Nations Unies                                                  S/2003/5

Conseil de sécurité

Distr. générale - 3 janvier 2003 - Original: français - 03-20130 (F) 060103 060103
*0320130*

 

La situation en République centrafricaine
et les activités du Bureau des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine

Rapport du Secrétaire général

Introduction

1. Le présent rapport est soumis conformément à la demande du Conseil de sécurité contenue dans la déclaration de son président du 26 septembre 2001 (voir S/PRST/2001/25) dans laquelle le Conseil m’a prié de continuer à le tenir régulièrement informé des activités du Bureau des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BONUCA) et de la situation dans ce pays. Le présent rapport couvre la période de juillet à décembre 2002 et rend compte des activités du BONUCA et des développements significatifs intervenus en République centrafricaine sur les plans politique, sécuritaire, militaire, économique et social et dans le domaine des droits de l’homme, depuis mon dernier rapport en date du 14 juin 2002 (S/2002/671). Le rapport passe également en revue l’évolution récente des relations bilatérales entre la République centrafricaine et le Tchad.

II. Situation politique

2. La période sous revue a été marquée notamment par la reprise du procès des " putschistes ", au terme duquel la Cour criminelle a condamné en août 2002 par contumace et à la peine capitale l’ancien Président Kolingba et 23 autres accusés. La Cour a aussi acquitté d’autres Centrafricains dont l’ancien Ministre de la défense, M. Jean-Jacques Démafouth. Sa relaxe a contribué à l’apaisement et à la décrispation de la situation engendrée par le putsch manqué du 28 mai 2001.

3. En matière de dialogue politique, le Comité de suivi de la " Conférence des partis politiques et des parlementaires" a été mis en place le 8 août 2002, sous l’impulsion du BONUCA. Cette structure, composée de représentants de la majorité et de l’opposition et chargée de la mise en oeuvre des recommandations de la "Conférence des partis politiques et des parlementaires ", se réunit régulièrement. Les antagonismes entre le pouvoir et l’opposition se sont exprimés au sein de la Commission électorale mixte indépendante (CEMI) dont les travaux ont été boycottés par l’aile radicale de l’opposition au motif que le Gouvernement n’avait pas respecté son choix lors de la composition du Bureau de la CEMI. La Commission a été mise en place en juin 2002 pour veiller au bon déroulement des élections municipales initialement prévues pour la fin de l’année et reportées à 2003 par le Gouvernement.

4. Les relations majorité-opposition se sont également crispées après l’attaque de Bangui, le 25 octobre 2002, par les éléments de Bozizé. Les autorités ont accusé des leaders de l’opposition de complicité avec les assaillants. L’opposition a de son côté dénoncé à l’Assemblée nationale les exactions perpétrées par les hommes de M. Jean-Pierre Bemba venus de la République démocratique du Congo pour appuyer l’Armée nationale centrafricaine. Les partis de l’opposition ont exigé la démission du Gouvernement et la comparution du Président de la République devant la haute Cour de justice pour " trahison et forfaiture ". Les députés de la majorité ont rejeté le 22 novembre 2002 cette initiative et recommandé dans une résolution la tenue d’un dialogue entre toutes les forces vives de la nation et la formation d’un gouvernement de crise, pour faire face à la situa t ion résultant des derniers événements. Le Président Patassé a accueilli favorablement cette recommandation lors de son message du 25 novembre 2002 à la nation. Il a annoncé qu’une table ronde de réconciliation aurait lieu à compter du mois de décembre 2002. En prélude

à ce forum de dialogue, le Comité de suivi de la Conférence des partis politiques et des parlementaires a organisé, avec l’appui du BONUCA, une session extraordinaire de ladite conférence, les 9 et 10 décembre 2002, à Bangui.

