André Kolingba : l’homme qui permit à Patassé de devenir président, mais qui le chassa aussi du pouvoir

 

Dans les pays dit de tradition démocratique à savoir ceux de l’Europe occidentale et de l’Amérique du nord ou des pays d’émancipation démocratique notamment ceux de l’est Européen ou des pays africains comme le Bénin, le Sénégal, le Mali, l’Afrique du sud ; il est une règle de la vie politique qui est devenue un élément capital de l’existence de ces peuples : l’élégance de la transmission de relais entre un président entrant et un président sortant. Ainsi l’on assistera aux passations de pouvoir entre Mandela et Mbeki, Konaré et Touré, Soglo et Kérekou, Mitterrand et Chirac, Clinton et Bush, Diouf et Wade. C’est en rapport à ces traditions démocratiques, que ce vendredi 22 octobre 1993, quand Monsieur Kolingba ; descendant de son hélicoptère dans les jardins du palais de l’assemblée nationale tel l’ange au secours du prophète Daniel dans la fosse aux lions ; pour passer le relais à  monsieur Patassé, a fait rêver bon nombre de compatriotes et d’observateurs étrangers que le processus démocratique dans lequel nous venions d’entrer était un acquis immuable et faisait de la RCA un exemple à suivre pour les démocraties naissantes en Afrique. Mais c’était sans ignorer, et cela est normal car être prophète est un ministère accordé par Dieu lui-même, que cet acquis allait devenir dans les mois qui suivirent ce vendredi 22 octobre 1993, le tombeau collectif de tous les centrafricains ; car la guerre était déclarée entre le président Patassé et son prédécesseur ; ainsi qu’entre le MLPC et le RDC et la Centrafrique transformée en Centre à Fric  pour le président Patassé et compagnie.

Mais pour expliquer cette affirmation : « André Kolingba : l’homme qui permit à Patassé de devenir président, mais qui le chassa aussi du pouvoir » ; il est nécessaire de refaire un peu l’histoire. Dès mai 1990, les revendications aux aspirations démocratiques commencèrent à devenir pressantes pour le RDC. Les syndicats au travers de Mazette et Sonny-Cole et les mouvements politiques au travers du CCCCN puis de la CFD, donnèrent du fil à retordre au pouvoir moribond du RDC. Dans cet imbroglio politico syndical ; un mouvement sortit du groupe et se remarqua par sa stratégie de quête du pouvoir : le MLPC. Contrairement aux autres groupuscules politiques du pays,  le MLPC comprendra très vite que le but d’un parti politique est de conquérir le pouvoir, à travers différentes méthodes, et en cette décennie naissante de 90, la voix était les urnes. Mais les historiens de la scène politique centrafricaine et les prophètes politiques sauront avec avance ou le recul historique d’aujourd’hui, qu’en 1993 le MLPC n’était pas arrivé au pouvoir suite à une série de proposition capable de sortir le pays de ce cercle de pauvreté où il tournait depuis trente ans. Le MLPC était sorti vainqueur de ces élections, à cause de la décomposition avancée du régime RDC et de l’état catastrophique de tous les secteurs d’activité du pays qui, minés par les grèves, les années blanches et les pressions extérieures ont fini par institutionnaliser les arriérés de salaire et provoquer chez les dignitaires du régime RDC l’instinct de survie, les enfermant ainsi dans un cercle où l’entêtement politique et le manque de clairvoyance ont amené inéluctablement ce système aux échecs lamentables de son leader aux élections groupées de 1993 et à passer la main à monsieur Patassé, telle l’ascension et l’accession au pouvoir du parti fasciste en Italie et l’avènement de Mussolini au pouvoir. Le MLPC n’a jamais su s’ériger en un véritable mouvement de libération du peuple centrafricain, comme le parti fasciste Italien, l’avènement du MLPC au pouvoir était dû à la volonté de changement à la tête de l’état qu’exprimait le peuple centrafricain ; c’est ce qui a favorisé l’accession de monsieur Patassé et du MLPC qui, comme le parti fasciste Italien était un parti de crise. Dans sa définition du fascisme tirée de l’encyclopédie italienne, Benito Mussolini déclarait ceci : « notre doctrine, c’était l’action. Le fascisme est né d’un besoin d’action et fut action. » Le MLPC aussi est arrivé au pouvoir dans le même contexte que le mouvement de l’instituteur italien. Sans programme de sortie de crise, le MLPC a su avec une diabolique démagogie jouer sur les sentiments de cette grande masse analphabète et sous politisée qui constitue 99% du corps électoral centrafricain faiseur de présidents de la république, de libérateurs, de sauveurs et de rassembleurs.

