DECLARATION DES PARTIS SUR LA DECISION DE M. BINDOUMI DANS L'AFFAIRE BOZIZE. : " la poursuite de la procédure de l'affaire suivie contre Bozizé et autres, inopportune ".

 

Nous soussignés, ADP, ASD, FC, FND, FODEM, FPP, MDI-PS, MESAN-BOGANDA, MNR, PUN et UNDD, partis politiques d'opposition.

Formulons ci-après nos observations sur la décision n°697 du 24 décembre 2001 par laquelle M. Joseph Bindoumi, Procureur Général près la Cour d'Appel de Bangui, a jugé " la poursuite de la procédure de l'affaire suivie contre Bozize et autres, inopportune ".

D'emblée, nous déclarons la décision en cause, forcément non professionnelle au regard des règles d'administration de la justice, immorale, inappropriée, discriminatoire, inopérante et, finalement inopportune, en considération des éléments d'appréciation exprimés comme il suit.

Premièrement : La motivation de la décision telle qu'elle est exprimée et les déclarations faites en guise de commentaire tour à tour par M. Bindoumi, les Ministres de la Justice et des Affaires Etrangères, éclairent largement sur le caractère fondamentalement politique de cette même décision. Or, il n'appartient pas à un magistrat, fut-il du Parquet, de prendre une décision de nature politique.

Le fait que la décision en question a été rendue publique dès après l'entretien en tête à tête du Président Patassé avec l'envoyé spécial de M. Kadhafi, Chef de l'Etat libyen, ajoute au caractère politique de la mesure prise, en le confirmant.

Après avoir exercé le forcing pour obtenir le déploiement en Centrafrique d'une force militaire sous l'égide de la COMESSA, néanmoins dirigée et coordonnée de manière unilatérale par la Libye, ce pays en est venu à faire le " pressing " auprès du Président Patassé pour accomplir ce à quoi auparavant il s'est résolument opposé. Cela a donc débouché sur la décision prise par Bindoumi, maquillant de la sorte du sceau judiciaire une mesure réellement politique, sachant que la mise en œuvre de l'option militaire initiale se révèle de plus en plus compromise.

L'on se souvient de ce que le Président Patassé, directement ou indirectement par ses hérauts et porte-voix, incarnés par M. Ndouba et son compère M. Bindoumi, a toujours fait savoir sa préférence pour une solution judiciaire, prenant le contre-pied des démarches émanant tant de l'intérieur que de l'extérieur du territoire centrafricain qui l'exhortaient de traiter et de régler l'affaire Bozizé par des moyens politiques.

C'était et c'est encore de la responsabilité du Président Patassé, s'il fait le choix de contribuer à la reconstruction de l'unité de tous les Centrafricains et de la paix en Centrafrique, de décider des mesures attendues de lui-même.

Deuxièmement : La décision de Bindoumi apparaît comme une tromperie, car, dans ses propres commentaires dans les médias, celui-ci a clamé haut et fort que la procédure engagée à l'encontre de M. Bozizé peut toujours être reprise nonobstant cette décision qui n'a fait que suspendre et non annuler la poursuite.

Sur ce point, M. Bindoumi, sans doute sans le savoir, a dit la vérité, parce que, avant les événements déclenchés le 02 novembre 2001, le Général Bozizé encore en fonction, après avoir été longuement entendu par Bindoumi en tant que Président de la Commission chargée de faire la lumière sur le coup d'Etat manqué du 28 mai 2001, a par la suite été évincé de ses fonctions de Chef d'Etat-major général des Armées. Cela incline à croire, en toute logique, qu'il y a, à l'égard de M. Bozizé, une relation de cause à effet entre le putsh manqué et son limogeage. Pour cette raison, s'il se trouve sur le sol centrafricain, l'intéressé peut, d'un jour à l'autre, être inquiété. M. Bindoumi, dans ses déclarations émises entre le 02 et le 03 novembre, n'a-t-il pas laissé entendre que la commission, qui avait reçu M. Bozizé pour sa première déposition, a le droit de le convoquer à nouveau pour l'entendre une seconde fois ? Et, dans un second temps, M. Ndouba annonçait de manière péremptoire que M. Bozizé avait préparé un coup d'Etat qu'il s'apprêtait à exécuter.