III. Situation sécuritaire et militaire

5. La situation sécuritaire et militaire a été marquée par une grande insécurité dans la région nord du pays, où sévit une rébellion armée animée par les partisans de l’ancien chef d’état-major des Forces armées centrafricaines, M. François Bozizé, vraisemblablement appuyés par des éléments armés tchadiens. La détérioration de la situation militaire dans le nord de la République centrafricaine, frontalier du Tchad, a commencé avec les incidents meurtriers intervenus à la frontière commune dans la nuit du 5 au 6 août 2002. Selon les autorités centrafricaines, l’armée tchadienne a pénétré en territoire centrafricain, alors que d’après le Gouvernement tchadien, des mercenaires venus de la République centrafricaine ont attaqué la localité frontalière de Sido-Tchad.

6. La situation était suffisamment préoccupante pour que les chefs d’État de la Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique centrale (CEMAC) et du Mali décident à Brazzaville, le 14 août 2002, de dépêcher en République centrafricaine, au Tchad et au Gabon, une Commission composée de leurs représentants, de l’Union africaine et du BONUCA. La Commission a accompli sa mission du 23 au 31 août 2002 et a remis son rapport au Président Bongo ès qualité de coordonnateur et Président du Comité ad hoc des chefs d’État de la CEMAC pour la relance du dialogue en République centrafricaine.

7. Le Président gabonais a convoqué, à Libreville, les 1er et 2 octobre 2002, un sommet extraordinaire des chefs d’État de la CEMAC et du Mali, auquel ont également pris part le Représentant du Secrétaire général à Bangui et le Président intérimaire de la Commission de l’Union africaine. À l’issue du Sommet, les chefs d’État ont décidé d’envoyer en République centrafricaine, une force d’observation et de sécurisation dont le mandat consisterait à :

a) Assurer la sécurité du Président Patassé;

b) Observer la sécurisation de la frontière République centrafricaine/Tchad;

c) Participer à la restructuration des Forces armées centrafricaines.

Les membres du Conseil ont salué le 18 octobre 2002 (voir S/PRST/2002/28) cette initiative et ont invité la communauté internationale à apporter l’assistance financière, logistique et matérielle requise pour la mise en place de la force régionale de la CEMAC. Les membres du Conseil ont réitéré cet appel les 8 et 26 novembre 2002 (voir SC/7566 AFR/511 et SC/7579 AFR/525).

8. Une réunion des chefs d’état-major des armées des pays concernés, à laquelle le chef de l’Équipe militaire du BONUCA a pris part, a eu lieu à Libreville du 23 au 25 octobre 2002 pour examiner les modalités de mise en oeuvre de la décision des chefs d’État de la CEMAC. Les participants ont arrêté les dispositions techniques et pratiques propices au déploiement de la force. Les travaux étaient en cours d’achèvement lorsque la crise a éclaté à Bangui. En effet, le 25 octobre 2002, après les villes de Kabo, Batangafo, Bogangolo et Damara, la capitale centrafricaine a été attaquée par les partisans de Bozizé, appuyés par des non-Centrafricains. Les assaillants ont été repoussés le 31 octobre 2002 par les forces loyalistes appuyées par un contingent libyen et des éléments de M. Jean-Pierre Bemba.

9. Le bilan des affrontements reste indéterminé. Les sources officielles font cependant état de 105 morts et de 329 blessés. J’ai fermement condamné le 28 octobre 2002 (voir SG/SM/8460 AFR/502) cette tentative de prise du pouvoir par les armes comme d’ailleurs le Conseil de sécurité, qui a réaffirmé le 8 novembre 2002 (voir SC/7566 AFR/511) son soutien aux autorités centrafricaines, en soulignant la nécessité d’une mise en oeuvre rapide des décisions du sommet de Libreville.

10. La mise en oeuvre des décisions du sommet de Libreville a abouti à l’éloignement de M. François Bozizé vers la France à la mi-octobre 2002 et de M. Abdoulaye Miskine au Togo en début novembre 2002. Le déploiement des forces de la CEMAC a pris du retard pour des raisons d’assistance logistique et financière insuffisante. Après l’arrivée de l’élément précurseur de la force à Bangui, le 8 novembre 2002, les troupes n’ont pu être déployées qu’à partir du 4 décembre 2002. Le contingent gabonais, fort de 227 hommes, est en place a Bangui depuis le 8 décembre 2002.

