Enjeux de l’accès à la mer pour la RCA (République Centrafricaine)

 

Avant propos

            En tant que sous-région de l’Afrique sub-saharienne, l’Afrique centrale n’est pas seulement un espace continental, quelles que soient les configurations de cet espace régional, il comporte également un domaine maritime ainsi que lacustre. La gestion des mers, littoraux et lacs, situés en Afrique centrale pose un certain nombre de problèmes politiques, économiques et sociaux. C’est qu’en effet, les espaces maritimes, littoraux ou lacustres peuvent fournir des raisons de conflits et de confrontations entre les différents Etats et sociétés de la sous-région. La gestion de ces espaces suscite des conflits parce qu’en tant qu’environnements naturels, chacun de ces espaces correspond à un milieu biologique et écologique abritant de nombreuses ressources susceptibles d’être valorisées. Les mers font par exemple l’objet de vives luttes comme le montre le conflit de Mbagnè entre le Gabon et la Guinée équatoriale. Dans cette sous-région, incorporée dans le golfe de Guinée, ce conflit renvoie à la problématique de la délimitation des frontières maritimes des différents Etats, comme le Cameroun « en opposition » avec le Nigeria à propos de la péninsule de Bakassi, le Gabon, la Guinée équatoriale etc. Les Etats de la sous-région disposent de stratégies maritimes limitées et peu consistantes qui ne leur permettent pas de cerner le vaste potentiel économique attaché à leur zone maritime en terme énergétique (pétrole et gaz) et en terme halieutique. Comme les espaces maritimes, les espaces lacustres donnent aussi lieu à des tensions entre pays riverains. C’est notamment le cas autour du lac Tchad, véritable mer intérieure, néanmoins affectée par un réel déclin écologique. C’est ainsi que le conflit Cameroun Nigeria concernant la délimitation des frontières se manifeste aussi dans la région du lac Tchad autour d’un certains nombre d’îlots, créés par le retrait des eaux de ce lac régional.

            Les pays de l’Afrique centrale sont tenus de renforcer leur instruments d’observation et de gestion des problèmes politiques, juridiques, économiques et sociaux créés par la compétition autour de leurs domaines maritimes, littoraux et lacustres respectifs. Afin de disposer d’un cadre consistant de sécurisation de ces différents espaces, il importe alors de mettre en œuvre différents instruments opérationnels et organisationnels pour parvenir à une gestion coopérative de ces hommes. Voila pourquoi la réflexion sur la géopolitique des mers, lacs et rivages en Afrique centrale requiert de réfléchir aussi sur les modes appropriés de coopération et de coordination entre les Etats de cette sous-région (Commission du bassin du lac Tchad, commission du golfe de guinée…). Les espaces maritimes, littoraux et lacustres doivent faire l’objet d’une prise en charge systémique attentive à l’ensemble des dimensions concernées (géologique, écologique, stratégique, économique, politique et juridique). L’effort de régulation ou de résolution des problèmes posés par les espaces maritimes littoraux et lacustre en Afrique centrale, est tenu d’intégrer les contraintes liées à l’intervention multiforme d’acteurs extérieurs à  la région mais intéressés par la valorisation des ressources situées dans ces milieux naturels. (Etats, bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, grands ONG internationales, industries pétrolières, industries de la pêche etc).

En s’intéressant aux mers, littoraux et lacs, il  s’agit aussi de tenir compte de l’implication des populations dans ces milieux naturels et sociaux dont l’impact ne concerne pas que les Etats, les compagnies transnationales, les agences multilatérales d’aide au développement, les ONG de solidarité. La gouvernance qui prend en charge les problèmes posés dans ces espaces maritimes littoraux et lacustres est à  envisager dans une perspective véritablement intégrée et coordonnée de résolution des problèmes.

 

Equipe de la revue trimestrielle ENJEUX.

 

 

 

 

 

Préface     

           

            Ce texte est le fruit d'un travail de recherche commandité par la Fondation Paul Ango Ela (Yaoundé / Cameroun) sous le thème principal : « Mers et rivages en Afrique centrale » et dont les résultats sont publiés comme article dans sa revue  trimestrielle Enjeux n° 26 en mars 2006.

 

            Compte tenu de la faible accessibilité à cette revue qui reste inconnue en Centrafrique et au regard de l'intérêt hautement stratégique que ce texte comporte, il a paru important de relayer le travail de « Enjeux » par ce format dès lors mis à la disposition des intéressés de premier plan que vous êtes, pour exploitation.

 

            En effet, l'accès à la mer est indéniablement une question stratégique pour la RCA, mais qui reste jusqu'à nos jours peu élucidée sur l'optique scientifique. Ce travail vous propose donc une réflexion structurée sur ce domaine précis axée essentiellement sur deux points, et qui pose la problématique de l'enclavement (et de son alternative) en mettant en exergue les différents enjeux et défis en présence.

           

            Il soulève en même temps le débat sur les rapports géostratégiques actuels et futurs qui mettent en prise le devenir de la RCA par rapport à elle-même et aux puissances sous-régionales et mondiales.

 

            Seule la lecture attentive de sa teneur vous dire plus.

 

 

L'auteur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Introduction

            Oser traiter de la question relative à la mer dans la sous-région de l’Afrique centrale pour la RCA, pose inexorablement la problématique de l’enclavement de ce pays. Devenu en effet une question séculaire par l’intérêt stratégique et vital qu’il suscite, l’enclavement du pays et les perspectives de son désenclavement se trouvent au centre de nombreux débats au point d’en faire une condition nécessaire et suffisante du retard du pays en matière de développement et de gouvernance dans la sous-région. Et l’accès au littoral maritime, perçu d’emblée comme synonyme de désenclavement, est présenté dans cette optique, comme une panacée pour le démarrage du développement national.

