Zongo (RDC) et ses encombrants réfugiés centrafricains

AFP, Zongo (RDC), 10 septembre 2001 - 17h05 - "Si on empêche de dormir ceux de Bangui, en face, qu'on nous déporte plus loin dans des conditions décentes", suggère un cadre centrafricain, réfugié dans la localité congolaise de Zongo depuis le putsch avorté du 28 mai contre le président centrafricain Patassé.

Comme lui, 15 à 25.000 Banguissois selon les estimations, pour la plupart de l'ethnie yakoma, ont traversé le fleuve Oubangui et gagner Zongo et ses environs, lorsque les combats faisaient rage dans la capitale centrafricaine.

Leur présence embarrasse autant l'administration du chef rebelle congolais Jean-Pierre Bemba, qui contrôle cette bourgade déshéritée de la province de l'Equateur, qu'elle inquiète Bangui, où les rumeurs de contre-attaque des putschistes alimentent les conversations.

Cinq minutes de pirogue à moteur sur les eaux bourbeuses du fleuve grossi par la saison des pluies suffisent en effet à relier Bangui à Zongo.

Lors des événements de Bangui, cette frontière naturelle perméable avait permis à plusieurs centaines de rebelles congolais de voler, "en voisins", au secours du pouvoir centrafricain et de se payer en pillages, tandis que putschistes et civils fuyaient la RCA dans l'autre sens.

Depuis, Bangui épie Zongo et menace de bombarder les îlots du fleuve en cas d'incursion des putschistes. De l'aveu même des réfugiés de Zongo, entre 8OO et 900 militaires centrafricains ou ralliés résident dans les parages. "Sans armes", assurent-ils.

Zongo la pauvre, privée d'électricité, peuplée en temps normal d'environ 6.000 habitants, scrute Bangui, jadis baptisée "la coquette", ses lumières et ses marchés.

La bourgade s'étire le long du fleuve, de part et d'autre d'une allée centrale où alternent des cases de terre séchée aux toits de chaume, des bâtiments administratifs, une banque, et un "Super-grand magasin" désaffecté, vestiges décrépits de l'ère Mobutu.

Les réfugiés de Bangui se sont fondus parmi les 6.000 habitants locaux dans une relative harmonie, solidarité riveraine aidant: mêmes ethnies, mêmes traditions ancestrales de pêche.

"Mais on commence à voir des problèmes de cohabitation", rapporte une religieuse à l'AFP. "Ceux qui avaient des moyens ont loué des maisons mais arrivent à cours d'argent. Les femmes yakoma qui partent acheter des biens à Bangui pour les revendre à Zongo font de l'ombre aux commerçantes locales. Plusieurs centaines de réfugiés sont entassés dans les écoles et empêchent la rentrée des classes".

Pour permettre la reprise des cours, l'antenne locale du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) des Nations unies construit à la hâte un camp de transit.

Mais sa priorité, c'est d'installer les réfugiés sur le site de Molé, à 45 km à l'intérieur des terres, pour apaiser la tension en bordure du fleuve.

"Le problème, c'est que la route qui y mène est en très mauvais état et que la piste d'atterrissage de Zongo n'est pas assez longue pour acheminer des bulldozers par avions gros porteurs", explique Andréa, volontaire d'une ONG norvégienne. Alors, c'est à la hache et à la pelle que la piste sera rendue praticable...

Les membres du comité de coordination des réfugiés, des intellectuels yakomas pas forcément représentatifs du plus grand nombre, ne voient guère ce transfert d'un bon oeil: "Nous sommes des pêcheurs et on veut nous déporter en pleine forêt, au milieu des serpents et des bêtes sauvages", s'énerve l'un d'eux. Quant à rentrer au pays, ils estiment la situation à Bangui trop instable pour cela.


Actualité Centrafrique - Dossier 6