Un proche parent d’Houphouët-Boigny : «Mon témoignage pour l’histoire»

 

I- LES RAISONS D’UN LONG SILENCE

Ma famille maternelle, fondatrice du village d’Atchinkwassykro, est héritière de droit de Nanan Atchinkwassy , arrière grand-père en lignée patrilinéaire du président Félix Houphouët-Boigny.

J’ai été intronisé en 1997 en qualité de Haute Autorité Morale du patrilignage du président Houphouët-Boigny. Mes responsabilités s’étendent à tous les parents résidant à Atchinkwassykro, Goroyakro, Yamoussoukro-Kpangbassou, Zaakro, N’Doukahakro, Kouamé Bonou et à toutes les diasporas établies dans les zones à exploitation caféière et cacaoyère.
Le rassemblement et l’organisation d’une communauté aussi vaste sur des bases d’une vie de solidarité agissante exige énormément de disponibilité. Ma participation à la vie associative de mon parti, le PDCI-RDA, s’en est malheureusement ressentie.
Par ailleurs, de nombreuses difficultés liées à mon état de santé depuis l’entame de l’année 1997 n’ont rien facilité.

A peine j’en émergeais que nous sommes entrés dans l’ère des convulsions ouvertes par le coup d’Etat du 24 Décembre 1999. Enfin, pour donner droit aux obligations de ma charge, je me devais de me garder de prendre une part trop active à l’interprétation des raisons qui ont conduit la Côte d’Ivoire dans l’imbroglio actuel.
Mais ce devoir de réserve que je m’étais imposé ne m’a pas empêché, pour autant, de suivre l’évolution de cette série de crises et d’en rechercher les raisons fondamentales. C’est dire que ma distanciation par rapport à la politique politicienne ne fut, somme toute, que relative.

Aujourd’hui, en tant que croyant en Dieu unique, Source intarissable de Vérité, de Justice et d’Amour, j’ai décidé de rompre le silence en apportant mon modeste éclairage à mes concitoyens afin de les aider, un tant soit peu, à se situer en ces moments de dures épreuves.

II- MON ANALYSE DES ORIGINES DE LA CRISE ACTUELLE

Du vivant du président Houphouët -Boigny, je l’avais très souvent écouté et décrypté ses silences. J’ai aujourd’hui un témoignage de croyant et de militant du PDCI–RDA à partager avec l’ensemble des membres et autres sympathisants du parti.
Je voudrais, avec insistance, que l’on ne perçoive ici que la contribution d’un citoyen épris de paix, convaincu que ni le mensonge ni la duplicité ne conduiront à la paix tant recherchée par tous les êtres sensés.

II-1. La colonne vertébrale de la pensée et de l’action politiques du Président Félix Houphouët Boigny.

Je ne voudrais aucunement attenter à la mémoire de cet illustre fils que Dieu a donné à la Côte d’Ivoire et à l’Afrique. Au regard de la pérennisation du fabuleux héritage qu’il nous a légué, je retiens qu’au départ était Félix Houphouët-Boigny et ses compagnons de lutte, syndicale et politique, qui ont conduit la Côte d’Ivoire à l’indépendance.
Le profil intellectuel et la moulure culturelle des premiers compagnons les inclinèrent, tout naturellement, à lui réserver les fonctions de penseur et de dirigeant total. Il devint ainsi le Grand Timonier. Certes le PDCI-RDA demeurait un creuset et continuait d’accueillir plusieurs franges de brillants cerveaux. Mais, la rupture fatale pointait déjà à l’horizon. Félix Houphouët-Boigny était le seul à penser les objectifs du développement de la Côte d’Ivoire, à en maîtriser les stratégies de réalisation et enfin à tisser la toile de l’environnement diplomatique de notre pays. La maison tint pourtant bon jusqu’en 1988.

A partir de là, la crise économique et sociale ainsi que des pressions extérieures très fortes émanant surtout des institutions de Bretton Woods effarouchées par l’arrêt du paiement de la dette extérieure, ont engendré la troisième génération, celle de tous les malheurs, symbolisée par l’irruption de Monsieur Alassane Dramane Ouattara sur l’échiquier politique national.
L’avènement de cette génération imposée à Houphouët-Boigny a été ressentie comme une trahison par ceux qui œuvrèrent jusque-là à ses côtés.