            On assiste donc de ce point de vue à une forme de fétichisation géopolitique à outrance du (phénomène) littoral maritime, débouchant, forcement, sur une espèce de monisme explicatif du développement (ou de son alternative) posé a priori et omniprésent dans l’argumentaire scientifique, ainsi que dans la conscience collective centrafricaine contemporaine.

            Quoique qu’il en soit, l’enclavement de la RCA constitue une réalité évidente à laquelle on ne peut se soustraire, et qui se présente dans l’histoire récente de la Centrafrique, comme un véritable défi national aux effets pervers, sur tous les plans (économique, politique, diplomatique, stratégique et géostratégique).

En dépit de l’importance vitale de la question, la situation sur le terrain piétine. Et du coup, la question se réduit ainsi au simple débat verbal (sinon verbaliste), sans qu’une ébauche d’analyse structurée, ne soit mise en chantier ou consolidée, afin de stimuler et guider les actions éventuelles à envisager à ce sujet.

            Dès lors, une préoccupation se profile à l’horizon, celle de savoir qu’elle est la nature exacte du phénomène « enclavement » pour la Centrafrique, préoccupation qui, une fois mieux appréhender, permettrait de mieux cerner les enjeux qui l’entourent?

            La présente réflexion qui tente de cerner, à sa mesure, les contours de cette question jusque-là peu élucidée, structure le débat autour de deux points fondamentaux évoqués ci-dessous, pour une meilleure intelligence à la hauteur du défi à relever. Il s’agit de l’enclavement saisi dans sa dimension géographique et institutionnelle.

 

MER, RIVAGE ET ENCLAVEMENT GEOGRAPHIQUE DU CENTRAFRIQUE

            L’enclavement de la RCA est un fait réel que l’on ne saurait dénier, dans tous les cas et surtout pas à l’état actuel des choses, d’autant plus que le territoire centrafricain se trouve entièrement coupé de la mer, réduisant ainsi la configuration de son cadre géographique au seuil de l’hinterland de l’espace continental de la sous-région de l’Afrique centrale.

Une configuration spatio-territoriale sans accès direct à la mer ni aux rivages marins

            On peut noter à ce sujet pour illustration que le poste du pays le plus rapproché de la mer se trouve être la localité de Beloko, située à plus de 800 Km du port de Douala sur l’Atlantique, si l’on prend pour mesure, le principal axe routier, la nationale n° 1, assurant l’essentiel du trafic entre la RCA et le Cameroun. Mais par rapport à Bangui, la capitale (un marché de 600 000 consommateurs), qui absorbe la part la plus importante des échanges commerciaux extérieurs, il faut compter au moins 1 450 kms du port maritime de Douala. A côté de ce dernier, Bangui accède également à la mer par le port maritime de Pointe Noire de la république du Congo, via le port fluvial de Brazzaville, qui assure le point de rupture de charge vers la Centrafrique grâce à la voie navigable sur le fleuve Congo et la rivière Oubangui. Le port de Matadi, via Kinshasa, assure également un rôle similaire, avec des avantages considérables (pour les deux axes Bangui-Kinshasa-Matadi et Bangui-Brazzaville-Pointe Noire) par rapport au trafic routier avec le Cameroun, en terme de volume et de coût, à distance égale d’ailleurs, qui sépare Bangui à Pointe Noire  (1796 Kms) et à Matadi (1556 kms). Aussi, l’axe Bangui-Karthoum sur l’océan Indien, jusqu’ici entièrement à l’état virtuel sinon, en veilleuse, pourrait offrir des perspectives intéressantes, bien que n’étant pas envisageables à l’heure actuelle, moins encore à l’ordre du jour, par-delà sa position hors de l’espace de l’Afrique centrale.

            En plus de la distance, les contraintes de navigation liées à l’étiage aigu en saison sèche (sur la voie fluviale), les troubles militaires et l’inconséquence des politiques de coopération bilatérales, constituent des facteurs restrictifs à l’accès à la mer pour la RCA. Il faudrait y ajouter celles liées aux multiples et intempestives interférences à des fins inavouées des puissances impérialistes mondialistes, qui s’acharnent  à soumettre l’exploitation de cet espace à un schéma dicté par les intérêts hégémoniques occidentaux.

            Visiblement, la RCA s’installe alors de ce point de vue, dans un espace sous-régional entièrement encerclé dans tous les points cardinaux par les pays voisins, érigés de gré ou de force en une espèce d’obstacle (ou de dépendance dans le meilleur cas) à l’accès à la mer.

 Dans un tel contexte, la dépendance quasi exclusive de l’axe Bangui-Douala (Limbé) sur la nationale n° 1 s’est avérée fatale.

Les conséquences socio-économiques et géo-économiques d’un accès dépendant à la mer

            On constate dès lors que le débat sur la mer et rivage glisse très vite sur les aspects relatifs à l’accès à la mer en soulevant en même temps, sans doute, la réflexion sur les enjeux qui résultent inexorablement d’une telle perspective en terme d’échanges commerciaux à grande échelle qui affectent de façon assez considérable la vie économique de la RCA.

            En effet, pour une économie centrafricaine désintégrée et en état de ruine avancée, caractérisée par une capacité de production quasi nulle, l’importation des biens manufacturiers de consommation courante et d’équipement reste à l’heure actuelle la seule issue de substitution (provisoire) pouvant aider à juguler la pression de l’extrême pauvreté qui sévit dans le pays, en attendant une probable reprise, du reste de plus en plus hypothétique. Mais, le marché  sous-régional où le Cameroun s’est érigé en premier fournisseur des biens manufacturiers de première nécessité[1] à la RCA (11 048 692 milliards de F CFA, suivi de très loin par le Gabon avec 1 724 247 de F CFA, devant le Congo Brazzaville avec 1 397 702 milliards de F CFA), ne saurait satisfaire à l’heure actuelle les attentes des populations en proie à l’indigence et menacées de ravage par la précarité excessive de la vie quotidienne. Des immenses quantités de marchandises de consommation de masse et de seconde main en provenance des pays d’outre-mer, qui déferlent actuellement dans les villes des pays d’Afrique subsaharienne, n’arrivent qu’au compte-gouttes à Bangui et coûtent extrêmement cher (3 à 5 fois plus). L’extravagance des prix en vigueur dans le marché et les formes de spéculations auxquelles elle donne lieu, résultent des restrictions des échanges commerciaux, imposés par les contraintes de l’enclavement et l’accès mitigé à la mer.