Usant d’une grande artillerie psychologique et verbale  basée sur le mensonge, la religiosité des centrafricains, la vente d’illusion dont la majorité des centrafricains est incapable de faire la différence entre le mensonge et la vérité, le possible et le vraisemblable, le probable et le réalisable et où l’élite intellectuelle se fait complice de ce viol démocratique, politique et historique, le MLPC dans son programme social et économique étalera une série de mesure qui prouve qu’aucun programme réel de libération du peuple a été planifié ; par contre une réelle politique de conquête du pouvoir. Ainsi une de ces mesures populaires fut la suppression de l’impôt de capitation, véritable arme électorale de destruction massive que le MLPC emploiera pour séduire le peuple, appuyant son discours sur la méthode de recouvrement effectuée par le régime RDC et axant l’ensemble de sa compagne sur ce thème. Aux lendemains de leur accession au pouvoir, le président Patassé et le MLPC vont démontrer aux centrafricains et à la communauté internationale ; la matérialisation  de cette analyse faite plus haut qui veut que le MLPC ne soit pas un parti qui veuille libérer le peuple centrafricain mais tout simplement une terrible machine électorale à la solde de Patassé et de certains intérêts dans le but de transformer la Centrafrique en Centre à Fric pour leurs comptes, comme le parti fasciste Italien ; un parti qui est arrivé au pouvoir sans programme. C’est ainsi  que celui qui déclara aux nombreux Banguissois venu l’accueillir de son retour d’exil à l’aéroport Bangui M’POKO : « MBI GA AWE » se proclama aussi «  fils de lumière », et en dix années de pouvoir  nous démontrera de quelle lumière il était le fils. Car celui qu’on appelle communément Diable ou Satan s’appelle aussi Lucifer ce qui veut dire Ange de lumière. Et l’on ne saura aller chercher loin le lien qui existe entre l’Ange de Paoua et l’Ange de lumière au vu de l’état dans lequel il nous a abandonné le pays le 15 mars 2003. Malgré sa longue expérience politique et administrative au sein du système Mesan sous Bokassa 1er  et en temps que leader d’opinion en exil, monsieur Patassé aura tout simplement oublié cette leçon essentielle de l’histoire et de la science qui dit : «  les mêmes causes placées dans les mêmes conditions produisent les mêmes effets », en arrivant au pouvoir ; il aura tout fait pour recréer les mêmes causes qui ont mis son prédécesseur sur les chemins de la retraite. Et il oubliera la mission essentielle que lui a confié le peuple : le ramener sur les chemins de la prospérité et de l’émancipation. Malgré le quitus démocratique de son accession au pouvoir ; monsieur Patassé se placera aux antipodes des préoccupations  centrafricaines ce qui le poussera à enterrer définitivement le pays en dix ans de règne.

