Le système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien peine à voir le jour
par Joseph Coleman

BANDA ACEH, Indonésie (AP), 25 décembre 2005 - Un an après le tsunami dévastateur dans l'océan Indien, les spécialistes planchent sur la mise en place d'un système d'alerte régional efficace, qui n'est pas encore tout à fait au point.
La Thaïlande et l'Inde ont créé des centres d'alerte au tsunami, l'Australie en prévoit un aussi. Les stations de surveillance des séismes ont été modernisées avec de nouveaux matériels destinés à mesurer au plus vite la force des secousses sous-marines et évaluer la menace d'une vague géante.
Un système est en cours d'installation par des experts allemands et indonésiens sur la côte de Sumatra. Des capteurs sur le plancher de l'océan et des bouées géantes en surface seront capables de transmettre en dix minutes aux stations d'observation côtière toute secousse susceptible de déclencher un tsunami.
Selon Salvano Briceno, directeur de la Stratégie de l'ONU pour la réduction des catastrophes, l'objectif est d'inaugurer le réseau régional en juillet. Lequel devrait coûter en tout entre 30 et 40 millions de dollars. Le principal défi est la coordination de tous, agences et organisations, en vue d'un processus commun, note-t-il depuis Genève.
Le concept est simple: un système pointu d'enregistrement des séismes sous-marins, déclencheurs des tsunamis, assorti de relais efficaces permettant d'avertir des heures à l'avance les communautés côtières de l'arrivée des vagues géantes.
Le 26 décembre 2004, Sumatra était si proche de l'épicentre que même un tel système d'alerte n'aurait eu qu'une efficacité limitée. En revanche, au Sri Lanka ou en Thaïlande, il aurait permis de sauver de nombreuses vies.
Le lourd bilan du drame qui a fait au moins 216.000 morts ou disparus aura été un festival d'occasions manquées et de failles en matière de communication. Le centre d'alerte américain du Pacifique, basé à Hawaii, a enregistré le séisme, mais n'avait pas les coordonnées téléphoniques pour joindre les responsables en Asie. Et des fax de l'armée de l'air indienne avertissant de l'imminence du drame se sont perdus à la mauvaise adresse...
Dans le nouveau réseau, les informations seraient transmises par satellite à des terminaux centraux pour analyse. Des alertes seraient alors envoyées aux centres surveillant les capteurs océaniques et autres équipements chargés de mesurer les vagues. Et en cas de séisme important, des appels à évacuer seraient diffusés par la télévision, la radio et des sirènes sur les côtes.
Mais si beaucoup d'énergie s'est jusqu'ici concentrée sur les aspects technologiques, les experts pensent que le principal n'est pas là: le système régional d'alerte ne fonctionnera que si l'information arrive rapidement aux zones menacées et que la population sait comment réagir.
"Chaque maillon de la chaîne doit être au point pour que ça marche", note Imogen Wall, chargée du dossier au PNUD (Programme des Nations unies pour le Développement).
Et le cas indonésien montre bien que certains de ces maillons restent bien faibles: dans les collines dominant Banda Aceh, la station-relais géophysique de Mata Ie dispose désormais d'un matériel flambant neuf et de nouveaux ordinateurs. Son chef, Syahnan, peut désormais envoyer les informations beaucoup plus vite à Djakarta pour analyse et mesure de la magnitude d'un séisme.
Mais le réseau s'arrête là, soupire-t-il. S'il est en mesure de fournir les informations à la police du coin, il n'a aucun moyen de dispatcher l'alerte sur la zone côtière. "Il n'y a pas une unité pour la réponse aux catastrophes. Je crois qu'il faut un centre d'information unique ici".
C'est là le défi principal qui reste à relever: pouvoir prévenir les villages isolés et menacés. Les téléphones portables ne marchent pas forcément en cas de séisme. On suggère donc la distribution de radios VHF dans toutes les zones à risque, l'intégration dans le réseau de communication des écoles et institutions religieuses... Et, dans la province d'Aceh à forte majorité musulmane, on évoque l'idée de diffuser l'alerte via les hauts-parleurs des mosquées servant à appeler les fidèles à la prière. Si les imams sont partants, le gouvernement central n'a pas encore pris de décision ferme.
Enfin, une fois les habitants avertis, reste à leur fournir des moyens rapides de fuite vers les hauteurs et la sécurité... A Banda Aceh, la carte des couloirs de sauvetage n'est pour l'instant une réalité que sur le papier... AP

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