . )

13 - Aussi, dans le domaine du développement rural, pour le secteur de l'élevage : le programme de développement de l'élevage centrafricain assuré sur financement de la Banque Mondiale, bien avancé sous le régime précédent, a été désorganisé et asphyxié par de nombreux détournements, notamment ceux à l'ANDE et à la FNEC, l'incompétence et la mauvaise gestion. La conséquence immédiate est une faible croissance du cheptel, provoquant ainsi une flambée des prix avec des effets négatifs sur le budget des ménages et la santé des populations. Par ailleurs, les institutions financières internationales, notamment la Banque Mondiale, ont supprimé leurs concours au secteur à cause des détournements impunis des crédits par les hommes placés par le président PATASSE.

14 - Pour le secteur agricole, par manque d'une politique volontariste, l'agriculture naguère florissante sous le régime précédent, est aujourd'hui véritablement sinistrée. Les principaux produits d'exportation, coton et café, ne sont plus enlevés entre les mains des paysans, à cause de la désorganisation des structures d'encadrement des filières, de l'absence de politique, ou de fixation des prix sur des bases électoralistes, plongeant les producteurs dans le plus grand désarroi.

Par ailleurs, les produits vivriers ne sont pas, non plus, enlevés par suite d'une part de la déconfiture des associations coopératives paysannes, et d'autre part de l'état de dégradation avancé du réseau routier.

Plus de 80% de la population centrafricaine vivant de l'agriculture, se trouve ainsi dans un état de paupérisation prononcé.

15 - Pour le secteur forestier, l'exploitation du bois n'obéit plus aux règles édictées par le code forestier. Le secteur est désormais entre les mains d'entreprises en liaison avec la pègre internationale ( SEFCA etc... ) et dont les actionnaires sont les tenants du régime (Colombe-bois de PATASSE etc. ... ).

Il en résulte, non seulement une exploitation anarchique des essences forestières mais également une perte importante en ressources budgétaires, entraînant un fort déséquilibre de la balance des paiements.

16 - Le secteur minier contribue de façon significative au PIB. Depuis 1993, ce secteur est désorganisé par M. PATASSE qui y a fait introduire des groupes mafieux difficilement contrôlables par les services de l'État, ceux-ci étant liés à M. PATASSE et aux hommes de son clan. Pour leurs basses besognes, ces derniers utilisent, par le biais d'un système de prédation mis en place, les ressources du Fonds de Promotion Minière destiné à l'essor du secteur.

Cette situation est préjudlaable au budget de l'État, à la balance des paiements et au développement du secteur.

17 - Les infrastructures industrielles d'État et les entreprises parapubliques laissées par le régime précédent dans un état de prospérité incontestable, ont été mises à mal par la mauvaise gestion, la prédation, la gabegie et les détournements impunis des militants du MLPC et parents de M. PATASSE, placés à la direction de ces établissements : PETROCA, SOCATEL, CENTRAPALM, SOGESCA, ENERCA, SOGESCA, etc... Ces entreprises et leurs dirigeants se sont trouvés impliqués dans de nombreux scandales politico-financiers ou dans de sordides affaires de détournements à des fins personnelles : règlements de nombreuses dettes personnelles de Monsieur PATASSE (affaires du Crédit d'ANGOULEME, William SOFIN), chèque ENERCA (Energie Centrafricaine, Société d'Electricité) destiné au financement de la campagne du MLPC, affaire ZONGO-OIL etc... Par ces actes, la RCA est devenue la propriété privée de Ange-Félix PATASSE.

18 - Le Réseau routier jusqu'en 1993, constamment entretenu, s'est sérieusement détérioré sous le régime PATASSE, entravant gravement les échanges intérieurs. A telle enseigne que certaines régions du pays en sont réduites aujourd'hui au troc. Cet état de chose est la conséquence du fait que le Fonds Routier, qui a vu également ses ressources pillées, est détourné de son objectif premier.

En résumé les huit (8) années du régime de Monsieur PATASSE et le MLPC, ont été marquées par une gestion calamiteuse de l'économie, conduisant à une baisse constante du niveau des investissements et des activités économiques. Le commerce est entré dans le plus grand marasme, l'argent ne circule pas.

19 - Quant aux infrastructures sociales, si la décennie 80 a été marquée dans notre pays par un effort réel non seulement en matière d'élaboration et de mise en œuvre de politiques cohérentes et intégrées dans les différents domaines sociaux (santé, éducation, affaires sociales etc. ... ), mais également en matière de mise en place des infrastructures, depuis 1993, tous ces secteurs ont été délibérément laissés en abandon.

Ainsi, dans le domaine de l'Education, le taux net de scolarisation est en régression constante, et la baisse du niveau des élèves et étudiants est devenue inquiétante, compromettant gravement tout effort de renforcement des capacités humaines et le développement durable du pays.

