Les leçons d'un scrutin manqué, présidentielle centrafricaine 1999

L'Annonce faite à Jean-Paul NGOUPANDE par Claude LENGA et Henri GROTHE

L'analyse de Jean-Paul NGOUPANDE du "scrutin manqué" 1999: "Les leçons d'un scrutin"
- Réponse aux questions que se posent des "amis"
- Analyse et autopsie du scrutin


L'Annonce faite à Jean-Paul
par Henri GROTHE & Jean Claude LENGA

Ce fût un jour, peu avant Noël 1999, dans un quotidien de la capitale villageoise centrafricaine, un de ces "magma de boues puantes ", qu'un des candidats "malheureux " aux présidentielles de 1999 se livra à l'exercice délicat d'une réflexion sur son parcours initiatique récent.

Dans un numéro du journal Le Citoyen, de la semaine du 13-18 décembre 99, le député Ngoupandé Jean-Paul offrit ainsi l'occasion aux Centrafricains de mieux connaître ses prétentions ou ambitions politiques après les faux pas des présidentielles auxquelles, il n'aurait pas souhaité s'y présenter !

Prenant prétexte sur les "raisons d'une défaite de l'opposition centrafricaine aux dernières élections ", le leader du Parti de l'Unité Nationale esquisse une "autre manière de faire de l'opposition pour mieux préparer l'avenir " !

La réflexion politique se veut d'abord courageuse. En dévoilant les calculs liés aux intérêts très partisans voire extrémistes de deux acteurs incontournables de l'échiquier politique centrafricain, le Mlpc et le Rdc. Ensuite pratique. En révélant les incohérences et handicaps des politiques Centrafricains. Enfin réaliste, concret. En proposant un plan d'actions qui privilégierait les "préoccupations concrètes des Centrafricains ".

Si cette intrusion dans l'opinion nationale se situe dans la droite ligne des réflexions, bilans ou rapports, que tous leaders d'opinions ou organisations devraient produire afin de témoigner de l'évolution socio-politique de la nation - ce qui est à encourager d'ailleurs, elle impose cependant un silence total sur les derniers événements liés justement aux dernières élections ! Sans compter que les positions critiques, avancées et développées depuis les Législatives de 1998, fléchissent face au rouleau compresseur du pouvoir. Sans doute le réalisme !

A en croire le député Ngoupandé, l'opposition, du moins ce qu'il en paraît, n'aurait pas su s'entendre pour coopter un nombre restreint de présidentiables à défaut de pouvoir désigner ou choisir un candidat unique. Ce qui a permis à un candidat-président très inspiré de "gagner " contre la volonté populaire en développant implacablement une stratégie de charme tous azimuts et une campagne présidentielle calée sur le terrain.

L'opposition aurait donc perdu face à une star médiatique passée maître dans l'art de la démagogie politique pour capter un certain nombre de voix qui seraient allées comme par enchantement "démocratique " à un candidat unique de l'opposition. Lequel ? On ne le saura jamais !

Qu'essaye t-il de nous faire comprendre ?

Que "le grand boulevard " offert à Patassé serait le fait de l'incapacité à s'organiser des partis politiques centrafricains ? L'Ufapd ne serait-elle qu'un amas de personnalités en mal de reconnaissance politique et sociale sans stratégie cohérente de prise de pouvoir ? L'impuissance des politiques à maîtriser la population parce qu'elle serait "frappée " d'analphabétisme chronique et d'une pauvreté misérable ?

Ou que, finalement, la jeunesse ne serait-elle pas une assurance certaine vers la prise de pouvoir ?

La "victoire K.O ", on ne le dira jamais assez n'est pas une victoire démocratique ! Il serait donc simplement inhumain, sans rentrer dans des considérations philosophiques, de reconnaître la confiscation du pouvoir par un candidat dont la présidence fut, à tout point de vue, négative et criminelle pour la nation centrafricaine.

Mais diront certains, comme pour les Africains et tous les Damnés de la Terre, la démocratie est un produit de luxe réservé à une certaine élite mondiale sinon nationale en étroite complicité de leurs amis du Nord planétaire [le Nord ici fait référence à l'Occident par opposition aux pays du Sud. La précision est importante sait-on, jamais !] ; raisons pour lesquelles ils militent petitement, et à leurs manières, pour une reconnaissance des résultats des présidentielles 99 !

Mais en fait de quoi s'agit-il ?

L'intervention du député Jean Paul Ngoupandé aurait été une très bonne initiative si sa contribution ne pêchait pas par un populisme évident de se repositionner, à moindre frais, sur l'échiquier politique national en leader d'une opposition qui a du mal à s'organiser. Laquelle n'a pas du tout compris qu'il est suicidaire de se soustraire de la volonté populaire, source même de la souveraineté nationale, cherchant à tout prix à l'asservir pour son seul profit.

