CAHIER POLITIQUE CENTRAFRICAIN
Cahier événementiel N° 12, Septembre 2003

DIALOGUE NATIONAL
Pour quelques suggestions

L’organisation de l’élection présidentielle qui semble préoccuper tous les esprits, bien qu’appuyée par un texte fondamental en vue, ne doit pas éclipser la lame de fond de l’interminable calvaire d’une nation embrasée par deux régimes générateurs de haines et de crispations. Deux régimes qui se suivent et se ressemblent. Le dialogue national est un temps de réflexion qui, non seulement doit tenir compte de toutes les sensibilités mais surtout ressortir les causes profondes du malheur qui s’abat sur le pays depuis plus de vingt ans.

Nous sommes aux premiers jours de la période post-putsh dite de transition. Voilà une rentrée transitoire réussie avec un leader politique Abel Goumba confirmé par une adhésion populaire, à la tête d’un gouvernement aux prises à de lourdes difficultés sur un terrain économique et social. Mais un gouvernement , qui d’entrée de jeu, identifie très vite quelques aspects obscurs au blocage économique. L’importance des mesures restrictives à l’exploitation du bois et du diamant va inscrire à l’actif de l’équipe gouvernementale, un signe de volonté politique et de rigueur – condition sans alternative de la bonne gouvernance.

Toutefois, nul ne doute de la complexité reconnue d’une piste transitoire de la période ultra sensible liée à nos habitudes mentales mécaniques dérisoires auxquelles le dispositif à l’antidote électoral et constitutionnel n’est qu’un palliatif. La thérapie est grande et longue pour nous exorciser.

A l’en croire et par illustration, comment expliquer le grief d’outrecuidance fait par ses pairs au premier Ministre Abel Goumba lui même leader politique opposé à cette nuisante pratique pendant très longtemps sous tous les régimes ?

Le professeur est-il arrivé au laboratoire avec un fœtus viral dissimulé dans sa trousse ? C’est-à-dire qu’on prend les mêmes et on recommence autrement dit, les hommes s’en vont les tendances restent ? Avoir les mains blanches tel qu’il est légendairement connu à Goumba c’est bien, éviter les mêmes causes qui produisent les mêmes effets, c’est mieux…

Le professeur Goumba est tout de même un homme de grande conviction, figure historique de l’opposition au titre de compagnon de Barthélémy Boganda, président fondateur de la République. Nommé premier ministre d’après coup, il s’exprime dans ses premières déclarations en terme de Renaissance interprêté comme lui étant l’incarnation même du sacré personnage de Boganda. C’est pourquoi à titre personnel je dis que Abel Goumba ne mérite pas ça. Sans vouloir se mettre dans une contrariété il a trébuché sur une note. Il tient encore bien la route. Pourvu qu’il nous sorte sa feuille, avec un ou deux objectifs à atteindre sur le plan économique. Nous devons l’aider surtout qu’il travaille avec une bonne équipe gouvernementale.

L’attitude du Général BOZIZE devant les faits reprochés à son premier ministre.

Cette foulure aurait elle donné l’occasion forte au Général Président (présidentielles obligent) de marquer un grand coup politique que de limoger un premier ministre pas comme les autres au prix de se faire davantage de crédibilité ? Il ne l’a pas fait autant qu’on imagine qu’il a des ambitions cachées, pour jouer tôt ou tard son destin politique.

Lorsqu’on regarde le parcours de l’homme qui s’était toujours élevé contre le mépris du peuple par un tribalisme d’Etat, au point de se passer une croix dessus sous les deux violents régimes successifs, Bozizé a fait de sa traversée du désert celle du peuple victime. On se souvient aussi que par décision militaire d’opportunité sur le terrain, cet officier Général a pu faire éviter in-extremis des dérives meurtrières sans précédent. C’était il y a quelques années déjà sous le règne de l’ancien monarque. Bref loin d’en faire un culte de personnalité, la lecture du citoyen moyen au nombre duquel j’appartiens me porte à dire et cela n’engage que moi, que ce monsieur présente toutes les qualités morales requises et encore avec un Jean Paul Ngoupandé à ses côtés. Un tandem qui fait bon présage.