Polarisation autour de Douala comme plate-forme commerciale et issue maritime

            Les restrictions qui découlent tiennent avant tout, à l’éloignement du port de Douala, lieu de déchargement et de rechargement des marchandises en provenance des pays d’outre-mer en direction de Bangui, lieu d’arrivée. Ce facteur géographique (lié à l’éloignement) exerce une influence réelle sur le mode et les moyens de transport et de communication qui, dans ce cas de figure, repose exclusivement sur la voie routière. A ce niveau, l’économie centrafricaine souffre terriblement des effets prohibitifs qui affectent de manière remarquable le volume et le coût de transport en véhicules sur une route, la nationale n°1, qui présente une physionomie fragmentaire, entrecoupée par un tronçon de vieux bitume brisé (de Yaloké à près de Bossemptélé soit 70 Km) et sur un autre tronçon non bitumé difficilement praticable (de Baoro à Beloko-Garoua Boulay / Cameroun soit 220 km environ). Les barrières de pluie appliquées pendant l’hivernage en plus des nombreux embourbements des véhicules de transport et les couches de poussière épaisses soulevées en saison sèche, constituent de véritables entraves à la libre circulation des biens et des personnes, qui peut prendre jusqu’à 10 jours, selon le constat de F.C. Nkoa et les témoignages des usagers. Heureusement, cet axe routier, Bangui-Douala, n’est pas infesté sur le territoire centrafricain, par des brigands à mains armées, communément appelés « coupeurs des routes » ou « Zaraguina » en Sango, langue nationale, qui perturbent la sécurité des réseaux routiers dans ce pays.

            En effet, les tentatives de désenclavement par la voie aérienne jusqu’alors timides et irrégulières, ne rassurent guère[2]. Là aussi, la RCA reste entièrement tributaire de l’extérieur, notamment du Cameroun (allusion faite à Cameroon Airlines, compagnie qui, décidément, n’arrive pas sinon, très péniblement à combler le vide permettant de sortir du sinistre laissé par la liquidation controversée de Air Afrique, victime d’une conspiration internationale. Et l’absence de création d’une zone franche Bangui-Douala (ou tout au moins la jonction ferroviaire Bangui-Meiganga, localité camerounaise située à une centaine de km de Garoua Boulay), traversée par un chemin de fer moderne, contribue au maintien du pays à la situation d’enclavement géographique tant déplorée.

            Il en résulte que la RCA se trouve ainsi coupée de reste du monde, sinon condamnée à l’isolement quasi-total sur tous les plans, avec des effets inhibiteurs considérables sur son développement.

            Mais l’enclavement géographique ne constitue pas l’unique facteur fondamental de l’isolement économique du pays, comme d’aucuns pourraient penser, loin s’en faut. Il faut absolument y ajouter aussi la dimension  institutionnelle de l’enclavement.

 

MER, RIVAGE ET ENCLAVEMENT INSTITUTIONNEL DE LA RCA

            Au-delà de l’enclavement géographique (en tant que donnée essentielle imposée par les contingences naturelles) par rapport à l’accès à la mer, se dresse comme une véritable forteresse pharaonique, l’enclavement institutionnel, imposé plutôt par les imperfections des formes d’organisations sociales instituées par les hommes.

La retraduction institutionnelle des contraintes d’un accès dépendant à la mer

            Les contraintes douanières excessives en vigueur en Centrafrique constituent une entrave majeure aux initiatives internes visant à ouvrir le territoire national à la mer. Contrairement à la théorie, les impositions douanières touchent également la circulation des marchandises (avec effets sur la circulation des hommes) au sein de la zone CEMAC. La prolifération des taxes qui résultent de l’excès de harcèlement fiscal (impôts excessifs) étouffe l’émergence de nouvelles initiatives économiques locales, rend moins opérationnelles celles qui existent et favorise la multiplication des réseaux de fraude et de spéculation. Pire, l’Etat centrafricain qui souffre cruellement d’importants manques à gagner (en guise d’effets boomerang), continue, curieusement et contre toute attente, à persévérer dans cette voie à la fois dangereuse et suicidaire.

            Ce qui est aussi curieux à ce niveau, en effet, est que après 45 ans d’indépendance le budget de l’Etat centrafricain (129 milliards de F CFA, prévision pour l’exercice 2006) reste largement tributaire des impôts et des droits de douane (51 milliards de FCFA, soit 35,5%), à côté de l’exportation du diamant et du bois (et subsidiairement du coton en baisse vertigineuse: 44 000 tonnes en 1979, contre 3 500 tonnes en 2005) en ce qui concerne la mobilisation des recettes intérieures. On se trouve alors devant une conception archaïque et passéiste du rôle de l’Etat qui se cantonne au statut de simple percepteur d’impôts au détriment de l’investissement dans la création d’entreprises et d’industries modernes, génératrices de richesses abondantes et variées, de qualité. Par ailleurs, on se trouve devant une situation où trop d'impôts non seulement tue l'impôt, mais aussi le secteur de l'économie de proximité, pourtant redynamisant dans un contexte libéral marqué par le désengagement hypocrite et irresponsable des Etats africains dans le domaine économique désormais privatisé et ou libéralisé, au détriment des paysans et prolétaires du continent, mais au profit des multinationales d'origine occidentale, tristement célèbres pour leurs activités dévastatrices, vandales et paupérisantes des économies et tissus sociaux en Afrique.

