Le massacre de Gatumba au Burundi : bilan et réactions


Burundi : l'ONU demande que la lumière soit faite sur le massacre de Gatumba

Nations Unies, New York, 15 août2004 - Alors que le dernier décompte des réfugiés congolais massacrés dans le camp de Gatumba dans la nuit du 13 au 14 août fait désormais état de plus de 160 morts, le Conseil de sécurité et le Secrétaire général de l'ONU ont exprimé aujourd'hui condamnations et indignation, le Conseil demandant aux autorités du Burundi et de la République démocratique du Congo de coopérer à l'action entreprise pour identifier et traduire en justice les « auteurs et les responsables » de ces crimes.

 A l'issue de consultations à huis clos, les membres du Conseil ont également demandé, dans une déclaration effectuée en leur nom par le Président du Conseil de sécurité, l'Ambassadeur de la Fédération de Russie, Andrey Denisov, à tous les États de la région de veiller au respect de l'intégrité territoriale de leurs voisins.

 Le Conseil rappelle à cet égard la déclaration sur les principes des relations de bon voisinage et de coopération, adoptée à New York le 25 septembre 2003, et les encourage à redoubler d'efforts pour assurer la sécurité des populations civiles sur leur territoire, y compris les étrangers à qui ils accordent refuge.  

Il prie par ailleurs la Représentante spéciale du Secrétaire général pour le Burundi, en liaison avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour la République démocratique du Congo, d'établir les faits et de lui en faire rapport aussi rapidement que possible.

 Kofi Annan exhorte pour sa part les gouvernements transitoires de la RDC et du Burundi ainsi que le gouvernement du Rwanda d'agir avec retenue et de faire en sorte qu'une détérioration accrue de la situation dans la région soit évitée.

 Dans une déclaration transmise par le Bureau de son porte-parole, il encourage les Gouvernements de la RDC et du Rwanda d'établir de toute urgence un mécanisme de vérification conjoint, auquel participeraient l'Ouganda et le Burundi, lequel aiderait à limiter l'action des groupes armés qui opèrent dans les zones frontalières.

 Le Secrétaire général offre à ces gouvernements tout l'appui dont ils auraient besoin pour les aider à rétablir la paix et la stabilité et mettre fin aux tensions qui ont causé tellement de souffrances parmi la population innocente de la région.

 L'ONUB, l'Opération de l'ONU au Burundi, avait signalé, hier, dans un communiqué, le massacre de la nuit précédente, dont un premier bilan s'établissait déjà à 250 victimes, tous des réfugiés originaire de la République démocratique du Congo (RDC), tuées ou blessées par balles ou à la grenade, alors qu'ils étaient hébergés dans un camp de transit à 16 Km de la capitale burundaise Bujumbura.

 La Mission de l'ONU a fait part de son indignation à l'égard d'une attaque qui n'a épargné ni les femmes, ni les enfants ni les bébés et s'en est pris exclusivement aux membres de la communauté Banyamulenge (ethnie congolaise proche des Tutsis du Rwanda) qui ont été, a précisé l'ONUB, abattus et brûlés dans leurs abris. Les Burundais, revenus d'exil et qui se trouvaient dans le camp, n'ont pas été attaqués, ajoutait l'ONUB, dans son communiqué d'hier (voir notre dépêche).

 La Mission, dans sa condamnation du massacre, prévenait ses auteurs, dont le FNL (Forces nationales de libération) d'Agathon Rwasa qui a revendiqué l'attaque, qu'ils auront à répondre de leurs actes. Elle se dit prête à faire tout ce qui est en son pouvoir pour protéger les civils et indique attendre les résultats de l'enquête en cours sur « cet acte monstrueux. »

 Il y a deux jours, le 12 août, l'ONUB attirait l'attention sur les affrontements et les violations des droits de l'homme qui se poursuivaient au Burundi. Elle indiquait notamment que les affrontements entre éléments armés continuaient de façon quasi quotidienne, en particulier dans Bujumbura Rural, entre les éléments du mouvement d'Agathon Rwasa, les Forces nationales de libération (FNL), les Forces armées burundaises (FAB) et le Conseil national pour la Défense et la Démocratie – Forces de Défense de la démocratie (CNDD-FDD).