En ce qui concerne la santé, les structures sanitaires qui manquent de tout moyen, sont dans un état de dysfonctionnement et de délabrement poussé, les rendant inaptes à fournir des prestations adéquates. Il en est résulté une augmentation des taux de mortalité, en particulier de la mortalité maternelle et infantile, de prévalence du VIH/SIDA.

L’indice de pauvreté humaine (IPH) a considérablement augmenté ces dernières années, à cause non seulement de l'inexistence de politiques, mais surtout des détournements incessants des ressources (intérieures et extérieures) affectées à ces secteurs.

20 - Détournements de deniers publics, fraudes et prédations, sont une des plaies du régime de M. PATASSE. Lorsque s'y ajoutent le faible rendement fiscal dû à l'incompétence, au manque de volonté politique et également la mauvaise gestion de l'économie, on réalise qu'un tel système ne peut déboucher que sur l'impasse au plan financier. Ainsi, les agents publics et fonctionnaires totalisent à ce jour trente (30) mois d'arriérés de salaire, les retraités neuf (9) trimestres d’arriérés de pension, les étudiants douze (12) mois d'arriérés de bourse.

Cette situation a pour conséquence évidente, l’aggravation de la pauvreté et de la misère, comme l'atteste le dernier indice de développement humain (IDH) publié par le PNUD en l’an 2000, plaçant la RCA au 163ème rang, alors qu'elle était en 1993 au 142ème rang.

21- Les liens de M. Ange-Félix PATASSE avec la pègre internationale et les milieux extrémistes terroristes sont anciens et désormais formellement établis. Le rappel de quelques faits suffit ici à convaincre les plus sceptiques.

Dès 1984, M. PATASSE, parti en exil après son coup d'État manqué de 1982, organise avec la pègre internationale un trafic d'armes au profit de sa rébellion dirigée par le Général MBAIKOUA dans le Nord du pays. Le financement de ce trafic a été fourni par un citoyen canadien WILLIAM SOFIN comme prêt de 6 milliards F CFA avant dévaluation devenus 12 milliards après 1994, contracté au nom de l'État centrafricain alors que M. PATASSE n'était qu'un simple citoyen centrafricain en errance de par le monde.

Au pouvoir, M. PATASSE a étendu et renforcé des liens avec les milieux mafieux et fourni une couverture officielle aux trafics de tous genres. C'est dans ce cadre que se situe l'affaire " Centrafrican Airlines " en 1999 qui, au fond, recouvrait un trafic d'armes et de diamants dans cette vaste sous-région d'Afrique dont Barthélémy BOGANDA rêvait de faire les "États-Unis de l'Afrique Latine ".

Par ailleurs, le blanchiment de l'argent sale est une des activités favorites de M. PATASSE. Ses nombreuses entreprises tant du secteur minier que du secteur forestier et celles qu'il patronne, en font leur objet principal. En 2000, cette activité du Président PATASSE a été mise au grand jour grâce à la tentative manquée de blanchiment de 325 milliards de F CFA provenant des pays du golfe arabo-persique. Menée avec l’appui de son Premier ministre du moment, Anicet DOLOGUELE, actuel Directeur Général de la BDEAC, l'entreprise de M. PATASSE n'échoua que grâce à la vigilance du Gouverneur de la BEAC.

22- M. PATASSE se révèle comme un dispositif important dans le trafic d'armes et le blanchiment de l'argent sale en Afrique Centrale, d'autant que sa qualité de Président de la République, chef de l'État, fournit toute la couverture institutionnelle. L'on sait que le blanchiment de l'argent sale et le trafic d'armes entretiennent et alimentent le terrorisme international. M. PATASSE, "démocratiquement élu " a fait de la République centrafricaine un des points d'appui essentiels du réseau terroriste international dans le but exclusif de se maintenir au pouvoir.

23- Au vu de ce qui précède M. PATASSE a divisé le pays, a dévoyé et confisqué la démocratie. Il a instauré en Centrafrique, un système de dictature et de tyrannie. Il s'est livré au pillage éhonté des ressources économiques et financières nationales, organisant ainsi la paupérisation de larges couches de la population.

Dans ce contexte, et au nom du droit de résistance à l'oppression universellement reconnu, aucune autre alternative ne s’offre au peuple centrafricain, que de mobiliser tous ses enfants épris de justice, de paix et de progrès, afin de mettre au plus vite un terme au régime sanguinaire, d'infamie et de dictature au pouvoir à Bangui, qui s’est rendu coupable de violations les plus graves des droits de l’homme, et qui a amené la division et la régression du pays. Les événements en cours depuis le 28 mai 2001 dans le pays, fondent cette nécessité de détruire le système et renforcent plus que jamais la volonté de tous les patriotes de lutter pour son anéantissement total.

C'est ainsi seulement que la RCA pourra retrouver sa souveraineté aujourd'hui bradée pour les intérêts d'un homme et de son clan, sa dignité et sa place dans le concert des Nations.