Le leader politique Jean Paul Ngoupandé au même titre qu’Abel Goumba, aurait fait preuve de grande objectivité laissant ses ambitions personnelles de côté pour aider à retrouver le repère perdu de l’Etat. Le premier ministre Lakoué ne s’en est autrement distingué. La cause juste est là. Aussi suis-je tout de même quelque peu flatté de voir les deux hommes (Bozizé et Ngoupandé) ensemble. Ce fut un souhait personnel lorsque je suis intervenu lors du passage prospectif à Paris de l’Archevêque de Bangui et du premier ministre Henri Maïdou, leur demandant d’éviter le piège de Patassé en le poussant à la démission dans le cas où le Général Bozizé n’y parviendrait pas par la force. Et que Jean Paul Ngoupandé, pour avoir déjà fait ses preuves, était l’homme idoine à la primature transitoire avec la personne qui présiderait.

 

POUR QUELQUES SUGGESTIONS

Lorsqu’on considère par simple hypothèse le grief de discrimination fait au premier ministre, c’est l’aspect qui me paraît le plus important à remettre en question. Une pédagogie nationale basée sur la communication ; l’explication clairement suffisante des décisions d’Etat ; la responsabilisation des cadres et les sanctions sévères sans état d’âme à la fois ; les peines d’emprisonnement suivies de révocation pour toutes preuves de discriminations tribales. En un mot, il s’agit de la rigueur. Ces pratiques doivent déjà se faire voir à tous les niveaux des Instances d’Administration de la République couvrant la période transitoire sans quoi, je ne vois pas très bien la nécessité d’étendre la transition jusqu’au terme de la durée initialement prévue, outre cet aspect récurrent c’est-à-dire qui émerge à chaque fois…

Depuis plus de vingt ans tout semble se disloquer sous l’emprise du renouvellement. Cet esprit nouveau du cacique qui souffle dans la haute sphère d’ Administration et du pouvoir d’Etat. Esprit malsain qui met la politique au service de la division et du clientelisme. Le processus démocratique reste l’espace péremptoire malheureusement aux partis politiques qui font l’alternance – pur ethnisme déguisé.

Leur but : Utiliser le pouvoir d’Etat pour organiser le pillage systématique de celui-ci en déplaçant inconsciemment les capitaux hors du pays, et par là le vider de toutes ses ressources financières.

Leur moyen : sous la houlette du prince et sous l’influence des faucons, tous les postes clés de l’administration du territoire sont strictement tenus par eux pour faciliter la circulation des malversations et favoriser les gens de tribu dans la pratique de la contrebande ; sans oublier le terrorisme d’ Etat grâce à l’ensemble des forces publiques acquises à leur cause. Sans en faire un procès d’intention (illustration oblige) nos frères des bords de l’Oubangui se sont on ne peut plus malheureusement identifiés à ce type de comportement et de mentalité. La tribu suivante n’en avait pas moins brillé si ce n’est le pire. Les leaders de ce triste précédent étant bien sûr les présidents Kolingba et Patassé, l’un a commencé le travail, l’autre l’a achevé. Deux frères siamois qui nous laissent aujourd’hui dans cette difficile thérapie, voie de réconciliation, un pays meurtri.

Les partis politiques

A l’heure où les échanges sont mondialisés par la voie du libéralisme qui asseoit sa nette dominance sur le carcan des idéologies, j’imagine mal ce qu’advient l’Afrique derrière son partenaire historique « socio-démocrate » européen déjà en mal de réforme face au puissant état américain. C’est pourquoi je pense que l’alternance pour nous autres centrafricains s’inscrit dans le recoupement des différents programmes qui présentent le même diagnostic, et donc le choix d’un gestionnaire capable d’adapter ou de réguler les affaires à l’incontournable condition draconienne posée par les Institutions de Bretton Woods.

Etant donné le processus démocratique inclut les partis politiques, il serait illégitime de réduire les uns au grand dam des autres. Alors, aux partis ce qui est aux partis, au peuple ce qui est au peuple. La question est de savoir où s’arrêtent les droits des partis et où commence le pouvoir du peuple qui est la démocratie - même ?

En tout état de cause la démocratie ne se mesure pas par une présence ou une arrivée aux Affaires démocratiquement.

1. Il faudrait de véritables lois d’encadrement pour limiter les libertés de l’un à celles
de l’autre afin de parvenir à saisir le niveau de combinaison favorable à l’ Etat.

  • Conjuguer les compétences de l’administration sur une base inter-ethnique, non pas inter - partite. L’expérience ayant montré que les hommes et les femmes appartenant au parti mais pas à la tribu du Chef de l’Etat finissent eux aussi par être lésés.