Les entraves administratives et procédurales à l’accès à la mer

            Parlant de tracasseries, certains commerçants importateurs déclarent que l’obtention des documents d’importation (DE15, DE6 ou le titre de transit) au port de Douala, ferait l’objet d’une lourdeur administrative indescriptible entretenue, pouvant retarder celle-ci jusqu’à une semaine, abstraction faite des « pourboires », inhérents à toutes ces démarches et aux frais de séjour induits. La disparition des marchandises et pièces de véhicules importées, stationnées à la gare (portuaire) de Douala serait également monnaie courante, en plus des risques de vol à mains armées, œuvre des brigands opérant à bord de jeep 4 x 4, pendant la nuit sur le tronçon routier compris entre Douala et Awaï, localité camerounaise, située à 60 km de Yaoundé. Au demeurant, François Colin Nkoa a déploré l’existence de près d’une vingtaine de points de contrôle de divers services administratifs (police, gendarmerie, eaux et forêts, douanes, municipalité, paysage aussi) entre Douala et Bangui, qui induisent un coût variant de 250 000 à 300 000 FCFA par voyage soit parfois jusqu’à 40% de la valeur de la marchandise transportée[3]. Le coût induit mis en cause ici, intègre aussi les « pourboires » forcés et les casses, engendrées par les secousses, dues au mauvais état de la route. On peut déplorer également le racket, lié à la nécessité de survie ou au réflexe de gain facile, des forces de l’ordre très promptes à subtiliser les documents de mise en route en exigeant de l’argent aux ressortissants d’autres pays de la CEMAC, en aller comme au retour, même en cas de séjour régulier sur le territoire camerounais. Ce qui est aussi le cas en RCA, où malheureusement ces pratiques sont calquées sur le modèle du voisin, par nécessité et par représailles, sinon aussi par une certaine habitude acquise d’argent facile.

L'insuffisance des stratégies économiques de correction de la continentalité par l'intégration régionale institutionnelle

            On se rend donc à l’évidence que le dynamisme économique interne (absent en RCA sinon, très timide) reste le seul facteur efficace pour conférer à ce pays la capacité de rivaliser au sein de l’espace CEMAC avec le leadership du Cameroun, en alimentant les échanges commerciaux à l’échelle sous-régionale, avec une volonté ferme de l’ouverture à la mer pour apporter à la civilisation universelle son argument dans le débat du monde moderne. D’autant que l’intégration sous-régionale, de même que le désenclavement, doit être perçue, surtout pour la RCA, non pas en tant que donnée acquise (ou perdue) d’avance, mais plutôt comme la résultante d’un processus volontariste débouchant sur des victoires économiques conséquentes obtenues par l’ardeur au travail bien fait. Mais en réalité, la RCA ne semble pas bien assimiler cette leçon de base, élémentaire et fondamentale, en ne livrant au Cameroun, en guise d’exportation, que les produits de valeur marchande très dérisoire (1 602 388 milliards de Fcfa en 2003).

            Cette note nous permet de souligner qu’à ce sujet, les structures institutionnelles de la CEMAC offrent aux pays membres un potentiel considérable pour leur développement économique, dont le spectre peut répondre son rayonnement jusqu’aux ports maritimes accessibles au sein de la sous-région et au-delà (Khartoum). Outre les perspectives intéressantes qu’offre l’union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC avec la BEAC comme institution principale), l’union économique de l’Afrique centrale constitue le volet de la CEMAC le plus important au regard des missions précieuses qui lui sont dévolues : la suppression des barrières douanières et des contingentements, le renforcement de la compétitivité des activités économiques et financières, la convergence et la mise en cohérence des politiques budgétaires nationales avec une politique monétaire commune et la coopération multiforme en matière d’industrie, de tourisme, de transports, de formation professionnelle, d’énergie, d’agriculture[4]. Ainsi, au lieu de végéter dans les lamentations sans issue (telle que « le Cameroun racle tout dans la CEMAC »), la RCA devrait se mettre à l’école camerounaise, à l’instar du Tchad[5], pour exploiter à son profit les atouts précieux que propose la CEMAC aux Etats membres. Car c’est la mise en valeur des offres actuelles qui induirait la correction des imperfections, s’il y en a.

            A ce propos, la RCA bénéficie d’ailleurs d’une chance extraordinaire qui reste curieusement jusque-là inexploitée. Elle abrite sur son sol le siège de la CEMAC[6],  dont la direction est assurée de droit et de façon permanente par les ressortissants camerounais. Ce qui lui offre d’immenses opportunités en terme de contacts de proximité avec les responsables de cette institution supranationale et avec le Cameroun voisin à un haut niveau, par le Secrétaire Exécutif de la CEMAC interposé.

            De toute façon, il est inconcevable d’imaginer à ce stade un Cameroun se montrer réticent vis-à-vis des sollicitations de la RCA pour accéder à la mer à travers son territoire, même si, à l’heure actuelle, le mythe du leadership semble porter le Cameroun sur le terrain de l’hégémonie, propre à une puissance économique sous-régionale. Ce rôle de leadership (bien mérité d’ailleurs) paraît normal au regard de la tendance positive en terme de dynamisme interne développé par les populations camerounaises (rurales et urbaines vouées aux grandes ambitions)[7] habituées à se lever et travailler tôt pour terminer tard. Les autres pays de la CEMAC devraient s’en inspirer pour opérer le décollage économique interne et dans la sous-région au lieu de se réfugier dans la résignation sans issue (RCA) ou de s’enfermer dans une tour d’illusions du rôle de leadership (non mérité) sur des bases à la fois factices et fictives (Gabon).

            En plus, la RCA dispose d’un argument supplémentaire sinon ultime, qui pourrait paraître à ce niveau comme une dernière cartouche de réserve. Il s’agit, en tout état de cause, de la présence dans son sous sol des matières et pierres précieuses abondantes et variées telles que le diamant de joaillerie, l’or, le mercure, etc. Un tel argument éminemment économique pourrait servir d’élément de négociation (pour ne pas dire de conviction, en vue d’accéder à la mer par Douala) permettant de minimiser au maximum et à tout moment, toutes les velléités éventuelles d’hostilité de la part d’un Cameroun qui n’en dispose pas suffisamment et qui en est très intéressé.

