Paris-N'Djamena ou les enjeux de la paix et de la stabilité sous-régionales.
(N'Djamena - 1er septembre 2002 - 21H45)

En route pour le sommet de la Terre de Johannesburg, le président français Jacques Chirac a fait aujourd'hui, dimanche 1er septembre 2002, un important "escale diplomatique " à N'Djamena où il a rencontré pendant près d'une heure son homologue tchadien, le président Idriss Déby, avec qui il a eut un entretien à tête-à-tête.

Après sa réélection au printemps dernier et au lendemain de la nomination de Michel de Bonnecorse à la "cellule africaine " de l'Élysée, cette première visite africaine de M. Chirac intervient à un moment crucial pour la sous-région Afrique centrale, grandement menacée par l'instabilité récurrente centrafricaine.

Pris en étau par les méfaits combinés d'une diplomatie aventureuse et d'une politique de division nationale, au profit de son régime, le pouvoir dictatorial de Bangui déstabilise la sous-région en externalisant ses difficultés et tensions. Et ce, en relation avec les "forces négatives ", que les autorités de Bangui ont entrepris d'abriter ou d'aider, telles les anciens rebelles tchadiens coalisés autour du "colonel Miskine ", un ancien lieutenant de Laokein Bardé, et les ex-Far, Interahamwés et génocidaires rwandais, mis à disposition par le rebelle congolais Jean-Pierre Bemba, alors que des rumeurs persistantes attesteraient de l'acquisition de deux sites d'entraînement militaire, qui seraient financés par la Libye, au profit d'éléments armés très proches des opposants congolais Lissouba, Yombi Oppango et Kolélas, dans le Sud-Ouest centrafricain entre M'Baïki et Nola.

Par cet aperçu géopolitique des "forces négatives ", agissant à partir du territoire centrafricain, en plus de l'inquiétante situation des Grands Lacs, la déstabilisation sous-régionale se précise à partir de Bangui, du fleuve Oubangui aux confins du Chari, en passant les régions frontalières du Cameroun.

Bien que le locataire de l'Élysée n'ait pas choisi d'associer son homologue centrafricain, à la "rencontre de N'Djamena ", les observateurs centrafricains attendent beaucoup de cette visite d'amitié entre les présidents français et tchadien ; en raison du regain de tension entre Bangui et N'Djamena, les capitales centrafricaine et tchadienne.

Si la visite d'amitié du président français Jacques Chirac vient à point nommé, elle contribuerait à ce que les instances internationales se penchent davantage sur les facteurs sous-régionaux, qui minent la paix et la stabilité sous-régionales, en exigeant de la Libye le retrait de son contingent militaire de Bangui et l'arrêt immédiat de son assistance militaire et financière non seulement à Abdoulaye Miskine mais à tout trafic d'armes, en direction des rebellions des deux Congo, à partir du territoire centrafricain.

Cette analyse des observateurs nationaux, qui reprend les demandes plus d'une fois formulées par la société civile et les opposants centrafricains, à l'endroit des autorités centrafricaines et des instances internationales (Cemac, Union Africaine, Francophonie, Onu.), devrait non seulement faciliter une sortie par la voie pacifique de la crise centrafricaine mais préserver la paix et la stabilité sous-régionales, en créant des conditions plus que favorables à cet effet.

Outre les recommandations d'Amnesty International et de la FIDH, l'intervention française, qui ne devrait surtout pas épouser les contours d'une autre opération Almandin, s'appuierait aussi sur les dernières mesures conditionnant l'augmentation de 50% de l'aide au développement, dans les cinq prochaines années, et la relance de l'aide bilatérale aux pays africains, à ceux des États africains qui auront choisi les voies de la paix, du respect des droits de l'homme, de la bonne gouvernance et des politiques de développement dynamiques et respectueuses de l'environnement.

Pour reprendre l'analyse de la société civile et de la classe politique centrafricaine, dont la quasi-totalité des personnalités de l'opposition se trouvent en exil, notamment en France, le chef de l'État centrafricain, Ange-Félix Patassé, qui constitue un frein à la stabilité nationale et sous-régionale, devra tirer toutes les conséquences de ses choix, en acceptant, dans l'intérêt national, une sortie pacifique de la crise centrafricaine. Ce qui passe aussi par son retrait du pouvoir et de la scène politique centrafricaine. Cela est d'autant plus vrai car confirmé par les résultats plus que mitigés des interventions françaises, des opérations internationales de maintien de la paix (Misab et Minurca) et de l'assistance onusienne au régime de Bangui (Bonuca).

Après avoir marqué son désintérêt pour le continent noir, le retour de la France dans la sous-région ne devrait surtout pas se borner aux seuls intérêts pétroliers dont l'exploitation impose, avant tout, la satisfaction des intérêts des populations locales qui passent par la paix, la sécurité, le respect des droits humains et la démocratie, pour un développement durable.

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Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 10