David Dacko, président de Centrafrique à deux reprises (D1,D2)

L'ancien chef de l'Etat centrafricain David Dacko, premier président de son pays à l'indépendance, puis successeur de l'empereur Bokassa en 1979, quand il fut ramené à Bangui dans les soutes de l'armée française, est mort, jeudi 20 novembre, dans un hôpital de Yaoundé, la capitale camerounaise. Il était âgé de 73 ans. David Dacko a succombé aux insuffisances respiratoires et cardiaques dont il souffrait depuis longtemps.

Chez David Dacko, topographie résidentielle et biographie politique se confondent : pendant plus de vingt ans, depuis son deuxième départ du pouvoir en 1981, l'ancien président occupait une modeste villa, sans étage, au pied du camp militaire de Roux, voisin direct de l'ambassade de France sur le bord du fleuve Oubangui.

Dans l'ombre protectrice de l'ex-puissance coloniale, il vivait ainsi le soir d'une vie qui ne lui avait pas apporté la prospérité - au point où les représentants successifs de Paris lui faisaient porter des vivres -, mais qui fut riche en gloires et déchéances passagères.

Peu avant sa mort, David Dacko a soldé cette existence, obtenant quitus de l'histoire en demandant "pardon" à la nation et en se réconciliant, après quarante-trois années d'acrimonie, avec l'actuel premier ministre Abel Goumba, l'autre figure historique de la Centrafrique indépendante.

Né le 24 mars 1930 à Bouchia, une bourgade à 120 km en aval de Bangui, ce fils de paysans devint d'abord instituteur, puis directeur d'école. Il entra en politique en 1957, député du Mouvement pour l'évolution sociale de l'Afrique noire (Mesan), créé par son "cousin" Barthélémy Boganda, à la fois père de la nation et de l'indépendance centrafricaines.

Après la mort de celui-ci, dans un accident d'avion jamais élucidé, David Dacko, avec l'aide du colonat français, évince le vrai fils spirituel de Boganda, Abel Goumba, et accède à la tête de l'Etat dont il proclame, le 13 août 1960, la souveraineté internationale. Mais après cinq ans d'un règne velléitaire, oscillant entre abandon et durcissement autocratique, il est renversé, dans la nuit de la Saint-Sylvestre 1966, par le colonel Jean-Bedel Bokassa, futur maréchal-président à vie, puis empereur.

"OPÉRATION BARRACUDA"

Quand la France met fin aux frasques impériales, le 20 septembre 1979, à la faveur d'une intervention aéroportée connue comme "opération Barracuda", David Dacko est ramené dans la soute d'un Transall français. Remis au pouvoir, il tente sincèrement de renouer avec une légitimité démocratique et sera même le premier chef de l'Etat en Afrique francophone à organiser, en décembre 1980, un "séminaire national de réflexion", antécédent des futures "conférences nationales souveraines" de l'après-guerre froide. Cependant, ayant gagné les élections, en mars 1981, avec seulement 50,23 % des voix, l'opposant Ange-Félix Patassé mobilise la rue contre lui. Cédant à la lassitude, et voulant barrer la route à un démagogue, David Dacko remet alors le pouvoir, le 1er septembre 1981, au chef de l'armée centrafricaine, le général André Kolingba, qui s'accrochera pendant quatorze ans au fauteuil présidentiel.

Ayant accepté de serrer la main, le 13 août 2003, à l'occasion du quarante-troisième anniversaire de l'indépendance, à Abel Goumba, son vieux rival et victime de tous les autocrates qui avaient accédé au pouvoir par sa faute, David Dacko a fait lire une déclaration, le 10 octobre, devant les trois cent cinquante représentants au "dialogue national de réconciliation".

Déjà trop faible pour être présent, il fit lire un texte présentant "toutes -ses- excuses du fond du cœur" et demandant "solennellement pardon pour les actes et les insuffisances -qu'il avait- eu à poser dans le cadre des hautes fonctions -qu'il avait- occupées".

Il faut croire que la nation a entendu cet appel. A l'unisson, de nombreuses personnalités, dont l'ancien premier ministre Jean-Paul Ngoupandé et le président de la Ligue centrafricaine des droits de l'homme, Me Nicolas Tiangaye, ont rendu hommage au défunt chef de l'Etat dont "l'histoire retiendra qu'il ne s'est pas enrichi au pouvoir, qu'il n'a pas été tribaliste".

L'actuel président centrafricain, le général François Bozizé, a décrété un deuil national d'un mois. Stephen Smith

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 25.11.03 (LE MONDE | 24.11.03 • MIS A JOUR LE 24.11.03 | 17h40

Actualité Centrafrique - spécial "décès du président David dacko", novembre 2003