Le château de Bridoire dans le Périgord acheté par Bokassa retourne dans le patrimoine français

RIBAGNAC (France), 16 avril (AFP) - 12h34 - Abandonné aux pillards, le château de Bridoire, un manoir du XIIIe siècle de la région de Bergerac (sud-ouest) acheté à la fin des années 70 par l'ex-empereur centrafricain Jean-Bedel Bokassa, vient d'être récupéré par le ministère frnaçais de la Culture au terme d'une procédure d'expropriation unique.

"C'est une belle victoire", se réjouit Claude Leroy, le président de l'association de sauvegarde qui, depuis quinze ans, se bat contre "un propriétaire fantôme" pour sauver la bâtisse de la ruine.

Alors que la demeure de trente pièces était livrée aux vandales, le plus difficile a été de déterminer qui se cachait derrière la société Roume-Boufflers, qui l'avait achetée en 1978 à un homme d'affaires suisse pour 700.000 francs, une bonne affaire à l'époque.

Les membres de l'association se sont transformés en détectives pour mener leur enquête, à Paris dans différents ministères, mais aussi à Dakar, où se trouve le siège de Roume-Boufflers.

Durant leurs investigations, ils découvrent que la société sénégalaise n'existe plus depuis 1984 et que son gérant est l'une des figures de la "Françafrique": Léon Boissier-Palun, aujourd'hui âgé de 86 ans, fut président du grand conseil de l'Afrique Occidentale Française (AOF) de 1952 à 1957, puis ambassadeur du Sénégal dans plusieurs pays d'Europe.

Cet ancien avocat à la cour d'Appel de Paris, aux multiples décorations, "gérait les intérêts en France de plusieurs dignitaires africains dont ceux de l'Ivoirien Félix Houphouët Boigny et de Jean-Bedel Bokassa ", assure Claude Leroy, un enseignant que rien ne prédestinait à l'investigation policière.

L'enquête n'a pas été facile: un ancien bâtonnier du barreau de Paris conseille très vite à l'association de "laisser tomber" en invoquant "la raison d'Etat".

Finalement, la recherche des actes de propriété de Bridoire permet de découvrir dans les archives des Bâtiments de France le nom de Jean-Bedel Bokassa, qui aurait acheté le manoir pour son fils aîné, Georges.

Pour décourager les amis de Bridoire, Léon Boissier-Palun multiplie les procédures, tantôt pour "diffamation", tantôt pour "violation de propriété". En quinze ans, il perd onze procès et trois procédures sont toujours en cours.

Parallèlement, le gérant de la société Roume-Boufflers fait jouer de son influence: en 1996, le député-maire de Bergerac, Daniel Garrigue, venu négocier à Paris un arrangement à l'amiable, trouve au rendez-vous... Jacques Foccart, ancien homme-clé de la politique africaine de la France.

Après des années d'efforts, le château de Bridoire est "classé d'office" à l'inventaire des Monuments historiques. L'association célèbre sa première victoire, même si à l'époque, les dégâts sont déjà importants.

"Les pilleurs ont depuis longtemps pris ce qu'il y avait à prendre", déplore Claude Leroy évoquant "les tapisseries, les tableaux, les meubles, les statues ou les cheminées" arrachées du château.

Aujourd'hui, le manoir entièrement restauré à la fin du XIXe, a perdu de sa superbe. Les ronces et les arbustes grimpent le long des murailles, boiseries et parquets ont été utilisés pour des feux de camp, et aucune fenêtre n'est intacte.

Pour récupérer le château, l'Etat a dû tout de même débourser 256.000 euros et des travaux d'urgence doivent être réalisés prochainement pour éviter la ruine. Bridoire sera alors cédé à un nouveau propriétaire, les Monuments Historiques n'ayant ni l'intention, ni les moyens de le conserver.


L'Etat rachète le château de Bokassa
L'ex-empereur avait caché être propriétaire de ce manoir. (Libération.fr )

Longtemps livré aux pillards, le château de Bridoire, un manoir du XIIIe siècle de la région de Bergerac (Dordogne), est sauvé. Il vient d'être racheté par le ministère de la Culture au terme d'une procédure d'expropriation unique en son genre et d'une vaste enquête pour retrouver l'identité de son propriétaire : l'ex-empereur de Centrafrique, Jean-Bedel Bokassa.

«C'est une belle victoire», se réjouit Claude Leroy, le président d'une association de sauvegarde qui, depuis quinze ans, se bat contre «un propriétaire fantôme». Le plus difficile a été de trouver qui se cachait derrière la société Roume-Boufflers qui avait acheté la propriété en 1978 à un homme d'affaires suisse, pour 700 000 francs, une bonne affaire à l'époque.

Les membres de l'association se sont transformés en détectives, allant de Paris dans les ministères à Dakar où se trouve le siège de Roume-Boufflers. Ils découvrent d'abord que son gérant est l'une des figures de la «Françafrique» : Léon Boissier-Palun, aujourd'hui âgé de 86 ans, ex-ambassadeur du Sénégal dans plusieurs pays d'Europe. Cet ancien avocat à la cour d'appel de Paris aux multiples décorations «gérait les intérêts en France de plusieurs dignitaires africains, dont ceux de Félix Houphouët-Boigny et de Jean-Bedel Bokassa», raconte Claude Leroy.

Invoquant «la raison d'Etat», un ancien bâtonnier du barreau de Paris conseille aux «amis de Bridoire» de «laisser tomber». Pour les décourager, Léon Boissier-Palun multiplie les procédures pour «diffamation» et «violation de propriété». Il a le bras long : en 1996, le député-maire de Bergerac, Daniel Garrigue, venu négocier à Paris un arrangement à l'amiable, trouve au rendez-vous... Jacques Foccart, ancien homme clé de la politique africaine de la France.

Finalement, la recherche des actes de propriété permet de découvrir le nom de Bokassa dans les archives des Bâtiments de France. Après des années d'efforts, le château de Bridoire est «classé d'office» à l'inventaire des Monuments historiques. Pour le récupérer, l'Etat a déboursé 256 000 euros. Après des travaux de rénovation d'urgence, Bridoire sera cédé à un nouveau propriétaire, les Monuments historiques n'ayant pas les moyens de le conserver.

Libération.fr  (Libération édition électronique), mercredi 16 avril 2003


Les nouvelles brèves de Centrafrique (suite 2)