II - OBJECTIFS DE LA LUTTE ACTUELLE

1 - Comme souligné plus haut, Ange-Félix PATASSE depuis son élection en 1993, a puisé dans le bréviaire de la répression et de la dictature de BOKASSA, les méthodes de gouvernement dont il a perfectionné l'usage, tout en ajoutant des ingrédients personnels. Par ailleurs, si dès son émergence, l'État a la double mission de protéger la communauté nationale contre toute agression extérieure et de garantir la paix civile et l'ordre intérieur, il a en plus, dans le monde moderne qui est le nôtre, celle de rassembler la nation et d'assurer la cohésion sociale. Aujourd'hui, ni l'une ni l'autre ne semble être le souci du régime actuel de la RCA. Les derniers événements en cours dans le pays le prouvent à suffisance.

2- Cette âpre évidence s'est progressivement imposée à tous les observateurs sérieux de la scène politique centrafricaine et à tous les patriotes centrafricains. Des militants sincères du MLPC, parti de M. PATASSE, qui s'obstinaient encore à croire à un réveil même tardif du bon sens chez cet homme, s'en sont rendus à cette cruelle évidence ; " M. PATASSE EST LE VERITABLE PROBLEME DE LA R.C.A ". Ainsi, malgré les douleurs et les humiliations pour les uns, malgré les frustrations ou une situation d'aisance relative pour les autres, tous les patriotes centrafricains se retrouvent-ils dans un même élan de réprobation et de dénonciation tues ou proclamées de la tyrannie, de la barbarie et du despotisme du régime. Les événements post-coup d'Etat manqué du 28 mai 2001, apparaissent ici comme une parfaite illustration de cette situation et ont définitivement scellé l'isolement politique de PATASSE et de son clan. Le pays est dans une situation de non-Etat et l'on ne peut rien attendre de M. PATASSE.

3- En effet, les prolongements de ce coup d'Etat manqué pourtant signé par le Général André KOLINGBA, atteignent désormais toutes les sensibilités, toutes les régions et toutes les ethnies, à l'exception des membres inconditionnels du clan de M. PATASSE. La destitution et l'incarcération de M. DEMAFOUTH, ancien ministre de la Défense Nationale, originaire de la KEMO, région du Centre du pays, ont sonné la charge. Ni son appartenance au MLPC, ni ses relations séculaires avec PATASSE n'ont pu l'extraire des griffes du despote de Bangui.

M. BIKO, ancien Ministre de l'intérieur, a eu plus de chance pour n'avoir été que renvoyé du Gouvernement. Originaire de la Sangha-Mbaéré à l'extrême sud du pays, il s'est longtemps prévalu d'avoir "fait gagner les élections au Président PATASSE ".

Enfin, l'onde de choc de ce coup d'État manqué a non seulement emporté le Général BOZIZE ancien chef d’Etat-major Général des Forces Armées Centrafricaines, mais l'a contraint à la fuite hors de Bangui. Le Général BOZIZÉ est originaire de l'OUHAM qui est aussi l'un des fiefs électoraux et la région du président PATASSE. L'acharnement de M. PATASSE contre celui qui se targue de l'avoir aidé, au risque de sa vie, à réduire les "putschistes ", ne s'explique que par la volonté d'un homme de régner en maître absolu.

Désormais, selon les termes consacrés par le clan PATASSE, indistinctement "SAVANIERS " et " FORESTIERS ", " SUDISTES " et "NORDISTES ", se retrouvent associés au renversement du régime. Dès lors, les lignes de fracture érigées et entretenues par M. PATASSE, s'estompent et révèlent au grand jour la nature réelle du régime. Il en résulte, pour tous les patriotes, l'urgente nécessité de redéfinir les objectifs et les formes de la lutte.

4 - En plus, dans le cadre de ses liens avec la pègre internationale, toutes les filières économiquement porteuses pour le pays ont été désorganisées, sans compter un système de prédation et de pillage institué par le clan au pouvoir à Bangui et placé sous le patronage de M. PATASSE, chef de l'État. La corruption généralisée dans les hautes sphères de l'État, complète le dispositif. Il en résulte une rupture avec les institutions financières internationales et une rupture de confiance entre l'État et ses partenaires au développement.

5 - Les conséquences de cette gestion scabreuse sont notamment la mise à mal de l'unité nationale comme on n'a jamais connu dans le pays, et la misère toujours plus grande dans laquelle tente de survivre la population. Au fond, M. PATASSE organise la paupérisation des Centrafricains pour asseoir sa dictature.

6 - Afin de perpétuer son régime, vomi par les Centrafricains comme le montrent les résultats réels des élections législatives et présidentielles de 1998 et 1999, Monsieur PATASSE a fait appel aux forces étrangères même non-conventionnelles, notamment celles du Colonel KADHAFI dont on connaît l'hostilité au pluralisme politique et à la liberté d'opinions, pour l'aider à conduire la répression que sa milice devenait de moins en moins apte à mener et de lui fournir une garde prétorienne plus efficace. C'est dans ce cadre que KADHAFI a mis à sa disposition une unité équipée d'hélicoptères, de véhicules blindés et d'armes lourdes, et qu'il a rééquipé sa milice.