    Même si un quota de représentation au sein d’une instance dirigeante par exemple est important par parti, les partis respectifs sont tenus d’observer d’office la considération inter – ethnique.

    Aucun département d’Etat ne doit souffrir en son sein des effets contraires aux dispositions. Le cumul de fonctions doit être prohibé. On connaît par exemple la ruée vers l’or, histoire des présidents de Conseil d’Administration des Sociétés d’Etat d’Economie mixte. La responsabilisation dans les départements ministériels ne se limite pas exclusivement aux diplômés. Il y a des hommes et des femmes valables dotés d’expériences déjà sur place.

    Tel qu’il se pratique dans les pays développés, des missions déguisées doivent être régulièrement menées auprès des régies financières sur toute l’étendue du territoire, afin de garantir la perception publique. Les fonctionnaires et Agents d’administration rendus coupables de corruption, de fraudes ou d‘irrégularités doivent être sanctionnés sans appel. Les douanes, la police voire la gendarmerie ont toujours énormément contribué à la chute des recettes principales. Il faudrait une police de police. En un mot l’Etat doit éviter de souffrir de non paiement des fonctionnaires et d’assistance aux personnes démunies, les soins médicaux par exemple.

    Il s’agit là d’un travail de fourmi certes difficile au départ, mais payant à court terme, qui appelle un grand département au même titre de l’Inspection Générale d’Etat mais chargé quant à lui du contrôle de gestion des ressources humaines. Deux corps devant coordonner leurs actions afin d’endiguer les dérives financières et morales d’administration. On peut l’appeler Inspection Générale d’Etat chargée du contrôle des ressources humaines.

    A partir du quota imposé aux partis, il ne peut y avoir la dominance d’un parti sur l’autre y compris le parti au pouvoir. L’exemple doit venir du chef de l’Etat lui-même, appelé à prendre de la hauteur à ces facteurs nuisibles. Par conséquent, il ne devra pas exister une pseudo majorité présidentielle. Le Chef d’Etat travaille avec tout le monde, sans distinction de quelque ordre qu’il soit. Une gestion claire n’a pas besoin d’hommes de confiance.

    Un seuil de suffrage électoral est fixé à tous les partis politiques, en deçà duquel le ou les partis rattrapés doivent fondre dans la société civile, c’est-à-dire qu’ils n’ont plus de quota. Mais priorité est donnée au quota de la société civile dont ceux qui s’y reconnaissent n’ont pas le droit non plus de se mettre en corporation.

    Lorsque je regarde la formation historique du peuple de notre pays, due à des mouvements migratoires où les premiers arrivants n’opposent pas d’hostilité aux suivants, appuyé de cela par l’imbrication ou le brassage matrimonial, je me dis en quoi sommes nous différents du peuple d’Amérique, uni, homogénéisé et fort ?

    Si nos « arrières » déjà à l’état primaire avaient frayé le chemin exploité par Boganda – Docko et Bokassa avec leurs certifiés d’études, primaires, leurs instituteurs et les licenciés de Bokassa, je me pose bien cette question « Mais qu’est-ce qui se passe dans la tête de nos grands diplômés, nos experts et nos intellectuels depuis une vingtaine d’années » ? Bref, j’en appelle au Général Bozizé à s’entourer d’hommes et de femmes de scrupule moral et d’objectivité prouvé pour s’ interroger durant cette pénible période de transition, voire après, si après il y a pour lui.

    L’armée nationale, la gendarmerie et la police doivent être soumises quant à leurs restructurations au même principe de base qu’exige l’équilibre inter-ethnique, mais dosé à la proportionnelle, compte tenu de la taille des ethnies.

    Les officiers supérieurs, les sous-officiers, doivent en période de crise recevoir au préalable la visite d’un constitutionaliste pour lire et comprendre dans le moindre détail la constitution de la République. Il nous faudrait une armée légaliste.

    L’armée intervient pour déposséder le Président de la République du pouvoir qui aura violé la Constitution. Mais le pouvoir est automatiquement confié au Président de la Cour Suprême qui organise dans le délai raisonnable des nouvelles élections.

    En cas de décès du Président de la République le Premier Ministre se voit confier le pouvoir dans le délai raisonnable pour réorganiser l’élection présidentielle.