Dans une de ces publications, il y’a un peu plus de trois ans le Citoyen mettait en avant certains événements qui expliquent peut être cette sanglante haine qui existe entre Patassé et Kolingba. A ce stade de notre développement, il est important de préciser que ces deux messieurs qui ont eu la charge de nous gouverner ces vingt trois(23) dernières années  ont tous été de grands collabos sous le règne de papa Bok. Pour ceux qui connaissent  l’histoire administrative de notre pays, ils savent que c’est sous ce règne là que ces deux messieurs ont atteint les grades les plus élevés de leur existence avant de devenir président : Patassé était 1er ministre de Papa Bok et maître de cérémonie du couronnement et sacre de Bokassa 1er ; Kolingba devenait l’un des officiers les plus gradés de l’armée centrafricaine et  diplomate dans des pays économiquement puissant ,c'est-à-dire stratégiquement indispensable pour des pays en voie de sous développement comme la centrafrique. Selon ces témoins cités par le Citoyen dans l’édition dont il en est question ici, monsieur Patassé, soutenu par le général Kolingba qui le raccompagna à sa voiture ; la tête ensanglantée après que la canne de Bokassa 1er y soit passée avec une majestueuse violence ; déclarait ceci : « tu (kolingba) m’as ramené à l’abattoir, mais j’en suis sorti vivant. Tant que je vivrai ; je reviendrai et je te ferai payer cet acte (sic). » Cette scène se déroulait au parking du palais de la renaissance après que, sur ordre de Bokassa 1er ; le général Kolingba soit parti cherché Patassé pour le ramener à papa Bok qui voulait corriger son fils Ange, après s’être rendu compte que ce dernier était trompé dans un complot qui était destiné à le faire chuter, ce complot réunissait semble t-il le général Mandaba, messieurs Kombonaguemo, Kezza, Patassé et d’autres. Et quelques temps après cette scène, monsieur Patassé quitta le pays pour y revenir quelques années plus tard grâce à la chute de Bokassa 1er, mais aussi à cause de la restauration de l’activité des partis politiques par Dacko. Si ce qui précède n’a jamais été démenti par les concernés et qu’aucun autre fait matériel de l’histoire n’est venu prouver le contraire ; il faut aussi ajouter à la liste des événements qui ont fait que monsieur Patassé en voulait absolument à monsieur Kolingba au point d’être en mal de digestion à chaque fois que le nom de ce dernier était prononcé d’autres faits de l’histoire de ces vingt dernières années. A tort ou à raison, monsieur Patassé était déclaré coupable ou le complice le plus actif du coup d’état manqué de 1982 contre Kolingba et le CMRN ; ce qui le contraignit à l’exil, mais aussi à voir son patrimoine personnel et familial, saccagé et pillé et les traitements dont fut victime sa femme pendant un temps. Ce qui a dû lui faire monter la bile, quand on sait que le patrimoine dont il est question était élevé  et que c’était un acquis du temps. L’on ne devra pas aussi oublier que les événements de Markounda et de Paoua ont très certainement été des catalyseurs de cette haine. Mais au déla de ces faits historiques, il faut aussi noter que n’ayant pas de programme réel de reconstruction du pays, le MLPC et son leader Patassé se devraient absolument d’écarter  tout probable concurrent et éventuel tombeur. Ainsi le fils de Lucifer, euh excuser moi le fils de lumière se savait en mission dont la durée théorique était les douze années que lui conférait la constitution mais qui n’étaient en réalité rien à ses yeux et qu’il pouvait changer selon sa propre volonté. Ainsi la préoccupation principale de monsieur Patassé a été dans un premier temps de s’assurer une existence de sultan en mettant en place des structures économiques capables de générer des milliards de CFA utile à sa trésorerie ; mais aussi à se préparer à fournir une réponse militaire à monsieur Kolingba et au RDC qui, pour Patassé et le MLPC étaient convaincu qu’ils n’avaient pas digéré leur défaite de 1993 et se préparaient à reprendre par la force le pouvoir ; seul Dieu et les concernés savent ce qu’il en est réellement. Dans un tel état, où la frilosité, la méfiance et la passion déraisonnée régnaient ; il est normal que l’on ait assisté à une grande militarisation  du pays, à la distribution organisée des armes aux partisans du régime comme les Makara des mama café de Bangui, à la naissance de ce qu’on a appelé les milices Karako, Balawa et autres, à la policisiarisation du pays. Il fallait nécessairement que le MLPC et le président Patassé aient  les moyens pour une riposte militaire musclée et massive à une éventuelle tentative de coup d’état de monsieur Kolingba et de ces fidèles.