11. Aux plans sécuritaire et militaire, le BONUCA a continué à appuyer les efforts de paix du Gouvernement avec ses voisins. Ses conseillers militaires ont participé à de nombreuses missions : la Commission conjointe République centrafricaine-Soudan de vérification des faits dans les provinces de l’est et du nord-est (juin et juillet 2002) à la suite des affrontements qui ont opposé en mai 2002 des éleveurs soudanais aux communautés frontalières centrafricaines; la mission d’établissement des faits dépêchée à la frontière tchadienne, au lendemain des incidents frontaliers des 5 et 6 août 2002; la mission de surveillance et de contrôle à Bouar (septembre 2002).

12. L’Équipe militaire du BONUCA a soutenu les efforts du Comité technique de désarmement dans sa collecte d’armes et la mise en place des comités locaux de désarmement en province. Les derniers événements ont évidemment engendré une nouvelle prolifération d’armes aussi bien à Bangui qu’à l’intérieur du pays. Néanmoins, l’opération de désarmement, initiée par le BONUCA avec le soutien du Programme des Nations Unies pour le développement et en concertation avec le Gouvernement, se poursuivra. L’absence de financement n’a pas permis la mise en oeuvre du programme de restructuration des forces de défense et de sécurité élaborée avec le concours du BONUCA.

13. L’Équipe de Police civile a participé à l’opération de désarmement et poursuivi ses programmes de formation au profit de la gendarmerie et de la police centrafricaines dans les domaines du renseignement, du commandement, de la

déontologie de l’éthique professionnelle et de la police judiciaire.

IV. Situation économique et sociale

14. La situation sociale est actuellement marquée par de fortes tensions. Les enseignants du secteur public, qui réclament le paiement de neuf mois d’arriérés de salaires, sont en grève depuis septembre 2002 et entendent poursuivre leur mouvement jusqu’au 19 janvier 2003. En conséquence, la rentrée scolaire pour l’année 2002-2003 n’a toujours pas eu lieu dans les établissements publics. Le Gouvernement a pris le 18 octobre 2002 l’engagement de verser aux enseignants un (1) mois de salaire en fin octobre et deux (2) mois de salaire en novembre, après le passage du dossier de la République centrafricaine, le 13 novembre 2002, au Conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI). La crise militaire de fin octobre 2002 et ses répercussions ont bouleversé ce schéma.

15. L’économie centrafricaine continue de subir les graves conséquences de l’absence d’un programme de coopération avec le FMI. Le Gouvernement a pris des mesures d’austérité pour que les dépenses publiques restent dans les limites convenues avec les institutions de Bretton Woods et a poursuivi sa lutte contre la corruption. En juin et juillet 2002, les ministres des finances et des hauts fonctionnaires ont été arrêtés pour malversations financières présumées. Le document-cadre relatif au programme de coopération avec le FMI, a été signé à Washington le 27 septembre 2002 par le Premier ministre, M. Martin Ziguélé. Le Conseil d’administration du FMI a décidé de reporter sine die l’examen du dossier centrafricain initialement prévu le 13 novembre 2002 en dépit des démarches du Premier Ministre auprès du Directeur général du FMI et du Président de la Banque mondiale. La situation économique du pays risque d’être encore plus difficile, si, à brefs délais, un programme avec le FMI n’est pas finalisé. Il y a lieu, à mon sens, d’encourager le Gouvernement dans ses efforts, par la finalisation du programme de

coopération avec le FMI.

V. Situation des droits de l’homme

16. Depuis mon dernier rapport, la situation des droits de l’homme a été marquée par le verdict du procès des auteurs présumés du coup d’État avorté du 28 mai 2001 et les violations graves des droits de l’homme enregistrées après l’attaque rebelle contre Bangui, du 25 octobre 2002.

