Les Forces nouvelles de la d'ivoire décrètent l’état d’urgence et évoquent l’imminence d’une reprise du conflit

BOUAKE, le 29 octobre 2004,  Nations Unies (IRIN) - Le mouvement des Forces nouvelles qui contrôle la moitié nord de la Côte d’Ivoire a décrété jeudi l’état d’urgence et évoqué l’imminence d’une reprise de la guerre civile.

«Le désarmement n’est plus d’actualité car la guerre n’est pas finie, elle va reprendre bientôt,» a déclaré Guillaume Soro, le chef de la rébellion, lors d’une conférence de presse à Bouaké, la grande ville du centre de la Côte d’Ivoire qui sert de quartier général aux Forces nouvelles.

Il a ajouté avoir fait rappeler en consultation les sept ministres, membres des Forces nouvelles et du gouvernement de réconciliation nationale, qui se trouvaient à Abidjan pour assister au conseil des ministres extraordinaire vendredi.

Après la découverte d’un important stock d’armes et de munitions dans un camion de transport de marchandises à Bouaké, le chef d’Etat-major des Forces nouvelles a décrété l’état d’urgence et imposé un couvre-feu de 21h à 6h GMT dans les zones sous son contrôle.

Le colonel Soumaila Bakayoko a précisé que désormais tous les véhicules seront soumis à des fouilles minitieuses, y compris les véhicules des Nations unies et des organisations humanitaires.

Avant la conférence de presse de Soro, les Forces nouvelles ont présenté à la population les 80 kalashnikovs AK-47, neuf lance-roquettes RPG-7, 20 grenades et l’important stock de munitions dissimulés sous des sacs de riz.

Soro a accusé le président Laurent Gbagbo d’avoir introduit clandestinement des armes destinées aux partisans d’Ibrahim Coulibaly, un chef du mouvement rebelle en exil connu sous le pseudonyme de «IB», et considéré comme le principal concurrent de Soro à la tête du mouvement.

Au moins 99 personnes sont mortes en juin au cours des deux jours d’affrontements qui ont opposé les partisans de Soro et d’IB à Korhogo, la grande ville du nord de la Côte d’Ivoire, selon le rapport d’enquête de la mission des droits de l’homme des Nations unies publié à la suite de ces événements.

Le rappel des ministres à Bouaké est conforme aux habitudes des Forces nouvelles, qui ont déjà suspendu deux fois en treize mois leur participation au gouvernement de transition à la suite d’à-coups dans le processus de paix initié à Marcoussis en janvier 2002.

Lors de la réunion d’Accra III du 30 juillet, le président Gbagbo, les Forces nouvelles et les partis de l’opposition parlementaire ont convenu d’un calendrier pour l’application rapide des réformes politiques et le démarrage du processus de désarmement.

Mais les réformes n’ayant pas été adoptées par le  parlement ivoirien à la date butoir du 30 septembre, les rebelles ont refusé de restituer leurs armes aux forces de maintien de la paix de l’ONU le 15 octobre, comme le prévoyait l’accord d’Accra III.

La guerre civile a éclaté en septembre 2002 et les forces rebelles ont rapidement pris le contrôle du nord de la Côte d’Ivoire, dont les exportations de cacao et de café en ont fait un des plus riches pays d’Afrique de l’ouest.

Les combats ont cessé sept mois plus tard à l’issue des accords de paix de Linas-Marcoussis, signés en janvier 2003 sous l’égide de la France.

Mais Gbagbo n’a jamais caché sa désapprobation vis-à-vis des accords de Marcoussis, arguant qu’ils font trop de concessions aux rebelles. Son parti, le Front populaire ivoirien (FPI), et lui-même ont montré très peu d’enthousiasme à appliquer les réformes politiques souhaitées par l’accord de paix d’Accra III avant la tenue des élections présidentielles prévues en octobre 2005.

Les rebelles ont justifié leur refus de désarmer par le non-respect du calendrier des réformes à adopter et à mettre en oeuvre.

Malgré la présence en Côte d’Ivoire de 4000 militaires français et de 6000 casques bleus, chargés de s’interposer entre les deux belligérants, les nombreuses crises que le gouvernement a connu l’année dernière laissent craindre une reprise du conflit.

La tension est montée d’un cran mardi après un accrochage entre des rebelles et une patrouille des forces françaises, à 50 km au sud de Korhogo, a indiqué un porte-parole militaire français.

A Abidjan, les «jeunes patriotes», le mouvement des jeunes miliciens partisans du président Gbagbo, ont saisi et déchiré les journaux de l’opposition vendus dans les rues.

La plupart des réformes politiques demandées par les Forces nouvelles et leurs partisans visent à accorder plus de droit aux quatre millions d’étrangers et à leurs descendants vivant en Côte d’Ivoire et originaires d’autres pays d’Afrique de l’ouest.

A l’ordre du jour du conseil des ministres de vendredi figurent la révision du code de la nationalité et la création d’une commission électorale nationale indépendante. Celle-ci sera chargée de superviser les prochaines élections ainsi que l’organisation d’un référendum pour approuver les modifications constitutionnelles et permettre aux enfants d’immigrés de se présenter à la présidence de la République.

Selon un conseiller proche du Premier ministre de transition, Seydou Diarra espère toujours que les rebelles se rendront à la réunion.

« Le Premier ministre ne peut se prononcer pour le moment, mais je suis convaincu que, jusqu’à la dernière minute, il espérera voir tous les ministres participer à la réunion,» a confié ce conseiller à IRIN.

La présidence ne s’est toujours pas prononcée sur ces derniers évènements.

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