II-2. Les fautes des héritiers

La suite de l’histoire, c’est cette sempiternelle guéguerre des héritiers. Le PDCI-RDA, visiblement, s’affaiblissait. C’est en ce moment que le Président Henri KONAN BEDIE accède au pouvoir d’Etat après le décès du Père de la nation le 07 Décembre 1993. Cet affaiblissement a été accentué par la floraison à la fois spontanée et provoquée des clubs de soutien, les fameuses cent fleurs qui, dans la pensée comme dans les faits, ont été voulues pour supplanter les structures de base du PDCI-RDA, alors confinées dans des rôles subalternes, sans ressources. Nous sommes en 1994.

A partir de ce moment, les adversaires internes et les ennemis externes tapis dans l’ombre s’activaient à porter, le moment venu, le coup fatal.
Certes, le Bureau Politique continuait d’exister, du moins dans la forme parce que réduit à la fonction d’une caisse d’enregistrement des décisions prises, en catimini, ailleurs.
De ce point de vue, il convient que nous reconnaissions que nous nous sommes tous employés, soit par cupidité, soit par incompétence ou soit par lâcheté, à semer et à arroser, avec zèle, les germes déstabilisateurs de nos nobles ambitions pour la Côte d’Ivoire, de notre cohésion et de notre dynamisme. Oui, nous avons tous été coupables. Nous aurions dû extirper, à temps, les redoutables cancers que furent le Cercle National Bédié, l’absence totale de communication entre le sommet et la base et vice versa, l’ivoirité, la propension forte à l’autocratie et le culte de la personnalité. La prolifération de ces cancers ne nous a laissé aucune chance. Inconsciemment certes, mais assurément, nous avons justifié l’opportunité du coup d’Etat du 24 Décembre 1999 et facilité sa réalisation.


II-3. Les dangereuses omissions du Président Laurent GBAGBO

Monsieur le Président Laurent GBAGBO qui avait toutes les raisons pour ne pas voler au secours du PDCI-RDA, l’adversaire irréductible devenu l’ennemi inconciliable, accède au pouvoir en Octobre 2000 dans des conditions reconnues scabreuses et calamiteuses au lendemain des élections présidentielles.
Monsieur le président Laurent GBAGBO qui avait fait, à mon avis, une analyse intelligente de la situation en organisant le Forum pour la réconciliation, ne semble pas avoir tiré, pour autant, toutes les conséquences du contexte exceptionnel dans lequel il accédait au pouvoir d’Etat.
Le président Laurent GBAGBO aurait dû saisir l’opportunité qu’offrirent les prestations burlesques de Monsieur Alassane Dramane OUATTARA au forum de la réconciliation nationale en brandissant des preuves surréalistes de sa nationalité ivoirienne pour requérir une commission rogatoire aux fins de faire éclater, une fois pour toutes, la vérité. Hélas, la détermination machiavélique de Monsieur Seydou Elimane DIARRA et consorts à imposer, coûte que coûte, cette supercherie aux Ivoiriens eût raison de la volonté, pourtant manifeste, du Président Laurent GBAGBO de libérer et de réconcilier véritablement les Ivoiriens avec leur souveraineté et leur soif inextinguible de paix.
Le Président Aimé Henri KONAN Bédié qui, deux années plus tôt, avait lancé un mandat d’arrêt international contre Monsieur Alassane Dramane OUATTARA alors exilé à MOUGINS (France), pour faux en écriture administrative relative à sa nationalité,, aurait dû voler au secours de la vérité. Mais hélas, rien ne vînt de ce côté-là.
Feu le général Robert GUEI qui fut un témoin de premier ordre du débat national sur le ET et le OU, débat somme toute consacré aux nombreux doutes que partageait le peuple ivoirien quant à l’appartenance de Monsieur Alassane Dramane OUATTARA à la terre d’Eburnie, se tût lui aussi.