Les événements du 28 mai 2001 ont-ils fini par donner raison aux  défenseurs de cette philosophie ? dès le début de son règne et jusqu’à ces derniers jours, monsieur Patassé et le MLPC se seront enfermé dans une logique qui voudrait dire et faire croire que monsieur Kolingba serait aux aguets, ce que Me POUZERE appela en novembre 2001 : « la logique du complot permanent ». L’on se souviendra de cette macabre mise en scène digne des régimes dictatoriaux comme l’Irak de Saddam, le Zaïre de Mobutu, l’Urss de Staline. La scène se déroule au milieu des années 90 à Bangui au ministère des affaires étrangères, réuni au pas, le corps diplomatique, les partis politiques, l’ensemble de ce que Bangui compte de force. Dans le rôle du speaker d’état : Alfred Poloko qui, à l’époque était la voix de l’Ange de Paoua. Un complot venait d’être mis à jour et le président Patassé tenait à le faire savoir au peuple et à la communauté internationale. Impérial dans son rôle, monsieur Poloko va  lire les noms des personnes impliquées dans ce complot, qui au final sont toutes proches de monsieur Kolingba ; ce qui vient encore corroborer ce que j’écrivais un peu plus haut et que j’ai emprunté à Me POUZERE : «la logique du complot permanent ». Ainsi on évoluait à la villa Adrienne, dans une atmosphère faite de trafics en tout genre et de suspicion de complots. Enfermé dans cette logique où monsieur Kolingba était supposé être en embuscade permanente ; monsieur Patassé va tout simplement transformer son régime démocratique en un système hautement répressif et privatif. Dans un système dit démocratique, tout est question de choix, et monsieur Patassé fera tout simplement le choix de la confrontation frontale et psychologique avec monsieur Kolingba et certaines personnes de son entourage dès le début de son règne. Et chaque fois que les occasions se présentaient, au travers d’aliénés mentaux comme le tristement célèbre monsieur Service et d’autres, monsieur Patassé et le MLPC sévissaient. Les assassinats de BidaSiombo, de Gbodo, des Grélombé, de Réhot ; ont tous été des éliminations commandées ; l’emprisonnement de Ndjengbot, la tentative d’arrestation de monsieur Saulet qui provoqua la 3 éme mutinerie,  la création de l’Usp, l’alliance avec Bemba et Kadhafi ont toutes été des dispositions stratégiques ; tant le président Patassé et son entourage étaient persuadé qu’un complot les guettaient à chaque levée du soleil, oubliant qu’ils étaient détenteur d’une légitimité populaire et légale, on dit souvent : «  ce que tu crains,c’est ce qui t’arrive », le complot permanent qui les hantaient a fini par avoir raison d’eux. Les trois mutineries qu’on accuse à raison ou à tort d’avoir été instrumentaliser par monsieur Kolingba, ont fini par sonner le glas du régime Patassé et le fragiliser pour l’éternité. Chez monsieur Patassé, au MLPC et leurs alliés ; le doute a élu domicile et les a enfermé dans ce cycle fait de coup d’état, de manque de respect de la parole donnée, de la dangereuse liaison avec Kadhafi et Bemba, de l’ethnocide de mai et juin 2001, des crimes contre l’humanité de 2002. Comme en 92 et 93, le MLPC aura été incapable de présenter au peuple lors des élections générales de 98 et 99 un programme capable de sortir le pays non seulement de la misère et de la pauvreté; mais aussi de ce cycle infernal fait de violence, de meurtres et de pillages dans lequel le pays était entré aux sortir des trois mutineries ; le MLPC se montrera incapable de recoller le tissu identitaire mis à mal par l’instrumentalisation de l’identité ethnique et régionale dans les différentes crises que l’on connaîtra sous le 1er mandat de Patassé.

Toujours est-il que l’opposition incapable de peser et de faire face à Patassé et au MLPC se laissera tout simplement volé sa probable victoire : Koudoufara et le 2éme tour des présidentielles ; elle se résignera à ne rien faire ; cela se vérifie dans les propos de monsieur Kolingba aux lendemains de la victoire de monsieur Patassé qui,  intervenant sur RFI déclarait ceci : « nous allons laisser le président Patassé gouverner. » n’ayant pas de projet pour ce second mandat, monsieur Patassé et le MLPC ne feront rien d’autre que de s’accrocher à leur fauteuil jusqu’au coup butoir du 15 mars 2003, qui même s’il a fait mal à certains fidèles du président Patassé et aux Mlpcistes ; semble maintenant être une grâce, un moyen pour une sortie sans dommage physique et pénal pour monsieur Patassé et une possible reconversion pour les autres dignitaires du MLPC à savoir les Koyambonou, les Dondon et autres ; car il me semble que le nouveau régime de Bangui soit frappé d’amnésie au point de ne pas réclamer justice et de laisser ceux qui, hier les traitaient de terroristes, de pantins et de marionnettes, au nom   de quel principe ou de quel arrangement, le peuple est en droit de savoir. Car si hier Dacko a jugé et fait exécuter les complices du régime Bokassa dont il (Dacko) était aussi conseiller et grand collabo ; car si Kolingba a fait jugé et emprisonné Bokassa sous qui, il a travaillé et porter ces galons de général, car si Patassé a fait un audit du règne RDC et fait emprisonner certains dignitaires de ce régime et fait assassiné d’autres ; car si ce même Patassé a fait jugé et condamné les personnes présumées être les auteurs et acteurs du coup d’état manqué du 28 mai 2001 ; il n’y a pas de raison que ceux qui, hier qualifiaient les exactions des Banyamulenges à Paoua, à Bozoum, à Bossangoa, à Bangui et un peu partout en Centrafrique comme des dégâts collatéraux ne soient pas jugé, certaines langues vont même dire que le président Patassé aura lui-même fait l’apologie de cette situation en disant à un de ces ministres( dont je tais le nom) qui fut victime des hommes de Bemba : «  nous sommes en période de guerre monsieur… » Ils doivent tous passer devant le tribunal de l’histoire et du peuple. Je comprends aisément que le général Bozizé qui fut pendant longtemps serviteur de Patassé se refuse peut être de juger ces anciens compagnons ; mais cette attitude ne fait qu’alimenter les rumeurs et les scénarios de tout genre sur ce qu’auraient été ses responsabilités dans les graves violations des droits de l’homme par le régime Patassé jusqu’en novembre 2001 où il tomba en disgrâce aux yeux de l’Ange de Paoua. Mais l’histoire retiendra qu’il nous a débarrassé de Patassé  et que les actions d’un grand homme effacent ces faiblesses et bêtises et deviennent des circonstances atténuantes ; et que l’homme de Dieu qu’il est, se doit d’être un instrument de justice, car la justice fait partie des valeurs du royaume de Dieu qu’il annonce et que son non soit non et que son oui soit oui. L’absence de légitimité populaire et légale ne doit pas le pousser à ne rien faire. Dacko n’a pas attendu d’empêcher Patassé de devenir président pour juger ses anciens compagnons du régime Bokassa.

