CAHIER POLITIQUE
CENTRAFRICAIN
N¡10
20 juillet 1999

 

ELECTION PRESIDENTIELLE
EN CENTRAFRIQUE

 

La question est posée

 

JEAN-PAUL NGOUPANDE
CANDIDAT

 

 

Paris


 

Le continent africain est aujourd'hui confronté à une mutation majeure, qui marque une nouvelle étape, dans l'histoire du capitalisme. C'est la mondialisation dont le mécanisme s'annonce infernal pour les pays africains. Ironie du sort, lorsque les éléphants se battent, ce sont les herbes qui souffrent. Les pays en développement, particulièrement les pays africains, feront à coup sûr les frais.

 

Alors qu'il se passe actuellement dans le cercle des grands, des choses sérieuses, l'attention des dirigeants africains n'en est guère interpellée : la mobilisation des pays européens autour d'une monnaie unique, face au dollar ou le yen ; les américains derrière ces rebelles de la région du grand Lac par exemple, pour disputer les potentialités africaines, en vue du prochain millénaire ; la Chine développe ses tentacules pour ne pas connaître le sort de l'ex-Union Soviétique. Bref, tout bouge, comme une grande bataille qui se prépare, et pour cause, le C.F.A déjà touché qui, si rien ne se fait d'ici là, ne vaudra plus rien, n'en déplaise.

 

Mais tout ça n'a rien d'une catastrophe naturelle pour l'Afrique noire. Par exemple si par l'effort manifeste de volonté politique de certains dirigeants ouest-africains, un indice se pointe à l'horizon, on voit bien que la thèse de la fatalité qui caractérise ceux du centre est rejetée. C'est une question de fermeté et de détermination, lorsqu'on remarque chez les premiers, l'indéniable travail d'intégration nationale outre la région ou la tribu, qui limite visiblement le champ du clivage politique démocratique africain. En même temps s'opère une lutte sans merci, contre la corruption ou les abus de tous ordres, à tous les niveaux hiérarchiques de l'appareil de l'état. Le véritable artisan de cette rigueur est le chef de l'état bien entendu.

 

Si l'absence de sanctions sévères et sans état d'âme, contre certaines mentalités et comportements du cacique, semble être à l'origine du mal africain, l'esprit malhonnête qui en ressort, ne tient d'aucune tradition culturelle ancestrale ; lorsqu'on sait que le chef traditionnel et son entourage font preuve de valeur morale, dans l'organisation de la vie du village. Le phénomène proviendrait de certains dirigeants africains nourris au mets bourgeois, en pleine période de la guerre froide. Les conséquences furent les séries de coups d'état civils ou militaires des années soixante, qui ont affaibli l'essor économique des jeunes Etats.

 

Aujourd'hui encore, en dépit d'un ordre unique né avec la chute du mur de l'histoire, ayant emporté avec lui le courant de l'édifice soviétique, un nouveau ballet est écrit ; les acteurs en sont les rebelles ou les milices bien armées, ou encore les mutins. Les Centrafricains et les Guinéens en savent quelque chose. Le triste cas des deux Congo, l'illustre aussi bien que celui des rebelles massacreurs sierra-léonais qui, dans leur frénésie, tranchent à coup de hache la jambe ou le bras de tous ceux qu'ils accusent de ne pas les applaudir à leur passage, les bébés n'en sont pas épargnés. Folie ou lutte patriotique !

 

***

 

Venons en au point dominant :

le mandat du Président Ange Félix PATASSE arrive à terme, à chacun d'en juger, mais l'événement capital reste le grand rassemblement, pour accorder six nouvelles années. Capital, parce qu'il s'agit de prendre part à l'ultime décision, dont l'effet portera sur chaque centrafricain et sa famille durant ces années là.

 

Après "le jamais vu " d'un mépris et les pires souffrances d'un peuple, sous le régime tribaliste caractérisé de l'ancien général, l'arrivée du Président PATASSE en 1993 est perçue comme la providence. La morale a voulu commander à tous les leaders d'opposition, de laisser au vainqueur des élections, au moins deux années sans entrave, afin de ramener le minimum d'espoir. Mais voilà un pouvoir qui sera ensuite sévèrement sanctionné par ses propres députés, en obtenant le départ d'un gouvernement versé dans l'affairisme. Mais la leçon sera encore loin d'être tirée. Un Etat oligarchique est né. Ce qui va provoquer le départ en fracas de certains membres de la Haute Instance du parti au pouvoir.