Cette déclaration d'intentions vient à point nommé !

Pensant le danger imminent à l'approche du départ des derniers contingents de la Minurca, et sachant l'explosion imminente du bourbier politique centrafricain, il prend date pour prévenir faussement des risques incalculables en perte humaine et matérielle, sans oublier les risques de congolisation du territoire.

Mais qu'ont fait les Politiques face à une dérive autoritaire et à la paupérisation de la population du régime actuelle ? Qu'ont-ils fait sinon que de tenter de renverser souvent une "situation pourrie " à leur avantage, délaissant ou ignorant, platement, les véritables enjeux de la crise politico-militaire ? Et laissant souvent les institutions internationales et les ambassades des pays occidentaux leur imposer des solutions en dehors de tout contexte national obligeant le pays à se mettre sous tutelle panafricaine puis onusienne !

Les risques sérieux de déstabilisation durable du pays sont patents ! Les Centrafricains analphabètes en sont tellement conscients qu'ils ont depuis toujours pris leur responsabilité, sans attendre le diktat de personnalités de premier plan et des partis politiques.

En 1979, l'engagement des Centrafricains a permis au pays d'être débarrassé de l'Ogre de Béréngo. Des élites et partis politiques constitués des même personnalités qui ont collaboré précédemment avec le régime sont devenus champions de la citoyenneté et de la démocratie. Des contingents de civiles Centrafricains rentrèrent au pays pour se partager les parts d'un gâteau dont ils ne sauront gérer.

La frilosité d'une des catégories les a conduit à s'entre-déchirer car le partage du gâteau était inégal. C'est ainsi qu'un Général reçu en compensation de services bien rendus et mission d'éliminer la tare démocratique représentée par un ex-Premier ministre d'un Empereur déchu.

La "tâche " remplie, ce dernier s'éternisa au pouvoir. Souvenons-nous qu'il devait redresser le pays avant de le rendre au politique. À force de redresser le fer tordu il finira par le casser !

La population insistera pour le ressouder et en faire une démocratie nouvelle débarrassée des tares constatées auparavant.

Hélas ! C'est sans compter avec ceux des leurs qu'ils ont porté à bout de bras en finançant l'éducation et le niveau de vie décent qui les rendent si fiers.

Qu'elle se soit saigner à mort, qu'à cela ne tienne !

D'années blanches en années blanches, du refus d'alimenter les circuits d'asservissements néocolonialistes (filière coton, café, diamant...) à l'affrontement national, la population analphabète et miséreuse a pensé et appliqué collectivement, une stratégie politique amenant les élites à rafler et confisquer la victoire populaire, une fois de plus.

En 1989, c'est dans ces conditions que la population initia une autre méthode pacifique, car en face, il y a une armée aux ordres d'un duo maléfique Kolingba-Mantion, et qu'il n'était plus question de "fabriquer " à outrance d'autres Martyrs pour une cause qui leur est indifférente : combattre un pouvoir dictatorial qui reviendrait à un autre "Dictaillon tropical ".

Elle imposa une transition pacifique vers la démocratie pluraliste.

Ce qui permit à un "démocratiquement élu " de se faire blanchir par des voix démocratiques et citoyennes et d'accéder à la gouvernance du Peuple centrafricain qui comprit, très vite, son erreur d'appréciation.

Il venait de succomber, malgré les précautions prises, dans un de ces odieux pièges dont seuls nos élites ont le secret : plaire, arriver au pouvoir et asservir les Centrafricains !

C'est donc ce peuple qui est allé aux urnes depuis la colonisation avec ses handicaps avérés. C'est ce peuple qui a toujours été à l'avant garde de la lutte pour le changement harmonieux du pays.

C'est ce peuple que des Politiques et personnalités de premier plan ou élites ont eu à gouverner et à gérer de leurs nombreuses responsabilités.

Au pouvoir, c'est ce peuple qu'ils ont saigné !

Les Centrafricains savaient les politiques de développement irréalistes mais seul le mépris leur était opposé. Du fait qu'ils n'ont jamais, pour la presque totalité, bénéficié des retombés magiques apportés par la colonisation [éducation, santé, progrès social...] ils n'ont pu contribuer efficacement et politiquement aux décisions dont ils devraient être les premiers bénéficiaires.

Mieux ! Ceux qui ont la responsabilité des projets politiques de développement les en ont toujours écarté. Ils ne savent rien !

Leurs conditions font d'eux des inaptes à tout point de vue ! Des grands enfants à dresser quand ils ne s'opposent pas. Des délinquants à redresser ou des terroristes à éradiquer, quand ils s'opposent à l'ordre établi.

