Bangui désespère du soutien de la France
(Agence France Presse)

Les autorités centrafricaines, dans l'incapacité de répondre aux exigences salariales des fonctionnaires en grève, multiplient depuis deux semaines les critiques contre la France, même si des voix se font entendre pour défendre le "partenaire traditionnel".
Le président Ange-Félix Patassé et son parti ont récemment accusé la Paris - premier bailleur de fonds bilatéral de la Centrafrique - d'abandonner Bangui à son sort en conditionnant son aide financière à la signature d'un accord avec le Fonds monétaire international (FMI).
"Nous n'avions pas attendu de signer un accord pour voler au secours de la France", avait pesté le président Patassé le 1er décembre, lors d'un banquet offert pour le 42ème anniversaire de l'indépendance de la Centrafrique, en présence de l'ambassadeur de France à Bangui.
Au-delà des considérations matérielles, l'intransigeance financière de l'ex-puissance coloniale est interprétée par de nombreux dirigeants comme une preuve de désamour envers le régime, voire une volonté délibérée de nuire.
A la veille de l'opération "Centrafrique pays mort" des syndicats de la fonction publique, le parti présidentiel, le Mouvement pour la libération du peuple centrafricain (MLPC) avait ainsi violemment critiqué l'attitude de Paris à l'égard du régime Patassé.
"La France des flibustiers (...) s'est résolue à acculer notre peuple en le maintenant dans une misère plus inhumaine en guise de représailles pour avoir osé élire Ange-Félix Patassé à la présidence de la République" en 1993, affirmait le MLPC.
La violence du propos, que des cadres du MLPC ont tenté par la suite de minimiser en notant que le message ne s'adressait pas aux autorités françaises mais à "une certaine France", traduit néanmoins le sentiment de la plupart des "fidèles" du chef de l'Etat.
"La tête de Patassé ne plaît pas aux dirigeants français et le peuple centrafricain ne fait que payer les pots cassés", a confié à l'AFP un député du MLPC, pour qui la France a soutenu l'ancien président André Kolingba (1981-1993) alors que "le pays n'était pas mieux géré".
Refusant l'idée que la doctrine Balladur est appliquée pour tous, ce même député ayant requis l'anonymat a estimé qu'"on apporte de l'aide sans réserve à la Côte d'Ivoire ou au Cameroun".
"Les relations de la Centrafrique avec la France sont passionnelles, à la limite de l'irrationalité", se résignait pour sa part un diplomate étranger en poste à Bangui.
Le Premier ministre, Anicet-Georges Dologuélé s'est, quant à lui, voulu apaisant en prenant acte du fait que "depuis la doctrine Balladur, la France ne décaisse plus sans accord du FMI", encore moins pour les dépenses récurrentes comme les salaires ou les retraites.
"Mais pour un peuple qui vit dans l'assistanat, c'est perçu comme un abandon", a-t-il expliqué mercredi lors d'un entretien à l'AFP.
Attentif à la montée des tensions sociales dans le pays à mesure que le blocage s'installe entre syndicats et gouvernement, M. Dologuélé a néanmoins suggéré qu'une aide d'urgence permettrait d'éviter le "chaos".
"Il vaut mieux sortir un peu d'argent que d'attendre que les événements ne se dégradent, obligeant à en dépenser encore plus", a-t-il indiqué, dans une allusion directe à l'intervention militaire française pendant les sanglantes mutineries de 1996-97.
L'opposition centrafricaine, qui soutient sans réserve le mouvement de protestation sociale, a tiré profit des dérives verbales des derniers jours pour dénoncer l'irresponsabilité de l'Etat, à la recherche selon elle d'"un bouc émissaire" pour justifier sa mauvaise gouvernance.
Une position symptomatique de la perception ambiguë de l'ancienne puissance coloniale par la classe politique du pays. A plusieurs reprises, notamment lors des élections présidentielles de 1999, cette même opposition estimait que la France... cautionnait le "régime Patassé".
(Afp, Bangui, 15 décembre 2000 -
11h18)

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