 

Mais, lorsqu'on voit tout ce qui s'en est suivi, on est en droit de se demander si ce régime sortant a-t-il logiquement le mérite de se voir renouveler la confiance du Centrafricain digne de ce nom ? Et pourtant le Président PATASSE va tenter sa propre succession, il en a le droit. Seulement ce que l'on redoute, est traduit par cette phrase " on organise pas les élections pour perdre " a dit un homme politique du genre. C'est une pratique courante spécifique aux dictateurs africains. C'est pourquoi la question est posée titre du présent numéro, veut qu'on s'interroge d'abord soi-même.

L'exemple doit venir du leader politique de l'opposition, qui a la lourde responsabilité devant la détresse de la nation, de ne pas avoir droit à l'unique erreur de l'ordre dispersé. Loin de diaboliser le M.L.P.C. qui compte parmi son rang des hommes valables et intègres, un sursaut d'honneur est sûrement attendu.

 

Etant donné un pouvoir doit jouer un rôle générateur et d'encadrement permettant ainsi à chacun de saisir sa chance d'avoir du travail ou d'en créer soi-même,

les Centrafricains oublient-ils vite vingt années de pillage d'état et de fuite de capitaux, organisé au détriment du pays, qui laisse végéter tout un peuple ? Pour quelle raison meurt-on parfois bêtement, parce qu'on ne peut pas recevoir le minimum de soin ? Qu'est ce qui justifie l'humiliante reversion du fonctionnaire, faute de salaire, dans de classe des dés_uvrés ? Et que dire de l'exaspérante propagation du virus porteur de mort ? Que signifie cette discontinuité de rythme scolaire qui peut aller de 3 mois à 3 ans ? Ces pouvoirs qui se succèdent depuis les vingt années et qui tirent jouissance de la mort des enfants de l'avenue des martyrs, respectent la mémoire des jeunes sacrifiés ? Pourquoi les parents d'élèves doivent-ils nourrir de leur poche, les maîtres d'école ? Sont-ils conscients par ce geste pour

l'avenir de leurs enfants, et ne le sont-ils pas, pour donner leur voix à un régime responsable d'un tel drame ? Où est passée la recette des régies financières destinée à cette fin ? La question est posée.

 

Est également posée la question de savoir, pourquoi le paysan, moteur de l'économie, attend-il honteusement des années, l'occasion des élections pour recevoir des mains du pouvoir, à manger ou à boire pour un jour ? Cela fait-il son grenier ou sa outre ? Bref, devant une telle détresse, ce régime doit s'effacer. Il ne pourrait s'effacer que grâce à l'action forte conjuguée de tous les leaders de l'opposition. Ce qu'ils appellent eux mêmes " stratégie unitaire ".Cette initiative ne doit pas être perçue comme la fin du multipartisme, d'autant plus que les différents plans de développement posent le même diagnostic.

L'univers d'une plate forme programmatique, grâce à son profil collégial, mettra tout le monde à pied d'œuvre. Nos députés n'en sortirons pas affaiblis, bien au contraire l'intérêt de cette formule transitoire prime la vie sociale. La vraie course au pouvoir reviendra après, car ceci n'est qu'un palliatif.

 

Peut-on pour l'heure parler d'opposition véritable à un régime qui, loin des règles démocratiques, ne fait preuve d'aucune politique réelle ? Non seulement pour son intolérance, mais par défi, il est en train de tout mettre en _uvre, afin de pérenniser son règne par la terreur, seul moyen de transformer ses visées occultes en système de gouvernement ?

 

Il n'est pas trop tard pour ceux, qui par individualisme, vont servir le plat de la victoire à ce pouvoir, de revenir à la raison. Il s'agit d'une cause morale à défendre devant les souffrances de nos parents, et surtout de nos enfants, les enfants de Centrafrique, et donc l'avenir de notre pays en phase de braderie.

Cette cause morale implique un sens responsable des leaders, porteurs d'espoir des Centrafricains engagés derrière eux. Il n'est vraiment pas trop tard. Tous, n'attendent que ce déclic d'union. La passion ne paie pas ici.

 

On nous parle du quadrillage du pays par une milice armée formée des gens de tribu et nos frères Tchadiens, au mépris de l'armée régulière qui attend toujours sa restructuration. Si cette information est fondée, nous dirions que le pays est dans la situation d'un prisonnier condamné à mort, qui croupit dans le couloir de son destin.

 

L'action à mener pour arrêter ce régime, ne pourrait se révéler efficace que sous l'égide de L'UFAP, une structure traditionnelle qui change souvent de nom, mais tristement gangrenée par les luttes des ambitions et les compromissions secrètes ou supposées avec le pouvoir. Mais l'UFAP, reste malgré tout, le seul lieu pour une meilleur organisation, sinon on ne voit pas comment parvenir à bout du rouleau compresseur. Si la voix unie des leaders pousse un seul cri, c'est tout l'intérieur du pays qui s'entendra crier ensemble. Imaginez l'occasion d'un meeting à travers le pays, où tous les leaders se serrant les coudes, mettent devant cette chaîne un seul candidat !