Aussi, découle-t-il de ces éléments, cinq objectifs essentiels de la lutte actuelle qui sont autant de défis à relever par un peuple centrafricain debout et uni dans sa diversité.

i) - Libérer le pays du joug libyen

7 - La LIBYE ne dispose pas d'une portion de frontière commune avec la RCA qui aurait pu lui faire craindre une déstabilisation, conséquence des événements en cours à Bangui. Elle ne possède pas, non plus, une convention spécifique de défense avec notre pays. L'intrusion de la LIBYE dans le début politique et le conflit internes centrafricains, ne peut être justifiée par des arguments spécieux faisant référence à l'unité africaine. Cette intrusion est dans les faits, une occupation militaire appelée à se préciser et se consolider dans un avenir proche. Pour nous, l'objectif final est de placer la RCA sous le joug de la LIBYE, afin d'en faire la base pour la conquête idéologique, religieuse et économique d'autres pays de la sous-région de l'Afrique Centrale, sous couvert de l'intégration africaine. La situation géostratégique de notre pays l'y prédispose et KADHAFI est prêt à mettre en œuvre les moyens humains, matériels et financiers nécessaires pour réaliser son vieux rêve.

Le premier des cinq objectifs essentiels de la lutte que nous menons est de bouter hors de la RCA, les mercenaires libyens qui sèment la mort dans notre pays, soit directement, soit indirectement, par l'armement fourni aux milices de M. PATASSE.

ii) - Refonder l'unité nationale

8 - Il est établi que l'une des principales caractéristiques du régime de PATASSE est la politique d'exclusion systématique. Cette politique conduit aujourd'hui à un système de gouvernement d'un clan décrié même par certains patriotes membres du parti de PATASSE, le MLPC. Car aussi loin qu'on puisse remonter dans l'histoire de la RCA, jamais l'on a retrouvé au sommet de l'État, trois personnes issues du même groupe ethnique de la même famille à la présidence de la République, à la Présidence de l'Assemblée Nationale et à la direction du Gouvernement. Seul Monsieur PATASSE a réussi ce tour de force, créant ainsi un malaise profond au sein de son propre parti. La déclaration de juin 2001, de M. DONDON, l'un des membres influents du clan au pouvoir, de surcroît président de l'Assemblée nationale et relative à "un groupe minoritaire exogène " niant ici l'histoire, est digne des pires nazis : elle constitue un appel au génocide et illustre surtout l'option politique du régime.

Cette politique a crée une rupture de confiance au sein des populations centrafricaines. Aujourd'hui, les lignes de fracture créées et entretenues par le régime de M. PATASSE, s'estompent comme nous l'avons montré plus haut. Il en résulte que la restauration de la confiance entre Centrafricains, indispensable à la re-fondation de l'unité nationale réelle, s'en trouve-t-elle facilitée, même si elle nécessite des efforts appuyés et continus.

Par conséquent, la libération du pays du joug libyen et la destruction du noyau clanique du régime de PATASSE dont l'unique objectif est de diviser pour régner sont le préalable à la re-fondation de l'unité nationale comme le montrent les vains efforts de la Communauté nationale et de la Communauté internationale pendant les années 1996-1998.

9 - Cette re-fondation s'appuie d'une part sur le bannissement de la politique d'exclusion et du clanisme, fondement de l'actuel régime, et d'autre part sur le rétablissement sur tout le territoire national, de la paix civile, de la sécurité, ainsi que le retour à l'état de droit avec l'indispensable appui de nos partenaires. La sécurité des personnes et des biens garantissant leur libre circulation, un état de droit effectif, constituent les gages de la restauration de la confiance entre les fils et filles de Centrafrique, sans laquelle on ne peut parler d'unité nationale.

iii)- Remettre en route le processus démocratique

10- Il n'existe pas de démocratie sans l'expression libre d’opinions contradictoires dans et hors l'hémicycle parlementaire. Il n'existe pas de démocratie sans l'expression d'une presse libre et diversifiée. La RCA a fait l'expérience depuis l'avènement de PATASSE au Pouvoir, du bâillonnement des partis politiques d'opposition comme le prouvent les arrestations arbitraires du 19 décembre 2000, de l'intimidation d'hommes politiques de l'opposition dont les exemples abondent, et d'un musellement de la presse privée par la chasse aux Directeurs de publications des journaux privés et les menaces de mort proférées à leur endroit.

