Quelques
raisons profondes qui expliqueraient la persistence des arriérés en
Centrafrique
Il y a quelques mois,
nous écrivions que la pratique de la corruption par les centrafricains
eux-mêmes et par les hommes d’affaires étrangers dans le pays, et, les détournements
de deniers publiques par les hommes au pouvoir et autres agents de
l’administration centrafricaine, n’expliqueraient pas à eux seuls la très
mauvaise santé des finances de l’état et l’aridité de ses caisses.
Un individu pour se tirer
d’affaire ou pour gagner plus de profit, avait corrompu en donnant ou s’était
laissé corrompre en acceptant de l’argent qui aurait dû aller aux caisses de
l’état pour la bonne marche des services publiques que les citoyens attendent
de l’administration centrale. Ce
faisant, chaque citoyen avait coupé ou regardé couper la branche sur laquelle
celui-ci avait trouvé refuge, et, payait par conséquent le prix cher des
actions cumulées de cette rituelle. Un autre exemple avait été celui de cette
personne qui avait “mouillé la barbe” ou donné une somme d’argent au policier,
au gendarme, ou au douanier, au lieu de verser une amende ou des taxes plus
substancielles dans les caisses de l’état. Et si vous pouvez nommer un seul
centrafricain qui ne s’était jamais prêté à ce jeu, alors nous parierons que
celui-ci n’avait jamais vu un commissariat de police ou une brigade de
gendarmerie à cent lieux à la ronde. Enfin, ceux sont là quelques exemples
purement anecdotiques. Cependant, ces
petites combines que chaque citoyen
avait considérées comme innocentes, avaient à la longue, privé l’état des
ressources nécessaires pour continuer par exemple à former de bons maîtres
d’école pour les enfants, pour achever les travaux de rénovation du stade
Boganda par exemple, pour renouveller les équipements médicaux des maternités
des villes de l’intérieur du pays, pour installer une cabine téléphonique dans
chaque village important de l’arrière pays, pour fournir des soins d’urgence
gratuits aux malades nécessiteux, etc. Selon
nous, ces actes véreux posés par chacun avaient été la démonstration d’un
manque de civisme. Comment donc feindre
l’étonnement devant le fait que l’état n’aurait pas les ressources nationales
propres pour payer régulièrement ces salaires, ces pensions, ces bourses, et autres
charges que depuis le citoyen réclame? Et il y aurait de nombreux fils du pays
qui croiraient encore que
Par ailleurs, la grande majorité
de ceux d’entre les citoyens qui avaient eu le privilège de servir à divers
postes importants de l’administration, n’avait pas hésité un seul instant pour
confisquer à son profit des biens que l’état lui avait confiés. C’est ainsi que le préfet ou autre chef de
service important en province, qui avait été informé de sa mutation, s’était
dépêché de libérer la résidence administrative ou son service en emportant avec
lui tout ce qui pouvait être enlevé, y compris tous les meubles de ladite
résidence, le véhicule de service ou autre équipement, sous des prétextes
fallacieux ou pour des raisons à dormir
debout. Ces agents de l’état,
diplômés de l’ENAM, de l’IIAP ou d’ailleurs avaient par convenance oublié la
signification des termes état, fonction publique, propriété publique,
acquisition, détournement, criminalité, déontologie, moralité, civisme, etc.
Des crapules ou des truands avaient confectionné des faux et, avec la
complicité des agents de l’état, avaient ponctionné les caisses publiques. Et comme il n’y avait jamais eu de graves
conséquences pour ces hommes d’affaires très entreprenant, à cause des
complicités en hauts lieux, la grande majorité des agents et autres avait ainsi
pris part à ce jeu du partage du gâteau. Les caisses de l’état n’avaient plus de fond
pour contenir ses ressources. Ces
perfusions constantes avaient opéré comme un petit trou dans le fond d’un gros
sac de sésame attaché aux charpentes d’un grenier. Des maisons appartenant à l’état et qui
faisaient office de résidences de fonction à des hauts responsables du
gouvernement, avaient été bradées à vil prix à des particuliers, sans que leurs
ventes aient été ouvertes aux enchères publiques dans les intérêts bien entendu
de l’état. Des dons divers de ciment, de
véhicule, d’hydrocarbure, de machinerie, et, autre équipement de pays amis qui
voulaient vraiment aider le pays, n’étaient jamais arrivés à leurs destinations
et n’avaient jamais entièrement profité au peuple à proprement parlé. Ouvrez donc les yeux et regardez donc dans
quels états minables se trouvent encore aujourd’hui les écoles, les collèges et
les lyçées de Bangui! Fermez les yeux et
devinez dans quels états se trouveraient les centres de santé, les centres
d’apprentissage d’artisans ruraux, les prisons, les abattoirs, les bâtiments
administratifs, les équipements, les axes ruraux, les habitations de fonctionnaires des grandes régions de
l’intérieur du pays! Qu’avait-on fait de
l’argent provenant des impôts et patentes et des exploitations du bois, du
diamant, et de l’or, depuis toutes ces années?
Parti en fumée comme par magie?
Mais enfin, si le citoyen ne protége pas les domaines et ressources de
cet état qui existerait pour et par son peuple, qui donc devrait se charger de
protéger ces intérêts du pays qui sont la somme des intérêts de chacun?
Et si lors des campagnes
électorales ou dans les discours de convenance, les chefs de partis politiques
ou leurs militants avaient parlé de la corruption et des détournements de biens
de l’état comme des maux qu’ils avaient convenu d’éradiquer, tout le monde
attend toujours d’eux la révélation des plans et des stratégies qui mettraient
fin à ce pillage des ressources nationales. Admettons enfin que redresser cette
situation sera un travail de très longue haleine. Mais, est-ce vraiment important de révéler,
une fois encore ici, ces mêmes défaillances?