En dépit des déclarations hautement responsables de l’Honorable Député de Bako, Monsieur Mamadou Ben Soumahoro, à travers son «dossier en béton» sur les forfaitures de Monsieur Allassane Dramane OUATTARA, Monsieur le Président Laurent GBAGBO, par son manque de réaction appropriée, finit par convaincre les Ivoiriens que cette affaire ne le concernait pas.
Ici, naquit l’alliance indéfectible et diabolique des mauvais perdants, ceux-là mêmes qui forment aujourd’hui, à quelques unités près, la composante du G7. Ainsi, sans crier gare, les ennemis de la paix et de la prospérité en Côte d’Ivoire allaient s’atteler à la tâche pour nous servir l’inoubliable et terrible nuit du 18 au 19 septembre 2002.
Monsieur le Président, vous auriez eu le bon réflexe au bon moment que votre programme de refondation qui, selon vous, ambitionnait une ré-appropriation par les Ivoiriens du destin de leur pays serait aujourd’hui mis en œuvre, dans un environnement socio-politique favorable.
Par ailleurs, Monsieur le Président, vous auriez dû fédérer réellement, c’est-à-dire sans arrières-pensées, toutes les forces politiques ainsi que l’avait recommandé la rencontre de Yamoussoukro avant le scrutin présidentiel d’octobre 2000.
Mais, je conviens que cela exigeait au préalable, beaucoup plus de lucidité, de discernement et de distanciation vis à vis à la fois de l’accession du F.P.I au pouvoir et à l’exercice, par vous-même, du pouvoir d’Etat que vous découvriez en grandeur nature.


III- L’EVOLUTION DE LA CRISE

III-1. Les avatars du devoir d’ingérence

Face au pourrissement de la situation pour nos populations qui n’en peuvent plus, il faut commencer par mettre un terme au tourisme diplomatique qui accentue l’angoisse parce qu’on ne voit pas poindre concrètement la solution.
Il faut que les Ivoiriens et les Ivoiriennes comprennent et admettent qu’autant les raisons de la crise sont internes, autant la solution sera interne ou n’adviendra jamais durablement. Nous devons pouvoir nous asseoir pour voir ensemble ce que nous pouvons encore consentir comme sacrifices en vue d’assurer notre survie collective. Le problème Alassane Ouattara me paraît aujourd’hui dépassé. Mais celui qui est loin de l’être, c’est celui de l’indépendance et de la souveraineté de la Côte d’Ivoire eu égard à sa particularité de pays représentant 40% du PIB de l’UEMOA, c’est-à-dire de huit pays. Il nous faut prendre conscience de cette réalité pour comprendre que n’importe quelle solution ne conviendra pas à la consolidation de notre indépendance et de notre dignité. Au demeurant, certains faits devraient nous interpeller. L’exemple du régime de la transition militaro-civile du Général Robert Guéi à qui l’Union Européenne refusait le financement des élections générales en Côte d’Ivoire en 2000, tandis que, quelque part en Afrique Centrale, l’on déroulait le tapis rouge à Laurent Désiré Kabila est suffisamment édifiant à cet égard. L’un et l’autre n’étaient –ils pas des putschistes ? Il nous faut sortir des «logiques» d’immixtion.

La pratique par trop sélective de la logique d’immixtion est inacceptable. Le gouvernement français, par exemple, n’acceptera jamais que le Conseil de Sécurité des Nations Unies vote des Résolutions pour régler le problème Corse. La grande Chine, pourvoyeuse de marchés, va de son chemin tout en étant membre permanent du Conseil de Sécurité. Le grave différend russo-tchetchène ne prive pas la République Fédérale de Russie de jouir d’un traitement de faveur de la part des pays riches réunis dans le G7.

Par ailleurs, comment pouvons-nous comprendre que les divers régimes qui se sont succédé en France, depuis le retrait du général DE GAULLE du pouvoir, aient pu faire bon ménage avec le couronnement de Jean Bedel BOKASSA en qualité d’Empereur de la République Centrafricaine, le renversement du Président Moussa TRAORE par une junte militaire aux ordres du Colonel Amadou TOUMANI TOURE, l’accession de Blaise COMPAORE à la Magistrature suprême du Burkina FASO grâce à l’assassinat odieux de Thomas SANKARA , le renvoi à ses chères études de Pascal LISSOUBA par le Général SASSOU N’GUESSO depuis Paris et Libreville, la prise du pouvoir d’Etat en République Centre Africaine par François BOZIZE depuis Paris, N’Djamena et Libreville, le sacre de Joseph KABILA, fils de feu Laurent Désiré KABILA, comme Président de la République Démocratique du Congo et sa réception, avec tous les honneurs, à une session de l’Assemblée Générale des Nation Unies, le renversement du régime démocratique du Président HABYARIMANA du Rwanda par le Général Paul KAGAME puissamment armé par les Etats-Unis d’Amérique et l’Ouganda etc.?