11- Pour autant que l'organisation des élections législative et présidentielle, est un élément essentiel du processus démocratique, encore faut-il que les suffrages des électeurs ne soient pas détournés et que les opérations de vote se déroutent conformément à la foi. Or, à l'issue de l'élection législative de 1998, le régime qui a perdu l'élection a utilisé les deniers de l'État pour s'offrir une majorité parlementaire. En outre, l'élection présidentielle de 1999 fut entachée de graves irrégularités, notamment lorsqu'il fut décidé, contrairement à la loi, de faire voter des circonscriptions favorables au candidat PATASSE en dehors de la période légale, sans compter les manipulations de tous ordres dans le décompte des voix par la Cour constitutionnelle. Le refus de cette institution de siéger afin d'examiner les requêtes pourtant recevables déposées par les autres candidats, est une signature de ce forfait.

12 - Aujourd'hui, une large frange du peuple centrafricain est, au mieux sceptique quant à la capacité du modèle adopté, d'assurer une vie nationale paisible, harmonieuse et prospère, et au pire incrédule quant aux valeurs et au bien-être que le système démocratique est sensé induire. Pour toutes ces raisons, il convient de jeter de nouvelles bases qui restaurent la confiance dans le système démocratique et repenser un modèle qui assure un processus démocratique moins heurté, mieux maîtrisé et donc adopté.

iiii) - Créer les conditions de la reprise économique

13- La RCA a connu plusieurs années de gestion calamiteuse de l'économie, de pillage des ressources naturelles et financières, de prédation et d'une forte connexion avec la pègre internationale. Il en est résulté une perte de confiance tant avec nos partenaires au développement qu'avec les investisseurs privés sérieux. Il est donc d'une urgente nécessité de renouer avec nos partenaires au développement et de redonner confiance aux investisseurs privés par une gestion rigoureuse et saine, et au travers d'un cadre institutionnel et juridique approprié et attrayant.

14- Toutefois, au-delà de la rupture avec le système en cours, de la remise en ordre des finances publiques et d'une utilisation plus rationnelle et optimale des ressources de l'État, un effort particulier doit être mis, avec l'appui de nos partenaires, dans la remise en état des infrastructures économiques et sociales suffisamment délabrées. C'est aussi dans ce cadre que doit se poursuivre la restructuration des entreprises d'Etat et d'économie mixte. Il convient de souligner que cette entreprise n'a de chance, de succès, que si parallèlement, est menée une lutte sans merci contre la corruption et les détournements.

iiiii) - Assurer le bien-être de la population

15- La lutte du peuple centrafricain pour plus de démocratie au début des années 90, s'articulait autour de l'idée faussement répandue par les marchands d'illusions, selon laquelle l'existence de plusieurs partis politiques mêmes factices ou à base clanique, liée à l'organisation d'élections, assurait le bien-être social. L'espoir des populations fut très vite déçu.

16- Le redressement économique amorcé en 1994 et qui s'est poursuivi en 1995 grâce, d'une part, à la reprise du travail dans l'administration après vingt et quatre mois de grèves continues, et, d'autre part, à la bonne tenue de nos principaux produits d'exportation sur les marchés mondiaux, n'eurent pas les effets escomptés sur la vie des populations. Les ressources générées furent utilisées par Ange-Félix PATASSE pour payer des salaires indus et des émoluments décrétés au profit du clan au pouvoir, pour rembourser des dettes personnelles (William SOFIN) et autres détournements (crédit d'ANGOULEME), de même que pour payer les services des différents groupes liés à la pègre internationale, dont il a bénéficié.

17- Dès lors, le peuple centrafricain glissa vers un état de paupérisation jamais connu, qui engendra les deux premières mutineries. L'on se rappelle que la cause initiale de ces événements, fut l'accumulation d'arriérés de salaires, bourses et pensions malgré des recettes budgétaires exceptionnelles en 1995 suite à la dévaluation du franc CFA.

18- Dans le cadre d'une remise en ordre des finances publiques, le bien-être de la population est étroitement lié à la lutte contre la pauvreté. Celle-ci implique un effort particulier en faveur de l'éducation, singulièrement l'éducation de base et la formation scientifique et technique, de la santé en mettant un accent particulier sur les groupes vulnérables, la prévention contre les maladies endémiques et les MST (SIDA, Malaria), le développement et le renforcement des soins de santé primaire, en réhabilitant le rôle et la place de la femme.

Dans le même temps, la relance de l'économie, les conditions attrayantes pour l'investissement privé et des dispositions favorables à l'émergence d'une classe de jeunes entrepreneurs, permettront d'assurer des emplois et donc des revenus à une jeunesse en plein désespoir. Toutefois, une adaptation de la législation doit être engagée et conduite à son terme, afin que les fruits de la croissance engendrée puissent être équitablement redistribués.

19- Incapables de conduire les destinées de la Nation et d'assurer au peuple le bien-être auquel légitimement il aspire, M. PATASSE et son régime de corrompus se sont organisés au fil des ans avec l'appui de la pègre internationale, pour faire subir au pays des épreuves toujours plus douloureuses. Aussi, face à la montée irréversible des revendications populaires, M. PATASSE dont la base politique se confine désormais à son clan et à une bande de fanatiques et de prédateurs, n'a d'autres moyens de se maintenir au pouvoir que la force des armes et la violence aveugle.