Pour en revenir à cette affirmation : André Kolingba, l’homme qui permit à Patassé de devenir Président ; mais qui le chassa aussi du pouvoir. Au déla de tous les procès que nous pouvons et devrons lui faire à cause de l’échec de son règne ; car, sans avoir peur de me trouver ; André Kolingba d’abord avec le CMRN et ensuite avec le RDC est sans doute le président centrafricain qui avait à sa disposition et dans son entourage l’environnement intellectuel le plus complet que la RCA n’ait jamais eu de toute son histoire politique et administrative ; mais force est de constater que cela n’a rien donné, l’un des acquis de son long règne est sans aucun doute l’instauration de l’ère démocratique : à césar ce qui est à césar. La première question qui viendra à l’esprit en lisant cette affirmation sera très certainement de dire mais comment André Kolingba permit-il à Patassé de devenir Président ? Il y’a trois réponses à cette question:

  1. en acceptant la règle du multipartisme ; le chef de l’état qu’il était a permis à monsieur Patassé de revenir sur la scène politique et de rentrer au pays pour y participer.

  2. en refusant de brandir les menaces et poursuites judiciaires qui pesaient sur monsieur Patassé suite au coup d’état manqué de 1982, dont ce dernier était présumé être l’auteur ou le complice le plus actif, cela permit à monsieur Patassé de rentrer en homme libre au pays.

  3. quelques mois avant le retour de monsieur Patassé fut déclaré au plan médical,  mentalement instable et mis sous suivi psychiatrique par des médecins en région parisienne ; ce qui aurait du l’empêcher de postuler  à  n’importe quelle fonction, l’histoire a donné raison à ces médecins qui furent à l’origine de ce diagnostic. Un fac-similé du certificat médical est arrivé dans la foulée à Bangui et distribué dans certains milieux avisés de l’establishment RDC de l’époque. Mais comme à son habitude l’homme de Gbangouma va, sous le coup de la quiétude nationale refuser de brandir ce certificat médical qui aurait écarté d’office et mis hors d’état de nuire pour l’éternité l’Ange de Paoua aux présidentielles de 92 et 93. c’est pourquoi les milieux avertis n’étaient pas étonnés de la victoire du professeur Goumba aux primaires de la CFD ; chose que le MLPC refusa et qui le poussa à sortir de la confédération.

 

Ainsi pour ces trois raisons que je ne crois pas exhaustive ; monsieur Kolingba aura permis à monsieur Patassé de devenir Président, mais s’il a permis à Patassé de devenir président, il est certainement l’homme qui l’a fait partir ; même si c’est Bozizé qui est aux commandes. La seconde question qui nous vient à l’esprit en lisant cette affirmation est la suivante : mais comment le général d’armée a-t-il pu faire partir le président Patassé du pouvoir ? Cinq réponses nous viennent à l’esprit :

  1. monsieur kolingba était supposé être en embuscade permanente pour déstabiliser le régime MLPC, ce qui mit Patassé qui, il faut rappeler n’avait en réalité aucun plan politique pour sortir le pays de la crise où l’ont plongé Kolingba, Dacko, Bokassa, Patassé, le Mesan et le RDC; dans une panique de tous les jours et à s’armer à outrance.