 

RIVAGES FLUVIAUX DANS LES STRATEGIES DIVERSIFIEES D’ACCES A LA MER : L’HORIZON D’UN DESENCLAVEMENT TRANSACTIONNEL

            La RCA n’aurait aucun intérêt à s’acharner contre le Cameroun pour accéder au port maritime, comme on pourrait en avoir l’impression. Il serait par contre judicieux, pour elle, ainsi qu’il est signalé ci-dessus, d’envisager la rentabilisation d’autres options, d’autant plus que le Cameroun ne constitue pas l’issue exclusive d’accès à la mer, même s’il en demeure, à l’heure actuelle, la principale.

Les enjeux de l’exploitation des rivages oubanguiens :

la transition vers les débouchés maritimes de Pointe Noire et de Matadi

 

            Dans cet ordre d’idée en effet, le renforcement des capacités de la Société centrafricaine de transport fluviale (Socatraf) s’avérerait indispensable. Bénéficiant désormais du soutien de la Société centrafricaine des voies navigables (S.C.V.N.), dotée d'un arsenal de balisage conséquent et performent, la Socatraf peut rendre navigable en toutes saisons (y compris en saison de basse marée) le lit de la rivière Oubangui, en assurant ainsi la jonction permanente sur Brazzaville et Kinshasa. Ces deux capitales d’Afrique centrale assureraient de ce fait et de façon régulière, le rôle des principaux points de rupture de charge entre les ports de Pointe Noire et de Matadi, en direction de Bangui. Une telle option répondrait de manière significative à une double nécessité, de diversification des possibilités d’accès à la mer et de réduction de la dépendance excessive vis-à-vis du port de Douala, en plus des impératifs de rentabilité (en terme de volume et de coût de trafic) que comporte la voie fluviale Oubangui-Congo par rapport aux restrictions contraignantes qu’impose la voie routière : faible quantité de biens et personnes en circulation par occasion (un véhicule de 50 tonnes, le poids lourd le plus élevé contre une barge de 500 tonnes de Socatraf, sachant qu’un seul bateau peut en transporter 5 à 6 par occasion), coûts exorbitants des trafics, tracasseries de tous ordres, etc. Les structures des prix suivantes illustrent mieux ces propos en ce qui concerne notamment les produits pétroliers par litre : super 60 Fcfa, le mazout ou gasoil 60 Fcfa et pétrole lampant ou jet A1 65 Fcfa sur la voie fluviale contre respectivement 120 Fcfa, 120 Fcfa et 140 Fcfa, bref le double ou plus par la route. Il en est de même du coût de sac de ciment rendu Bangui (tous les coûts compris) qui revient à 6 400 Fcfa par la voie fluviale et 6 900 Fcfa par la voie routière.

 

 

Les contraintes politico-économiques récurrentes sur le trafic fluvial RCA-Congo-RDC

            Revenant sur la nécessité d’intensification du trafic fluvial pour la RCA, il conviendrait de rappeler à cet effet que l’option Bangui-Matadi via Kinshasa est expérimentée depuis des décennies en raison de sa rentabilité, notamment pour les produits pétroliers. Cette option était même devenue, par la force des choses, l’unique issue pour toutes les marchandises pendant la période de rupture de trafic sur la voie ferrée Congo-Océan, imposée par la guerre de 1997 à Brazzaville et dans la région du Pool. Les produits pétroliers pompés à Matadi par la multinationale Sep Congo, à travers l’oléoduc, sont recueillis à Kinshasa pour le compte de Total (monopoliste privé français de distribution en RCA, depuis la liquidation de la société nationale), par les bateaux centrafricains, avant de repartir au port de Brazzaville pour monter le convoi de retour.

            Il est évident que là aussi, des accords de coopération bilatéraux existants (en plus de la plate-forme CEMAC RCA-Congo Brazzaville) sont une source active garantissant le succès, si on y associe une réelle volonté agissante, dans un contexte transfrontalier actuel, caractérisé par le retour progressif de la paix dans le bassin du Congo. Grâce aux accords en vigueur et à la position géographique de partage naturel de l’Oubangui et du fleuve Congo par la RCA et les deux Congo, la circulation sur cette voie navigable de 1 996 km exactement, est acquise pour les trois pays voisins. Les bateaux en déplacement sur ce trajet remontent les deux capitales les plus rapprochées du monde (Kinshasa et Brazzaville), jusqu’au port de Bangui pour décharger du ciment, de la farine de froment, du sucre à canne, des véhicules et divers biens manufacturés de consommation courante. En revanche, les pousseurs de Centrafrique effectuent le transport de bœufs sur pieds (264, 020 tonnes), bois de sciage (2 843, 469 tonnes) et divers (miel, arachide, maïs, pièces détachées : 3 840, 123 tonnes) à Brazzaville et à Kinshasa, soit un total d’exportation de 1,650,321 tonnes en 2005, et au retour ils ramènent les produits pétroliers (35 000 tonnes), du ciment (10 050 tonnes), les poteaux en bois (320,240 tonnes) et les divers (6 412, 500 tonnes), soit un total d’importation de 51 782,24 tonnes assuré par la Socatraf pour la même année.

