Les causes de la pénurie des carburants et les implications politico-financières (par les partis en présence)

 

ASD . CNP . FC . MDI/PS . PUN .UPR

Alliance pour la Solidarité et le Développement (ASD) - Centrafrique Nouvelles Perspectives (CNP) - Forum Civique (FC) - Mouvement pour la Démocratie, l'Indépendance et le Progrès (MDI/PS) - Parti de l'Unité Nationale (PUN) - Union Pour la République (UPR)

COMMUNIQUE DE PRESSE

Depuis un mois, la République Centrafricaine est confrontée à une pénurie de carburants qui paralyse progressivement mais sûrement la vie économique et sociale du pays. Bangui, notre capitale, offre un spectacle permanent de désolation, caractérisée par de longues files devant les stations d'essence et des attroupements désabusés aux points d'arrêts des taxis et des bus. Des automobiles passent des heures, voire des jours, à attendre l'hypothétique fourniture de quelques litres. On voit même des chauffeurs dérouler des nattes pour passer la nuit sur les lieux, dans l'espoir peu assuré d'être servi le lendemain.

Les multiples et graves conséquences de cette pénurie se font sentir :

- flambée des prix sur les carburants au marché noir (2000 francs CFA pour le litre de super, 1000 francs CFA pour le litre de pétrole lampant utilisé principalement par les populations rurales)

- spéculation sur une vaste échelle dans laquelle sont impliqués des barons du régime

- brusque montée des prix sur les tarifs des transports urbains et routiers en direction de la province

- rareté du trafic routier gravement perturbé du fait de la pénurie de carburant

- fermeture pure et simple de la plupart des stations de province

- flambée vertigineuse des prix des denrées de première nécessité: manioc (6000 à 7000 francs CFA la cuvette à Bangui ce jour, au lieu de 2500 il y a un mois) ; sucre, riz, viande, etc. D'où la certitude d'une inflation galopante dans les jours à venir.

- baisse brutale de l'activité économique, ce qui conduira inévitablement à une récession certaine et à l'aggravation des difficultés de trésorerie de l'Etat centrafricain.

- difficultés à prévoir pour les banques ayant prêté de l'argent en vue de l'achat de 25000 m3 deb carburant "évaporés" à Kinshasa.

Cette paralysie générale frappe durement les populations déjà éprouvées par les conséquences de la mauvaise gestion du régime. Aux retards de salaires (12 à 14 mois), de pensions et de bourses s'ajoutent désormais la rareté et la cherté des produits de consommation courante, ainsi que la difficulté de se déplacer pour vaquer aux activités quotidiennes. La dégradation de la situation scolaire et sanitaire est renforcée par le surcroît de désordre dans le fonctionnement de l'administration. La machine économique est plus grippée que jamais.

Vraiment, la vie est devenue encore plus dure pour les Centrafricains moins d'un an après le PREMIER TOUR K.O. En fait, c'est le pays tout entier qui est aujourd'hui KO.

Le gouvernement DOLOGUELE était déjà sérieusement discrédité par la succession de scandales politico-financiers qui ont mis à jour la nature corrompue du régime : opération financière mafieuse à la BEAC; vente illicite de carburants par ZONGO OIL et escroquerie au détriment du fisc; sandale de la compagnie aérienne CENTRAFRICAN AIRLINES; détournements monstres à l'ENERCA; collusion avec des commerçants libanais pour gruger le fisc (affaire CCCG TRAD) ; trafics sur des voitures de fonction par des ministres ... La liste est vraiment longue.

La pénurie de carburants dévoile un autre aspect de ce gouvernement, aspect que la propagande officielle et des journaux étrangers complaisants ont tenté jusqu'ici de masquer : l'INCOMPETENCE et l'IRRESPONSABILITE. Car enfin, comment peut-on sérieusement invoquer l'ETIAGE de l'Oubangui pour expliquer la pénurie de carburant? Est-ce à dire que la saison sèche en RCA n'a commencé à se manifester qu'en 1999??? La vérité, c'est que tous les gouvernements qui se sont succédé depuis l'indépendance en 1960 ont été confrontés à l'obstacle de l'étiage et ont su intelligemment le contourner : tous ont toujours profité de la saison des pluies pour constituer le stock annuel de carburants dont le pays a besoin. S'agissant d'un pays enclavé comme la RCA, il s'agit là d'une priorité vitale, qui doit requérir à tout instant l'attention d'un gouvernement vraiment responsable.

Ce qui s'est passé en 1999 relève de l'entière responsabilité du Gouvernement de M. DOLOGUELE. La privatisation de Petroca a traîné en longueur. Lorsque sous la pression des bailleurs de fonds, le Gouvernement a dû céder, c'est la procédure de liquidation qui a pris du retard. A juste titre, les banques ont hésité à mettre en place le crédit de campagne pour 1999, puisque les structures devant remplacer Petroca n'étaient pas prêtes. Il a fallu modifier le statut de l'ENERCA pour lui confier la mission d'approvisionnement, d'où le démarrage tardif de la campagne.