Pour tenter d’esquisser une réponse, je demande aux puissances industrielles, technologiques et financières de l’Occident qui sont, en réalité, les vraies «propriétaires» de la Banque Mondiale, du Fonds Monétaire et du Conseil de Sécurité des Nations Unies d’arrêter de mépriser le peuple de Côte d’Ivoire car il est, lui aussi, créature de Dieu et façonné à Son image (Ge :1. 26 à 27)


III-2. La démocratie ne saurait être à visage unique

J’admets que la mondialisation-globalisation tend à uniformiser les réflexes des peuples. Mais je dis non à la robotisation des peuples faibles. La démocratie française est différente de ses consœurs espagnole, suédoise, norvégienne et anglaise qui s’accommodent de monarchies. La démocratie n’est donc pas, comme les puissants de ce monde paraissent déterminés à nous l’imposer, un produit exportable sous le label « mondialisation-globalisaiton ».

Je m’insurge de toutes mes forces contre ceux qui prennent prétexte de cette nouvelle donne économico-politique pour dénier aux peuples faibles - parce que pauvres - le droit de rechercher patiemment une adaptation de la démocratie à leur génie propre.
Et puis, les grands pays et les bailleurs de fonds internationaux s’interdisent d’exercer des pressions sur certains autres Etats. En effet, combien de pays démocratiques y a-t-il dans tout le Moyen Orient ?
Je déplore la trop grande assurance affichée à l’époque par François Mitterand. Avait-il réellement mesuré la portée sociologique de son discours qui, à mon avis, avait mis la charrue avant les bœufs ?
Il ne peut avoir nulle part de démocratie agissante et fertilisante lorsque la misère est le lot quotidien des peuples.

Aussi le jeu démocratique est-il très souvent faussé par le tribalisme, la manipulation, la corruption et l’instrumentalisation des forces vives et des velléités nationalistes et patriotiques.. L’Etat existe dans nos pays, sous diverses formes, bien entendu, mais la nation, où est-elle ?
Il ne demeure pas moins vrai que nos pays, dans ce concert des nations où les puissants se donnent bonne conscience en louangeant, à n’en plus finir, la démocratie, la transparence, la bonne gouvernance et la protection des droits de l’homme et du citoyen, ne peuvent refuser obstinément de bouger. Mais la réalité dans nos pays n’est-elle pas aussi celle d’un agrégat de micro-nations confrontées trop souvent à des conflits inter-communautaires ?
La misère et les antagonismes intra et extra ethniques ne favorisent-elles pas la manipulation et la corruption qui restent des virus mortels pour la démocratie ?
Je pense qu’il nous appartient d’adapter objectivement la démocratie à nos valeurs culturelles spécifiques. Je me permets d’apprécier, à cet égard, le travail colossal que réalise Monsieur Amoa Urbain avec les rois et autres notabilités traditionnelles.


III-3. Le discours de la Baule de François Mitterrand et son impact.

Ce discours, en réalité, ne s’adressait qu’aux plus faibles que nous sommes : sinon il aurait du sanctionner aussi le PC chinois. Pour le Président Houphouët qui a fait tout son parcours dans le cadre de la démocratie française, le parti unifié était une étape. C’est pour cela qu’il a laissé l’article 7 dans la première constitution. Il ne s’était jamais proclamé président à vie, tout comme il a favorisé, depuis 1975, le jeu du libre choix des candidats aux élections législatives au sein du PDCI-RDA. Ce processus se poursuivit en 1980 pour les municipales.
Bien évidemment, l’on peut reprocher au Président Houphouët-Boigny sa trop forte présence charismatique qui n’a pas permis, selon moi, l’émergence de véritables leaders politiques à sa mesure et à ses côtés.