  2. la logique du complot permanent où Kolingba était l’épicentre a fini par pousser Patassé à se baser sur des forces étrangères pour sa sécurité, et à négliger les services de renseignements et l’armée ; véritables leviers sécuritaires pour tous pays à respecter.

  3. les trois mutineries qui sont à raison ou à tort mis sur le crédit de kolingba ont fini par déstabiliser le régime Patassé et le condamner à une fuite en avant où l’unique sortie était le 15 mars 2003.

  4. le lamentable coup d’état du 28 mai 2001 dont monsieur Kolingba reconnut la paternité enterra le régime Patassé de trois façons :

  5. s’il est des raisons stratégiques, politiques et militaires à mettre sur le compte de monsieur Kolingba dans la liste des raisons par lesquelles il aura fait partir monsieur Patassé du pouvoir ; il faudra aussi ajouter à cela, des raisons socio-économiques. Nul n’est sans ignorer que l’état du pays que monsieur Kolingba laissa à Patassé en octobre 1993 était catastrophique. Et relever un tel défi était l’apanage d’hommes et femmes qui, avaient dans leurs serviettes ; la volonté  et les projets nécessaires à une telle entreprise. Or il se trouve que les démagogues confirmés et amateurs politiques qu’ils étaient en 1993 ; les cadres du MLPC et tous leurs alliés étaient incapables de rebâtir le pays, l’histoire retient cela. Ils n’ont jamais manifesté une volonté ni fait preuve d’un réalisme. Pire à chaque crise, ils enfonçaient un peu plus  le pays.

 

Si nous avons choisi le système démocratique comme seule mode d’expression politique, nous devrons aussi veiller à ce que les règles qui balisent ce système soient respectées par tous. La légitimité populaire est un art qui a ses traditions et ses règles. Mais il me semble que la majorité de nos hommes politiques et des groupuscules qui font leur légitimité n’ont pas encore compris cela. D’où leur bestialité quand il s’agit de proposer des noms pour des postes ministériels.

 Monsieur Kolingba aura non seulement permis à monsieur Patassé de devenir président ; mais il aura aussi volontairement et involontairement chassé ce dernier du palais de la renaissance et de la villa Adrienne et remis sur le chemin de Lomé, l’éloignant ainsi de Boali et des dames jeannes de Diamant. Mais nous devrons dans cette tragédie made in Centrafrique tiré plusieurs leçons qui doivent guider nos actions, les changements démocratiques de régimes ne doivent pas devenir des terrains de bataille où de règlements de compte personnels et passionnels. Les entrants doivent avoir du respect pour les sortants, mais ces derniers doivent laisser leurs successeurs travailler en toute liberté et ne pas fomenter des complots pour les destituer. Mais nous devrons aussi analyser en profondeur non seulement les gâchis de ces dix dernières années, mais aussi ceux de l’ère Kolingba et de celles qui l’ont précédé à savoir Dacko et Bokassa ; mais aussi essayer de sortir la philosophie de celui (Boganda) que tout le monde considère comme le père de la nation centrafricaine, la peser et essayer d’en tirer ce qu’elle contient de positif. La renaissance centrafricaine passe obligatoirement par une autopsie générale de notre très jeune histoire politique. Cette autopsie devra être faite par nous centrafricains au vu de l’histoire de notre pays. Par définition une autopsie est un examen médical ayant pour but de déterminer les causes d’un décès ou d’étudier des modifications pathologiques. Cette autopsie devra nous permettre d’augmenter notre connaissance de l’histoire politique de la Centrafrique, des réalisations et des succès mais surtout des échecs. Cela nous mettra alors sur une nouvelle voix et nous permettra de définir une  philosophie  de développement capable de mettre le pays sur les rails. Car au sortir de cette période dite de transition consensuelle, nous ne devrons plus voir sortir des urnes une calamité et une tragédie comme Patassé et le MLPC, mais aussi ne plus voir revenir des militaires en mission commando comme Kolingba ; le CMRN et le RDC, mais  aussi des incompétents notoire doublé d’un grand amateurisme et d’un diabolique art du mensonge comme Dacko et le Mesan, et des accidents de l’histoire comme Bokassa et l’empire. Nous désirons tout simplement des femmes et des hommes qui soient capables de nous bâtir une Centrafrique qui marche, une Centrafrique unique, une Centrafrique responsable, une Centrafrique respectée et une Centrafrique émancipée.

 

Clément BOUTE-MBAMBA

                                  Dammarie les lys (France)  [mardi, 1er juillet 2003]

Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 16