Aujourd'hui, aucune phraséologie ne peut se substituer au réel, au vécu des populations. Les discours même les mieux élaborés, apparaissent comme des assemblages de mots vides de tout sens. Par conséquent, à la violence de M. PATASSE, doit répondre la violence du peuple uni et solidaire avec comme objectif la mise à mort de son régime, en prenant soin que celui-ci s'éteigne avec le système qu'il a généré. Pour ce faire, la lutte doit être organisée. Ses moyens et ses formes devant être adaptés à la frange du peuple concernée, au lieu et au moment.

III- LA TRANSITION

1- La République centrafricaine, contrairement à de nombreux pays africains francophones, a raté par la faute d'un homme, Monsieur PATASSE, sa transition démocratique amorcée en 1991. Une décennie perdue. Des efforts gaspillés. Il est donc nécessaire qu'à l'issue de douloureux événements en cours, le pays se redonne une période de réflexion et de recherche de sa voie devant aboutir à l'élaboration d'un modèle compatible avec son vécu.

A - Des objectifs et de la nature de la transition

2- Les objectifs de la lutte que nous menons sont énoncés. La transition est la période pendant laquelle, dans le cadre d’institutions à préciser, les bases politiques et institutionnelles, seront jetées afin de permettre à la Nation de se réconcilier avec elle-même et de jeter de bases saines lui permettant d'atteindre ses objectifs de développement, tout en conjurant les dérives dictatoriales et les errements en ce qui concerne la politique économique.

3- Par ailleurs, au-delà des considérations d'ordre politique et de la réflexion nécessaire sur les institutions et leur fonctionnement, il paraît aujourd'hui inéluctable que le drame que vit le peuple centrafricain, résulte aussi de la rupture entre la mémoire, l'histoire et la morale. Il ne fait aucun doute que revisiter l'histoire pré-coloniale des peuples qui occupent aujourd'hui l'ère géographique centrafricaine, et la relecture de l'histoire coloniale et post-coloniale de notre pays, permettraient de restituer notre mémoire. Une mémoire vive et active fondant une morale politique. La transition devrait créer les cadres propices à cette exploration indispensable, car source des éléments de balisage de la future voie à dégager. Ainsi pourraient être posés de nouveaux repères pour la gestion du système démocratique. En effet, prompts à adopter les copies édulcorées des institutions françaises, nous oublions que la République française est fondée autour des idées philosophiques et des valeurs reprises par la "Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ". Autour de quelles idées fondatrices l'indépendance a-t-elle été obtenue ? Voilà l'une des questions majeures au centre du devenir de la Nation et de l'Etat centrafricains. Elle est importante car au cœur de la nouvelle citoyenneté à faire éclore et d'un pacte républicain à bâtir.

4- Dans ce contexte, la transition sera la période où tous les Centrafricaines et Centrafricains, soucieux du bien-être de leurs compatriotes et conscients du retard pris sur les autres pays du Continent, acceptent de conjuguer leurs efforts afin de rétablir la confiance entre eux et de doter à terme le pays d'institutions stables puisque adoptées. Elle constitue le moment privilégié où les femmes et les hommes de Centrafrique, sans considération de race, d’ethnie, d'appartenance religieuse ou philosophique, doivent élaborer ensemble, dans un climat de confiance retrouvée, un modèle de démocratie. Ce modèle s'appuyant sur des textes et des institutions souples, puisque voués à l'évolution indispensable, doit être le fruit de la réflexion de tous les Centrafricains. Il doit intégrer les attentes autant qu'il puise dans nos valeurs culturelles tournées vers la modernité.

5- Aussi est-il indispensable de libérer les énergies, toutes les énergies pendant cette période, par une direction qui, par sa neutralité, sa collégialité, sa cohérence dans la diversité des opinions, assure une bonne gestion de la transition. Les instituions de la transition doivent donc être conçues dans cette optique, avec comme objectif final la re-fondation de l'État et de l'unité Nationale.

B- Des institutions de la transition

6- Des objectifs et de la nature de La transition, il convient, en concertation avec toutes les forces vives du pays, de mettre en place des institutions de transition efficaces avec des éléments de contrôle nécessaire, garantissant leur bon fonctionnement. Toutefois, la Nation en péril vit une situation d'exception. Par la transition, nous acceptons que le pays soit dirigé par un régime d'exception fondé sur l'ordre, la discipline, la rapidité de décision et d'exécution dont nous fixons les règles de fonctionnement. Ce régime doit être dirigé par des femmes et des hommes respectueux des libertés, des droits de l'homme et de l'état de droit. Dans ce cadre, la séparation des pouvoirs doit être scrupuleusement respectée, afin de servir de banc d'essai aux futures institutions de la République.