 Le groupe armé d'Agathon Rwasa qui s'est longtemps appelé Parti pour la libération du peuple Hutu - Forces nationales de libération (PALIPEHUTU-FNL) est le seul des principaux mouvements rebelles burundais à n'avoir jamais rejoint le processus de paix, même si des déclarations et des rapprochements l'avaient laissé espérer en janvier dernier.

 Les minorités Banyamulenge vivent depuis plusieurs générations en RDC dans les provinces orientales du Nord et Sud Kivu, limitrophes du Rwanda et leur nationalité congolaise a été à maintes reprises et encore maintenant mise en cause, comme l'indique récemment une dépêche de la Mission des Nations Unies au Congo, la MONUC. On pourrait ajouter que ce questionnement de la nationalité banyamulenge existait avant même que le pays ne prenne le nom de RDC.

 Généralement considérés comme des Tutsis d'origine rwandaise, encore que ce point fasse l'objet de débats, leur protection aurait été une des raisons invoquées par le général congolais, Laurent Nkunda pour marcher sur Bukavu dont il s'est emparé avant que le chef-lieu de Sud-Kivu ne soit repris par les forces gouvernementales et que le général et ses troupes n'aillent s'établir, selon des informations récentes émanant de la MONUC, au nord de Bukavu, dans le secteur de Kalehe.


Déclaration de la Présidence de l'Union européenne concernant l'attaque sanglante contre un camp de réfugiés au Burundi

Emetteur: Présidence de l'Union Européenne
Thème: International | Problèmes sociaux

La Présidence de l'Union européenne a pris connaissance avec horreur et indignation de l'attaque qui s'est produite vendredi 13 août dans la soirée contre un camp de réfugiés au Burundi, situé près de la frontière avec la République démocratique du Congo (RDC). Selon les premières nouvelles, plus de 135 réfugiés Banyamulenge (Tutsi) en provenance de la RDC, surtout des femmes, des enfants et des bébés qui avaient auparavant fui la violence dans l'Est de la RDC ont été tués tandis qu'une centaine de réfugiés ont été blessés. Une attaque qui s'est produite au même moment, et à proximité, contre un camp militaire et un poste de la gendarmerie a été revendiquée par le mouvement rebelle burundais FNL. Pour l'instant, il n'y a pas de certitude sur l'implication du FNL dans les assassinats dans le camp de réfugiés. D'après l'information disponible, des attaquants ont franchi la frontière avec la RDC à la fin des combats.

La Présidence européenne s'attend, conformément aux annonces déjà faites par le président burundais Ndayizeye, à ce que tout soit mis en oeuvre pour déterminer l'identité des auteurs de cette attaque lâche et répréhensible, pour les arrêter et les traduire en justice. La Présidence acceuille positivement l'annonce faite par le gouvernement de la RDC de l'envoi au Burundi d'une commission d'enquête afin d'aider à faire la lumière sur les meurtres et contribuer à la recherche de leurs auteurs. La Présidence encourage le gouvernement du Burundi à garantir autant que possible, et en étroite coopération avec le Nations Unies, la sécurité des réfugiés et de la population au Burundi.Cette attaque sanglante démontre une fois de plus la nécessité pour toutes les parties impliquées dans le conflit au Burundi d'intensifier leurs efforts sans tergiverser afin d'arriver à une véritable paix durable. La Présidence souligne à cet égard que le FNL devra omettre tout acte de violence et devra s'engager sans tarder dans des négociations pour la conclusion d'un accord de paix. Un cessez-le-feu immédiat entre le FNL et le gouvernement devra constituer le premier pas dans cette direction. Le Sommet de l'Initiative régionale qui se déroulera cette semaine à Dar es Salaam offrira une excellente occasion pour progresser dans la mise en oeuvre de l'Accord d'Arusha, et ouvrir la voie aux élections.

