Zongo, terminus des derniers soldats perdus du putsch manqué

AFP, ZONGO (RDCongo), 7 juin 2002 - 10h19 - Le dernier carré des soldats centrafricains encore réfugiés dans la localité congolaise de Zongo, depuis le putsch manqué du 28 mai 2001, refuse toujours de gagner Bangui par crainte de représailles.

"Nous n'avons aucun moyen d'empêcher les habitants de Bangui de dormir, mais nous ne pouvons pas quitter Zongo", confie à un journaliste de l'AFP un ancien officier centrafricain bloqué dans cette localité déshéritée de République démocratique du Congo (RDC), d'où l'on distingue parfaitement la capitale centrafricaine, sur la rive opposée du fleuve Oubangui.

Ce militaire, qui requiert l'anonymat, faisait partie des quelque 800 à 900 soldats d'active ou à la retraite qui ont fui Bangui en pirogue, après l'échec de la tentative de renversement du président Ange-Félix Patassé.

Environ 15 à 25.OOO civils Banguissois, pour la plupart membres comme eux de l'ethnie minoritaire yakoma, avait également gagné Zongo par le fleuve pour échapper aux combats meurtriers qui avaient fait rage pendant dix jours dans les quartiers sud de la ville.

Des milliers de civils yakomas sont rentrés depuis le début de l'année, à la faveur des appels répétés lancés par les autorités aux réfugiés pour qu'ils regagnent "le pays des ancêtres".

La décrue s'est intensifiée après l'ouverture attendue du procès des présumés pustchistes, début février. Autre signe de détente: le retour à la vie publique des députés du Rassemblement démocratique centrafricain (RDC), le parti du général Kolingba, accusé par le régime d'être l'instigateur de la tentative avortée.

Du coup, beaucoup de militaires yakomas ont également rejoint la capitale. Même s'ils hésitent encore souvent à passer la nuit chez eux où à se montrer en public, par crainte d'une opération de contrôle des forces de défense et de sécurité.

"Tous les militaires réfugiés à Zongo ont été désarmés, nous ne sommes plus ici que 2OO ou 25O; les autres, gendarmes et policiers confondus, sont déjà rentrés", confirme l'officier, qui souligne: "Mais nous ne courons pas tous les mêmes risques".

"Mon nom a été cité plusieurs fois comme étant l'officier proche de (l'ex-président André) Kolingba chargé de liquider des personnalités et cadres du nord du pays en cas de réussite du coup d'Etat, ce qui est totalement faux", assure-t-il. Ce militaire yakoma en est convaincu: "Si je rentre, c'est pour me livrer à la mort".

Il y a deux mois, le représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU en Centrafrique, le général sénégalais Lamine Cissé, assurait pourtant à ces réfugiés qu'ils n'avaient rien à craindre.

"Le président de la République est sur cette voie; le ton est à l'apaisement, à la tolérance et à la réconciliation nationale", déclarait M. Cissé.

En attendant, "nous sommes dans une situation de misère indescriptible", explique l'officier centrafricain; "J'ai maigri; manger est devenu un combat quotidien".

Il souligne devoir pour beaucoup sa survie à "la famille qui m'aide depuis Bangui". "Dans ces conditions, dit-il, je ne vois pas comment m'éloigner de Zongo".

A l'origine, le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCT) avait choisi d'éloigner les réfugiés centrafricains de Zongo à Molé, puis à Bokilo, deux sites de RDC situés respectivement à 45 km et 12O km à l'intérieur des terres.

Mais beaucoup de ces Yakomas, une ethnie riveraine de l'Oubangui, avaient décliné l'offre, affirmant qu'en tant que pêcheurs, il n'était pas question de les installer en pleine forêt, parmi les bêtes sauvages et les serpents.


Actualité Centrafrique - Dossier 10