17. La Cour criminelle a condamné le 26 août 2002 par contumace, à la peine capitale, l’ancien Président Kolingba et vingt-trois (23) officiers et sous-officiers centrafricains pour " crime d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État ". Dix (10) autres accusés ont été condamnés à vingt (20) ans de travaux forcés. Plus de cinq cents (500) militaires ont été condamnés à dix (10) ans de réclusion pour " désertion en temps de crise et évasion ". Le 7 octobre 2002, l’ancien Ministre de la défense, M. Jean-Jacques Démafouth, a été acquitté pour " preuves insuffisantes de culpabilité ", de même que cinquante (50) autres personnes.

18. Au cours de la période sous examen, des cas d’exécutions extra-judiciaires et de disparitions ont été signalés, en particulier depuis les évènements du 25 octobre 2002. Ces atteintes au droit à la vie ont affecté principalement des civils innocents dont certains ont été aussi victimes de pillages, perpétrés aussi bien par les hommes de Bozizé que par les éléments armés de M. Jean-Pierre Bemba. De nombreux viols ont été exécutés par les hommes de M. Bemba dans divers quartiers de Bangui. Il n’est pas formellement établi que les éléments de Bozizé aient commis des exactions, y compris des pillages à Bangui. En revanche, les habitants des villes occupées par ses hommes ont subi de tels actes de leur part. Le BONUCA, en étroite collaboration avec les organisations non gouvernementales, s’emploie à recenser les violations des droits de l’homme commises pendant la crise militaire de fin octobre 2002.

19. La réhabilitation de la prison centrale de Bangui a permis de désengorger les brigades de gendarmerie et les commissariats de police. Les conditions carcérales restent toutefois très préoccupantes, surtout en milieu rural où les détenus déjà exposés à des épidémies, vivent dans des conditions déplorables de promiscuité, d’insalubrité, et de malnutrition.

20. Au titre de ses activités d’appui au renforcement des capacités nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, le BONUCA a organisé du 28 juin au 13 juillet 2002 à Bangui et en province, un stage de formation sur les droits de l’homme et le droit humanitaire, en faveur des éléments de l’Unité de sécurité présidentielle et des Forces armées centrafricaines; du 16 au 27 septembre 2002, en partenariat avec les organisations de jeunesse, une vaste campagne de sensibilisation sur les droits de l’homme a été menée dans les provinces du sud et de l’ouest du pays; enfin, du 21 au 22 novembre 2002, un séminaire de sensibilisation sur les droits et l’intégration socioprofessionnelle des albinos, qui constituent une minorité victime d’exclusion, a été organisé à Bangui.

21. L’impact visible de ces activités est la prise en compte désormais par les autorités de la formation en droit de l’homme dans les recrutements des nouveaux policiers, gendarmes et éléments de la sécurité présidentielle. Grâce aux encouragements renouvelés du BONUCA, la République centrafricaine a ratifié, le 5 juillet 2002, la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, la Convention d’Ottawa du 18 septembre 1997 sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant du 11 juillet 1990.

22. Dans sa déclaration à la presse du 8 novembre 2002 (voir SC/7566 AFR/511), le Président du Conseil de sécurité a notamment recommandé le renforcement des activités du BONUCA en matière d’observation des droits de l’homme. La décentralisation des activités de la Section des droits de l’homme constituera l’une des priorités du BONUCA qui a programmé l’ouverture en 2003 d’une seconde antenne régionale d’observation des droits de l’homme et d’investigation de leurs violations.

23. L’Unité information du Bureau a largement oeuvré en faveur de la vulgarisation des droits de l’homme depuis juin 2002. Une publication mensuelle du BONUCA spécialisée en matière de droits de l’homme a été créée pour assurer une meilleure visibilité de l’action du Bureau dans ce domaine. La Section information du BONUCA a poursuivi de juillet à septembre 2002, dans les provinces du sud et de l’est du pays, sa campagne de sensibilisation pour la consolidation de la paix. Elle a aussi réalisé un film pour la télévision sur le thème de la tolérance dans la coexistence entre Centrafricains. En matière de formation, la Section information a poursuivi ses activités d’appui aux médias par le soutien aux organisations professionnelles des journalistes.