    Il est prohibé tout régime politico-militaire ainsi que la rébellions armée .


  • LA CONSTITUTION

    Nous devons en finir avec le conformisme de l’administration coloniale qui, au lieu de changer nos esprits, fait enfoncer ceux-ci sur son chemin. Nous devons prendre désormais en compte nos propres facteurs basés sur l’histoire de notre pays, la parfaite cohabitation et la sociabilité.

    La nomination des membres de Conseil Constitutionnel, formé de juristes, sociologues et psychologues, se fait par vote au bulletin secret suivant le quota réservé à chaque corps de métier; le vote étant effectué par leurs pairs.

    La Constitution en elle-même ne doit pas servir l’épée de Damoclès au Président de la République. Bien au contraire, un texte qui, dans ses clauses, permet clairement l’éjection du Président de la République obligerait ce dernier à se conformer à son rôle parfois controversé (garant de la constitution et pouvoir coercitif) . Il est hors de question de modifier la constitution à la convenance d’un régime donné, sauf cas de grandes mutations.

    Lorsque le Conseil Constitutionnel ne verse pas des éléments susceptibles à la destitution du Président de la République, c’est parce que ses membres sont majoritairement nommés et influencés par le Chef de l’Etat lui-même et le Président de l’Assemblée issu de sa propre majorité. Ce qui verrouille tout.

    L’ASSEMBLEE NATIONALE

    A compter du moment où un quota est imposé aux partis politiques, l’Assemblée Nationale sort des députés de leurs régions. Ils sont par conséquent plutôt députés du peuple que de partis. Leur rôle est d’aider dans la vigilance le gouvernement, non pas de s’enfermer dans le bourbier de compromissions conflictuelles qui ternit le paysage politique et crée les crispations.

    Une Assemblée Nationale constructive et forte, écarte surtout le Chef de l’Etat du joug des confréries morbides de certains chefs d’état qui, par de basses manœuvres, s’emparent de la communauté économique sous-régionale qui ne brille que par sa branche armée, pour se maintenir au pouvoir à vie sur la misère du peuple. Nous venons de connaître le cas avec le Président Pabassé. Les bissauguinéens ont failli le vivre il y a trois jours avec le Président Koumbayala et la C.D.E.A.O. voyant bien l’oligarchie qui caractérise son régime.

    L’idéal est de protéger notre chef d’ Etat dans la confiance qui lui est déjà faite par les urnes, Voilà.

    Le dialogue national tendant à la réconciliation véritable ne doit pas laisser les ressortissants du régime défunt impunis. Si ceux du régime précédent avaient énormément payé, certains laissant leur vie, il n’y a a pas de raison que ceux de Patassé profitent de quoi que ce soit. Les fonctionnaires rendus coupable de détournement de fonds publics doivent mériter leurs peines ainsi que certains acolytes de Patassé qui venaient de trahir haut et fort le peuple centrafricain. Faits précis qui n’ont rien à voir avec ni chasse aux sorcières, ni règlements de comptes…

    Nestor Adoum Issa *

    Note complémentaire:
    Pendant que je suis en train de fermer le Cahier, l'AFP rapporte qu'il se germe en coulisse du Dialogue, l'idée du rejet par résolutions au président Bozizé de se présenter à l'élection présidentielle à l'issue de la transition! Dans le même ordre d'idée le vice-président du RDC prévient qu'étant au pouvoir on ne doit pas disposer des biens de l'Etat pour faire campagne.
    On voit tout de suite, qu'en état de grâce le général libérateur fait peur, une peur bleue aux vieux renards de la politique. Il est frustrant, illégitime et antidémocratique, voire regrettable pour des pensées de cet accabit. Car une gestion rigoureuse, saine et claire à la vue de tous, ne pourrait plus permettre de telles pratiques que le Dialogue doit condamner à jamais. On n'utilise pas les biens publics à des fins personneles.
    Mais si on veut rentrer par la fenêtre ce qu'on sort par la porte, je me demande bien à quoi sert la présence de 400 âmes qui planchent en ce moment?
    Il appartient à Bozizé et à lui seul de jouer ou pas son destin politique. C'est bien l'axe du fameux processus démocratique.

    * Après avoir conduit ponctuellement le comité Dacko en 1994, je n’appartiens plus depuis lors à aucun parti politique.

    Regards et points de vue des partis politiques et mouvements centrafricains