Voilà pour ce peuple inapte, analphabète et miséreux qui n'ayant pas fait de Hautes études, a tout de même compris que des fils égarés finiront par les conduire dans un gouffre sans fin !

Les risques sérieux annoncés peuvent être maîtrisés si les "évolués " centrafricains réalisent que le gâteau est avant tout national et que le Peuple collectivement et naturellement y prétend.

Des initiatives courageuses, axées sur cette considération, devraient inspirer nos politiques afin qu'ils s'investissent davantage dans l'intérêt général et non pour n'y voir que la réalisation de leurs petits mais nocifs intérêts particuliers. La reconquête d'une politique nationale noble passe par la valorisation de l'intérêt général bien compris ! Il en va de même pour la réhabilitation crédible de l'État en Centrafrique.

La conquête du leadership de l'opposition actuelle devrait correspondre à l'affirmation d'ambitions citoyennes et démocratiques qui transcendent les clivages élitistes ethniques et régionalistes. La population, sur laquelle on fait porter des prétentions et des pratiques ethniques, démontre quotidiennement qu'elle ne pratique pas la purification ethnique ! Sinon, comment un centrafricain arrêté et enlevé par la Forsdir à Berbérati, après l'assassinat odieux de son frère par ses ravisseurs a pu bénéficier de la protection des populations locales qui ne sont pas de son ethnie pour échapper à ses bourreaux ?

Cet exemple est éloquent ! D'ailleurs, historiquement des ethnies ont fait appel à des rois qui ne sont pas originaires de leurs régions pour les gouverner [Royaume des Bandia, pour preuve !].

"L'épouvantail Yakoma ou le "piège Yakoma " est un prétexte autant pour le régime actuel que pour ceux qui en profitent directement ou indirectement.

La classe politique dans sa totalité est dans cette situation ubuesque. Loin de réfléchir au processus véritable de ce fléau, elle l'alimente allègrement en y allant de sa mauvaise foi et de ses fausses craintes ; les Politiques et quelques élites de premier plan aiguisant leurs couteaux pour abattre les ennemis politiques à la moindre occasion ! Pour eux, il n'y a point d'adversaires sinon que des ennemis tout court à abattre, par tous les moyens. Ce qui exprime, à outrance, la criminalisation politique de l'État en Centrafrique.

L'analyse substantielle du texte du député Ngoupandé suscite quelques réflexions en plus des réactions "épidermiques " de citoyens centrafricains, mais combien de fois fondées.

Ce n'est pas la précocité du Parti de l'Unité nationale ou encore l'amateurisme de l'Ufapd qui ont balisé le "Grand boulevard " au "démocratiquement réélu ". Et par conséquent a conduit à l'échec du candidat du PUN, à défaut du candidat unique Ufapd aux élections présidentielles 99.

C'est la cécité politique de la classe politique dans sa totalité qui a facilité et a renforcé le processus dictatorial en Centrafrique !

Le manque de stratégie unitaire se constate par la mauvaise organisation institutionnelle et fonctionnelle des partis de l'opposition axés autour de "Chefs patrimoniaux" qui ne privilégient que leurs propres intérêts.

Pour preuve, ils utilisent leur parti respectif pour faire des quêtes financières et alimenter leurs comptes bancaires, à l'issue de tournées africaines et occidentales.

Ces relations soutenues avec l'Extérieur leur permettent également de chercher à caser leurs familles en Occident ou à faciliter l'obtention de bourses de coopération à leurs fils et filles afin qu'ils puissent poursuivre, dans de très bonnes conditions, leurs études dans les universités occidentales.

Leur mollesse, face à Patassé et le système, s'explique par le fait de pouvoir bénéficier de facilités du régime en place et de la "Métropole ", afin de pallier aux "contraintes de la quotidienneté centrafricaine ".

La fameuse réalité centrafricaine, qu'ils alimentent !

Les voyages sanitaires financés par l'État ou les Amis de la Centrafrique, les attributions préférentielles de visas, les promotions administratives ou diplomatiques des proches, l'appui aux dossiers de candidatures dans les organismes internationaux, ...

La majorité présidentielle et l'opposition politique se confondent dans un clientélisme éhonté contre la Démocratie et l'Éthique politique !

Une autre preuve ! Ils préfèrent réorganiser l'opposition à partir de leur parti ou créer des coalitions de circonstances dont ils auront la maîtrise pour mieux exprimer leurs desiderata, en vue de marchander une entrée dans un gouvernement quelconque, affublé de qualificatifs outranciers, pour la mémoire centrafricaine : large union, unité nationale, actions pour la démocratie...