Qui donc devrait se préoccuper d’y mettre un terme? Chaque fils du pays? Les militants des partis?
Les syndicalistes? Les militaires? Les députés? Le gouvernement? Qui?
Comment? Ou bien cette fois encore est-ce que les valeureux fils de ce
pays attendraient que ce soit
Dans un autre article,
nous avions écrit que les difficultés éprouvées pour engager le processus de
développement du pays pouvaient trouver leur source dans l’incapacité des
technocrates, des politiques, des militaires et des syndicalistes à définir une
idéologie nationale, un plan d’exécution et les stratégies, susceptibles de
mettre en place chaque pièce de l’échaffaudage d’un développement véritable du
pays. Si nous faisons un bilan rapide des actions des différents régimes
poliques et des multiples gouvernements de premiers ministres qui s’étaient
succédés à Bangui, nous pourrions affirmer sans forcer sur notre conclusion que
le développement économique et social du pays avait non seulement continué à
tourner en rond, mais que ce mouvement avait opéré comme une vrille, creusant
une fosse toujours plus profonde et toujours plus large à chaque mouvement du
tourniquet. L’éducation, la santé, le
bien-être, la liberté, la sécurité, la paix, la démocratie, et, les autres
aspirations donneraient aujourd’hui l’impression pour le pays d’être comme au
stade du réveil des luttes d’indépendance dans les colonies. Mais cette indépendance, les enfants du pays
ne l’avaient-ils pas acquise depuis bientôt une soixantaine d’années? Mais que se passe-t-il donc?
Depuis le temps que l’on
en parle, le développement de
Regardons certaines de
ces conséquences en prenant le cas particulier des services de la planification
et des finances de l’état. Depuis le
milieu des années 1975, chaque gouvernement à Bangui avait présenté un budget
annuel de l’état qui précisait numériquement les ressources de l’état, ainsi
que les secteurs prioritaires déterminées par le gouvernement dans lesquels des
dépenses seraient engagées. Chaque année
pour ainsi dire, ces budgets annuels comprenaient les lignes budgétaires
affectées aux salaires des fonctionnaires, aux pensions des retraités, ou aux
bourses d’études pour ne citer que celles-ci.
Nous ne voulons pas refuser d’accorder qu’il y aurait bien évidemment de
nombreuses autres priorités. Mais en
restant uniquement à cette petite liste de trois, nous nous demandons
sincèrement pourquoi tous les gouvernements et l’état avaient été incapables de
tenir leurs engagements de payer régulièrement et à terme échu les salaires,
les pensions et les bourses. Et nous
nous étions posés d’autres nombreuses questions à ce sujet. Est-ce qu’au cours
d’un exercice budgétaire particulier, le gouvernement faisait honorer de
nouvelles dépenses qui n’avaient pas figuré dans le budget initial? Si oui et si l’état n’avait pas enregistré de
nouvelles entrées de ressources supplémentaires, pourquoi donc ces nouvelles
dépenses avaient été approuvées? Par
quelles autorités celles-ci avaient été approuvées? Est-ce que l’Assemblée Nationale qui avait
voté les lois des finances en question avait été consultée à propos de ces
dépenses non anticipées? Est-ce que ces
dépenses supplémentaires étaient légales?
Est-ce que les députés à l’Assemblée Nationale avaient initié une
contre-expertise pour vérifier la validité des hypothèses et des chiffres
contenus dans les projets de budget du gouvernement? Est-ce que l’Assemblée Nationale avait chaque
fois été satisfaite des explications ou des justificatifs du gouvernement? Est-ce qu’une autorité professionnelle
technique ou politique du pays s’était inquiétée de ces dépassements de
budget? Si oui, quelles mesures avaient été
prises pour contenir, sinon pour mettre une fin à cette pratique? Est-ce que les dépenses de l’état avaient été
l’objet d’audits sérieux, autres que les interventions sporadiques de
l’Inspection d’Etat? Quelles en avaient
été les conclusions? Ou bien tout
simplement, est-ce que ces dépenses trouveraient leurs sources dans le fait que
les budgets de l’état avaient toujours été élaborés en prenant pour référence
des estimations économiques éronnées?
Est-ce que les chiffres des revenus de l’état avaient été réalistes? Ou bien est-ce que tout ces exercices
budgétaires n’avaient été que pures fantaisies?
Pourquoi alors manquerait-il de l’argent dans les caisses de l’état pour
exécuter ces budgets? Pourquoi donc pendant toutes ces années les résultats des
exercices budgétaires avaient toujours été au
rouge? Si nous avions voulu parler
de compétence et de leadership, ces deux qualités manqueraient comme vous
pourriez le deviner, à plusieurs niveaux des institutions de l’état. S’il avait bien existé des lois, des règles
et des prescriptions, celles-ci n’étaient pas respectées par les autorités et
les institutions qui les avaient créées, qui étaient supposées les préserver et
qui avaient la charge de veiller à leur application.
Si les finances d’un pays
souverain et prétendument riche comme
Mais qu’est-ce qu’il
faudrait faire pour mobiliser les enfants du pays, pour véritablement éduquer
le peuple, pour rassembler les compétences, pour sauvegarder les intérêts
suprêmes du pays, pour opérer régulièrement des bonnes réformes des affaires de
l’état, et. pour remettre
Jean-Didier Gaïna
Virginie, Etats-Unis d’Amérique
Actualité Centrafrique de sangonet