VI. Relations entre la République centrafricaine et le Tchad

24. Les relations entre la République centrafricaine et le Tchad se sont gravement détériorées, suite aux événements du 25 octobre 2002 à Bangui. Les autorités centrafricaines estiment qu’elles détiennent les preuves de l’implication du Tchad dans l’attaque de Bangui. Elles ont présenté à la communauté diplomatique en République centrafricaine, les prisonniers tchadiens faits au cours des affrontements, les pièces saisies sur les assaillants, les matériels et équipements récupérés après l’attaque. Les autorités centrafricaines ont exigé le retrait immédiat des Tchadiens de leur territoire.

25. Les ressortissants tchadiens, qui ont appuyé les combattants de M. François Bozizé, ont pu être recrutés aussi bien au Tchad qu’en République centrafricaine où vit une forte colonie tchadienne, dont certains membres servent dans les Forces armées centrafricaines et l’Unité de sécurité présidentielle. Il est difficilement concevable que des éléments de l’armée régulière tchadienne aient participé à l’attaque de Bangui. En revanche, le Gouvernement de N’Djaména ne pouvait ignorer les préparatifs à sa frontière d’une campagne militaire contre des villes centrafricaines.

26. Le Tchad a rejeté en bloc les accusations centrafricaines. Il estime que "le problème en République centrafricaine est d’ordre interne " et que le Gouvernement de Bangui est à la recherche d’un bouc émissaire à la crise interne que traverse la République centrafricaine. Le Gouvernement tchadien a accusé les autorités centrafricaines d’avoir fait massacrer 150 ressortissants tchadiens à Bangui. Le Gouvernement centrafricain a vigoureusement démenti ces allégations. Le Tchad a demandé la création d’une commission internationale d’enquête. La République centrafricaine ne s’y oppose pas, mais elle exige que l’enquête porte aussi sur l’" agression du Tchad contre la République centrafricaine ".

27. Le Gouvernement centrafricain a proposé la tenue de la session de la grande Commission mixte République centrafricaine-Tchad du 23 au 30 novembre 2002, pour examiner l’ensemble des relations entre les deux États. Le Gouvernement tchadien n’a pas agréé cette proposition, au motif qu’une telle réunion ne pourrait être envisagée qu’à la fin du processus d’application des décisions de Libreville, notamment après le déploiement des forces de la CEMAC.

28. Préoccupés par la vive tension entre le Tchad et la République centrafricaine, les membres du Conseil de sécurité ont organisé le 9 décembre 2002, deux séances privées de consultations avec, d’une part, le Premier Ministre centrafricain et, d’autre part, le Représentant permanent du Tchad auprès des Nations Unies sur le différend qui oppose ces deux pays. Les membres du Conseil ont pu mesurer la tension qui prévaut entre les deux voisins et la menace que celle-ci fait peser sur la stabilité de l’Afrique centrale. Dans la Déclaration à la presse du 10 décembre 2002 (voir SC/7593/AFR/531), le Président du Conseil s’est félicité de l’engagement des parties à réactiver la grande Commission mixte et à mettre en place des patrouilles conjointes à leurs frontières communes. Il a souhaité que les parties saisissent le déploiement de la force de la CEMAC pour normaliser leurs relations d E8s que possible.

29. Il faut espérer que la mise en oeuvre intégrale des décisions du sommet de Libreville du 2 octobre 2002 contribuera à apaiser puis à normaliser les relations entre ces deux pays voisins et frères. J’ai instruit mon représentant à Bangui, le général Lamine Cissé, de continuer à rester à la disposition des deux Gouvernements, dans la recherche d’une solution pacifique à cette regrettable crise.