Mais s’agissant de la Baule, il faut dire que la France n’a jamais eu en vue que ses intérêts. Le Général De GAULLE ne disait-il pas que les Etats n’avaient pas d’amis mais uniquement des intérêts à défendre ?
Et puis, la manière dont nous Ivoiriens avons accédé à l’indépendance politique a énormément influé sur nos relations avec l’ancienne Métropole.
A y regarder de très près, la France ne respecte que les pays avec lesquels elle a eu des confrontations, des guerres de libération. Les exemples de l’Algérie et de Madagascar l’attestent. La France laisse ces pays aller, à leur rythme, à la démocratie. Radio France internationale, notamment, «n’y croise très souvent pas» pour des condamnations aux violations des droits de l’homme. Elle n’y décèle point de germes de xénophobie, d’antifrancisme et de que sais-je encore ?


IV- LA COTE D’IVOIRE DANS LA FRANÇAFRIQUE

Notre problème, c’est que - toutes choses égales par ailleurs - nous n’avons pas encore, depuis Houphouët-Boigny, de dirigeants politiques ayant un tant soit peu, le profil de serviteurs du peuple. Ils sont, dans leur grande majorité à un stade où ils défendent leurs intérêts de classe de politiciens calculateurs, égocentriques et avides du succès pour eux-mêmes.
Il y a ici , en Côte d’Ivoire, une idéologie de classe dirigeante qui jure avec la lutte souverainiste du peuple. La démagogie et l’égoïsme sont au cœur de la lutte pour la conquête du pouvoir et de sa conservation.

Parfaitement. A cet égard, je voudrais illustrer mon jument en notant que les exigences du PDCI-RDA contre la concession du Port à Conteneurs d’Abidjan au Groupe Bolloré Technologies me paraissent incestueuses d’autant plus que c’est sous le régime PDCI –RDA que cette multinationale a entrepris de dévorer le moindre espace économico-industriel qu’elle pouvait rencontrer sur son chemin.
L’appétit s’affirmant davantage en mangeant , je vous laisse deviner la suite...


V- LES ACCORDS DE MARCOUSSIS ET D’ACCRA III

A mon avis, les accords de Marcoussis et d’Accra III doivent plutôt accompagner nos initiatives propres et non vouloir orienter celles-ci, encore moins prétendre les ignorer. Nous vivons tous les souffrances de nos populations avec le retrait des investisseurs. Ni pour nous, ni pour les pays qui nous environnent, ni pour nos partenaires au développement, il n’est bon que cette situation perdure.

Il est donc temps pour nous Ivoiriens, de tirer les leçons du ballet diplomatique improductif auquel nous nous sommes soumis depuis Linas- Marcoussis pour nous mettre enfin à l’écoute de la Côte d’Ivoire blessée et humiliée. Il nous faut faire confiance à la capacité des Ivoiriens à résoudre, par eux-mêmes, cette crise. Nous avons suffisamment souffert pour nous engager dans la voie du suicide collectif.

Aussi souhaité-je vivement que nos dirigeants politiques de tous bords sachent que leur légitimité et leur dignité exigent qu’ils soient des gardiens irréductibles et incorruptibles des intérêts du peuple. Ils doivent poser les fondements de l’avènement de la nation ivoirienne au sortir de la nuit de cette crise, en poursuivant l’œuvre de Félix Houphouët Boigny avec les arguments d’aujourd’hui. Il nous faut, pour ce faire, revenir à la recherche permanente des équilibres géopolitiques et géostratégiques en évitant de privilégier les intérêts partisans et personnels.


VI- DES APPELS

Je voudrais m’adresser d’abord aux jeunes pour leur demander de ne pas désespérer. Ils doivent croire en à la Côte d’Ivoire. Qu’ils sollicitent le discernement et qu’ils s’humilient devant l’Eternel pour obtenir la réponse à la question qu’ils doivent se poser sur le sens réel de leur engagement. Cet engagement ne devra jamais être pris en otage par quelque dirigeant politique que ce soit. Je leur demande de se préparer à favoriser leur réinsertion après la guerre. Ils doivent consentir tous les sacrifices pour revenir à une vie normale.

Aux Autorités traditionnelles, je rappelle ce proverbe baoulé qui dit que «lorsque vous vous avisez de manger la tête d’un gibier c’est que vous êtes déterminé à regarder avec courage ses yeux». Nous devons avoir le courage politique qui sied aux vrais chefs. Le chef est un symbole vivant de dignité. Evitons donc d’être instrumentalisables et manipulés à souhait.