 

JEAN PAUL NGOUPANDE

Nous pensons qu'il est l'homme indiqué pour être le candidat de l'union. Mais avant d'essayer de justifier ce choix, voyons d'abord ceux qui font le poids de l'UFAP parmi les quels des figures historiques du pays, qui mériteraient un statut particulier durant le reste de leur vie politique, mais également pour leur retraite demain.

Le Président KOLINGBA dont la voix porte encore. Le professeur Abel GOUMBA l'homme de conviction qui a donné de toute sa vie pour ce pays. Le vieux baroudeur David DACKO, l'homme de tout les temps, l'homme intègre ; le seul à son double passage au pouvoir qui, non seulement a su distinguer la poche de l'Etat de sa propre poche, mais surtout à comprendre que le tribalisme et la corruption sont en inadéquation avec le pouvoir de l'Etat ; question de mentalité et de comportement, ce qui lui a valu notre soutien comme directeur de sa campagne en France aux élections de 1993. Il est tout de même regrettable que cet illustre homme est incompris, parce que dans ce pays, la tendance cherche toujours le coupable ou le responsable au sommet. Ensuite vient l'outsider Enoch LAKOUE qui a fait ses preuves dans le passé et qui a encore le temps de repartir un beau jour.

Le cahier politique ne peut retenir ces anciens, parce que non seulement d'aucuns sont rattrapés par l'âge mais il y a aussi des raisons d'orgueil, pour que les uns n'acceptent de servir sous les autres. Bref ne nous demandez pas plus. Seulement, nous en appelons à un sens réaliste du Président KOLINGBA , à l "objectivité du professeur GOUMBA , à la sagesse du Président DACKO , et à la patience du Premier Ministre LAKOUE.

 

POURQUOI ALORS JEAN PAUL NGOUPANDE ?

 

Lorsqu'on regarde son parcours, le personnage est guidé par l'éthique politique africaine, puisqu'il en a fait quelques publications. Le problème politique d'un pays africain étant le même que celui des autres, il n'y a pas de raison que certains dirigeants essaient de bien faire, cependant que d'autres ne le font pas ! Jean Paul NGOUPANDE pourrait faire parti des premiers. On l'a vu à pied d'_uvre lors de son passage à la primature, qui témoigne du sens de rigueur dans l'assainissement des finances publiques et l'amorce de la fin des

complaisances, ce qui donnait des lueurs d'espoir. Mais hélas, tout le monde sait qu'il est taxé d'usurpation du fauteuil suprême ! Sous la forte pression d'un entourage présidentiel qui voyait dans cet effort de volonté politique, l'éloignement du profit dont il jouissait, NGOUPANDE est remercié purement et simplement. Et comme l'a dit un ancien dirigeant de l'ONU, " le surprenant départ d'un gestionnaire comme celui-là, laissera la R.C.A longtemps dans cette situation ".

 

J.P. NGOUPANDE a eu l'admiration de la communauté financière internationale, pour avoir travaillé avec des délégations. Courageux, il sait faire la part des choses à tous les niveaux. Il jouit également de la confiance de certains milieux politiques français et des investisseurs. Cela est très important, pour nos liens historiques et sacrés avec la France. On ne quitte pas son principal partenaire de tous les temps comme ça, n'en déplaise..

 

Il y a aussi le témoignage public des anciens étudiants du philosophe à Paris, qui lui reconnaissent l'objectivité d'un professeur qui affecte toujours la note méritée à l'étudiant. Il est impartial. N'est-ce pas là aussi des signes de probité pour un personnage qui mérite confiance ?

 

Enfin J.P. NGOUPANDE ayant remarqué que la notion de formation politique reste encore encastrée dans les rivalités tribales dans ce pays, il envisageait de jouer son destin politique en rassembleur, en candidat indépendant bien sûr. Mais un parti politique par essence pris comme support, l'a rattrapé. Se reconnaissant dans le P.U.N. qui est une formation pluri-ethnique, apparemment pas comme les autres, il a accepté d'en être le président.

Bref, J.P. NGOUPANDE n'est pas un amateuriste. Il a travaillé dans plusieurs cercles de réflexion au problème africain.