            La Socatraf, qui travaille en partenariat avec l’Agence congolaise de transport (A.c.t.) de Brazzaville et l’office national de transport (Onatra) de Kinshasa, et dont les enjeux dans ce secteur d’activités s’agglutinent exclusivement sur cet axe, aurait tout intérêt à maximiser la rentabilité de ce tronçon. Il s’avère en réalité qu’elle ne l’exploite que très peu, à cause, sans doute, des restrictions saisonnières (8 mois de navigation par an : mai-décembre                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        ou juin-janvier, en saison favorable), de l’irrégularité de l’entretien de la voie navigable, du nombre insuffisant des bateaux en activité (9 pousseurs en 2005, tous de petite taille), de l’absence des bateaux courriers réguliers assurant la circulation de toutes sortes de marchandises et des personnes, ainsi que des troubles militaro-politiques de dernières années dans les deux Congo. A cela, s’ajoute l’étroitesse de la  Socatraf (en ruines), victime des ravages liés aux nombreuses mutineries dans la capitale et des actes de vandalisme et de pillages successifs des dépôts, des entreprises et industries (principaux clients de Socatraf) situés naguère le long du fleuve, du confluent de Mpoko à Bimbo (en aval), en passant par Kolongo, au quartier Pétévo jusqu’au commissariat du port en amont de Bangui.

            Devant cette mise à sac systématique des structures économiques de base en général et portuaires en particulier, et au regard aux capacités de la Socatraf dès lors très amenuisées, l’axe routier Bangui-Douala (Limbé) est devenu, sans équivoque, un axe quasi-exclusif pour l’accès de la RCA à la mer, en dépit des multiples restrictions et tracasseries ci-dessus évoquées.

            Mais, il ne faudrait pas perdre de vue que l’option destinée à rendre économiquement rentable la navigation fluviale, option hautement stratégique pour le devenir glorieux de la RCA, se trouverait tout de suite pondérée sinon, phagocytée par la main basse de la France sur la Socatraf au-delà de sa tactique cynique de contenir ce pays dans ses strictes limites d’enclavement dans ses terres fermes, en étouffant dans l’œuf, entre autres, depuis l’époque de Bokassa et même bien avant, toutes velléités de coopération technique fructueuse entre la RDCongo et la RCA. Reposant sur une rivalité absurde, liée à un certain héritage politique colonial belge et français, la France agite sans cesse un épouvantail aux yeux des Centrafricains, en proclamant l’insécurité totale sur le territoire du Congo Démocratique en face de Bangui, présentant la RDC comme une terre inconnue, dangereuse et infréquentable. Du coup, la Centrafrique tombe dans le piège de la méfiance tendu par la France, notamment aux moments les plus propices de coopération avec un pays voisin et frère plus peuplé, dynamique (et semi enclavé), en se privant ainsi d’un flux d’énergies utiles à son développement.

            Décidément, on se retrouve ici devant les manœuvres dilatoires liées à la stratégie  traditionnelle de la France, qui s’obstine à veiller sur chaque périmètre de son ex-empire colonial en Afrique centrale et à maintenir son influence historique sur cet espace crucial, désormais néo-colonialisé et mondialisé au sein duquel la RCA est réduite au rôle de réservoir (mieux de réserve) des matières premières et des pierres précieuses[8]. D’où, il faut imposer en Centrafrique, une forme de mentalité perverse réfractaire à l’ardeur au travail, génératrice de progrès, en favorisant la quête des intérêts immédiats, propices à un aveuglement sans lendemain, au détriment des intérêts stratégiques à long terme, pouvant stimuler les ambitions d’ouverture à la mer pour s’adresser au monde.

La nécessité de juguler le syndrome de l’enclavement comme déficit d’accès à la mer

            A la lumière de ce qui précède, il sied de noter que le problème d’enclavement de la RCA (dans son acception géographique comme absence d’accès du territoire national à la mer) est aussi une question d’enclavement mental (c’est-à-dire de structures mentales étroites, dépourvues de grandes ambitions) institué dans le pays. A l’heure des technologies de pointe caractérisées par la vitesse dans l’action, où l’enclavement géographique est vaincu ailleurs, la conception fataliste de l’enclavement de la RCA telle que implantée et véhiculée dans le pays, ne se justifie pas. Elle relève plutôt de notre incapacité à relever les défis de notre temps. Etant entendu que le progrès des sociétés modernes et la solution des problèmes qui le jalonnent  (l’enclavement en étant un) n’est pas extérieur à l’homme, mais se trouve plutôt aux tréfonds des êtres humains et se fait d’abord en fonction des capacités intrinsèques des hommes en présence, de ce qu’ils veulent faire de leur pays[9]. Les petits pays enclavés d'Europe sans ressources naturelles significatives et non viables en valeur absolue, comme la toute petite Suisse, le tout petit Luxembourg et la petite Autriche, pour ne citer que ceux-là, pourtant très développés, ont montré leurs capacités dans ce domaine en balayant d’un revers de la main, cette contrainte géographique (en se servant, bien sûr, des territoires des pays voisins) afin de bâtir leur prospérité. Plus près de nous en Afrique de l’Ouest, les cas du Burkina Faso, du Mali, du Niger, enclavés et désertiques en plus, constituent une véritable interpellation pour la RCA. De petits pays comme l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et le Malawi en Afrique de l’Est, qui ne se plaignent pas (outre mesure) de leur enclavement récurrent, sont également des cas de conscience pour la RCA. Pour l’Afrique australe, le Zimbabwe (il s’agit bien ici de ce pays et non de celui dépeint par des médias caporalisés et instrumentalisés), le Botswana, ou la Zambie, sont connus pour leur stabilité économique relative (à des degrés différents), en dépit de leur situation d’enclavement. Là aussi, il y a une matière à réflexion pour la RCA.

            D’où, le recours à l’argument d’enclavement géographique de la RCA comme une rigidité déterministe au point d’en faire une explication moniste de son retard en matière de développement, argument omniprésent dans les discours démagogiques (et mystificateurs) dans le pays et ailleurs, montre ses limites inhérentes à la conception géographiste des siècles passés, et mérite, de ce fait, une relativisation inéluctable. Autrement, tous les pays situés sur le littoral du continent africain seraient de véritables « eldorados économiques». Et en revanche, les petits pays enclavés d’Europe ci-dessus évoqués, ne seraient réduits qu’à des vastes zones de squatting (bidonvilles), attirées par la prospérité de leurs voisins situés au bord des mers.