Aux hommes politiques, à leurs partis respectifs, je rappelle que tout royaume divisé contre lui-même ne peut subsister (Marc 12 : 24). Qu’ils fassent loyalement et solidairement bloc autour des institutions républicaines et ceux que le peuple a choisis pour les incarner afin que le pays soit sauvé. Je souhaite qu’ils ne se lassent pas d’implorer Dieu à genoux. L’on ne saurait diriger sans la vérité, la justice et l’amour. Il est inconcevable de se rendre au rendez-vous du suffrage des citoyens sans se demander s’il y a, encore quelque part, quelqu’un qui a soif de nourriture, de justice, d’amour et de paix.

Politiciens ivoiriens, ouvrez les yeux sur ce qui se passe présentement en France. La prise d’otages journalistes français en Irak a sonné la charge de l’union sacrée autour de la République. Toute la classe politique fait ainsi bloc autour du gouvernement Raffarin pour s’insurger contre le chantage des terroristes, contre l’ingérence extérieure. Tous en chœur, ils réclament la libération sans condition des otages. Tous en chœur, ils refusent d’abroger la loi interdisant les signes religieux ostentatoires dans les écoles publiques. Et pendant ce temps, les mêmes dirigeants français nous imposent de sortir de notre crise par la révision de notre loi fondamentale, notre Constitution.

Alors, je vous demande d’avoir le courage de rompre les alliances infernales pour vous donner de réelles chances d’œuvrer pour la survie du peuple ivoirien dans la dignité.
C’est pourquoi je crois que la Côte d’Ivoire sortira grandie de cette épreuve parce que l’héritage idéologique et praxiologique de Félix Houphouët Boigny qui est immense demeure à jamais et est à notre portée. Puissions-nous y puiser des forces morales et intellectuelles pour bâtir une Côte d’Ivoire plus unie, plus forte et plus prospère.

Au PDCI-RDA, je dirais que, dans la perspective des échéances importantes de 2005, nous devons arrêter nos jérémiades et autres récriminations qui n’ont de mérite que d’accentuer nos divisions et faiblesses. Si une maison est divisée contre elle-même, cette maison ne peut subsister (Marc 12 : V25) Que chacun de nous accepte, dans l’humilité qui sied aux Grands Hommes, de se remettre en cause car le péril pour la survie de l’œuvre monumentale de Félix Houphouët Boigny est grave. Ayons donc l’audace de nous renouveler afin d’être crédibles à nouveau et à temps. Arrêtons de vouloir, coûte que coûte, conserver le vin nouveau dans des cruches trouées. Des hommes et des femmes intelligents et représentatifs sont légions dans nos rangs. Faisons-leur la place que commandent les dures réalités d’aujourd’hui.

Tous ensemble, regardons les faits et les hommes en face et qualifions-les tels qu’ils sont. Nous ne saurons ruser encore longtemps avec la logique.

La victoire aux élections générales de 2005 est possible à la condition que nous résolvions, courageusement, nos contradictions internes. Donnons un souffle nouveau à notre Parti et l’immense patrimoine ivoirien à travers l’œuvre de Félix Houphouët Boigny sera restauré et sauvé.

A vous rebelles travestis en forces nouvelles, comme toute tempête, vous soufflez terriblement certes, mais vous passerez. Ne sentez-vous pas que vous entrez progressivement mais sûrement dans un coma irréversible ? Il est temps que vous convainquiez vos tristes commanditaires et autres alliés des premiers jours, dans la sous-région comme tous ceux des derniers dans notre propre pays, qu’ils doivent accepter votre cuisante défaite. La barbarie et les tueries ne triompheront jamais de la noble résistance et du patriotisme des Ivoiriens. Le ciel ivoirien, comme naguère, sera à nouveau balayé par des brises d’amour partagé, d’espoir vivifiant, car l’Eternel notre Dieu nous aime et nous protège tous, malgré nos nombreux manquements.

Abidjan, le 31 août 2004

Nanan Michel Kangha Atchin Kwassy
Ambassadeur à la retraite
Membre du Conseil Politique du PDCI-RDA

[Le Courrier d'Abidjan - 9/4/2004 12:54:32 AM , en ligne sur Abidjan.net]

Points de vue