A l'évidence, malgré les dénégations des partisants du Président Patassé, M. Bozizé reste susceptible d'être poursuivi pour les événements du 28 mai comme pour ceux du 02 novembre 2001 et la décision de M. Bindoumi n'est nullement opérante et praticable ni dans le premier ni dans le second cas.

Troisièmement : La décision de M. Bindoumi est notoirement discriminatoire en ce qu'elle fait table rase du cas des Centrafricains réfugiés en République Démocratique du Congo (RDC) et ailleurs, qui n'ont pas forcément tous quelque chose à se reprocher par rapport aux événements du 28 mai 2001.

L'argument développé par M. Bindoumi, en tant que militant patassiste, selon lequel la procédure contre M. Bozizé a été suspendue dans le but d'éviter tout conflit avec le Tchad, pays voisin du nôtre, peut valablement s'appliquer pour la République Démocratique du Congo où se trouvent réfugiés des Centrafricains civils et militaires.

Quatrièmement : Son zèle, pour ne pas parler de sa servilité au service de son Maître, de même que sa propension au cumul de fonctions et au vedettariat, portent toujours M. Bindoumi à se considérer comme possédant le monopole du savoir et du savoir-faire, comme il a, hélas incontestablement le monopole de l'utilisation des médias audiovisuels de l'Etat pour dire, se dédire et se contredire constamment sur des sujets qui ne revèlent même pas de sa compétence, foulant au pied l'obligation de réserve comme le stipule le statut de la Magistrature. Tout bien considéré dans le contexte de l'affaire Bozizé, il n'y a aucune avancée dans le sens de l'apaisement et de la réconciliation tant souhaités.

D'ailleurs, c'est le lieu de stigmatiser, comme nous, partis politiques d'opposition, l'avons déjà fait dans d'autres circonstances, la volonté du Président Patassé de transformer la Magistrature en un véritable instrument à son service, qu'il manipule au gré de ses intérêts.

Pour nous, partis politiques d'opposition, la restauration de la paix et de la concorde intercommunautaire passe nécessairement par l'élimination des causes de tension socio-politique, par le respect des principes de droit et des normes de la morale, autant que par la tolérance et le pardon, autrement appelé l'amnistie. Cela requiert de la part de chacun de nous tous le dépassement de soi-même, une volonté politique marquée, privilégiant de manière patente l'intérêt général et la prise en compte du fait que la violence engendre la violence. En la matière, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, au paragraphe 3 de son préambule, " considère qu'il est essentiel pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression ".

Notre revendication en faveur de la réconciliation nationale et du pardon ne saurait être interprétée comme une reconnaissance ou une approbation de notre part des actions tentées en vue de prendre le pouvoir de l'Etat par la force civile ou militaire.

Nous réaffirmons notre attachement aux principes fondamentaux de démocratie et à la paix pour le rétablissement de laquelle nous restons disposés à œuvrer loyalement et dans un esprit de solidarité, prenant en compte les événements du 28 mai 2001 aussi bien que ceux du 02 novembre 2001, ainsi que la situation des Centrafricains ayant été touchés en leur personne et leurs biens, qui se trouvent réfugiés à l'étranger.

C'est dans ce sens que nous avons préconisé la sortie de crise qui passe par :

1 - le retour des réfugiés dans les conditions de sécurité garanties.

2 - l'amnistie générale.

3 - le retrait des troupes libyennes.

4 - le dialogue national.

En définitive, nous exhortons le Président Patassé à user de ses prérogatives constitutionnelles pour mettre sans tarder sur pied les conditions d'une décrispation sociale véritable et d'un dialogue national sur la situation si dramatique dans notre pays.

" Pas de paix sans justice, pas de justice sans pardon ". S.S. Jean-Paul-II.

Fait à Bangui, le 1er janvier 2002

Ont signé

ADP | ASD | FC | FND | FODEM | FPP | MDI-PS | MESAN-BOGANDA | MNR | PUN | UNDD

Actualité Centrafrique - Dossier 9