            La réalité nous montre le contraire à ce sujet relativisant ainsi une certaine conception strictement géographiste qui nous parait simpliste dans le cas de la RCA. En effet, en dépit de l’attrait que continue d’exercer une telle conception chère à des auteurs comme Montesquieu[10] ou Henri Lefebvre, etc., l’argument géographiste du retard de la RCA est peu convaincant. Il convient absolument d’articuler cet argument avec l’aspect socio mental du problème (c’est-à-dire aux facteurs anthropologiques de l’enclavement), en vue d’appréhender ce phénomène dans toutes ses dimensions.

            A ce niveau, on se trouve donc loin d’un cas de figure où l’enclavement géographique apparaît comme une fatalité ou un défi en soi, moins encore comme une variable indépendante, mais plutôt comme un défi à variables multiples qu’il faudrait à tout prix inscrire  dans une symbiose pour asseoir une analyse solide de nature à éclairer la lanterne des décideurs sur d’éventuelles actions de terrain à mener.

 

ACCES A LA MER, UN DEFI A VARIABLES MULTIPLES : LA COMPLEXITE D’UNE STRATEGIE DE DESENCLAVEMENT

            Fort de ces éléments de conviction, non exhaustifs d’ailleurs, il y a lieu de souligner (pour insister) que l’accès de la RCA à la mer, constitue un défi à plusieurs variables : économiques, politiques, diplomatiques, stratégiques et anthropologiques. Ce dernier facteur (qui renvoie à la faculté de l’homme à transformer son espace) étant la variable (indépendante et déterminante en dernière analyse).

La nécessité du désenclavement mental

            Pour relever donc ce défi, il y a nécessité que s’opère en RCA, et à tous les niveaux, du sommet à la base, une réforme en profondeur de l’univers mental, de façon à disposer les structures socio mentales à une posture compatible au travail opiniâtre bien fait, dans un contexte national nouveau, épris d’esprit de paix et  de l’unité dans la diversité, seul gage de la construction du progrès social. Cet état d’esprit nouveau ainsi retrouvé permettrait la restructuration de l’espace économique national dans son ensemble, au sein de quel l’Etat aurait à jouer le rôle prépondérant d’assainissement de l’espace économique et d’édification des ouvrages de bases en créant un contexte favorable préalable incontournable à l’émergence des initiatives privées et de proximité.

La réhabilitation des connexions routières à la plate-forme maritime de Douala

            Une telle perspective conduirait l’Etat centrafricain dans l’immédiat, sinon dans le cours terme, à accélérer les travaux de réhabilitation du tronçon routier de 70 Km, situé entre Yaloké et Bossemptélé sur la nationale n° 1, principal axe actuel qui ouvre Bangui au port maritime de Douala. Ce travail devrait se réaliser simultanément (ou devrait être suivi de plus près) par la construction du tronçon de 20 Km environ entre Baoro et Beloko, localité de la RCA qui juxte la ville de Garoua Boulaï au Cameroun, en direction de Douala via Bertoua et Yaoundé.

L’opportunité d’instauration d’une zone franche ferroviaire Bangui-Douala

            Le succès de ces ouvrages ferait appel à moyen terme à la création d’une zone franche Bangui-Douala (Limbé) ou tel que noté plus haut Bangui-Menganga (localité camerounaise située à une centaine de km de Garoua Boulaï à la frontière de la RCA), traversée par un chemin de fer long courrier, à l’instar de ceux qui ouvrent le Niger au port de Dakar / Sénégal, le Mali et le Burkina Faso au port d’Abidjan / Côté d’Ivoire, Kalemie / Est de la RDCongo à Dar el Salam via Kigoma / Tanzanie, Lubumbashi / sud-est de la RDCongo à Lobito / Angola, Lusaka / Zambie à Dar el Salam, le Zimbabwe à Biéra / Mozambique, etc.

 

La multiplicité des corridors de désenclavement

            L’option Bangui-Lisala / RDCongo sur le fleuve Congo, localité qui servirait avec Kinshasa, de deux points de rupture de charge en direction de Matadi, serait envisageable à long terme. Il en serait de même de l’option Bangui-Karthoum, via Birao (au nord de la RCA à prédominance musulmane) et Hamdafok, localité soudanaise située à l’ouest de ce pays qui sert de terminus du rail, avec ouverture du corridor en direction de Jedha en Arabie Saoudite sur l’océan Indien et la mer rouge, envisagée par Bokassa il y quelques années, mais étouffée, semble-t-il, par la France, redoutant l’influence probable qui découlerait des contacts directs du Centrafrique en particulier et de l’Afrique centrale d’une manière générale, avec le monde arabo-islamique.

            Désormais placé dans un contexte comme celui-là, la RCA serait donc impliquée dans la construction d’une nouvelle configuration géostratégique au sein de laquelle elle prendrait une part active dans le multilatéralisme sous-régional, au lieu de se résigner dans la posture actuelle, qui fait d’elle un simple appendice[11] d’un Cameroun bouillonnant d’initiatives.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion

Au terme de cette étude, l’une des premières ébauches de réflexion structurée sur la question exclusive relative à l’enclavement géographique de la RCA (ou de son alternative impliquant l’accès à la mer), disons qu’une telle question de grands enjeux pour le pays, est loin d’être une fatalité, ni une variable en soi, c’est-à-dire gagnée ou perdue d’avance, loin s’en faut. Elle ne saurait non plus, dans cette optique, être considérée comme une variable indépendante, c’est-à-dire déterminante pour le développement de la RCA (ou son alternative). Mais il convient plutôt pour en rendre compte, de l'envisager en tant que phénomène complexe qui requiert d'être saisi comme une combinaison de variables multiples. C'est sur cette base que la RCA peut affronter les défis géopolitiques et géoéconomiques auxquels la soumet cet enclavement. Pour affronter activement et positivement ce défi, une véritable restructuration mentale et institutionnelle s'avère nécessaire, qui permettrait à ce pays d'explorer les moyens de coopération et d'intégration sous-régionales, en facilitant l'accès à la mer. En se donnant les moyens d'une telle stratégie, le Centrafrique peut alors mériter son nom, celui dont l'a baptisé son père fondateur, Barthélemy Boganda dans les années 50, soucieux d'affirmer le leadership en Afrique centrale.