 

C'est pourquoi le Centrafricain pour l'heure conscient de la situation de détresse dans laquelle le pays est enfermé avec les conséquences imprévisibles, doit prendre de la hauteur à sa passion à toutes tractations, pour un choix utile. Les enseignants de tous cycles de formation, les étudiants et la jeunesse toute entière, ont intérêt à travailler pour que le peuple centrafricain accorde sa confiance à J.P NGOUPANDE.

 

PATASSE lui :

 

Voilà un personnage initialement bâtisseur, à la fois courageux et manipulable, ce qui contribuerait sans méchanceté à la versalité de son caractère. Tout a commencé à son premier sommet franco-africain de chef d'Etat, où ses paires se servent de lui pour dire ce qu'ils pensent bas de la politique africaine de la France Très vite le ton monte entre lui et le ministre français de la coopération, pour être hélas lâché par ces derniers !

C'est à cet instant même, que l'arrêt de mort politique du bouillant président est signé, il est par conséquent désormais réduit à l'expression d'un président de gouvernement local sans aide réelle ,il faudrait aussi le reconnaître. Mais son fauteuil sera sauvé in extremis, de l'intrépide attaque des jeunes soldats mutins, non pas par rapport à lui même, mais par crainte d'éclaboussement qui pourrait créer un précédent dans la sous région. Mais aussi n'a t-il pu saisir la perche tendue par l'intermédiaire du passage de Jean Paul NGOUPANDE comme chef de gouvernement, destiné à appliquer le programme minimum commun, concensuellement conçu par toutes les formations politiques. Il faudrait également rendre compte que l'attaque des mutins ne visait initialement pas les populations civiles, loin de là, même si ce jeune corps d'armée comptait un peu plus de nos frères d'eau. Seulement il y a eu récupération politique, due à la faiblesse de la garde présidentielle. Le pouvoir va dont enrôler les arrondissements civils favorables au régime, d'où est née l'idée de milice qui a germé dans la tête des dirigeants ;ce qui ne cadre nullement avec les réalités socio-ethniques centrafricaines.

 

En conclusion, le populisme de PATASSE est aujourd'hui socialement, en dehors de son parti qui se vide en silence, sujet à désillusion.Il appartient à un autre monde. Celui de l'être qui se voit submergé d'une croyance en lui même, et qui devient dangereux ; le monde des chefs d'Etat dictateurs. Comprenez que même réélu malgré le pays mis en mal, il est loin de tourner une page. Sachant que l'unique chance d'être réélu est donnée au premier tour, il est à la mode, il fera tout ce qui est en son pouvoir pour franchir la barre des 50 %, profitant bien entendu des divisions du camp adverse qui tombe dans l'absurde.

 

On sait qu'avec des candidats de l'envergure de DACKO, GOUMBA, et KOLINGBA, un deuxième tour est incontournable, à la seule condition que le scrutin se déroule correctement. Une éventuelle victoire de l'opposition sur le régime Patassé, se jouerait seulement, et exclusivement dans la cour des trois anciens poids lourds pourvu qu'ils veuillent bien taire leur égo. Mais avec ce pouvoir en place rien n'est moins sûr.

 

L'erreur d'agitation ou de la passion ou encore d'antipathie dans laquelle versent les membres de l'UFAP sera fatale au pays. Il ne faudrait pas penser que c'est la présence internationale ou la force tampon stationnée à Bangui, qui donnera la victoire à l'un ou l'autre. La meilleure organisation fera la différence. Car l'expérience à toujours montré dans les pays africains, que lorsque des élections quand bien mêmes démocratiques, sifflées d'irrégularités sont proclamées, le vrai faut vainqueur jouit tout de suite d'un privilège légal. Les réclamations n'aboutissent pas. Les observateurs étrangers n'invalident rien, si ce n'est un simple rapport de circonstances.

 

Après, intervient le traditionnel scénario : pseudo gouvernement d'ouverture pour calmer les esprits, puis rapport tumultueux avec les membres intrus, qui doivent poser un genou par terre en simple figurants sinon la porte. Les privilégiés qui ont fait compromissions digestives avec le pouvoir, finiront à leur tour par là. Voilà dans quel état sera mis le pays, sur la faute encore une fois, des leaders de l'opposition.

Il y aura certes des candidatures dans l'air, mais ce déclic moral utile et nécessaire de dernière heure jaillira dans la tête de nos leaders, nous en sommes sûr. Tout n'est pas perdu.

 

Au pire des cas, ce pouvoir doit savoir que lorsqu'on a pas la capacité de gérer une société, on ne se maintient pas pour jouer avec des vies humaines. La vie d'un homme ne vaut rien. Mais rien ne vaut la vie.(..)

Nestor Adoum Issa.


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