7- Le pouvoir exécutif est constitué du Président de la République et du Gouvernement. Le Président de la République est le chef de l'État et le chef du Gouvernement. Le Gouvernement est constitué des compétences issues de tous les courants d'opinion existant dans notre pays, que ceux-ci aient participé ou non à la lutte en cours. Le Gouvernement prête serment devant le " Conseil de La Nation ", après sa nomination par le chef de l'État. Un membre du Gouvernement est démis de ses fonctions par le chef de l'État, soit dans le cadre normal d'un renouvellement de l'équipe gouvernementale, soit pour toute raison contraire à la morale politique ou à la bonne gouvernance, soit pour parjure.

8- Le "Conseil de la Nation " est le Parlement pendant la période de transition. Il contrôle l'action du Gouvernement et veille à l'application des mesures garantissant une bonne transition, mesures édictées par le chef du Gouvernement. Il ratifie les traités. Il se réunit en Assemblée Constituante, à l'issue d'un forum ou débat organisé en vue d'adopter les bases fondamentales des nouvelles institutions. Il légifère sur les matières qui relèvent du domaine de la loi. Le Conseil de la Nation, par sa composition, doit être représentatif de tous les courants, de toutes les grandes entités et de toutes les régions.

9- L'organisation judiciaire doit être revue. La nouvelle organisation favorisera l'efficacité du système, rapprochera la justice du justiciable, redonnera à la justice son indépendance, et sera un cadre propice au bon fonctionnement de l'état de droit.

10- Afin d'éviter les écueils inhérents à la nature même du régime de transition, il est institué un " Conseil de Supervision de la transition ". Il est composé de sept (7) membres dont l'autorité morale est avérée. Il veille au bon fonctionnement des institutions de la transition et arbitre les conflits éventuels les opposant. Il veille plus particulièrement à la conduite des actions de réconciliation nationale et fait toute suggestion utile à leur cohérence. Il donne des avis sur toute matière qui lui est soumise.

CONCLUSION

1- La République centrafricaine traverse, sans aucun doute, la période la plus sombre de son histoire. Par sa nature et sa durée, par ses répercussions au-delà de nos frontières et ses conséquences à l'intérieur, la crise que nous vivons depuis 1996, ponctuée par des événements douloureux dont les derniers ont commencé par le coup d'État manqué du 28 mai 2001, a fissuré la cohésion sociale, induit la méfiance entre Centrafricains et en conséquence, ébranlé l'unité nationale.

2- Cette crise, par ses effets, est profonde. Elle est issue de la mauvaise gouvernance caractérisée par les quatre (4) éléments essentiels suivants :

i) - Le refus de Monsieur PATASSE d'appliquer les principes démocratiques élémentaires dont il se réclame pourtant sans répit, et de son incapacité à respecter les engagements qu'il a pris. Très influençable par les divers clans qu'il a érigés comme des digues autour de lui, le président PATASSE est incapable de tenir une décision.

ii) - Le système de prédation et la corruption institutionnalisée ont fini de désorganiser l'économie et de détruire l'embryon de tissu industriel existant en 1993. Il en résulte de graves conséquences sociales alimentant de façon permanente cette crise.

iii) - L'état de droit est bafoué et les droits humains constamment violés. M. PATASSE, ancien collaborateur fidèle de BOKASSA a affiné les méthodes de répression et de tuerie de ce dernier. Sa garde présidentielle n'a aujourd'hui rien à envier aux "Tontons Macoutes " de son ami DUVALLIER "au bon vieux temps des Présidents à vie ".

iiii) - M. PATASSE n'est pas un homme de parole et de dialogue comme en témoignent les vains efforts de La Communauté Nationale et Internationale. Il use de tous les moyens, de tous les subterfuges pour se renforcer afin de continuer à faire subir au peuple centrafricain des épreuves toujours plus douloureuses.

3- Ainsi, si avant 1993, la RCA n'était pas un paradis, loin s'en faut, aujourd'hui, pour la grande masse de la population, si elle n'est pas devenue un enfer, elle est plus qu'un calvaire. Aussi, les derniers événements dont nous n'avons pas encore pris toute la mesure, nous interpellent-ils. Ils heurtent la conscience de tout patriote centrafricain. Ils constituent une insulte à l'intelligence et à l'Afrique, en ce début du troisième millénaire. Voilà pourquoi, par instinct de survie d'une Nation et pour sauver un peuple en péril, nous devons nous ressaisir, nous, Centrafricains de l'intérieur, Centrafricains cherchant un pays d'asile, Centrafricains de la diaspora, et conjurer la fatalité. Nous ressaisir pour mener une lutte, sans merci, avec tous les moyens disponibles, contre un système dont le dessein ultime est la destruction de la Nation et la vassalisation de l'Etat.