News Press (16 août 2004)


Burundi: les rescapés du massacre de Gatumba enterrent leurs morts lundi

GATUMBA (AFP), lundi 16 aout 2004, 8h35 - Les parents des quelque 160 victimes du massacre perpétré vendredi au Burundi contre des réfugiés congolais tutsis pleuraient dimanche leurs morts, alors que le Burundi a fermé sa frontière avec la République démocratique du Congo (RDC) à la suite de cette tuerie.

 Le Conseil de sécurité des Nations unies a fermement condamné dimanche le massacre perpétré vendredi dans un camp de réfugiés au Burundi et appelé ce pays et la RDCongo à coopérer pour que ses auteurs soient traduits en justice.

 Le secrétaire général de l'Onu Kofi Annan a condamné aussi le massacre en termes identiques, en se déclarant "choqué et scandalisé" par cette tuerie.

 La frontière entre ces deux pays a été "fermée pour raisons d'enquête", a annoncé dimanche soir à l'AFP le ministre burundais de l'Intérieur, Simon Nyandwi.

 Cette décision est "appliquée" depuis dimanche, a précisé un haut responsable des services de renseignements burundais qui a requis l'anonymat.

 Le président burundais, Domitien Ndayizeye, avait parlé samedi d'une attaque par une "coalition" de divers "éléments venant de la RDC" voisine. Les autorités burundaises avaient en outre prévenu de la possibilité d'autres attaques "imminentes" contre les réfugiés congolais tutsis au Burundi.

 Les obsèques des victimes de Gatuma, initialement prévues dimanche, ont finalement été reportées à lundi 13h00 (11h00 GMT) en raison de problèmes de logistique. Elles seront organisées au Burundi, à proximité du lieu du drame.

 "Il n'y a pas encore suffisamment de cercueils, les tombes ne sont pas encore prêtes. Et on attend des membres des familles des disparus (en provenance) de Kigali et Kinshasa", a expliqué à l'AFP le ministre burundais de la Formation professionnelle, Gaudefroid Hakizimana.

 Le bilan de l'attaque, toujours provisoire, varie entre 150 et 165 morts. Selon l'armée burundaise, il y a eu 159 morts, et selon l'Opération de l'Onu au Burundi (Onub) et le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), "plus de 150 morts".

 Le président de la communauté des réfugiés banyamulenge (Tutsis congolais) à Gatumba, Enoch Niyontezeho, évoque lui "au moins 165 morts".

 Les rebelles burundais des Forces nationales de libération (FNL) ont très vite revendiqué cette attaque sanglante, perpétrée à la machette, au couteau, à la houe, à la grenade, à l'essence et avec des armes à feu.

 Toutefois, selon plusieurs sources, des Congolais et des extrémistes rwandais hutus, basés en RDC, faisaient également partie des assaillants, rassemblés dans une "coalition" anti-tutsie.

 Plusieurs questions restaient en suspens dimanche, notamment sur l'attitude de l'armée burundaise.

 Selon un haut responsable de la police burundaise, qui a requis l'anonymat, les autorités avaient été prévenues cette semaine de l'imminence d'une attaque visant les réfugiés congolais. L'armée a toutefois nié cette information.

 La situation géographique du camp de Gatumba, géré par le HCR, était aussi l'objet de polémique.

 "On attendait depuis deux mois le feu vert du gouvernement burundais pour déplacer le camp" dans un endroit plus sûr, éloigné de la frontière", s'est défendue la coordinatrice des opérations d'urgence du HCR au Burundi, Christine Neveu.

 Ce massacre, que certains rescapés qualifient d'actes de "génocide", a unanimement été condamné par la communauté internationale.

 L'Union africaine (UA) a dénoncé ces "actes de barbarie".

 Un sommet extraordinaire de chefs d'Etat consacré notamment à ce massacre s'est tenu dimanche à Pointe-Noire (Congo) autour du chef de l'Etat nigérian Olusegun Obasanjo, également président en exercice de l'UA. Le président rwandais Paul Kagame était notamment présent.

 La Grande-Bretagne s'est dite "choquée" par le massacre. La France, l'Allemagne et la Belgique, ancienne puissance coloniale, ont également condamné cette tuerie et appelé à punir les coupables.

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