De l'aveu même du Gouvernement, celui-ci a démarré cette campagne avec trois mois de retard. À cette incurie s'est ajouté le pillage des ressources financières de PETROCA avec des opérations de pure spoliation comme ZONGO OIL, dont les principaux initiateurs continuent de se balader dans la plus parfaite impunité. Tout cela ne pouvait évidemment pas renforcer la confiance des banques.

Le blocage à Kinshasa de 25000 m3 représentant moins d'un tiers de la consommation annuelle ne suffit donc pas à expliquer la pénurie qui frappe le pays. La cause principale réside dans l'incurie de ce gouvernement, que même le Bureau Exécutif du MLPC, le parti au pouvoir, a stigmatisé à plusieurs reprises.

S'agissant du blocage des 25000 m3 à Kinshasa et du conflit ainsi né avec le gouvernement du Président Laurent-Désiré KABILA, les partis signataires du présent communiqué tiennent à rappeler qu'à la veille des élections législatives de 1998, M. Jean-Paul NGOUPANDE, Président du Parti de l'Unité Nationale (PUN), avait rendu public une déclaration dans laquelle il mettait en garde les autorités quant aux conséquences de l'implication directe de notre pays dans la guerre civile en République Démocratique du Congo. A l'époque, le Président PATASSE avait autorisé les troupes de Kinshasa à utiliser l'aéroport de Bangui et le territoire centrafricain pour attaquer les rebelles du MLC (Mouvement de Libération du Congo) de Jean-Pierre BEMBA. Auparavant, un accord de défense avait été signé avec le Président KABILA sans que l'Assemblée nationale ait eu à en connaître le contenu, et encore moins à le ratifier. Dans le même ordre d'idée, les troupes tchadiennes avaient été autorisées à traverser le territoire centrafricain pour rentrer dans leur pays après l'échec de leur intervention dans la province congolaise de l'Equateur, contre les forces de Jean-Pierre BEMBA.

Sans crier gare, le Président PATASSE a changé d'alliance et s'est nettement rapproché du leader du MLC en 1999, à la veille de l'élection présidentielle. Du coup, le Président KABILA se sent trahi et accuse ouvertement la RCA de servir de base arrière à Jean-Pierre BEMBA et de transit pour la fourniture d'armes et de carburants au MLC. L'envoi de deux ministres centrafricains ne pouvait évidemment pas dénouer cette crise, qui est hautement politique. Seul le Président PATASSE lui-même peut donner de réelles garanties de neutralité à son homologue congolais et débloquer la situation. Son message à la Nation en langue nationale le vendredi 9 juin 2000, le lendemain de son retour d'un long voyage à l'étranger, n'a pas convaincu des Centrafricains, y compris ceux qui ont voté pour lui le 19 septembre 1999. Bien au contraire: selon notre constat, la plupart de nos compatriotes à Bangui ont ressenti ce message comme une provocation, eu égard à la dureté de la situation à laquelle ils sont confrontés.

Quant aux 450 tonnes de carburant qu'auraient promis la Libye et des pays du Golfe, il est à craindre que ce ne soit encore là que des annonces sans lendemain, ne serait-ce qu'à cause des difficultés de transport. Le très proche avenir nous dira ce qu'il en est.

Pour terminer, les partis politiques soussignés tiennent à souligner la pleine et entière responsabilité du Président de la République et du gouvernement de M. DOLOGUELE dans la situation très éprouvante que vivent les Centrafricains. Sachant que la voie routière est aléatoire et coûteuse, l'ASD, le CNP, le FC, le MDI/PS, le PUN et l'UPR les invitent vivement à engager sans delai de véritables discussions politiques avec les autorités de Kinshasa, et au plus haut niveau, pour trouver une issue durable à la crise. Ils réclament des sanctions contre tous les responsables de cette situation, notamment tous ceux qui sont directement impliqués dans les négligences ayant conduit à la pénurie. Ils dénoncent une fois de plus la mauvaise gestion, la corruption et les détournements qui sont la cause des malheurs actuels du peuple centrafricain.

L'ASD, le CNP, le FC, le MDI/PS, le PUN et l'UPR rappellent enfin que sur la proposition de M. Jean-Paul NGOUPANDE, député de Dékoa et Président du Groupe parlementaire PUN-FC-INDEP., l'Assemblée Nationale a demandé, à l'unanimité le 29 mai 2000, une session extraordinaire pour permettre à la représentation nationale d'apporter sa contribution à la recherche d'une solution durable à cette crise.

L'Assemblée Nationale, qui a chargé son Président de saisir le Chef de L'Etat à cet effet, attends toujours la convocation de cette session extraordinaire.

 

Fait à Bangui, le 10 juin 2000

L'ASD (Ch. BREMAIDOU); Le CNP (D. KOSSI-BELLA); Le FC (Th. MALENDOMA)

Le MDI/PS (D. NDITIFEI); Le PUN (D. NDITIFEI); L'UPR (SAMMY-MACKFOY)

NDLR : Nous apprenons que le Président PATASSE s'est rendu depuis mercredi 14 juin 2000 en Libye pour demander l'intercession de Kadafi auprès du Président Laurent-Désiré KABILA

(15 juin 2000)

Actualité Centrafrique - Dossier 2