VII. Observations

30. La situation actuelle de la République centrafricaine reste préoccupante. La relative stabilité et la décrispation progressive qui y avaient cours viennent d’être compromises par la récente tentative de prise du pouvoir par la force des partisans de M. François Bozizé à la fin du mois d’octobre 2002. Le climat de paix sociale, qui prévalait jusque-là, est perturbé, depuis quelques semaines, par des arrêts de travail. L’incertitude sur les perspectives d’un accord économique et financier avec les institutions de Bretton Woods fragilise une situation sociale déjà tendue. La présence d’une rébellion armée dans la région nord du pays, gagnée par l’insécurité et des privations diverses pour les populations locales ou déplacées, sont également des éléments de déstabilisation majeure.

31. Face aux risques d’instabilité de la République centrafricaine et de la sousrégion, je réitère à la suite des membres du Conseil mon appel à tous les partenaires bilatéraux et multilatéraux afin qu’ils apportent l’assistance requise pour le déploiement de la force de la CEMAC en République centrafricaine. Il est important que la communauté internationale aide la République centrafricaine à assurer sa sécurité ainsi que l’intégrité de son territoire. La force de la CEMAC contribuerait au retour de la paix et de la stabilité dans ce pays et apaiserait les tensions avec le Tchad.

32. L’absence d’un programme de coopération entre la République centrafricaine et les institutions de Bretton Woods fait peser une sérieuse hypothèque sur la paix sociale en République centrafricaine. C’est aussi parce que l’État n’a reçu aucune assistance budgétaire depuis bientôt deux (2) ans et qu’il n’a pas les moyens de faire face à ses dépenses salariales, que les travailleurs sont entrés en grève, après avoir observé, avec courage et esprit de responsabilité, dix-huit (18) mois de trêve sociale. Afin d’éviter que la tension sociale actuelle ne débouche sur une situation échappant à tout contrôle, j’invite avec insistance les autorités du FMI et de la Banque mondiale à répondre favorablement aux sollicitations des autorités centrafricaines. Je les encourage en outre à reconsidérer la suspension des activités de leur représentation à Bangui. Je m e réjouis de la reprise d’un dialogue constructif entre les autorités centrafricaines et les officiels des institutions de Bretton Woods. Le Gouvernement centrafricain a indéniablement fait de louables efforts en matière de réformes économiques. Il convient de l’accompagner dans cette voie.

33. Je me félicite des initiatives du Président Patassé relatives à l’organisation, en décembre 2002, d’une table ronde avec l’ensemble des acteurs politiques, des syndicats et de la société civile. Le Président Patassé répond ainsi à une des recommandations des membres du Conseil de sécurité relative à la tenue d’un dialogue national. Mon représentant en République centrafricaine, le général Lamine Cissé, et le BONUCA restent à l’entière disposition du Gouvernement pour apporter tout l’appui nécessaire à l’organisation et à la réussite de ce forum.

34. J’exhorte à nouveau les Présidents Patassé et Déby à ne ménager aucun effort pour relancer et renforcer la coopération constructive entre leurs pays et éviter toute action qui pourrait contribuer à leur déstabilisation. Je les encourage à réactiver l’ensemble des mécanismes de coopération établis entre leurs pays. À cet égard, j’aimerais rendre un hommage mérité aux chefs d’État de la CEMAC et du Mali et au Président intérimaire de la Commission de l’Union africaine pour les sages décisions qu’ils ont prises à Libreville, en vue de consolider la paix en République centrafricaine, en particulier, et dans la sous-région, en général. J’aimerais, tout particulièrement, féliciter et remercier le Président Bongo, qui continue de s’investir sans relâche pour la paix en République centrafricaine et en Afrique centrale.

35. Je voudrais enfin rendre un hommage appuyé à mon représentant, le général Lamine Cissé, ainsi qu’au personnel du système des Nations Unies pour le dévouement dont ils ont fait montre pendant cette période particulièrement difficile et éprouvante, dans l’exercice de leurs activités et de leurs fonctions.


Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 13