D'où, nécessité de vaincre le syndrome de  l'enclavement en RCA.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

1. MOUZOULOUA D., Le destin africain du développement. Une détermination anthropogénèsique, in la revue camerounaise de sociologie et anthropologie, Vol. 2, n° 1, juin 2005, pp. 174-201.

2. NKOA F.C., Le leadership économique du Cameroun en zone CEMAC : obstacle ou atout à l’intégration régionale ? », Enjeux, n°22, Janvier-Mars 2005, pp. 21-26.

3. NTUDA EBODE, Les enjeux pétroliers dans le golfe de Guinée, in Diplomatie, n° 7, février-mars 2004, pp. 44-

4. PRISO-ESSWE S.J., L’intégration économique en Afrique centrale est-elle otage de leadership ? Enjeux n° 22 Janvier-Mars 2005, pp. 27-30.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TABLE DES MATIERES

Avant propos ......................................................................................................................................... 1

Préface................................................................................................................................................... 2

Introduction ........................................................................................................................................... 3

MER, RIVAGE ET ENCLAVEMENT GEOGRAPHIQUE DU CENTRAFRIQUE....................... 4

 

Une configuration spatio-territoriale sans accès direct à la mer ni aux rivages marins....................... 4

Les conséquences socio-économiques et géo-économiques d’un accès dépendant à la mer............. 5

Polarisation autour de Douala comme plate-forme commerciale et issue maritime ......................... 6

 

MER, RIVAGE ET ENCLAVEMENT INSTITUTIONNEL DE LA RCA.. ................................... 7

 

La retraduction institutionnelle des contraintes d’un accès dépendant à la mer............................... 7

Les entraves administratives et procédurales à l’accès à la mer ...................................................... 8

L'insuffisance des stratégies économiques de correction de la continentalité par l'intégration

régionnale institutionnelle... ................................................................................................................. 9

 

RIVAGES FLUVIAUX DANS LES STRATEGIES DIVERSIFIEES D’ACCES A LA MER : L’HORIZON D’UN DESENCLAVEMENT TRANSACTIONNEL........................................................................ 11

 

Les enjeux de l’exploitation des rivages oubanguiens : la transition vers les débouchés maritimes de Pointe Noire et de Matadi :.............................................................................................................................. 12

Les contraintes politico-économiques récurrentes sur le trafic fluvial RCA-Congo-RDC............... 13

La nécessité de juguler le syndrome de l’enclavement comme déficit d’accès à la mer................... 15

 

ACCES A LA MER, UN DEFI A VARIABLES MULTIPLES : LA COMPLEXITE D’UNE STRATEGIE DE DESENCLAVEMENT......................................................................................................................... 17

 

La nécessité du désenclavement mental.............................................................................................. 17

La réhabilitation des connexions routières à la plate-forme maritime de Douala............................. 18

L’opportunité d’instauration d’une zone franche ferroviaire Bangui-Douala ................................... 18

La multiplicité des corridors de désenclavement................................................................................. 18

Conclusion.............................................................................................................................................. 20

Bibliographie.......................................................................................................................................... 21

Table des matières................................................................................................................................ 22



[1]     NKOA F.C., Le leadership économique du Cameroun en zone CEMAC : obstacle ou atout à l’intégration régionale ? », Enjeux, n°22, Janvier-Mars 2005, pp. 21-26.

[2]     Trois compagnies d’avion seulement desservent la RCA en vols réguliers : Toumaï Air Tchad, Cameroon Airlines et Air France.

[3]     F.C. NKOA, op. cit.

 

[4]     F.C. NKOA, op. cit.

[5]     Malgré son climat aride et désertique, le Tchad opère la conversion progressive  de ses ambitions belligérantes dans le travail économique productif et exporte en RCA, pourtant bien dotée en terres fertiles, haricot, oignon, ail, huile, poissons fumés, etc.

[6]     S.J. PRISO-ESSWE, L’intégration économique en Afrique centrale est-elle otage de leadership ? Enjeux n° 22 Janvier-Mars 2005, pp. 27-30.

[7]     On peut noter à ce sujet que le principal terme mobilisateur électoraliste du Président Paul Bia est « le Cameroun pays de grandes ambitions ». Ce qui se justifie en partie.

[8]     La RCA est la seconde puissance en Afrique centrale en ressources naturelles et en pierres précieuses après la RDCongo. Mais sa population moins dense (3 800 000 sur 622 984 km2, soit 6,3 habitants par km2, PIB estimé à 701,6), est entretenue dans la débilité par une mentalité réfractaire à l’ardeur au travail, préconisée par le père fondateur B. Boganda. Il fait l’objet de campagnes de dénigrement à travers les anecdotes populaires telle que : « si vous travailler beaucoup, vous subirez le sort de Boganda », qui se traduit par la mort précoce avec risque  d’être exposé seul sous le soleil et la pluie (allusion faite au monument de Boganda à Bangui).

[9]     MOUZOULOUA D., Le destin africain du développement. Une détermination anthropogénèsique, in la revue camerounaise de sociologie et anthropologie, Vol. 2, n° 1, juin 2005, pp. 174-201.

[10]    Montesquieu a affirmé à ce sujet que le climat tempéré d’Europe est propice à la réflexion qui engendre le développement, contrairement au climat tropical et chaud d’Afrique. C’est qui est faux sur le plan scientifique.

[11]    V. NTUDA EBODE, Les enjeux pétroliers dans le golfe de Guinée, in Diplomatie, n° 7, février-mars 2004, pp. 44-47.

 

Dieudonné Mozouloua
Enseignant chercheur univerisité de Bangui RCA.
Coordonnateur URSAD.

 

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