4- Le Peuple de Centrafrique n'attend plus rien de M. PATASSE qui, à la tête de l'État est un grave danger pour la paix, la sécurité et les possibilités de développement en Afrique Centrale en général et en République centrafricaine en particulier. La lutte du Peuple centrafricain vise le double objectif de la neutralisation du régime de PATASSE et de la remise de la RCA sur la voie de l'unité nationale, d'une transition démocratique apaisée et du bien-être social. Mais cette lutte doit éviter des écueils soigneusement entretenus par le système PATASSE qui, s'appuyant sur des paradigmes dominants sous d'autres cieux, insinue dans l'esprit de certains compatriotes des ambiguïtés dont deux essentielles, méritent d'être rappelées :

5- La première est le caractère ethnique de la crise. Les développements qui précèdent, puis l'arrestation et la détention de M. DEMAFOUTH, enfin le mandat d'amener délivré contre le Général François BOZIZE et ses conséquences graves, donnent de la façon la plus claire et la plus nette qui soit, la fausseté de cette proposition. Et il ne pouvait en être autrement, au regard de notre histoire. Sans vouloir revisiter cette histoire, il convient de rappeler que la colonie de l'Oubangui-Chari, devenue République centrafricaine en 1958, après un réaménagement cartographique, est un pays jeune. Les hasards de l'histoire, des migrations pré-esclavagistes à la découverte du confluent de l'Ouélé et du Mbomou, suivie du désastre français de FACHODA et de la Conférence de BERLIN, en passant par les razzias esclavagistes du DAR FOUR et des troupes de OUSMAN DAN FODIO, ont enserré des peuples ou portions de peuples qui souvent, ne se connaissaient guère, sur un territoire désormais leur. Les affres de la colonisation, tout en mettant ces peuples en contact, les ont projetés dans une lutte commune pour leur émancipation et leur liberté. Ce processus a favorisé le brassage des populations qui n'avaient aucune raison de se haïr ou de se faire la guerre, et forgé une langue commune, comme nulle part ailleurs en Afrique. Le peuple centrafricain est, depuis le milieu du 20ème siècle, un dans sa diversité ethnique. L’"utilisation intéressée du fait ethnique et les conséquences qui en déroulent, relèvent en conséquence, de la seule responsabilité de certaines élites politiques, administratives et intellectuelles qui, opportunistes, en usent comme fonds de commerce pour des intérêts personnels et de clan au détriment de l'État et de la nation. En ce sens, ceux qui relèvent de cette catégorie de Centrafricains, se doivent par honnêteté intellectuelle, de reconnaître leur déviation et faire amende honorable, en s'impliquant entièrement dans la lutte en cours.

6- La seconde consiste à gloser sur les principes et institutions démocratiques. L'histoire des nations nous enseigne que la longue quête de la démocratie, qui n'est pas un système achevé mais constamment perfectible, ne suit pas un chemin en ligne droite. Elle est faite de va et vient, de boucles... C'est pour cela qu'elle autorise la lutte contre la dictature et la tyrannie. Les États, aujourd'hui cités comme exemples de démocratie, sont passés par là, en d'autres lieux et à d'autres moments de l'histoire de l'humanité. La lutte en cours dans notre pays se situe dans ce cadre, et ne pas y participer c'est refuser de suivre le sens de l'histoire, soit par ignorance, soit par méprise coupable.

7- Qu'il s'agisse du fait ethnique ou des principes et institutions démocratiques, la contribution des élites intellectuelles et politiques est déterminante, car elles sont consciemment ou inconsciemment responsables, au moins en partie, de la situation de déliquescence actuelle de l'État et de la confiscation de la démocratie par un groupuscule clanique. Il y a là un volet important de la lutte du peuple centrafricain, que seule cette frange de la population peut conduire. Pour faire œuvre utile, nous devons éviter les débats puérils de type renouvellement de la classe politique, car c'est dans et par la lutte que se dégagera la future classe dirigeante. En outre, ce n'est que parce que cette frange de la population infime par le nombre mais déterminante par la qualité, participera à la lutte de façon effective avec les armes dont elle dispose qu'elle pèsera de tout son poids dans la définition des objectifs et des institutions de la transition.

8- Notre démarche est donc à la fois une invitation à l'action sous toutes ses formes, une invitation au débat éclairant ces actions et un appel à l'établissement d'un réseau mondial d'appui à la lutte du peuple centrafricain dont la structuration sera précisée avec l'apport de tous ultérieurement.

L'avenir du pays est entre nos mains. Il nous appartient d'assumer pleinement nos responsabilités, car c'est à nous que revient l'élaboration de notre société comme nous incombent la construction et l'affirmation des voleurs propres à son épanouissement. Les générations futures ne nous pardonneront pas un autre échec.

" LE GROUPE DE BRAZZAVILLE "


KODRO - SITE DES DROITS HUMAINS EN CENTRAFRIQUE:http://www.kodro.org
Regards et points de vue des partis politiques et mouvements centrafricains