Ces leaders qui exigent la démocratie élitiste ne favorisent guère la Démocratie au sein de leurs propres partis, facilitant ainsi une main mise absolue sur les structures internes de leurs organisations politiques, en vue de mieux défendre leurs intérêts patrimoniaux.

Le Peuple assiste à des "partis historiques " où les "Patrons ", à l'origine de leur création, n'acceptent pas le bouleversement à la tête du parti. Refusant ainsi l'alternance interne.

L'alimentation de compte bancaire de l'étranger ne se conçoit nullement avec de véritables programmes d'actions politiques d'éducation populaire, citoyenne et militante qui permettraient aux Damnés de la Terre d'améliorer leurs conditions matérielles d'existence.

Si la mise au frais des progénitures les préserve des incohérences et handicaps du système éducatif centrafricain, elle ne résout pas non plus les difficultés criantes dudit système.

L'odieuse escroquerie à laquelle, le Peuple assiste impuissant, matérialisée par le paiement des prestations douteuses d'enseignants par les élèves abusés, devant l'incapacité de l'État d'assumer sa responsabilité, en témoigne largement.

Finalement les enseignants qui ne veulent pas arnaquer leurs élèves sont obligés d'aller cultiver leurs champs que de s'investir réellement dans l'enseignement. La conséquence conduit à la réduction des volumes d'heures des cours, à la dépréciation des diplômes centrafricains à l'étranger outre les années blanches !

Ce qui pose un problème de niveau des scolaires et des étudiants centrafricains. Le résultat néfaste se fait ressentir sur l'administration centrafricaine et le pays en général.

Cette réflexion est aussi valable pour les autres secteurs clés que sont la santé, l'agriculture, et l'économie.

La quête d'une reconnaissance à partir de l'étranger ne facilite non plus la consécration d'un véritable leadership national et l'emprise du parti sur des réalités centrafricaines à définir par les citoyens centrafricains eux-mêmes et non des "élites ou intellectuels " soient disant éclairés ; plutôt éblouis par leurs appétits dévorants et maléfiques pour la nation !

Des stratégies de mobilisation, populaire et militante ayant trait au développement intégral de l'homme centrafricain se conçoivent sous son autorité. Contrairement aux mauvaises habitudes liées au libéralisme et au néocolonialisme qui guident la pensée unique des lieux communs de ces leaders d'opinion.

Les cinq défis du député Ngoupandé peuvent être retenus à condition que le peuple s'y reconnaisse et détermine les voies et moyens de leur réalisation, en dehors de toutes récupérations démagogiques de la part de leaders d'opinion.

Pour ce faire, une seule exigence ! Que le Peuple se prononce démocratiquement, à tous les niveaux de décisions citoyennes, républicaines et responsables.

 

Cette exigence passe par la démocratie de proximité, une réflexion d'ensemble au niveau national débouchant sur des propositions et des actions concrètes, dont les réalisations sont évaluables par lui.

 

Par réflexion nationale, il importe d'entendre des représentants nationaux élus par tous les Centrafricains qui siégeront dans une espèce d'assemblée constituante du développement politique, économique, social et culturel ; et non des éclairés étourdis, par leurs clairvoyances ou science, qui s'imposeront comme par le passé à travers des "Table ronde " ou des "Grand Débat National ".

 

La Charte qui en sortira constituera un Contrat social entre le Peuple et les gouvernants élus par ce Peuple. Il n'aura plus qu'une Constitution mais des Constitutions à portée politique et institutionnelle, économique et sociale, culturelle. En fait un dispositif de régulation locale, régionale et nationale sera mise en place pour vérifier la réalisation des objectifs votés par les représentants de la Nation. Ils deviennent les normes politiques, économiques, sociales et culturelles de la Nation.

 

Ce qui suppose bien sûr un grand travail de mobilisation et d'adhésion populaires à cette proposition. Il ne saurait être question de se lancer précipitamment dans une entreprise de cette envergure.

 

L'enracinement, l'abnégation et un militantisme à toute épreuve sont exigibles !

 

Bien que l'intervention du député soit en fait un reniement, des actes posés depuis son limogeage du poste de Premier ministre de Patassé, suivi de ses essais aux Législatives 98 et aux Présidentielles 99, elle est fort intéressante.

 

Le dévoilement lapidaire de la stratégie du leader du PUN nous laisse sur notre faim !

Par contre, la réflexion à laquelle il nous invite [la "non-maîtrise du processus électoral " par les partis politiques de la "coalition  imposée " de l'opposition, l'Ufapd] nous a permis, à partir d'une analyse critique, d'esquisser des pistes sur les enjeux du Centrafrique en ce début du troisième millénaire.

Gonesse - La Varenne-Saint Hilaire
10 janvier 00


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Regards et points de vue des partis politiques et mouvements centrafricains